ARTMONY
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
ARTMONY

MUSIQUE & ARTS
 
AccueilAccueil  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
-34%
Le deal à ne pas rater :
-34% LG OLED55B3 – TV OLED 4K 55″ 2023 – 100Hz HDR 10+, ...
919 € 1399 €
Voir le deal

 

 SERGE GAINSBOURG

Aller en bas 
5 participants
Aller à la page : Précédent  1, 2, 3, 4, 5
AuteurMessage
Nine
Admin
Nine


Nombre de messages : 12705
Date d'inscription : 03/05/2008

SERGE GAINSBOURG - Page 5 Empty
MessageSujet: Re: SERGE GAINSBOURG   SERGE GAINSBOURG - Page 5 EmptyDim 15 Déc - 13:31

La très belle ANNA K.
reine de la nouvelle vague
quel regard superbe entre ces longs cils


SERGE GAINSBOURG - Page 5 000_arp3630448-4563819
ses yeux étaient
bleu, gris, vert
pailletés d'or
un peu nostalgiques
un très
 beau regard
qui venait du froid
le Danemark
serait elle enfin

sous le soleil exactement ?
sad sunday

Mister Gainsbourg
n'est plus seul
chez les fumeurs de Havane
si quelqu'un connait encore
ANNA KARINA
ce nom ressemble
à une héroïne de Tolstoï
qui traversait la steppe
sur un traineau
fendant la neige
Gainsbourg lui a donné du
SOLEIL.
Revenir en haut Aller en bas
http://www.artmony.biz
liliane
Admin
liliane


Féminin Nombre de messages : 19362
Age : 49
Localisation : dans la galaxie
Date d'inscription : 02/05/2008

SERGE GAINSBOURG - Page 5 Empty
MessageSujet: Re: SERGE GAINSBOURG   SERGE GAINSBOURG - Page 5 EmptyJeu 19 Mar - 10:29

Alors que Charlotte va transformer en musée la maison de son enfance, rue de Verneuil, Jane revient sur leurs années Gainsbourg. 

Jane « SERGE AVAIT DES PRINCIPES STRICTS, PRESQUE VICTORIENS. LES FILLES DEVAIENT TRE POLIES MAIS POUR LUI CHARLOTTE NE POUVAIT RIEN FAIRE DE MAL »


Interview Benjamin Locoge




SERGE GAINSBOURG - Page 5 C964aaee-8a04-4aaf-87ef-b7f82414c6bc




Paris Match. Chanter Gainsbourg dans le monde entier, c’est vous replonger dans les années 1970. Que représentent-elles pour vous, alors jeune maman de deux enfants ?





Jane Birkin. Quand tu lis mon journal, je ne parle jamais de mon métier, de ma vie professionnelle. Ça ne veut pas dire que les films ou les disques ne comptaient pas. Mais, en tout cas, ce n’est pas ce qui me préoccupait tous les jours.









SERGE GAINSBOURG - Page 5 01b192f4-6952-448a-bf78-74940f1c5574






Votre priorité c’était la vie de famille plus que votre carrière ?




C’est un peu facile de dire ça parce que j’avais tout, avec Serge, nous ne menions pas une existence ordinaire. On sortait dîner vers 22 heures, puis on faisait le tour des boîtes de nuit jusqu’à 5 heures du matin. On rentrait à la maison, on prenait le petit déjeuner en attendant que Kate et Charlotte se réveillent. Serge disait qu’elles étaient comme des petits oiseaux dans un nid. C’était tellement ça ! On voyait leurs petites bouilles apparaître, on finissait le petit déjeuner ensemble, je les emmenais à l’école et on allait se coucher. Je me réveillais vers 16 heures, juste à temps pour aller les récupérer. Puis on filait aux Tuileries pour jouer, parce qu’il n’y avait pas vraiment l’espace pour ça, rue de Verneuil. Elles avaient une si petite chambre, là-bas…

Toutes les activités se faisaient dehors.










SERGE GAINSBOURG - Page 5 7ed5172f-eca8-417e-ae10-3ae876c634dd
1. Conversation avec vue sur Manhattan. 2. Déjeuner chez Russ & Daughters. 3. Promenade sous l’averse : les parapluies de Gainsbourg.






Vous avez souvent dit que le quotidien n’était pas simple, rue de Verneuil…




Heureusement qu’avec l’argent des films de Claude Zidi j’ai pu acheter ma propre maison en Normandie, où nous allions le plus souvent possible pour ne pas subir le règlement de Serge ! Rue de Verneuil, c’était quand même comme vivre dans une galerie d’art. Alors qu’à Cresseveuille, c’était une vie sauvage, dans le petit presbytère où les enfants étaient libres toute la journée, comme moi je l’avais été avec mon frère et ma sœur sur l’île de Wight. Nous avions besoin de cette soupape, la rue de Verneuil était trop étouffante.

Serge était déjà père de deux enfants avant que vous n’entriez dans sa vie. Son amour inconditionnel pour Charlotte était-il à relier au fait qu’il avait été privé de Paul et Natacha ?




Je ne me mettrai jamais à la place de Serge. Il disait : “Ils viendront plus tard.” Moi, j’ai essayé de les faire venir, mais ça s’est mal passé. Leur mère exigeait que Serge lui verse une fortune pour les voir. Le divorce imposait sa présence. Ça me semblait tellement curieux comme situation… Il était heureux d’avoir Kate, qui avait l’âge de son fils et apportait tellement de joie dans la maison… C’était un cadeau. Et puis Charlotte est arrivée. C’était tout ce qu’il voulait.

Quel père était-il avec Kate et Charlotte ?




Strict, de la manière la plus victorienne possible. Les filles devaient être polies, se tenir droites sur leur chaise, ne pas poser les coudes sur la table, ne pas croiser la fourchette et le couteau. Je m’engueulais avec lui, je le trouvais trop sévère. Et en même temps, il était le père le plus déconneur qu’on puisse avoir. Un enchanteur. Je me souviens de lui dans les couloirs d’hôtel, dansant comme un crapaud et sautant sur les chaussures à cirer posées devant les portes.

Charlotte vous parle souvent de son enfance ?




En ce moment oui, car elle va enfin transformer la rue de Verneuil en musée. J’espère qu’elle va pouvoir y arriver pour les trente ans de la mort de Serge l’an prochain. A New York nous avons passé beaucoup de temps à discuter, car elle réalise un documentaire sur moi, où elle me pose tout un tas de questions sur ma vie à cette époque. Je suis très heureuse qu’elle le fasse, parce que je me souviens encore des événements. Ça nous permet de parler des choses de la vie, de comment était cette période.

