Nombre de messages : 12721 Date d'inscription : 03/05/2008
Sujet: JEAN FERRAT Ven 26 Déc - 13:56
Aujourd'hui ce grand auteur compositeur chanteur de la chanson Française fête ses 78 ans.
En son honneur voilà ce que moi je pense être une des ces plus belles chanson, il en a écrit tant mais celle là est superbe :
Ma France
Album: Jean Ferrat - Vol.1 (1999)
De plaines en forêts de vallons en collines Du printemps qui va naître à tes mortes saisons De ce que j'ai vécu à ce que j'imagine Je n'en finirais pas d'écrire ta chanson Ma France
Au grand soleil d'été qui courbe la Provence Des genêts de Bretagne aux bruyères d'Ardèche Quelque chose dans l'air a cette transparence Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche Ma France
Cet air de liberté au-delà des frontières Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige Et dont vous usurpez aujourd'hui le prestige Elle répond toujours du nom de Robespierre Ma France
Celle du vieil Hugo tonnant de son exil Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines Celle qui construisit de ses mains vos usines Celle dont monsieur Thiers a dit qu'on la fusille Ma France
Picasso tient le monde au bout de sa palette Des lèvres d'Éluard s'envolent des colombes Ils n'en finissent pas tes artistes prophètes De dire qu'il est temps que le malheur succombe Ma France
Leurs voix se multiplient à n'en plus faire qu'une Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs En remplissant l'histoire et ses fosses communes Que je chante à jamais celle des travailleurs Ma France
Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien Du journal que l'on vend le matin d'un dimanche A l'affiche qu'on colle au mur du lendemain Ma France
Qu'elle monte des mines descende des collines Celle qui chante en moi la belle la rebelle Elle tient l'avenir, serré dans ses mains fines Celle de trente-six à soixante-huit chandelles Ma France
JEAN FERRAT
Chanteur totalement engagé, à tous les niveaux, Jean Ferrat n'a jamais dévié de la route qu'il s'est tracé.
Né Jean Tenenbaum le 26 décembre 1930 à Vaucresson
Chanteur totalement engagé, à tous les niveaux, Jean Ferrat n'a jamais dévié de la route qu'il s'est tracé. Basé dans un village loin du monde du show business, refusant la gloire facile, son oeuvre est à son image : intransigeante, ce qui n'exclut pas, loin s'en faut, une grande tendresse. Avant d'aborder de font la musique, sa passion d'enfance, l'adolescent abandonne les études pour travailler afin de participer activement à la vie, modeste, de sa famille. Toutefois, il se tourne définitivement vers la chanson au début des années 50. Il compose, accompagne à la guitare un orchestre de jazz mais, pendant plusieurs années, le succès n'arrive pas. 1956 marque un tournant. André Claveau, chanteur connu de l'époque, interprète "Les yeux d'Elsa", poème d'Aragon (indéfectible passion de Ferrat) pour lequel le jeune homme a écrit une splendide mélodie. Un frémissement se produit autour de Jean Ferrat, qui fait des premières parties et enregistre un premier 45 tours.
Le début des années 60 voit le succès pointer le bout de son nez avec le titre "Ma môme", largement diffusé sur les radios. En 1961, il partage l'affiche de l'Alhambra avec Zizi Jeanmaire pour qui il écrit "Eh, l'amour" et sort son premier album. Si les récompenses pleuvent, le large public n'est pas encore au rendez-vous.
Défenseur des " maux "
C'est avec son second album que le talent de Jean Ferrat éclate : "Nuit et brouillard", chanson qui évoque la déportation et fait écho au film d'Alain Resnais, percute par sa justesse. En 1964, "La montagne", extraite de son troisième 33 tours, connaît elle aussi le succès. Le double visage artistique de l'artiste s'impose. Les textes très engagés politiquement (il soutient - tout en restant très critique - le parti communiste) côtoient des chansons d'amour parmi les plus belles et troublantes du répertoire, ainsi "Que serais-je sans toi".
La révolte de Jean Ferrat contre toute forme d'oppression ne cessera jamais. Il est l'un des rares artistes à conserver une intégrité, une ligne de conduite que rien ne peut faire dévier. La célèbre moustache du chanteur, il la laisse pousser en 1967, après un voyage à Cuba qui l'inspirera pour des chansons comme "A Santiago" et "Guerilleros". Son amour pour Aragon est une fois de plus à l'honneur avec plusieurs albums, le titre "Aimer à perdre la raison" en reste l'un des plus populaires emblèmes. En 1975 l'un de ses plus beaux textes : "la femme est l'avenir de l'homme" devient une expression qui entre dans le langage courant.
Retrouvailles avec Aragon
A 50 ans il sort un album intitulé "Ferrat 80" incluant : "Le bilan" suivi, 5 ans plus tard de "Je ne suis qu'un cri", reflétant le désespoir du chanteur face au décès de son épouse. A 60 ans, la verve de Jean Ferrat est plus intacte que jamais avec l'album "Dans la jungle ou dans le zoo". En effet, la chanson "La jungle" parle avec férocité du capitalisme et de ses dérives et "Le zoo" met en avant les dysfonctionnements du communisme... Témoignage de son engagement, les 2 albums qu'il consacre à Louis Aragon. Le premier sort en 92 et le second en 95. Il faut attendre 7 ans, pour son nouveau disque, " Ferrat en scène ", un enregistrement public de 91.
Ayant depuis longtemps abandonné la scène, chacune des apparitions télévisées de l'artiste demeure un événement. L'amour d'un public fidèle qui a su reconnaître le talent de cet homme hors pair tout en respectant la discrétion de l'artiste, prouve bien que les médias n'ont rien à voir avec le succès de Jean Ferrat.
Dernière édition par Nine le Ven 26 Déc - 14:35, édité 1 fois
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Ven 26 Déc - 14:28
POUR ETRE ENCORE EN HAUT DE L AFFICHE
Pour être encore en haut de l'affiche JEAN FERRAT
La langue française a fait son temps Paraît qu'on n'arrête pas l'progrès Que pour être vedette à présent Il vaut mieux chanter en anglais Et moi et moi pauvre de moi Qui me tais depuis si longtemps Faudrait qu'je fasse gaffe à tout ça Que je m'reconvertisse à temps J'ai pris la méthode assimil My tailor in the pocket Pour avoir l'air comme les débiles D'arriver du Massachusetts Pour être encore en haut d'l'affiche Faudrait qu'je sussure en angliche Si j'veux coller à mon époque Il me faut braire en amerloque
Singing in the rain Singing in the train Singing my heart Singing in the woods Singing in the blood It is not the tarte
S'il n'y a plus rien d'autre à faire Pour échapper à la misère Si c'est l'seul moyen ici-bas D'intéresser les mass média Si le français ou le breton Si l'occitan ou l'auvergnat Comme on m'le dit sur tous les tons Le show-business il aime pas ça Y a p't-êtr' quand même un avantage A cette évolution sans frein On pourra chanter sans entrave Quand les gens n'y comprendront rien Pour être encore en haut d'l'affiche J'pourrai sussurer en angliche Si je n'veux pas finir en loque Je pourrai braire en amerloque
Singing in the rain Singing in the train Singing my heart Singing in the woods Singing in the blood It is not the tarte
J'entends les copains ricaner Que j'ai plutôt l'accent manouche Ils sont jaloux d'mon p'tit succès Quand j'ai d'la bouillie plein la bouche Grâce aux sondages indiscutables Dans l'âme du français moyen Il paraît que nos responsables Savent tout du goût de chacun Plaire à tout l'monde et à personne C'est pas donné à n'importe qui N'allez pas croire qu'ils s'en tamponnent S'ils nous transforment en colonie Pour être encore en haut d'l'affiche J'commence à penser en angliche Quand j'aurai le feeling ad hoc Ça va faire mal en amerloque
Singing in the rain Singing in the train Singing my heart Singing in the woods Singing in the blood It is not the tarte
liliane Admin
Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: JEAN FERRAT Ven 26 Déc - 17:35
Bon anniversaire, Monsieur Jean FERRAT
Une de ses chansons que je préfère :
QUE SERAIS-JE SANS TOI
Refrain : Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant Que cette heure arrêtée au cadran de la montre Que serais-je sans toi que ce balbutiement
J'ai tout appris de toi sur les choses humaines Et j'ai vu désormais le monde à ta façon J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines Comme au passant qui chante on reprend sa chanson J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson
[Refrain]
J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne Qu'il fait jour à midi qu'un ciel peut être bleu Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux Tu m'as pris par la main comme un amant heureux
[Refrain]
Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes N'est-ce pas un sanglot de la déconvenue Une corde brisée aux doigts du guitariste Et pourtant je vous dis que le bonheur existe Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues Terre terre voici ses rades inconnues
[Refrain]
Dernière édition par liliane le Jeu 21 Juil - 14:06, édité 4 fois
Invité Invité
Sujet: Re: JEAN FERRAT Dim 21 Fév - 19:15
Ferrat c'est un trés grand Monsieur de la chanson Française, c'est indéniable, mais ce fut aussi un artiste trés engagé, son combat politique et surtout humaniste, il l'a mené à travers ses chansons.