Ça vous réjouit que la rue de Verneuil devienne un musée ?




Dans le fond, oui. C’est un tel trésor ! Mais je comprends que ce soit plus compliqué pour Charlotte. C’était la maison de son enfance. On connaît tout de Serge. Tout a été dit, montré, raconté. Cette maison était la dernière petite chose, juste pour elle.

Vous y êtes retournée ?




Non, je vois de loin les graffitis et ça m’enchante. Ça montre qu’il est toujours présent dans l’esprit des gens. Je préfère éviter de passer devant !

Quand vous voyez Charlotte aujourd’hui, vous voyez Serge ?




De plus en plus. Physiquement, surtout. Et parce qu’elle ne supporte pas quand ce n’est pas parfait. Et ça, c’est vraiment comme lui. Elle ne se prononce jamais sur un sujet si elle n’a pas toutes les données. Au fond, Kate et moi étions des “étrangères”. Ce n’était pas dit méchamment, mais Charlotte et lui étaient fabriqués du même bois. Charlotte le savait. Pour Serge, elle ne pouvait rien faire de mal......

Comment expliquez-vous que Charlotte ait mis autant de temps à chanter en français ?




Il fallait qu’elle en formule elle-même le besoin. Car nous, ses parents, étions un fardeau. Il y avait des parallèles sans arrêt. Il fallait qu’elle se forge une personnalité, une écriture. Et elle l’a fait. Elle a épaté tout le monde avec ses paroles. [Elle rit.].....






Vous avez souffert du départ de Charlotte ?




Oh ! je voulais juste que Charlotte et Lou aillent bien. Son départ a été essentiel pour elle, pour sa survie. La mort de Kate a été un tel drame… Partir, c’était une manière de pouvoir se concentrer sur elle-même, ses enfants et son mari. J’ai compris aussi, la semaine dernière, à New York, qu’elle s’épanouissait dans l’anonymat. J’avais vécu la même chose à mon arrivée en France. C’était une telle gaieté d’être séparée de mes parents, j’avais une telle sensation de liberté ! Charlotte, quand elle revient en France, on lui dit en permanence : “Serge nous manque.” Moi, ça ne me gêne plus. Mais, pour elle, j’imagine que c’est lourd à porter...............

 @BenjaminLocoge
« Munkey diaries » et « Post scriptum », Ed. Fayard.




PARIS MATCH


Dernière édition par liliane le Mer 3 Fév - 10:27, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://artmony.forumactif.fr
liliane
Admin
liliane


Féminin Nombre de messages : 19362
Age : 49
Localisation : dans la galaxie
Date d'inscription : 02/05/2008

SERGE GAINSBOURG - Page 5 Empty
MessageSujet: Re: SERGE GAINSBOURG   SERGE GAINSBOURG - Page 5 EmptyMar 5 Jan - 8:19

SERGE GAINSBOURG - Page 5 Captu882

LE FIGARO
Revenir en haut Aller en bas
https://artmony.forumactif.fr
Nine
Admin
Nine


Nombre de messages : 12705
Date d'inscription : 03/05/2008

SERGE GAINSBOURG - Page 5 Empty
MessageSujet: Re: SERGE GAINSBOURG   SERGE GAINSBOURG - Page 5 EmptyMar 5 Jan - 13:46

ENFIN ..
c'est un petit rien
mais çà vaut mieux que tout




mais c'est très bien
enfin.
vu qu'on oublie tout
...
Revenir en haut Aller en bas
http://www.artmony.biz
liliane
Admin
liliane


Féminin Nombre de messages : 19362
Age : 49
Localisation : dans la galaxie
Date d'inscription : 02/05/2008

SERGE GAINSBOURG - Page 5 Empty
MessageSujet: Re: SERGE GAINSBOURG   SERGE GAINSBOURG - Page 5 EmptyMer 3 Fév - 10:25

Autodafé



Le Dandy nu




SERGE GAINSBOURG - Page 5 Detail10





En 1984, deux journalistes de Libération rencontrent Serge Gainsbourg chez lui, à l’occasion de la sortie de Love on the Beat, et le prennent en photo. Le cliché est célèbre : le chanteur pose nu. Bayon, qui était l’un d’eux, raconte ce moment si particulier mais aussi lorsqu’en mars 2020, le photographe Patrick Duval et lui ont brûlé ces images.

Tout a une fin, dit la formule – creuse comme toutes les formules. Notre histoire, aux airs de morale, un peu touchante, grave, illustre et dérisoire, parle de fin vide de sens. Cela pourrait s’appeler « La petite mort posthume de Serge Gainsbourg », « Cérémonie secrète » ou « L’effeuille-mort » et cela s’est passé les 13 et 14 mars 2020. Deux jours avec les esprits de la vieille canaille, deux jours dignes de lui à « tout foutre en l’air », comme aux temps d’amitié eighties où, devant la porte d’un antiquaire de sa rue de Verneuil, il saccageait le hussard de carton bouilli qu’il venait d’acheter à prix usuraire pour me l’offrir et que je menaçais de piétiner s’il insistait – berk. Chiche ! Deux jours, dont une nuit, de recueillement pour rire, de dispersion des corps sans états d’âme, en retournement des morts ainsi qu’on le pratique à Madagascar où l’on déterre les cadavres pour les trimballer en procession, à secouer et dépoussiérer à l’air, avant remise au trou. Deux jours de requiem pour un con et quelques – lui et nous deux, pris pour tels ce jour de coup de chaud où l’artiste arsouille nous forçait, quarante ans avant l’heure, sous prétexte d’illustrer un article choc en exclu à paraître à propos de la sortie de l’album Love on the Beat, chez lui en petit comité et tenue, à le voir à poil (et à pas peur). Un après-midi de dévoi(l)ement hard-core contre deux de vagues remords en dissipation de brise marine. « La chair est triste, hélas !... »

LE PHOTOGRAPHE


L’ami Patrick en avait pris la résolution depuis un bail : il fallait effacer les traces de cet exploit voyant, « flashant » – en SG dans le texte : le shooting du héros en tenue d’Ève porno dans tous ses états exhibos, jouant son va-tout full monty martien 1984, en cabot pro du scandale promo – Rock Around the Bunker ou la Shoah-pop vert de gris ; la chapelle Sixtine anale de Je t’aime... moi non plus ; le bifton brûlé en direct TV ; La Marseillaise rayée reggae ; la mort mot à mot du sujet; l’inceste popote mode d’emploi... et en attendant, la mise à nu intégral.

Patrick Duval aux dix vies polyglottes nomades, à Paris, Rome ou Tokyo, condisciple de Sarkozy à son plus loustic sur les bancs du lycée Chaptal, journaliste au long cours, notamment pour Télérama, restaurateur de prestige japonais, entretemps cadre à la chambre de commerce, confident trouble de Marguerite Duras comme du tueur anthropophage Issei Sagawa, de l’écrivain Peter Handke ou du cinéaste nanophile Werner Herzog, de Cartier-Bresson ou de Doisneau, donnant à temps perdu une plaque funéraire à l’inspirateur du grunge Emmanuel Bove, esthète de la méditation équestre, accessoirement photo graphe, de mariage, de tournage, du gotha culturel, de Godard à Marianne Faithfull en passant par Johnny, entre deux séminaires de Barthes ou de Foucault en voisin de Luchini, et autant de trips, voyages, amies, amis, dont son inséparable play-boy filou agitateur disparu Charlie Najman : Patrick aux yeux verts a été mon partenaire, reporter photographe de prédilection et d’autorité, quelques décennies de semi-imposture de presse durant, notamment au chevet des mythiques Hubert Selby Jr, Orson Welles ou, donc, Serge Gainsbourg qui nous intéresse.

LA MISSION


Le 13 mars 2020, nous voici partis en séminaire garçon binaire, avec Patrick au volant d’une quelconque Mini Cooper conjugale, pour le bord de mer normand, refuge de tant de nos virées antérieures, crises, fêtes foraines, vies, deuils, entre Cabourg (Proust), Honfleur (Jean Lorrain, Satie), Étretat (Maurice Leblanc -Lupi n), Trouville (Dumas, Proust encore, accessoirement Flaubert ou Duras), où nous nous posons pour la circonstance au 8, rue des Roches-Noires, tout au bout du bourg, à l’ombre du calvaire, dans le pied-à-terre acquis par l’ami photographe une trentaine d’années auparavant, devant la grève grise.

Le temps de débarquer léger, d’aller déjeuner, frugalement comme de juste, au port, au pont, au casino ou au village, et nous nous y mettons tranquillement devant une tisane d’anis. Il ne s’agit pas d’en faire tout un plat, mais nous sommes là pour... Patrick Duval déballe donc sa mallette au trésor, exhume les documents, vite répandus en manne suspecte à travers la grande table du salon marina sur balcons. Soit : trois ou quatre films noir et blanc débités en négatifs ; autant de planches-contacts en regard ; deux ou trois boîtes de diapositives ; et une liasse de tirages papier plus ou moins luxueux des clichés les plus réussis, esthétiques ou « dégueus » (mot fétiche gainsbourien), c’est selon... Le compte est bon. Voilà le travail, l’affaire à régler.

Il fait soleil et frais, de la fenêtre, en arpentant l’appartement à flanc de roche (noire), on voit, passé les créneaux du castel Pauwels ou approchant, par le chemin de sable d’accès aux planches, la mer calmante, la grande dissipatrice, la Manche étale, létale. En balance avec les c..., la b... et la raie du c... du sujet dissipé, mort et enterré sur ces entrefaites (et fesses), éparpillées là par poignées. L’heure est à la réflexion, au retour sur soi, à la lumière qui s’éteint bienveillante au crépuscule.

FLASH-BACK


L’occasion d’un repassage en revue de la séance de photo d’identité automnale au sommet de 1984, dans la bien nommée « chambre noire », à l’étage des fameuses Dépression au dessus du jardin, du Des Esseintes de Verneuil. Dont resurgit, en fond de décor spleenétique, tel après-midi de visionnage home video de snuff movie extrait pour moi des collections très privées SG, avec viol canin sur mineure, entre autres (« Mate les yeux de la fille, ses yeux... » commentait notre Ecce Homo d’ami de sieste), vautrés sur le lit noir de morgue avec le vieux gamin dépravé de Paris ravi.

L’occasion de revoir la scène – comme on dit « scène de crime ». Revoir... voire ! Rien ne nous vient, rien du tout... Rien, si ce n’est pourtant cette position accroupie siamoise, blottis l’un contre l’autre avec Bambou, la femme de paille aux yeux sans paupières, sur le pas de l’antre. Là, tapis dans l’ombre, comme deux figurants de Jeux interdits peu rassurés, à l’huis entrebâillé de La Barbe bleue à la yellow star, les yeux écarquillés, voyeurs bon gré malgré de la prise de vue engagée, à reluquer, assistant coûte que coûte à la mise à sac. 

Rien, si ce n’est, au fait et surtout, ce qui remonte finalement comme si l’on y était : le moment crucial, de bascule, où, entre deux approches « suggestives », deux recherches de « gestuelle » provocante concons, du genre Gainsbourg, chemise ouverte, surjouant le geste drapé très mec de dénouer sa boucle de jean, de baisser sa braguette, entre deux nouvelles libations de champagne rosé, l’instant où, trêve de minauderies, le poseur d’habitude en venant au fait, à ce qu’il mijotait de loin, vieux fourbe, dit, tout à trac, exactement : 

« OK, vous êtes durs, les gars. Je vois où vous voulez en venir. C’est vache », et joignant le geste à la parole, à l’esbroufe, pour couper court à mon début de recadrage agacé – holà, pas de malaise... –, s’autorisant hâtivement de nos prétendues sollicitations appuyées, cédant à mon chantage éhonté allégué à son amitié, Gainsbourg entre dans le dur, le désapage. « Vous avez ce que vous vouliez... 