"Ma France" fait aussi parti de mes chansons préférées, mais évoquer Ferrat, c'est aussi évoquer l'histoire du 20ème siècle à travers ses drames et ses génocides.
"Nuit et Brouillard" est un chef d'oeuvre de la souffrance et du souvenir des camps de concentration et du nazisme, "Camarade" évoque la brutalité des dictatures communistes soviétiques, "La Commune" c'est l'histoire de France, c'est évoquer "la future République Française", "Le Bilan" c'est le point final d'un système qui a assassiné des millions d'hommes.
Par dessus tout, ce que j'aime chez Ferrat c'est ce courage de dénoncer l'injustice de la société en général, et ensuite d'avoir dénoncé aussi, celles des pays Communistes de l'est de l'Europe, qui se prétendaient socialistes. Lui l'Homme de Gauche, le chanteur engagé, a su reconnaître l'échec de la politique de ses pays qui se vantaient d'être communistes....
L'humaniste Ferrat a composé et écrit des chansons magnifiques, "La femme est l'avenir de l'homme".......
Mais Ferrat c'est aussi et surtout le chanteur d'un romantisme poétique à la Française, ces chansons d'amour sont magnifiques, presque toutes des chefs d'oeuvre.
Enfin, les siennes et celles du grand poète Aragon qu'il a merveilleusement mis en musique. "Aimer à perdre la raison", "Ma Môme", "Que serais-je sans toi", "Nous dormirons ensemble", "heureux qui meurt d'aimer", "les yeux d'Elsa", .....
Mais Ferrat c'est aussi un amoureux de la nature, et de l'Ardéche en particulier, "La Montagne", "Les touristes partis", "les saisons".....
Mais aussi un chanteur humoristique, "Sacré Félicien"......
Un immense artiste dont les chansons sont devenus des monuments magnifiques du patrimoine de la chanson Française !
Merci Monsieur JEAN FERRAT !
liliane Admin
Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: JEAN FERRAT Dim 21 Fév - 19:52
Une que je fredonne souvent en été :
DEUX ENFANTS AU SOLEIL
La mer sans arrêt Roulait ses galets Les cheveux défaits Ils se regardaient Dans l'odeur des pins Du sable et du thym Qui baignait la plage Ils se regardaient Tous deux sans parler Comme s'ils buvaient l'eau de leurs visages Et c'était comme si tout recommençait La même innocence les faisait trembler Devant le merveilleux Le miraculeux Voyage de l'amour
Dehors ils ont passé la nuit L'un contre l'autre ils ont dormi La mer longtemps les a bercés Et quand ils se sont éveillés C'était comme s'ils venaient au monde Dans le premier matin du monde
La mer sans arrêt Roulait ses galets Quand ils ont couru Dans l'eau les pieds nus À l'ombre des pins Se sont pris la main Et sans se défendre Sont tombés dans l'eau Comme deux oiseaux Sous le baiser chaud de leurs bouches tendres Et c'était comme si tout recommençait La vie, l'espérance et la liberté Avec le merveilleux Le miraculeux Voyage de l'amour
Dernière édition par liliane le Dim 3 Fév - 15:25, édité 1 fois
liliane Admin
Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: JEAN FERRAT Dim 21 Fév - 21:47
Oui, Jacommos, j'ai mis la video et les paroles un peu plus haut. C'est en effet la plus belle, pour moi.
Bridget
Nombre de messages : 2631 Age : 73 Localisation : Paris Date d'inscription : 13/05/2008
Sujet: DECES DE JEAN FERRAT Sam 13 Mar - 16:12
Jean Ferrat est mort à l'âge de 79 ans
Le chanteur, âgé de 79 ans, s'est éteint samedi matin en Ardèche. Il serait entré à l'hôpital samedi matin pour faire des examens, et aurait perdu la vie en tombant du lit. Il était notamment l'auteur de "La Montagne", "Potemkine" ou "Aimer à perdre la raison".
La chanson française a perdu l'un de ses plus grands maîtres. Jean Ferrat est décédé à l'âge de 79 ans des suites d'une longue maladie. L'information a été confirmée ce samedi par la gendarmerie d'Aubenas en Ardèche, département où résidait le chanteur. Chanteur et parolier engagé, Jean Ferrat a commencé sa carrière musicale au milieu des années 1950.
Auteur de chansons inoubliables comme «La montagne», «Que serais-je sans toi ?» ou «La femme est l'avenir de l'homme», Ferrat s'était rendu célèbre notamment par l'interprétation de poèmes d'Aragon qu'il avait à nouveau adaptés en 1995.
Né le 26 décembre 1930 à Vaucresson. Elève au Collège Jules Ferry de Versailles, Ferrat fut contraint d'interrompre ses études, entre dans un laboratoire de chimie du bâtiment. Tout en faisant du théâtre amateur et de la guitare de jazz, il a commencé sa carrière en chantant pour ses amis les chansons de Prévert et le répertoire de Montand. C'est alors qu'il compose ses premières mélodies.
En 1963, il avait composé une chanson sur la déportation intitulée «Nuit et brouillard» qui fut, un temps, boudée par les radios, mais pas par le public.
Nombre de messages : 12721 Date d'inscription : 03/05/2008
Sujet: Re: JEAN FERRAT Sam 13 Mar - 21:05
FERRAT "F" COMME FRANCE
"C'est une partie de la France, c'est toute une génération qui doit avoir beaucoup de chagrin aujourd'hui parce que c'est un des derniers géants qui disparaît. Il y avait Brel, il y avait Brassens, il y avait Ferré et il y a Jean qui était le dernier des Mohicans. C'est toute une page de la chanson française qui se tourne". Michel Drucker.
Ma France
Album: Jean Ferrat - Vol.1 (1999)
De plaines en forêts de vallons en collines Du printemps qui va naître à tes mortes saisons De ce que j'ai vécu à ce que j'imagine Je n'en finirais pas d'écrire ta chanson Ma France
Au grand soleil d'été qui courbe la Provence Des genêts de Bretagne aux bruyères d'Ardèche Quelque chose dans l'air a cette transparence Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche Ma France
Cet air de liberté au-delà des frontières Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige Et dont vous usurpez aujourd'hui le prestige Elle répond toujours du nom de Robespierre Ma France
Celle du vieil Hugo tonnant de son exil Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines Celle qui construisit de ses mains vos usines Celle dont monsieur Thiers a dit qu'on la fusille Ma France
Picasso tient le monde au bout de sa palette Des lèvres d'Éluard s'envolent des colombes Ils n'en finissent pas tes artistes prophètes De dire qu'il est temps que le malheur succombe Ma France
Leurs voix se multiplient à n'en plus faire qu'une Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs En remplissant l'histoire et ses fosses communes Que je chante à jamais celle des travailleurs Ma France
Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien Du journal que l'on vend le matin d'un dimanche A l'affiche qu'on colle au mur du lendemain Ma France
Qu'elle monte des mines descende des collines Celle qui chante en moi la belle la rebelle Elle tient l'avenir, serré dans ses mains fines Celle de trente-six à soixante-huit chandelles Ma France JEAN FERRAT
Cette chanson a fait l'objet d'une censure à sa sortie, mais elle n'a pas échappé au bon gout du public de l'époque.
Chanteur totalement engagé, à tous les niveaux, Jean Ferrat n'a jamais dévié de la route qu'il s'est tracé.
Né Jean Tenenbaum le 26 décembre 1930 à Vaucresson
Chanteur totalement engagé, à tous les niveaux, Jean Ferrat n'a jamais dévié de la route qu'il s'est tracé. Basé dans un village loin du monde du show business, refusant la gloire facile, son oeuvre est à son image :
intransigeante, ce qui n'exclut pas, loin s'en faut, une grande tendresse. Avant d'aborder de font la musique, sa passion d'enfance, l'adolescent abandonne les études pour travailler afin de participer activement à la vie, modeste, de sa famille. Toutefois, il se tourne définitivement vers la chanson au début des années 50. Il compose, accompagne à la guitare un orchestre de jazz mais, pendant plusieurs années, le succès n'arrive pas.