Bravo ! » fourbasse-t-il. Et de s’éclipser, sur ce, dans sa salle d’eau attenante, faussement pressé et contraint, pour s’apprêter, se fignoler, se faire désirer, s’appareiller, coquet, et resurgir, abracadabra, dévêtu, nu comme un ver, sous nos yeux censément ébahis. Ciel ! Pas tout à fait nu intégralement encore... Super Gainsbarre garde une mini- serviette à la taille, en dernier rempart à sa pudeur bien entamée, presque prêt pour la parade, le grand jeu, l’extra-large, la revue de presse rêvée et ourdie par sa machine à inspirations tordues, sa petite idée de derrière la tête : faire l’actu, forcer la note, aller au clash, à l’attentat aux bonnes mœurs, focaliser l’attention – « C’est bien parce que c’est toi, et Libé... Qu’est-ce que vous ne me faites pas faire... », voyant d’avance la « une » en rouge moite du journal clignoter devant ses yeux d’arnaqueur onaniste : « Gainsbourg fout le paquet ! »

Et l’intéressé, tombé le petit linge, de nous le mettre (le paquet) sous le nez. À prendre (en photo) ou à laisser. À la Mitchum, ivre-mort ce soir de gala d’ennui à Hollywood où, horripilé par le papotage de folles à sa ronde, il sort sa verge de son pantalon de smok’ en plein flafla, et la flanque sur la table : « Alors, les filles, qui est-ce qui me la suce en premier ? »

EXHIBITION


Les évolutions, poses, langueurs plus ou moins « classieuses » de l’ami Serge possédé, à partir de là, oscilleraient entre inquiétante étrangeté nimbée de beauté piteuse de cette autocélébration biaisée, mystère de l’incarnation vermeille d’une star à l’humour noir en phase trans-LGBT avant l’heure un peu grave, passages de grâces charnelles blêmes, expressionnistes, eucharistie de l’anatomie potelée à peau de lait, glabre, plutôt juvénile, du chanteur à femmes-enfants – et pathé tique de toute exhibition, puérile, nudité d’homme en vanité.
Serge Gainsbourg au zénith finissant se payait là le luxe éméché de s’offrir en pâture, se cherchait à vif, assez puceau rougissant de son audace déplacée, se passant à la question, avide d’interdits ineffables, se tourmentant à plaisir en saint sulpicien un peu douillettement percé de traits maniéristes, de dards de douleur exquise, s’enamourant au pilori glamour dopé au « 102 » (double Pastis 51), moins gore et raide qu’un peu olé olé, de fait, en auto-martyre d’ex-rimailleur à plumes pour grandes Zoa de chez Madame Arthur. Gainsbourg en folle de Chaillot enlevant le bas et les bras en l’air pour plus de lascivité, de ligne, rentrant le ventre et se mordant les joues, de face, de profil, de dos, dodu – poupous, tutu, touffe et douilles à tout vent, en pâmoison taulière plus ou moins altière.

Le beau Serge qui se retirait épisodiquement à l’écart, timide, pour se refaire, se rafraîchir, éponger, pomponner, embaumer, s’employer cependant, sans nul doute, à donner du jeu à son organe à peine réservé en la circonstance, censé crever l’écran, « trouer le cul », mais tendant à rester en retrait, bien trop chaste et pudique, loin de la flamberge au vent de l’imagerie paillarde et autre « gourdin dans sa housse » du cru, Gainsbourg travaillait au corps – le sien –, le ravissement inouï, l’intouchable, la défaillance obscène, l’ek-stase sale... Pâle comme une pierreuse, inquiet, fuyant notre regard captif et en étalant ensemble, frissonnant, cherchant le trouble graveleux, la transgression, aspirant au sacrilège, à l’Histoire de l’œil de Bataille, visant l’immonde irréparable, le viol des convenances, la bougrerie à la Lorrain – modèle louchébem « enfilanthrope » de Charlus ou Huysmans et Floressas, son héros déviant –, le Gainsbourg de cette drôle de partouze solitaire entourée d’œilletons imposés, prend des attitudes comme on jouait aux « attitudes » à la mode des salons de Naples ou de Londres, au temps de lady Hamilton, de lord Nelson et de Gainsborough.

Il mime, frime, se risque au pire, s’écarte, s’étire au flanc, se met au défi, se fend à fond, s’ose à plat ventre, langue dardée, au bord du lit quatre places de boudoir à bobinard gay Paris miroitant, esquisse une audace à quatre pattes, tous reins dehors, mais se reprend, replié en chien de fusil, en fœtus, s’entortillant sans suite dans un boa velu trop trav’...

Il se redresse, raidit la posture, à la légionnaire, cambre, contracte, sur les nerfs, retiré dans son Jardin des supplices secret de chevet, paupières chavirées, mains en coque de protection, pudibonderie-réflexe assez tardive sur le pubis, se fouille en attente de grand frisson scabreux, convoite le sexe d’effroi à rebrousse-poil, le trop- c’est-trop du topless au mas culin, hésite un instant à mettre en jeu tels olisbos de sa panoplie obligée du viveur-jouisseur-collectionneur, godes raffinés présents sur les lieux, dans leur coffret laqué à « adjuvants », entre bagues à nœud, sangle à bourses, œuf d’amour, lancette, capsules, visière et bâillon... Fiévreux à glace, il appelle la tension à son comble, la rupture, le vertige, le spasme du stupre, l’abîme en luxure, l’empire des sens, sens dessous dessus, s’abandonne à corps perdu...

Las, pour paraphraser l’artiste misogyne lui-même, « le plu s beau Gainsbourg du monde ne peut donner que ce qu’il a... » En l’espèce, un corps bizarre de bébé biberonnant de 60 ans, poupon doux mi- dodo-à-dada-sur-mon-Mickey (« maousse ») mi-doudou klaxonné, plus câlin que hardeur double fist. Il y a de la tenue de contention dans cette inconduite recherchée, de la discipline chez ce dissolu, de la correction incorrigible dans cette tentation d’incorrection appliquée, où la sévérité règne, soit dit en passant, sans un soupçon de relâchement humoristique, de risette déplacée – gravité marmoréenne d’abord – et vice-versa, de la tendresse et du poli dans cette raideur d’ivoire.

Celui qui nous confiait d’ailleurs alors, hors micro et bravade, qu’au rayon torride, avec son « tutu », il ne faisait plus guère que « jouer à la poupée », croisait moins, en la circonstance, sur les crêtes disco backroom ecstasyques à « poutre app’ » de Love on the Beat, que dans les eaux d’approche du Styx d’un improbable Stan the Flasher 2, le retour – Les Éros sont fatigués.

Au bout d’un long après-midi entier de ce régime éprouvant, harassant, de prémices et simulacres « sensuels et sans suite », sans « érex’ » ni « éjac’ », à la poursuite de « l’amour physique et sans issue », la séance prendrait fin ainsi qu’un accès cesse, de guerre lasse lascive.

RETIRAGE


À la revoyure amicale, quatre décennies et une mort plus tard, la tentation était un peu la contrition, la dérision – au mieux : la complicité foireuse. L’un de nous résumait « C’est vraiment de la couille... » ; l’autre «...en barre ». Et l’un ou l’autre, cisaillant à qui mieux mieux au fil des heures l’un des multiples avatars du vit gains bourien représenté en lamelles ultra-fines, inventait le concept de « circoncision post-mortem ».

Avec un peu de hauteur, pour autant, toute honte bue, on pouvait aussi bien finalement revoir ce transport sacrificiel, ce rituel de possession totémique disco-vaudou on the beat, avec les yeux du surréalisme poético-psycho-anthropologique, réévaluer la chose un peu barbare, pourquoi pas, comme une espèce de cadavre exquis érotomaniaque idéal, entre Man Ray et Picasso, Dalí, Bataille, Leiris ou Artaud, du côté et du temps d’un Gyula Halàsz Brassaï...

Patrick Duval en conseiller spirituel et technique, cependant, dans le rôle de l’archer photographe sacré, aurait joué bravement le jeu, tirant et décochant ses flashs, scoopant à vue, mettant en boîte, sans y regarder de trop près, la composition assez libre, évasive, le happening bareback – plus mis en boîte lui-même qu’autre chose, avec moi pris à témoin par terre du déballage en réclame de printemps bourgeonnant, Bambou neigeusement lovée tout contre, frémissante ; assistant tous deux (et demi) en silence, saisis, au hold-up cataleptique par Gainsbarre de son petit coffre-fort à bijoux de famille, le grand Serge braquant pour la postérité ses derniers retranchements de vague intimité à quitte ou double, en tapis rose chair. Clac clic, merci Patrick.

D’où t’est venu ce projet de détruire tous tes nus de Gainsbourg ?


Ça n’a jamais été un projet. Ça fait longtemps que je ne fais plus de projet. Comme disait Lennon, « la vie, c’est ce qui passe pendant que vous faites des projets... » Il n’y avait rien d’autre à faire que de détruire ces images qui étaient impubliables, immontrables et que je n’avais moi-même aucun plaisir à regarder, car en dehors du fait qu’on voyait SG nu, de face et de dos, elles étaient franchement moches, éclairées au flash. Une honte. Aussi gênantes pour le sujet que pour le photographe.

Mais pourquoi les détruire ?


Je pense que la responsabilité de les détruire me revenait à moi disons à 70 % et à 30 % à toi qui m’avais placé en situation de les faire. Comme nous étions d’accord, la majorité absolue était atteinte et nous étions tous deux assez excités d’en faire une petite aventure cérémoniale. Une destruction tout à fait démocratique, en somme.

Qu’y aurait-il eu de si grave à conserver tout ou partie de ces documents intimes, après tout rares, un peu historiques ?

Rien de vraiment grave, mais je me disais souvent que si je mourais d’un seul coup, les photos pourraient se retrouver en possession d’ayants droit à qui je n’avais pas envie de léguer une telle décision à prendre.

D’ailleurs, où ces mauvaises photos avaient-elles leur place ? Nous avons vaguement songé à les donner à sa fille Charlotte, mais, outre le choc qu’elle aurait peut-être eu à découvrir la nudité de son père dans cet état, en quoi était-elle plus qualifiée que nous pour statuer ? Et puis Gainsbourg avait eu d’autres enfants. Je ne me voyais pas faire la tournée des héritiers. De la série, nous avions sélectionné à l’époque, pour Libération, une dizaine d’images en noir et blanc dont celle que nous avions baptisée « l’icône » ou « Sardanapale », où SG est allongé sur son lit, une cigarette à la main, le drap recouvrant le sexe mais les poils apparents, et où il est très beau. Elle a d’ailleurs été plusieurs fois publiée dans des biographies. Je pense qu’elle mériterait d’être tirée en poster et distribuée dans le circuit des images légendaires, comme celle de William Klein en travelo. Mais je ne suis pas dans ce genre de circuit.

Combien de photos représentait l’ensemble de ta prise de vue ?


Peut-être une cinquantaine. Un photographe professionnel aurait sans doute réussi plus de clichés exploitables, mais je n’ai jamais pris la photo très au sérieux et cette « occasion » qui m’était offerte de façon totalement inattendue m’a pris de court. Sur le coup, je ne pensais qu’à des détails techniques: est-ce que l’appareil était bien réglé ? est-ce que je ne me plantais pas complètement sur la lumière? C’était SG lui-même qui mettait en scène les images en prenant des poses que je ne lui demandais pas du tout de prendre. Je ne faisais qu’appuyer compulsivement sur le bouton.

Sans insister, peux-tu décrire deux ou trois de ces clichés obscènes ?


Déjà, il y avait le décor que SG avait choisi comme fond : une tapisserie orientale, hindoue ou iranienne, avec des personnages qui copulaient ou se faisaient couper la tête, ou les deux en même temps. Lui-même prenait des poses langoureuses, levant les bras façon saint Sébastien et me demandant parfois si on allait voir ou pas son sexe. Ça ne m’étonnerait pas que j’aie répondu: « Un peu. » En fait, on le voyait beaucoup.

Ton équipement ?


Flash Olympus, minable. Boîtier OM1 et objectif 50 mm (comme Cartier-Bresson). Étant déjà venu dans l’appartement de SG, je savais qu’il y faisait très sombre et que des photos en lumière naturelle éta ient inenvisageables. J’avais donc pris un flash, espérant vaguement un effet Weegee ou Diane Arbus, mais contrairement à leurs flashs au magnésium, le mien faisait un éclairage horrible, même dirigé au plafond – qui était noir de toute façon.

À propos de maîtres de la photo, tu es l’un des tout derniers à avoir approché Brassaï, semi-contemporain de Gainsbourg...


À l’époque, plus personne n’en parlait, c’est Robert Doisneau qui m’avait presque supplié d’aller le voir et de faire une interview de lui, appelant même sa femme Gilberte pour m’annoncer et pour qu’elle ne m’envoie pas balader – comme Brassaï avait eu un AVC, elle refusait presque tout, sauf sur recommandation de Doisneau, pour qui elle avait de l’amitié.

La date de rectification de Gainsbourg, mars 2020, avait elle un sens ?


Non. C’était un week-end banal. Juste à la veille du confinement...


Et Trouville ? Pour la mer ? Pour les Roches noires ? Pour Duras, à l’alcoolisme délirant notoire ?