1956 marque un tournant. André Claveau, chanteur connu de l'époque, interprète "Les yeux d'Elsa", poème d'Aragon (indéfectible passion de Ferrat) pour lequel le jeune homme a écrit une splendide mélodie. Un frémissement se produit autour de Jean Ferrat, qui fait des premières parties et enregistre un premier 45 tours.
Le début des années 60 voit le succès pointer le bout de son nez avec le titre "Ma môme", largement diffusé sur les radios. En 1961, il partage l'affiche de l'Alhambra avec Zizi Jeanmaire pour qui il écrit "Eh, l'amour" et sort son premier album. Si les récompenses pleuvent, le large public n'est pas encore au rendez-vous.
Défenseur des " maux "
C'est avec son second album que le talent de Jean Ferrat éclate : "Nuit et brouillard", chanson qui évoque la déportation et fait écho au film d'Alain Resnais, percute par sa justesse. En 1964, "La montagne", extraite de son troisième 33 tours, connaît elle aussi le succès. Le double visage artistique de l'artiste s'impose. Les textes très engagés politiquement (il soutient - tout en restant très critique - le parti communiste) côtoient des chansons d'amour parmi les plus belles et troublantes du répertoire, ainsi "Que serais-je sans toi".
La révolte de Jean Ferrat contre toute forme d'oppression ne cessera jamais. Il est l'un des rares artistes à conserver une intégrité, une ligne de conduite que rien ne peut faire dévier.
La célèbre moustache du chanteur, il la laisse pousser en 1967, après un voyage à Cuba qui l'inspirera pour des chansons comme "A Santiago" et "Guerilleros".
Son amour pour Aragon est une fois de plus à l'honneur avec plusieurs albums, le titre "Aimer à perdre la raison" en reste l'un des plus populaires emblèmes. En 1975 l'un de ses plus beaux textes : "la femme est l'avenir de l'homme" devient une expression qui entre dans le langage courant.
Retrouvailles avec Aragon
A 50 ans il sort un album intitulé "Ferrat 80" incluant : "Le bilan" suivi, 5 ans plus tard de "Je ne suis qu'un cri", reflétant le désespoir du chanteur face au décès de son épouse. A 60 ans, la verve de Jean Ferrat est plus intacte que jamais avec l'album "Dans la jungle ou dans le zoo". En effet, la chanson "La jungle" parle avec férocité du capitalisme et de ses dérives et "Le zoo" met en avant les dysfonctionnements du communisme...
Témoignage de son engagement, les 2 albums qu'il consacre à Louis Aragon. Le premier sort en 92 et le second en 95. Il faut attendre 7 ans, pour son nouveau disque, " Ferrat en scène ", un enregistrement public de 91.
Ayant depuis longtemps abandonné la scène, chacune des apparitions télévisées de l'artiste demeure un événement. L'amour d'un public fidèle qui a su reconnaître le talent de cet homme hors pair tout en respectant la discrétion de l'artiste, prouve bien que les médias n'ont rien à voir avec le succès de Jean Ferrat.
George Moustaki a souligné la grande force poétique des chansons de Ferrat, en affirmant: "c'était un homme engagé, mais il n'était pas un hurleur de sentences. Il le faisait avec poésie".
Dernière édition par Nine le Lun 15 Mar - 1:33, édité 3 fois
Nine Admin
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Mon prince noir et famélique Ma pauvre graine de clodo Toi qui vécus fantomatique En peignant tes vieux godillots Toi qui allais la dalle en pente Toi qu'on jetait dans le ruisseau Qui grelottais dans ta soupente En inventant un art nouveau T'étais zéro au Top cinquante T'étais pas branché comme il faut Avec ta gueule hallucinante Pour attirer les capitaux
Mais dans un coffre climatisé Au pays du Soleil-Levant Tes tournesols à l'air penché Dorment dans leur prison d'argent Leurs têtes à jamais figées Ne verront plus les soirs d'errance Le soleil fauve se coucher Sur la campagne de Provence
Tu allais ainsi dans la vie Comme un chien dans un jeu de quilles La bourgeoisie de pacotille Te faisait le coup du mépris Et tu plongeais dans les ténèbres Et tu noyais dans les bistrots L'absinthe à tes pensées funèbres Comme la lame d'un couteau Tu valais rien au hit-parade Ni à la une des journaux Toi qui vécus dans la panade Sans vendre un seul de tes tableaux
Mais dans un coffre climatisé Au pays du Soleil-Levant Tes tournesols à l'air penché Dorment dans leur prison d'argent Leurs têtes à jamais figées Ne verront plus les soirs d'errance Le soleil fauve se coucher Sur la campagne de Provence
Dans ta palette frémissante De soufre pâle et d'infini Ta peinture comme un défi Lance une plainte flamboyante Dans ce monde aux valeurs croulantes Vincent ma fleur mon bel oiseau Te voilà donc Eldorado De la bourgeoisie triomphante Te voilà star du Top cinquante Te voilà branché comme il faut C'est dans ta gueule hallucinante Qu'ils ont placé leurs capitaux
Mais dans un coffre climatisé Au pays du Soleil-Levant Tes tournesols à l'air penché Dorment dans leur prison d'argent Leurs têtes à jamais figées Ne verront plus les soirs d'errance Le soleil fauve se coucher Sur la campagne de Provence.
Dernière édition par Nine le Dim 14 Mar - 13:41, édité 1 fois
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Sam 13 Mar - 22:33
NUIT ET BROUILLARD Paroles et musique: Jean Ferrat Une des si rares chansons françaises consacrées à la Déportation vers les Camps de la Mort.
NN. "Nacht und Nebel". Soit, en français, "Nuit et brouillard". Le nom donné à un décret du Reich de 1941 ordonnant de faire disparaître certains prisonniers sans laisser de traces. Parce qu'il estime en effet qu'une condamnation pour travaux forcés constitue "un aveu de faiblesse", Hitler enjoint ses hommes à "prendre des mesures qui laisseront les familles et la population dans l'incertitude quant au sort des opposants". Ce sera la déportation.
Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers, Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés, Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants, Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent. Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres: Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés. Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre, Ils ne devaient jamais plus revoir un été
La fuite monotone et sans hâte du temps, Survivre encore un jour, une heure, obstinément Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir. Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel, Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou, D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel, Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux.
Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage; Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux? Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge Les veines de leurs bras soient devenus si bleues. Les Allemands guettaient du haut des miradors, La lune se taisait comme vous vous taisiez, En regardant au loin, en regardant dehors, Votre chair était tendre à leurs chiens policiers.
On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours, Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour, Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire, Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare. Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter? L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été, Je twisterais les mots s'il fallait les twister, Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez.
Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers, Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés, Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants, Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent.
Dernière édition par Nine le Mer 17 Mar - 2:30, édité 6 fois
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Dim 14 Mar - 12:58
Mourir au soleil Jean Ferrat
Lever de soleil en Camargue.
Je voudrais mourir debout Dans un champ, au soleil Non dans un lit aux draps froissés A l'ombre close des volets Par où ne vient plus une abeille Une abeille
Je voudrais mourir debout Dans un bois, au soleil Sans entendre tout doucement La porte et le chuchotement Sans objet des gens et des vieilles Et des vieilles
Je voudrais mourir debout N'importe où, au soleil Tu ne serais pas là, j'aurai Ta main que je pourrai serrer La bouche pleine de groseilles De groseilles
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Dim 14 Mar - 13:49
"l'authenticité et l'excellence"
Nicolas Sarkozy a souligné qu'avec Jean Ferrat, c'est une conception intransigeante de la chanson française qui s'éteint".
"Farouchement attaché à sa liberté et à son indépendance, il a toute sa vie pensé et vécu son art comme un artisanat, privilégiant constamment l'authenticité et l'excellence à la facilité consumériste des standards commerciaux"
a salué le président de la République.
Selon Nicolas Sarkozy, "chacun a en mémoire les mélodies inoubliables et les textes exigeants de ses chansons, qui continueront encore longtemps, par leur générosité, leur humanisme et leur poésie à transporter les âmes et les coeurs".
Dernière édition par Nine le Lun 15 Mar - 1:29, édité 1 fois
Nine Admin
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Sujet: JEAN FERRAT MORCEAUX CHOISIS Dim 14 Mar - 22:40
DINGUE La vie débloque à tout berzingue Dans mon époque je deviens dingue !