Un jour, j’ai participé à l’éparpillement des cendres de la sœur d’une proche, au large des Roches noires chères à Duras que j’ai aussi connue assez bien. Du coup, ça m’a semblé le bon endroit en termes de gravité et de beauté du geste.

De même qu’en août 1984, rue de Verneuil, Bambou témoignait, tu souhaitais, à l’heure de l’effacement 2020, qu’on soit deux. Pour ne pas flancher ? Pour mémoire? Pour la satisfaction partagée du saccage ?


Flancher? Non, pas une minute, je n’ai songé à renoncer. Mais le fait qu’on soit deux, les deux seuls concernés et d’accord sur l’autodafé, fait que je n’ai aucun regret. Au contraire. C’était une bonne décision. Jeter, se débarrasser, est presque toujours salutaire et même un vrai plaisir.

En fait, comment ça s’est passé ? J’oublie à mesure...


On aurait pu brûler les photos, mais comme c’étaient principalement des diapos, ça n’aurait eu aucun panache. Juste une odeur de plastique brûlé. Alors, j’ai proposé une découpe des diapos et photos, en fines tranches impossibles à recoller, qu’on a jetées dans des poubelles différentes. Ç’aurait été amusant que quelqu’un essaie de reconstituer les images. Qui sait si ce n’est pas arrivé...

Un détail te titille encore : Serge te demandant de sa fausse voix d’enfant de ne pas lui prendre le sexe, tout en l’exhibant...


Il ne me demandait pas vraiment de ne pas photographier son sexe, mais si on le voyait dans la photo ? S’il avait effectivement voulu qu’on ne le voit pas, il ne se serait pas complètement déshabillé et exposé comme il l’a fait, non ? À moins qu’il ait voulu qu’on ne fasse que « suggérer » sa nudité. Ce qu’on a fini par faire, du reste.

Tu voyais autrement le traitement du thème « sex » imposé ?


Au départ, j’avais pensé demander à Gainsbourg de glisser dans son jean un truc un peu gros et dur qui laisserait imaginer ce qu’il chantait. Une baguette de pain, par exemple. Mais j’ai dû oublier de passer à la boulangerie et c’est lui qui a pris les choses en main.

Au fait, quel était son petit mot pour désigner son truc ?


Il disait « ma biroute », un mot désuet qui rappelle qu’il était né en 1928.


Le meilleur de la séance photo ?


C’est le moment où il est dans son lit et prend cette pose magnifique de Sardanapale. Juste à cet instant, je remarque sur sa table de nuit deux photos représentant des fesses de femmes – peut- être celles de Brigitte Bardot – qui confèrent à l’image finale une sorte de perfection.

... et de la séance d’effacement ?


Durant la destruction, ou peut-être juste après, tu as cassé une tasse en l’essuyant un peu trop fort. Comme pour marquer une rupture, la fin de quelque chose. Ça faisait une belle image de fin.

Finalement, pourquoi avoir attendu quarante ans pour anéantir ces photos ?


Par une tendance à fuir les décisions. Cela semble contradictoire avec mon éloge du débarras, mais trancher n’est pas du tout mon fort. Tant que j’ai un vague attachement ou, disons, un léger doute, je me dis : « On verra demain... ou le mois prochain. » Et puis vient un moment où il ne s’agit plus d’une décision mais d’une évidence. Alors, on peut jeter sans effort. C’est ce qui s’est passé. Il se trouve que cela coïncide avec les trente ans de la mort de SG. Disparition, destruction... sont des mots qui vont très bien ensemble...

Si c’était à refaire ?


Comme je n’aime pas faire deux fois la même chose, j’aurais proposé une destruction différente ; peut- être jeter les débris des photos au large comme des cendres.



Au total, de cette débauche d’images au sens propre ne surnage qu’un aperçu, celui dit « de Sardanapale » évoqué plus haut par son auteur, un non-nu. Point final ? Moins exposée, aussi morale à sa façon, l’empreinte portée du tableau de commande maniériste peu connu sublimant en saint Sébastien d’après Régnier (c. 1620) et Mantegna (1480) le poète auto -martyrisé que Gainsbourg jouissait un jour de figurer à nos yeux abusés, en rêve charnel pantelant, corps lancé de flèches de Cupidon. C’est la quintessence, le substrat. Soit Gainsbourg d’après son strip photo narcissique tel que le dépose, en le réajustant décemment au passage, d’un petit pagne de torture, Béatrice Turquand d’Auzay en illustration de jaquette livide du livre Gainsbourg mort ou vices, publié en 1992, une dizaine d’années après les faits délictueux – peinture disparue avec l’édition, retirée retitrée depuis lors Gainsbourg raconte sa mort, illustré par l’instantané « de Sardanapale » au lit... CQFD, tant il est vrai que, tout compte fait, les exhibitions maison auront moins fait recette que la pure vision de sa disparition par le mort vivant même. Une vue hors sujet et une peinture d’après les mythiques nus en photo morts rhabillée : annuler l’œuvre body art nudiste du gou a leur sa lingue de Pas long feu ici n’aura jamais que refait ce que le premier Gainsbourg rapin faisait lui-même très tôt de ses toiles oubliables : table rase. « Il faut paraître, et disparaître sitôt l’effet produit. » Du principe de Brummell appliqué au dandy nu.
Revenir en haut Aller en bas
https://artmony.forumactif.fr
liliane
Admin
liliane


Féminin Nombre de messages : 19362
Age : 49
Localisation : dans la galaxie
Date d'inscription : 02/05/2008

SERGE GAINSBOURG - Page 5 Empty
MessageSujet: Re: SERGE GAINSBOURG   SERGE GAINSBOURG - Page 5 EmptyDim 28 Fév - 9:00


GAINSBOURG COMME UN BOOMERANG




SERGE GAINSBOURG - Page 5 Detail

Cet article est issu du n° 3868

p.38  Paru aujourd'hui


 La popularité du sulfureux chanteur n’a jamais été aussi élevée depuis sa disparition il y a trente ans

ÉRIC MANDEL ET LUDOVIC PERRIN

Depuis le ciel, Serge Gainsbourg doit bien se marrer, lui qui affirmait à l’hiver de sa vie : « Je ne veux pas passer à la postérité. Comme disait l’autre, qu’est-ce qu’elle a fait pour moi ? Je fucke la postérité ! » Vraie humilité, fausse coquetterie ? Le mystère reste entier, mais trente ans après sa disparition, le 2 mars 1991 à l’âge de 62 ans, le fumeur de Gitanes reste omniprésent dans la mémoire populaire. De son intégrale rééditée à des numéros spéciaux dans la presse, expo photo et documentaires télés, toute l’industrie de la culture et des médias rend hommage au fils d’immigrés russes juifs devenu un monument de la chanson française.

Inutile de revenir sur l’influence du maître sur des générations de chanteurs, d’Alain Bashung à Benjamin Biolay en passant par Daniel Darc ou MC Solaar. « Serge Gainsbourg incarne l’artiste par excellence, souligne Bertrand Dicale, auteur d’une biographie de 1 000 pages, Tout Gainsbourg (éditions Gründ). Chez lui, la vie et la création s’entremêlent dans une liberté unique. Ses chansons laissent entendre ses passions, ses frustrations, ses bonheurs. Il chante le romantisme, l’impudeur, le sexe, la révolte dans une palette musicale allant du jazz au funk. Chez lui, tout est fait pour être vu. C’est un artiste muséal. »

Et pourtant, il n’a jamais eu la Légion d’honneur, hormis celle offerte en douce, selon la légende maison, par un fan qui était le fils d’un artisan à la Monnaie de Paris. On a envie de croire à cette fable. Car c’est de la jeunesse qu’est venue la reconnaissance, tardive, de Serge Gainsbourg. « À sa sortie, l’album Aux armes et cætera [1979] a impacté toute une génération de collégiens et lycéens, rappelle Dicale. À 51 ans, après vingt ans de carrière, il obtenait enfin son premier disque d’or. Ce sont ces teenagers qui, en vieillissant, ont forgé le culte, en redécouvrant ses premiers albums. C’est une passion à rebours car rappelons que son deuxième album, No 2, sorti en 1959, s’est vendu à moins de 500 exemplaires » Star au crépuscule de sa vie – You’re Under Arrest (1987), son 17e et dernier opus studio, sera la meilleure vente de sa carrière –, il va peu à peu accéder à un statut qui lui était refusé de son vivant. « À sa mort, aucune nécro ne parlait de “génie”, poursuit Bertrand Dicale. Aujourd’hui, tous les articles consacrés à Gainsbourg le célèbrent ainsi. C’est toute la singularité de sa carrière post mortem. »

D’après la Sacem, le phénomène n’a pas connu d’érosion depuis ces dix dernières années : « Le montant des droits générés par ses œuvres est stable et l’on observe même une nette augmentation des droits numériques. » Cette popularité intergénérationnelle est confirmée par les chiffres de la plateforme Spotify : les 35-44 ans représentent la majorité des auditeurs (22 %), suivie par les 18-24 ans (17 %) et les 25-29 ans (15 %). En 2019, la société Melody Nelson Publishing, fondée en 1973 par Gainsbourg, a généré un chiffre d’affaires de 424 800 euros, contre 392 000 euros dix ans plus tôt. Des revenus partagés entre les ayants droit du chanteur : ses quatre enfants Paul, Natacha, Charlotte et Lucien ; son ex-compagne Jane Birkin possède quant à elle 20 % des parts de la société d’édition.

Grâce à son répertoire en or massif (près de 500 compositions), Serge Gainsbourg figure parmi les artistes français les plus samplés (177 fois), loin devant Charles Aznavour (94), Édith Piaf (45), Jacques Brel (54) et Georges Brassens (10). Un juste retour pour celui qui a lui-même largement puisé chez Beethoven (pour Poupée de cire), Chopin (Jane B) ou Dvorák (Initials BB). Ses chansons se retrouvent également dans un nombre impressionnant de films. La comédie britannique The Full Monty (1997) comme la fable fantastique aux quatre oscars La Forme de l’eau (2017) ont par exemple emprunté La Javanaise. Idem dans les séries de Mad Men (avec Bonnie and Clyde) à La casa de papel (le Di Doo Dah chanté par Birkin), sans oublier Plus belle la vie ou même Derrick !

La Gainsbourgmania a gagné les territoires anglo-saxons, séduits dès son premier hit international, Je t’aime moi non plus (1969). Son fan-club y compte des artistes aussi classieux que Beck, Jarvis Cocker, Metronomy ou Franz Ferdinand, qui ont participé à un bel album tribute : Monsieur Gainsbourg Revisited (2006). « Sa notoriété n’a cessé de croître depuis sa disparition, souligne Jeremy Allen, journaliste du Guardian et auteur d’une biographie du maître français, Relax Baby Be Cool. Il est considéré comme un artiste majeur et non plus comme l’homme d’un seul tube. Je me demande néanmoins si cette popularité ne risque pas de pâtir d’un contexte de moralisation sociétale extrême. Son art repose essentiellement sur la provocation alors qu’elle n’est plus trop tendance. »

Jeremy Allen en a lui-même fait l’expérience : invité par la BBC pour parler de Gainsbourg, il s’est vu déprogrammé quand les journalistes de l’émission ont découvert, après avoir lu son ouvrage, combien le personnage était sulfureux. « C’était une émission pour la Saint-Valentin. Je pense que Serge aurait été fier d’être une nouvelle fois banni de la BBC cinquante ans après Je t’aime moi non plus [ jugée trop obscène par la radio britannique] ! »

On se demande quel sort subirait aujourd’hui, en pleine vague du MeTooInceste, son Lemon Incest (1984), ambivalent duo avec sa fille Charlotte, 13 ans à peine à l’époque. « Un tel disque ferait-il encore plus de bruit aujourd’hui ? Sûrement. Est-ce qu’il serait encore possible de l’enregistrer ? Lui le ferait. Et moi aussi, a-t-elle assuré à Télérama. Bien sûr, il joue avec les mots et les interdits, mais n’était-ce pas sa force ? Évidemment, il y a des actes terribles qu’il faut condamner, mais la provocation artistique, je la trouve utile. »

Charlotte poursuit aussi sa « mission » pour transformer en musée le duplex de son père, rue de Verneuil à Paris (7e). Là où elle a grandi et où elle a veillé sa dépouille mortelle pendant trois jours. Les travaux d’aménagement ayant été retardés en raison de la crise sanitaire, l’ouverture devrait avoir lieu en fin d’année. Quant à la station de métro Serge-Gainsbourg aux Lilas, en hommage à son inoubliable Poinçonneur (1959), elle devrait voir le jour en 2023 avec le prolongement de la ligne 11. Un ticket de plus pour la postérité.