Pour faire ma pub Descends ton slip Je te ferai un tube Avec mon clip Image de fesse A bout portant Il pleut à verse Sur mon écran Ouvre les cuisses Que je te mate Mon audimat Est au beau fixe Les idées-chocs Le poids du fric Je baisse mon froc Sur cette éthique
La vie débloque à tout berzingue Dans mon époque je deviens dingue
Au faire savoir Succède le voir A défaut d'être Il faut paraître J'ai la moutarde Qui me monte au nez Passe la rhubarbe Voila le séné A toi l'Oscar A moi le Sept d'or A toi le César A nous le veau d'or Tu seras au Hit Je serai au Top Je te félicite Bravo mon pote
La vie débloque à tout berzingue Dans mon époque je deviens dingue
Faut des gagneurs Faut des perdants Mort aux losers Place aux battants Vole une pomme Et tu es cuit Descends un homme T'as du sursis Un flic tabasse Un jeune en loques Ça laisse pas de traces Justice en toc Un flic qui casse Comme un canaque Putain de ta race Un beur qui claque
La vie débloque à tout berzingue Dans mon époque je deviens dingue
La France qui gagne Les petits boulots Les années bagne Métro dodo La France qui trinque Dans les banlieues Passe-moi la seringue A être heureux Si t'as des fois Mal aux magouilles L'état de droit Qui part en couilles Si ça te ronge Aux entournures Prends donc l'éponge Aux fausses factures
La vie débloque à tout berzingue Dans mon époque je deviens dingue
T'as pas 100 balles Pour le cancer T'as pas 100 balles Pour le sida T'as pas 100 balles Pour la misère T'as pas 100 balles Pendant ce temps-là 500 milliards Partent en fumée 500 milliards Partent en fusées 500 milliards Aux militaires 500 milliards Foutus en l'air
La vie débloque à tout berzingue Dans mon époque je deviens dingue
Maman bobo J'ai mal au coeur Papa Rambo Fait un malheur Avec sa guerre En vidéo Qui rassérène Le populo Avec ses bombes Aseptisées Ses hécatombes Banalisées Il fait la retape Au consensus Sa force de frappe Je l'ai dans l'anus
La vie débloque à tout berzingue Dans mon époque je deviens dingue
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Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Dim 14 Mar - 22:42
A LA UNE Jean Ferrat Ce soir ce soir Après la roue de la fortune Les racketteurs les racketteurs Sont à la une .... (et les rats quêteurs aussi).
C'est une émission formidable Sur les problèmes de société Où des héros et des minables Vous parlent en toute liberté Sont-ils victimes sont-ils coupables Ce soir voici pour commencer Quelques racketteurs redoutables Qui font la sortie des lycées Ils vont pour vous se mettre à table A condition d'être masqués Un témoignage inoubliable Un grand moment de vérité
Ce soir ce soir Après la roue de la fortune Les racketteurs les racketteurs Sont à la une
C'est une émission fantastique Où vous avez un rôle à jouer Un rôle moral un rôle civique Pour nous aider à retrouver Tous ceux dont on est sans nouvelles Disparus volatilisés Ce soir je vous lance un appel Vous seuls pouvez nous renseigner Dans quels bas-fonds la malheureuse A-t-elle un jour pu s'égarer A quelles manœuvres très douteuses A-t-elle fini par se livrer
Ce soir ce soir Après la roue de la fortune La main d'ma sœur la main d'ma sœur Est à la une
C'est une émission fracassante Sur les tréfonds d'la société Une tranche de vie saignante Que vous ne pouvez pas manquer Un homme qui a payé sa dette Vingt ans de prison mérités Reconstituera en direct Le crime qu'il a perpétré Tout ce qui s'passait dans sa tête Combien de fric il a touché En appuyant sur la gâchette Pour refroidir un député
Ce soir ce soir Après la roue de la fortune Les assassins les assassins Sont à la une
C'est une série faramineuse De grands débats télévisés De controverses fabuleuses De face à face sans pitié Entre qui saigne et qui charcute Entre bourreaux et torturés Entre un ripou et une pute Un délateur un dénoncé Entre un para et un fellouze Entre un violeur et des violées Et puis comme une apothéose Entre SS et déportés
Ce soir ce soir Après la roue de la fortune Un PAF obscène un PAF obscène Est à la une
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Lun 15 Mar - 1:07
A FEDERICO GARCIA LORCA
... Dans ta voix Galopaient des cavaliers Et les gitans étonnés Levaient leurs yeux de bronze et d'or Si ta voix se brisa Voilà plus de vingt ans qu'elle résonne encore Federico García Voilà plus de vingt ans, Camarades Que la nuit règne sur Grenade ...
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Lun 15 Mar - 1:10
LA COMPLAINTE DE PABLO NERUDA Poète chilien (1904-1973)
...Je vais dire la légende de celui qui s'est enfuit et fait les oiseaux des Andes se taire au coeur de la nuit le ciel était de velours incompréhensiblement le soir tombe et les beaux jours meurent on ne sait comment ...
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Lun 15 Mar - 10:14
Le Président de la SACEM
Claude Lemesle, a rendu hommage à l'une des :
"incarnations majeures de la chanson française de la deuxième partie du XXe siècle", mais aussi un "interprète unique" à "la voix chaude et enveloppante". C'était aussi "l'un des mélodistes les plus accomplis de sa génération, qui a mis en musique parmi les plus beaux textes de la langue française". ceux d'Aragon, qui fut enchanté du résultat»
Jean Ferrat, lauréat du prix de l’académie Charles Cros en 1963 et du grand prix de la chanson de la SACEM en 1994
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Lun 15 Mar - 14:06
Les jeunes imbéciles Jean Ferrat
Ils ont troqué leur col Mao Contre un joli costume trois-pièces Ils ont troqué leurs idéaux Contre un petit attaché-case Citoyens de Paris ma ville La plage est loin sous les pavés Vivez en paix dormez tranquilles Le monde n'est plus à changer
Ce n'était alors que jeunes imbéciles Le poil au menton Ce n'était alors que jeunes imbéciles Les voilà vieux cons
Ils ont troqué leur col Mao Pour une tenue plus libérale Le vieux slogan du père Guizot Est devenu leur idéal Nos soixante-huitards en colère Reprennent un refrain peu banal C'est enrichissez-vous mes frères En guise d'Internationale
Ce n'était alors que jeunes imbéciles Le poil au menton Ce n'était alors que jeunes imbéciles Les voilà vieux cons
Ils ont troqué leur col Mao Et leur vieux look égalitaire Pour un costume plus rigolo C'est la chasuble humanitaire Ils font la quête avec délice Chez ceux qu'ont plus rien à donner Et pour établir la justice S'en remettent à la charité
Ce n'était alors que jeunes imbéciles Le poil au menton Ce n'était alors que jeunes imbéciles Les voilà vieux cons
Ils ont troqué leur col Mao Pour des tenues plus officielles Depuis qu'ils fréquentent à gogo Les cabinets ministériels Ah quel plaisir en redingote Sur le perron de l'Elysée De se faire lécher les bottes Par des journalistes avisés
C'est toujours avec les jeunes imbéciles Qu'on le veuille ou non C'est toujours avec les jeunes imbéciles Qu'on fait les vieux cons
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Lun 15 Mar - 14:15
Les petites filles modèles Jean Ferrat
Les Petites Filles modèles Ne jouent plus à la poupée Ne jouent plus à la marelle A la corde à chat perché Branchées grâce au Minitel Sur le marché financier Les Petites Filles modèles S'amusent à boursicoter
C'est à ce jeu qu'elles excellent Fruit de la modernité Ah la belle ah la belle ah la belle société
Les Petites Filles modèles Quel exemple à méditer S'émerveillent pleins de zèle Ces messieurs de la télé En vantant leur grandeur d'âme Leur louable vocation Applaudissez messieurs dames Leur goût des bonnes actions
C'est à ce jeu qu'elles excellent Il faut les encourager Ah la belle ah la belle ah la belle société
Leur prince de référence Leur nouveau preux chevalier C'est le golden boy en transe Qui joue les petits Poucets Et se taille avec vaillance Un empire à bon marché Sur les ogres des finances Qu'il finit par dévorer
C'est à ce jeu qu'elles excellent Vivent les contes de fées Ah la belle ah la belle ah la belle société
Leur plus beau rêve de gosse C'est un autre emprunt Giscard Mais quand la fée Carabosse Leur donne des cauchemars Adieu châteaux et carrosses C'est le krach ô désespoir Qui voit leur champion féroce Se flinguer sur le trottoir
C'est à ce jeu qu'elles excellent Elles seront tôt consolées Ah la belle ah la belle ah la belle société
Pourtant mes enfants bien sages Méfiez-vous des aventures Ne soyez pas trop volages N'investissez qu'à coup sûr Car vos tendres pucelages Pourraient choir comme fruits mûrs Sous les OPA sauvages De raiders aux noyaux durs
Puisqu'à ce jeu elles excellent Il faudra les marier Ah la belle ah la belle ah la belle société
Puisqu'à ce jeu elles excellent L'avenir est assuré Ah la belle ah la belle ah la belle société
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Lun 15 Mar - 14:25
Jean Ferrat" Je vis de bouffées d’espoir "
Jean Ferrat, dans la présentation de l’exposition qui vous est consacrée " Jean des Encres, Jean des Sources ", on lit ces premiers mots " Jean Tenenbaum, dit Jean Ferrat, chanteur français, né à Vaucresson le 26 décembre 1930 ". Qui était ce petit Tenenbaum ?
Jean Ferrat. C’était un enfant heureux jusqu’à ce jour de 1941 où mon père, artisan joaillier, arrêté dans une rafle à Paris, a disparu. Il a été déporté à Auschwitz. Les autorités françaises nous ont informés de son décès deux ans après la fin de la guerre. Je ne connaissais pas ses origines, sachant à peine qu’il venait de Russie. J’ai su qu’il était juif quand il a dû porter l’étoile jaune.
C’est un événement fondateur pour vous ?
Jean Ferrat. Je ne peux pas penser que cela n’a pas été le cas.
Quand vous écrivez et que vous chantez Nuit et Brouillard, qui fait événement, en 1963, la chanson est très vite sujet à controverse. Pourquoi ?
Jean Ferrat. J’ai fait une émission sur Europe 1 et la chanson a eu un tel écho que Lucien Morisse, son directeur, qui avait tenu à ce que mes chansons du début soient diffusées, en particulier Ma môme, a décidé de lui consacrer tout un débat.
C’était un sujet qu’on n’avait pas l’habitude d’entendre chanter. Les gens ont été choqués dans le bon sens. Mais on m’a dit aussi que l’époque était à la réconciliation franco-allemande, sous l’égide de De Gaulle et d’Adenauer, et que ce rappel de l’holocauste n’était donc pas bien vu dans les hautes sphères.
La station lui a consacré une émission du soir dans laquelle les auditeurs intervenaient. J’ai reçu des centaines de lettres dont 90 % étaient pour la chanson et 10 % contre.
La controverse a servi la chanson, elle lui a donné de l’importance…
Jean Ferrat. Je le pense. Elle a touché des gens concernés, les témoins de l’époque, qui étaient encore nombreux, les résistants, alors qu’on assistait déjà à une résurgence de groupes néonazis en Allemagne.
Quand on relit la chanson, il y a cette phrase devenue fameuse " je twisterais les mots s’il fallait les twister ". Le twist était à l’époque la danse jeune par excellence…
Jean Ferrat. C’était la grande vague yé-yé.
Donc, vous aviez envie d’être dans le cercle de la Résistance mais aussi d’en sortir et de toucher la jeunesse ?
Jean Ferrat. C’est exactement ça. J’ai eu des témoignages de gens heureusement surpris par cette audace. En même temps, cela me faisait drôle d’apprendre qu’en discothèque on dansait sur Nuit et Brouillard. J’en ai même été un peu inquiet parce que, lorsqu’on danse dans ce cadre, on a autre chose à faire qu’à écouter les paroles. Je craignais que le sujet soit occulté. La suite a montré que mes craintes étaient vaines.
Il y avait de votre part comme une provocation ?
Jean Ferrat. Pour moi, tout valait mieux que l’oubli, que l’oubli pour le futur. Quand j’ai écrit la chanson, finalement peu de temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale, toute une nouvelle génération ne connaissait rien du nazisme.
L’un des débats auxquels vous allez participer s’appelle " Mémoire lycéenne de la Shoa ". De cette époque à aujourd’hui, où vous rencontrez des lycéens, des collégiens, on a l’impression que l’histoire avec cette chanson n’est jamais finie ?
Jean Ferrat. C’est un grand sujet de satisfaction, je peux le dire comme ça, que de recevoir, chaque année, des lettres venues d’établissements scolaires, dans lesquelles on me demande pourquoi j’ai écrit cette chanson, quelles raisons personnelles, politiques m’ont animé ? Je me dis que ce que j’espérais est arrivé.
Avez-vous le sentiment qu’ils le font par devoir scolaire ou qu’ils prennent l’affaire à coeur ?
Jean Ferrat. On peut se poser la question, je me la suis posée. Je crois que cela dépend du lieu, des circonstances. Mais, encore récemment, j’ai assisté à une rencontre à Antraigues où des enseignants ont affirmé qu’ils rencontraient chez les jeunes, à ce sujet, une participation, une attention qui les étonnaient.
Cette attention est-elle, à votre avis, plus forte qu’elle n’était il y a vingt ou trente ans ?
Jean Ferrat. C’est possible. Cela peut s’expliquer par l’évolution inquiétante du monde. Les jeunes ont sans doute le sentiment qu’ils manquent de repères, et que la Résistance en est un. Le mot résistance est de toutes les époques.
J’ai assisté il y a quelques années sur la place d’Antraigues à une autre rencontre entre des centaines de lycéens et Lucie Aubrac. Elle leur parlait sur une estrade, seule. C’était fantastique de les voir réagir. Elle tentait de leur faire comprendre que la Résistance ce n’était pas que des mitraillettes et des bombes, mais aussi la petite jeune fille avec son vélo qui portait ses messages, la ménagère qui accueillait quelqu’un qui était recherché. Et elle ajoutait qu’eux aussi, à notre époque, avaient un devoir de résistance et que cela devait commencer par : " Ceci n’est pas juste ! "
Parler de l’histoire est important mais il faut toucher les gens au présent.
Y a-t-il aujourd’hui un esprit de résistance ?
Jean Ferrat. Il me semble que c’est là un motif d’espoir. Réagir est d’autant plus important que tout est fait pour que chaque velléité de résistance soit étouffée.
Vous est-il arrivé de désespérer ?
Jean Ferrat. Oui, bien sûr. Le monde ne va pas toujours dans le sens de l’espérance. On le voit aujourd’hui. Et puis, soudain, il y a une bouffée d’espoir quand les gens se lèvent. C’est très contrasté.
Ma France dont on parlera également à la Fête a été, elle, carrément interdite. Quand on lit le texte, très dénonciateur de la réaction gaulliste après mai 1968, on peut presque se dire que vous l’avez bien cherché ?
Jean Ferrat. Absolument. Je ne supportais pas la façon dont les choses avaient tourné. J’avais commencé par écrire des paroles sur le thème " pauvre France, qu’est-ce que tu es devenue ? " Et puis, après avoir aligné quelques couplets vengeurs, je me suis dit : des gens se sont battus et ce mouvement ne disparaîtra pas comme ça, il va laisser des traces.
Tous ceux qui ont fait évoluer la condition des hommes ont dû l’imposer. Petit à petit, j’ai pris une option positive, parlant de la France que j’aimais à partir de la Révolution française.
Cette France n’est pas que politique puisqu’au début du texte vous écrivez : " Des genêts de Bretagne aux bruyères d’Ardèche… "
Jean Ferrat. Cela commence très bucolique, c’est mon côté Jean des Sources.
Les censeurs n’ont pas été très sensibles à votre côté bucolique…
Jean Ferrat. Ils l’ont été sans doute mais ils auraient bien aimé que j’en reste là. La chanson a été vite interdite.
J’étais l’invité d’une grande émission du dimanche après-midi avec Jean-Pierre Chabrol, Brel, Brassens etc. On échangeait des idées au micro. À un moment donné le chef de plateau est arrivé avec une ardoise où était écrit à la craie : " Ordre de la direction, que Jean Ferrat chante, mais qu’il ne parle plus. " Il y a eu un tollé général et toute l’équipe a été virée. Je n’ai plus fait de télévision pendant deux ans et demi.
Les chansons sont parfois dangereuses…
Jean Ferrat. Certains doivent le penser.
À lire l’exposition, il y a un autre Ferrat que l’artiste dit engagé ?
Jean Ferrat. Bien sûr, je pense que les chansons les moins connues sont précisément les chansons dites engagées.
La trame principale, c’est plutôt les chansons d’amour, d’amour de la vie, de la nature ?
Jean Ferrat. Oui, c’est la trame principale sur la durée.
Quand on vous écoute il y a la lumière, la rivière, l’arbre et puis Picasso, Aragon, Neruda, pour un peu on dirait que vous combinez " l’écolo " et " l’intello " ?
Jean Ferrat. Écolo, même si l’on n’employait pas encore l’expression, c’était ce que l’on disait de la Montagne, dont José Bové m’a confié que, jeune, il la chantait beaucoup.
Quant aux poètes que font-ils donc d’autre, au fil des siècles, que reprendre le chant, le chant de l’homme face à lui-même et à l’univers. Pour moi, de toute façon, il n’y a pas de classification entre ces thèmes.
À Claude Villers qui vous parle des pouvoirs de la chanson vous répondez : " j’ai un certain pouvoir, mais il ne m’a pas rendu fou ". Qu’avez-vous voulu dire ainsi ?
Jean Ferrat. Le succès peut perturber considérablement l’artiste, surtout s’il survient brusquement et dans le plus jeune âge. J’en connais qui ont pété les plombs. Moi, c’est venu avec le temps, j’ai fait mon métier comme un artisan sans que cela me monte à la tête. Ce n’est pas dans ma nature. Bien sûr, on aime être aimé, c’est une reconnaissance. Ce qui me fait plaisir en lisant les lettres que je reçois, c’est de voir que les gens m’aiment pour de bonnes raisons. Enfin, c’est moi qui les trouve bonnes !
Il n’y a jamais eu d’idolâtrie à votre égard
Jean Ferrat. Je ne prête pas le flanc à ce genre d’attitude. Je crois que cela procède de la tête, du comportement qu’on montre.
Comment expliquez ça ?
Il me semble que les gens sont conscients que je me suis toujours efforcé de garder une certaine rigueur dans ce que j’écris et dans ce que je fais.
Quand vous vous installez durablement à Antraigues, est-ce une façon d’échapper à ce que l’on appelle aujourd’hui la pression, la pression des calculs, des sollicitations, des médias ?
Jean Ferrat. Au début, c’est clair, j’ai voulu échapper à la fatigue physique et morale que provoque cette pression du spectacle. Je me disais : Si un jour j’en éprouve le désir, je pourrais toujours remonter sur scène. Finalement, je n’en ai jamais eu assez l’envie.
Les gens ne le comprennent pas toujours très bien…
Jean Ferrat. C’est incompréhensible, je le sais, incompréhensible pour le public qui ne voit que ce qui brille du métier. Il faut le vivre pour le comprendre. Mais il y a des artistes qui, à l’inverse, ont besoin de ça, de toute cette activité, de cette frénésie, et je le comprends parfaitement.
Vous ne chantez plus, mais vous parlez. Le chanteur aurait-il cédé la place au citoyen qui parle, qui écrit, qui publie. Vous prenez la parole ?
Jean Ferrat. Les artistes, on leur demande leur avis sur tout. Moi, si je peux parler d’une chose c’est, je le crois, de la chanson. Et si je peux aider ceux qui n’ont pas ce droit à la parole c’est de mon devoir de le faire.
À propos de votre intervention dans le domaine de la chanson, disons pour la diversité culturelle, votre bataille n’est-elle pas marquée par vos propres goûts ?
Jean Ferrat. Elle l’est forcément puisque j’ai constaté depuis longtemps qu’il n’y a plus cette " chanson de paroles " comme je l’appelle, cette chanson artisanale, cette chanson qui n’a pratiquement aucun accès à la diffusion que ce soit radiophonique ou télévisée. J’ai décidé d’alerter les responsables à ce sujet et je continuerai à les secouer.
Certains ont dû vous dire que défendre cette chanson peut donner l’impression que vous ne prêtez pas d’intérêt à d’autres formes de la chanson ?
Jean Ferrat. Moi, je défends les plus déshérités, les autres n’en ont pas besoin.
Cependant vous devez les reconnaître ?
Jean Ferrat. Mais je les reconnais, je reconnais leurs qualités. Il y a des gens comme Souchon ou Cabrel, par exemple, qui sont très remarquables en écriture et qui ont un succès mérité. Mais de ceux-là, pourquoi faudrait-il en parler puisque tout baigne pour eux ?
Vous avez en fait à peu près commencé votre parcours de chanteur en même temps que Johnny Halliday. Qu’en pensez-vous ?
Jean Ferrat. C’est un artiste incontestable. On appelle cela dans notre jargon une bête de scène. Des chansons, il y en a eu beaucoup, surtout au début, que je ne trouvais pas du tout intéressantes, et puis il me semble qu’il s’est bonifié à ce sujet-là. Il a pris des chansons de Berger qui étaient très jolies.
Pour conclure, sur votre présence à la Fête de l’Humanité, avec votre exposition " Jean des Encres, Jean des Sources ", l’expression employée " 50 ans de Ferrat pour 100 ans d’Huma ", a-t-elle un sens pour vous ?
Jean Ferrat. Que cela corresponde effectivement au 100e anniversaire du journal me fait plaisir parce que le journal a beaucoup compté pour moi. Les idées qu’il défendait dans certaines périodes ont été un outil de résistance à des choses tragiques que la France a connues après la Seconde Guerre mondiale, je pense en particulier aux guerres coloniales.
En même temps, tout ce qu’il racontait sur ce qui se passait à l’Est me laissait mal à l’aise. J’avais du mal à supporter cette inconditionnalité. Aujourd’hui, je pense qu’il est indispensable.
Vous êtes venu, jadis, au début des années soixante-dix, à la Fête, pour chanter sur la grande scène. Cette année, après une rencontre il y a deux ans sur la chanson, vous allez vous y exprimer sous la forme d’une exposition et de rencontres avec le public. Est-ce pour vous une manière d’apporter une contribution au centenaire de l’Humanité ?
Jean Ferrat. Ce serait bien présomptueux de ma part, je suis un petit artisan, quelqu’un qui a essayé de faire ce qu’il pouvait et c’est un honneur que me fait l’Humanité de prendre ainsi mon exposition dans la Fête du centenaire, je le ressens comme cela.
Entretien réalisé par Charles Silvestre (L'Humanité, 1 septembre 2004)
* les ITV de Jean Ferrat sont rares.
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Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Mar 16 Mar - 13:58
Jean Ferrat « C’était l’homme droit »
Par Roland Leroy, ancien directeur de l’Humanité.
Notre douleur, de Danièle et moi, est immense. C’est un déchirement. Il y a quelques semaines, nous convenions au téléphone de nous rencontrer à Entraigues et même, peut-être, à Clermont-l’Hérault quand le printemps le permettrait. Les souvenirs se bousculent, des rencontres publiques, par exemple l’inauguration de l’exposition « Jean des encres, Jean des sources »à la Fête de l’Huma, puis des autres rencontres chaleureuses chez Colette et Jean et chez nous… les réveillons joyeux de ses anniversaires, notamment celui qui s’est prolongé et contredit par notre voyage à Paris pour les obsèques d’Aragon.
Durant les vingt ans où j’ai vécu la vie de l’Huma, les relations entre le journal et Jean s’étaient resserrées pour devenir celles des « compagnons de route », au sens plein du mot, partageant le pain sur une route qui est la même.
Jean, son talent, son œuvre, ont toujours exprimé ce que l’Humanité voulait, veut toujours être, ouverte à la vie, aux femmes et aux hommes de notre temps, à l’avenir ; dressée contre l’injustice, la barbarie, la guerre ; en un mot : humaine.
Jean exprimait avec force, pénétration, ce que le journal voulait dire. Il le faisait avec son génie. « Je twisterais les mots s’il fallait les twister »… Il a su tout dire et ne cachait pas son étonnement et sa joie quand il rencontrait un écho à sa sensibilité, par exemple quand l’Huma accueillit positivement le Bilan…
Ma France, Sacré Félicien, les Enfants au soleil, Que serais-je sans toi… Jean restera un grand moment de notre vie, de notre histoire… Rien n’égale la puissance de pénétration de l’œuvre d’Aragon acquise grâce à Jean Ferrat.
Rien n’égale la finesse, la profondeur de l’expression de nos valeurs, le souffle de liberté de l’Honnête homme au sens historique du mot, de l’homme droit que Jean Ferrat restera pour nous, lui qui est pour toujours le porte-voix du mouvement profond de la classe ouvrière, au sens plein de noblesse qu’il donnait à l’expression.
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Mer 17 Mar - 0:23
L'AMOUR EST CERISE
Jean Ferrat était aussi un grand amoureux de la vie et de ses plaisirs.
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Mer 17 Mar - 1:21
« Ferrat. C’était un honnête homme »
Par Francesca Solleville, chanteuse.
Vous l’avez connu à ses tout débuts…
Francesca Solleville. Ça a été une amitié de jeunesse qui a duré jusqu’à la vieillesse. On s’est connu dans les cabarets au début des années soixante. Ensuite, on était de toutes les manifs… Je suis entrée dans le métier au moment où Aragon était mis en musique par Ferrat, Ferré. Ce furent des années formidables. L’ambiance était chaleureuse, fraternelle pas professionnelle dans le sens où aucun d’entre nous ne voulait devenir célèbre. J’aimais cette ambiance-là, faite de chaleur humaine et d’écriture.
Pourquoi, selon vous, a-t-il arrêté la scène ?
Francesca Solleville. Au fil des jours, il s’est fatigué des tournées. Il a arrêté la scène en 1973, il avait déjà sa maison dans l’Ardèche. Ce qui l’a dégoûté, c’est cette amplification des moyens : il fallait chaque fois plus de camions, de matériel. Cette espèce de professionnalisation, de business où on n’était connu et reconnu que si on se trimballait avec un camion de trente tonnes… Alors il a fait ses adieux au Palais des sports, il en avait ras-le-bol. C’était un auteur, un compositeur et il aimait faire son métier tout seul. Bien sûr qu’il aimait faire des disques mais plus les tournées. C’était un être fragile.
Fragile, dites-vous, et timide aussi…
Francesca Solleville. Oui, curieusement. Quand il a commencé à chanter, ça a marché, malgré son peu d’enthousiasme et sa timidité.
Vous avez interprété bon nombre de ses chansons.
Francesca Solleville. Il m’a écrit beaucoup de musiques sur des textes que je lui portais. Pour mon dernier album, il a composé la musique de Donnez-moi la phrase. Il a accepté de le faire à cause, ou grâce, au dernier couplet de la chanson qui parle « du jour de lessive », de ce quotidien simple qu’aimait Jean. Pour lui, c’était ça, chanter. C’était un honnête homme, droit, sincère. Il n’a jamais triché, ni avec les choses, ni avec les gens.
Entretien réalisé par Marie-José Sirach
Malgré le temps qui passe, je suis fier et heureux d'être toujours présent à tes côtés, ma Fanfan, et j'espère l'être toujours." Jean Ferrat
http://www.myspace.com/francescasolleville
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN FERRAT Mer 17 Mar - 15:15
Ferrat, la rime et la raison
Par Gilles Médioni (L'Express) publié le 16/03/2010
Chanteur militant et contestataire, il avait aussi été formé à l'école du rire, partageant avec le duo Poiret-Serrault, notamment, l'affiche des cabarets de Saint-Germain-des-Prés, dans les années 1960.
La Montagne, Potemkine, Que serais-je sans toi ?... Ce tendre révolté laisse une marque indélébile dans la chanson française. Poète épris d'Aragon, artiste militant, Jean Ferrat sera enterré ce mardi 16 mars à Antraigues-sur-Volane, le village d'Ardèche où il vivait depuis des années.
Jean Ferrat
26 décembre 1930 Naissance à Vaucresson (Hauts-de-Seine). 1941 Déportation de son père. 1956 Met en musique Les Yeux d'Elsa, d'Aragon, chanté par André Claveau. 1964La Montagne. 1972 Derniers concerts. 1974Ferrat chante Aragon (2 millions d'exemplaires). 1991Dans la jungle ou dans le zoo. 2009Les Nos 1 de Jean Ferrat (100 000 disques vendus). 13 mars 2010 Mort à Aubenas (Ardèche).
Citoyen du temps, il se disait "homme du XXe siècle", ui qui avait traversé des "tragédies, des hécatombes, des génocides, des massacres colonialistes". Avec la disparition de Jean Ferrat s'est tue la voix des ombres et des tumultes, celle des luttes de gauche et des espoirs assassinés, des mots d'amour et des vers d'Aragon. Car Jean Ferrat était bien l'un des derniers chanteurs-poètes contemporains au coeur fidèle et militant. Ses chansons étaient descendues dans la rue, dans les usines et les manifs. A la mairie, les mariés écoutaient Que serais-je sans toi ? Aux enterrements, on entendait Tu aurais pu vivre encore un peu . Il a toujours su parler de la place de l'homme dans la société avec, entre autres, du rire. "Je suis issu de l'esprit de Jean Yanne, des Frères Jacques, de Poiret et Serrault, avec lesquels je partageais l'affiche des cabarets de Saint-Germain-des-Prés."
Lorsqu'il passa en vedette à l'Alhambra, en 1965, il invita, en lever de rideau, Jean-Christophe Averty, qui cassait une télé à coups de marteau, Pia Colombo, accueillie par un lâcher de couronnes mortuaires - on la comparait à Piaf - et les contrepèteries subtiles de Bobby Lapointe. En ravivant ces souvenirs, Ferrat rigolait de bon coeur. La Montagne comme tract musical. Et nommer l'innommable dans Nuit et brouillard. Jean Tenenbaum (son vrai nom) y rendait hommage aux victimes de l'Holocauste - son père est mort à Auschwitz. Encore récemment, il allait à la rencontre des collégiens et des lycéens pour arpenter avec eux le promenoir de sa mémoire, en témoin infatigable de l'Histoire.
Né en 1930, fils d'un joaillier juif d'origine russe et d'une vendeuse de fleurs artificielles, Jean Ferrat entre, au lendemain du conflit mondial, dans un laboratoire de chimie du bâtiment. C'est à cette époque qu'il découvre le syndicalisme, la conscience de classe et la poésie de la résistance en lisant Aragon. Ma Môme, Federico Garcia Lorca, Potemkine et, bien sûr, Les Yeux d'Elsa - d'après Aragon - sont nés sur le brasier de l'après-guerre, de la rive gauche et du Théâtre national populaire (TNP) de Jean Vilar. "Je découvrais qu'une vie était possible. Son Avare a changé des existences, on ne l'a pas assez dit", i nsistait-il lorsqu'on discutait avec lui. Il était grave et tendre, concentré et drôle. Ferrat ajoutait combien le chanteur contestataire qu'il était avait été aussi formé à l'école
Potemkine(1965), Ma France (1969), Au printemps, de quoi rêvais-tu ? (1969), Camarade (1970), Un air de liberté (1975), Le Bilan (1980)... Les classiques de Ferrat sont des chansons qui dérangent et provoquent des débats sur les dérives staliniennes, la guerre du Vietnam, Mai 68, l'invasion de la Tchécoslovaquie par les Soviétiques... L'ORTF censure ce compagnon fidèle (non encarté) du PC ; il lui rend la pareille : on ne le verra plus à la télévision, ou rarement. Interprétées d'une voix forte et enveloppante, ses chansons rassemblent les opprimés, les méprisés, les exclus. "Je n'ai pas été un grand militant, mais j'ai participé à des actions pour défendre nos droits. Et j'ai appris aux jeunes qu'il fallait résister jusqu'à son dernier souffle."
Jean Ferrat, qui vivait à Antraigues-sur-Volane (Ardèche) - il y fut maire adjoint durant deux mandats - rompait quelquefois le silence pour un coup de gueule, afin de défendre le pluralisme de la chanson française, soutenir José Bové ou le Front de gauche. Il n'écrivait plus, ou peu. "Plus le temps passe, plus je suis exigeant et moins j'ai la force de proposer des chansons, avouait-il. J'ai tort, je devrais me forcer." Lui, qui affirmait "ne pas chanter pour passer le temps", pêchait la truite, cultivait son jardin, jouait au poker. Loin de la rage des mots, mais toujours ivre de vérité.
La voix d'Elsa
Les deux albums Ferrat chante Aragon (1974) et Ferrat 95 (1994) rassemblent une vingtaine de poèmes d'Aragon : Nous dormirons ensemble, Que serais-je sans toi ?, Heureux celui qui meurt d'aimer, Carco, Complainte de Pablo Neruda, Chagall,
Epilogue...
"Je suis heureux d'avoir réussi à faire qu'un poème devienne une chanson populaire, confiait Jean Ferrat. Je pense, comme Antoine Vitez, que la culture ne doit pas être élitaire mais destinée à tous." Aragon et Ferrat se sont rencontrés une vingtaine de fois. errat adaptait Aragon en prenant des libertés. "Il me laissait faire. Parfois, j'isolais un certain nombre de vers pour en faire un refrain ou je privilégiais un quatrain qui synthétisait le sens du poème. J'ai pu intervertir des phrases, les orienter dans un certain sens. Aragon demandait : "C'est bien moi qui ai écrit ça ?" Il ne supportait pas que la musique ajoute des pieds à ses vers. Mais c'était un moyen de varier la mélodie des octosyllabes, de rompre un peu la monotonie des vers réguliers."
Nine Admin
Nombre de messages : 12721 Date d'inscription : 03/05/2008
Sujet: Re: JEAN FERRAT Jeu 18 Mar - 2:25
LA SACEM Hommage à Jean Ferrat disparu le 13 mars 2010
A.Marouani
C’est avec une immense émotion que nous avons appris la disparition de Jean Ferrat, qui fut durant plus d’un demi siècle l’une des voix et des plumes majeures de la vie musicale française, tour à tour lyrique, épique, romantique, ironique, polémique :
ce qu’on pourrait appeler une voix « debout », venue du cœur d’un homme et d’un pays qui en arrivaient parfois à se confondre, même s’il en exprimait les contradictions, chargée d’émotion et de vécu, de ces petites histoires qui font la grande. L’une des plus engagées aussi, avec son confrère Leo Ferré, dont le nom rimait si bien avec le sien au temps des années Barclay et faisait également chanter les mots d’Aragon, à sa manière, à hauteur d’homme.
C’était le temps où les chansons parlaient de bourgeois, de croquants, d’anars e t de blousons noirs, et Jean y fit entrer des ouvriers, des paysans, des déportés, des mutinés, des guerilleros, des communards, des étudiants, des profs, des peintres, des maçons, des nomades, des demoiselles de magasin et autres minorités émouvantes –on ne parlait pas encore de « foules sentimentales », mais le cœur y était- ouvrant une brèche sans pareille dans le répertoire de la chanson populaire et nous donnant par sa gravité et sa vérité un frisson digne d’un Félix Leclerc.
Chroniqueur sentimental et –comme on dirait aujourd’hui- « sociétal » en 45 et 33 tours, qui veillait à jouer aussi bien sur la corde sensible que la fibre intellectuelle, Il fut l’un des premiers à faire des « gens » ses héros, à s’inspirer de choses vues et souvent tues, à mener contre les institutions et chapelles de son temps un combat d’autant plus âpre qu’il était incarné par un sourire épanoui, un œil goguenard, une voix où l’accent parisien de sa jeunesse le disputait aux silences éloquents de sa province, qu’il mettait –à l’image d’un Pete Seeger ou d’un Woody Guthrie- des fleurs à son fusil et du sel à ses saillies.
Sa moustache triomphante et jubilatoire faisait, en quelque sorte, passer le reste et disait tout ce qu’il n’écrivait pas dans ses textes, tant les chansons se tissent aussi entre les mots, parlait du bonheur de vivre et du devoir d’en jouir, du malheur de l’autre et de l’urgence à ne jamais fermer ses yeux et ses oreilles au monde « qui frappe à notre fenêtre ».
Résistant serein des transistors, révolutionnaire insidieux des platines, il savait en digne émule de Brassens faire rougir les mots, séduire la ménagère autant que la maîtresse de maison, faire fredonner au maçon autant qu’au patron des refrains qui, en d’autres circonstances, les auraient totalement opposés devant l’urne ou l’usine, et les réunissaient ici face aux Champs Elysées de Michel Drucker ou au Grand Echiquier de Jacques Chancel.
Ces soirs-là, on allait « chez » Ferrat, autant qu’il venait à nous, pudique, convivial, entier : humain. Il séduisait, par les audaces de sa timidité, la bonne santé de son propos, son sens de l’autodérision (L’idole à papa, où il parodiait Tino Rossi, Le jour où je deviendrai gros, L’été de la Saint-Martin, La voie lactée, Sacré Félicien), par ses déclarations d’amour « aragoniennes », même lorsqu’elle émanaient de sa plume (Je vous aime, La femme est l’avenir de l’homme), par son courage et son entêtement à garder le verbe haut, en ces débuts de Cinquième République où personne, depuis Montand et Lemarque, ne donnait plus la parole au peuple sur les scènes de music-hall, où la « participation » avait eu raison des barricades et la « normalisation » des dernières illusions prolétaires. Ferrat, lui, continuait, témoignait, interpellait, rêvait tout haut de jours futurs et de filles longues, de repos du guerrier et de lendemains qui chantent, d’un monde neuf et beau comme au premier jour. Il flamboyait.
En fallait-il, de la force et de la conviction, pour inscrire au hit-parade et autre Palmarès des Chansons de l’époque des titres comme Potemkine, Nuit et brouillard, Maria, Le sabre et le goupillon, Camarade, En groupe, en ligue, en procession, Cuba si, A Santiago, ou Ma France, un temps interdite d’antenne, Au printemps de quoi rêvais-tu ?, et puis La commune, Un air de liberté, Dans la jungle ou dans le zoo, Le bilan.
Qui d’autre même s’y risqua, voire s’y risquerait aujourd’hui, hors du rap et du slam, c'est-à-dire sans le secours de mélodies, de refrains qui perdurent ? Car loin d’être un simple « chanteur à texte », comme on le dit parfois, il était un pur « ACI », et même, dans son cas, poète-mélodiste-interprète, donnant à l’instar de l’ami Georges –auquel il consacra un titre- autant à fredonner qu’à réfléchir, nous parlant par ses notes autant que par sa plume.
Le secret de Jean, enfant de la guerre, de la rive gauche, des années noires, épris de jazz, de théâtre et de poésie, capable d’aimer à la fois Sinatra et Brassens, Tino et Picasso, et fut sans doute de partager judicieusement son œuvre entre chansons de combat et chansons de charme, intimistes, qui lui rallièrent donc tous les publics, toutes les générations, Jusqu’à aujourd’hui : n’obtient pas un disque de diamant qui veut, avec sa triple anthologie récente et en pleine crise de l’industrie phonographique !
Impossible en effet d’évoquer Jean Ferrat sans penser d’abord nature, simplicité, comme en témoignent toutes ses pochettes de disques, c'est-à-dire Entraigues-sur-Volane, dont on avait fini par connaître la fameuse rivière par cœur, immortalisée par le photographe Alain Marouani, et puis amour, à la lettre A comme Aragon.
C’est avec cette face de son répertoire, quasi naturaliste, et une équipe de fidèles à toute épreuve -Gérard Meys, son éditeur-producteur et alter-ego, Alain Goraguer, sa « moitié sonore » et orchestrale, du classique au jazz- qu’il s’imposa d’abord : Ma môme, Deux enfants au soleil, La Montagne, C’est beau la vie, Que serais-je sans toi, Heureux celui qui meurt d’aimer, Je ne chante pas pour passer le temps, Aimer à perdre la raison.
Par ses chansons de combat, il mobilisait, galvanisait les foules. Par ses chansons d’album, titres hédonistes ou nostalgiques sur les climats, les saisons, les ombres et lumières de nos jours, les jeux subtils de l’amour et du temps, il les séduisait, les convertissait presque : A l’ombre bleue du figuier, Mourir debout, Au point du jour, La matinée, Les saisons, Les lilas, Raconte-moi la mer, Tout ce que j’aime, On ne voit pas le temps passer, petits poèmes symphoniques du quotidien où les orchestrations éblouissantes de Goraguer sublimaient ces fameux mots de tous les jours portés ici à leur pinacle (cf Pauvre Boris, dédiée à Vian).
La montagne, bien sûr inspirée par le spectacle de la vie qu’il avait choisie, et entrée de plain-pied dans notre répertoire au même titre qu’un air du folklore, qu’un Temps des cerises moderne à la fois prometteur et désenchanté, synthétisait à merveille toutes ces écritures, toutes ses qualités, de l’épicurien complice à l’écorché vif, du tableau réaliste au peintre des horizons, rougeoyant au feu des grands soirs. Et de nous demander en écrivant ces lignes qui donc a pris le relais, fera « twister les mots s’il fallait les twister », c'est-à-dire parler à la fois au cœur et à la raison, à la mémoire et à la conscience du public : faire rêver en même temps que réveiller les gens. Tout l’art de Jean –son charme- y résidait, et l’on ne saurait clore cet hommage sans évoquer aussi celles, de Christine Sèvres (La matinée) à Isabelle Aubret (Deux enfants au soleil, Le bonheur, Que c’est beau la vie, j usqu’au Dernier rêve, en son hommage), de Juliette Gréco à Francesca Solleville et Jacqueline Dulac (Les chevaux, un de ses plus beaux titres), qui prolongèrent son rêve de changer le monde tout en le célébrant, et les auteurs qu’il mit en musique, de Georges Coulonges à Henri Gougaud, Guy Thomas, Pierre Grosz et le tandem Senlis-Delécluse, tous excellents. De même qu’il faut citer ici la musique de Mon vieux (Daniel Guichard),
son combat permanent pour la défense du droit d’auteur et de la francophonie si menacés, l’exception culturelle et les quotas de diffusion de répertoire national sur