Le nombre de morceaux qui utilisent des extraits de chansons de Gainsbourg, selon Whosampled.com.

Parmi les titres les plus repris, « Bonnie and Clyde » (1967) et « Jane B. » (1969)


ÉRIC MANDEL ET LUDOVIC PERRIN
Revenir en haut Aller en bas
https://artmony.forumactif.fr
liliane
Admin
liliane


Féminin Nombre de messages : 19362
Age : 49
Localisation : dans la galaxie
Date d'inscription : 02/05/2008

SERGE GAINSBOURG - Page 5 Empty
MessageSujet: Re: SERGE GAINSBOURG   SERGE GAINSBOURG - Page 5 EmptyLun 17 Oct - 13:50

L'exposition à voir : Gainsb'Art, une réunion de portraits pop en diable

Par Letizia Dannery
L'EXPRESS


SERGE GAINSBOURG - Page 5 27185610

Au coeur de Paris, Yoxeone Art Gallery expose les oeuvres de 24 artistes contemporains qui rendent hommage au chanteur culte. Une exposition à savourer jusqu'au 15 novembre.

On le sait, le regretté Serge Gainsbourg voua un culte exclusif à la déesse peinture avant de raccrocher les pinceaux et de devenir le génial touche-à-tout de la chanson française qui, plus de trente ans après sa disparition, continue d'enchanter les jeunes générations. Aujourd'hui, ce sont les artistes qui lui rendent hommage. Peintres, sculpteurs, plasticiens, designers ou acteurs de l'art urbain, ils sont 24 à lui tirer le portrait sur les cimaises de Yoxeone Art Gallery, à la fois boutique de luxe et lieu de création ouvert par Sélim Gouaned, rue de la Sourdière, au coeur de Paris, dans l'esprit de la Factory d'Andy Warhol.

L'aventure - car ça en est une ! - a été initiée par Roberto Battistini, ce photographe qui réalisa, à l'automne 1985, des portraits détournés du chanteur, dont celui, resté dans la mémoire collective, de Gainsbourg en Dali, yeux écarquillés et moustaches levées au ciel. Les autres - Gainsbourg gitane au bec ou encore coiffé d'un béret..-, n'en sont pas moins emblématiques. C'est en partant de ces portraits que Battistini a demandé à des artistes confirmés d'y inscrire leur propre univers et regard sur le dandy de la pop. Sous l'intitulé Gainsb'Art, le projet s'est étoffé au fur et à mesure que les créateurs internationaux, issus de toutes générations, de tous pays et de tous univers, l'ont rejoint.

SERGE GAINSBOURG - Page 5 Capt1268

La porte de Yoxeone Art Gallery pas encore franchie, ce sont les variations du Parisien Lord Anthony Cahn autour de la Rue de Verneuil que l'on découvre à travers la vitrine. Reconnu pour son travail sur les "murs" qu'il sculpte à différentes échelles, le plasticien s'est attaché, comme à son habitude, à capter l'esprit d'un lieu emblématique, celui ici de la demeure parisienne de Serge Gainsbourg où devrait prochainement ouvrir la maison-musée consacrée au chanteur.

Créé à partir de matériaux de construction recouverts d'affiches et de graffitis colorés, évocateurs des portraits de Battistini, le "mur" se révèle tout autrement sur sa façade intérieure, peinte en noir, à l'instar du code couleur radical adopté par l'homme à la tête de chou chez lui. L'oeuvre double-face regorge de détails, parfois miniatures, qui s'appréhendent au-delà du premier coup d'oeil. Cerise sur le gâteau : les acquéreurs du "mur", comme de tous les autres, se voient gratifier d'un acte de propriété en bonne et due forme. (Précisons que ce mur de la Rue de Verneuil est en en vente à hauteur de 17000 euros).

Parmi les autres plasticiens qui ont joué le jeu, l'Allemand Peter Klasen, cofondateur de la figuration narrative, s'approprie le fameux Gainsbourg en Dali en le parsemant d'évocations graphiques des provocs du grand Serge, dont l'inoubliable billet de 500 francs brûlé au zippo lors d'un journal télévisé. Plus loin, le Marseillais SkunkDog, fidèle à sa signature artistique, mêle textes, signes, matières et palette chromatique éclatante, tandis que Juan Le Parc incarne magistralement un Serge chauve, L'Homme à la tête de fou du chocolat Lanvin. Tout aussi saisissants sont l'émouvant le Je t'aime et je crains de m'égarer tissés au fil rouge par la tricoteuse hors pair Anna Kache, le Cargo Culte de Stéphane Pencréac'h, et les assemblages riches en symbolique d'Eric Liot. Sans compter l'autoportrait d'Orlan s'hybridant, plutôt joyeusement, avec Gainsbourg et Dali.

Tout hommage à Serge Gainsbourg est bon à prendre. L'Hexagone en sait quelque chose, qui a successivement accueilli l'évènement Gainsb'Art dans les galeries Bettina, BOA, Keza et W, à Paris, Art to Be Gallery à Lille, puis celle de David Pluskwa, à Marseille, avant d'accueillir, l'été dernier, des dizaines de milliers de visiteurs à la chapelle Sainte-Anne de La Baule. L'ouverture, tant attendue, de la Maison Gainsbourg sera sans doute la prochaine étape XXL de cet hommage intemporel au ciseleur de la chanson française qu'on n'en finit plus de célébrer.

Yoxeone Art Gallery, 11 rue de la Sourdière, Paris Ier, jusqu'au 15 novembre.
Revenir en haut Aller en bas
https://artmony.forumactif.fr
Contenu sponsorisé





SERGE GAINSBOURG - Page 5 Empty
MessageSujet: Re: SERGE GAINSBOURG   SERGE GAINSBOURG - Page 5 Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
SERGE GAINSBOURG
Revenir en haut 
Page 5 sur 5Aller à la page : Précédent  1, 2, 3, 4, 5
 Sujets similaires
-
» CHARLOTTE FOR EVER ... GAINSBOURG
» SERGE REGIANNI
» serge Lama
» SERGE UN NOUVEAU MAGAZINE
» GAINSBOURG UNE VIE HEROIQUE .

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
ARTMONY :: LA MUSIQUE ADOUCIT LES MOEURS :: TOUTE LA MUSIQUE QUE J'AIME.... :: LA CHANSON FRANCAISE :: CHANTEURS FRANCOPHONES-
Sauter vers: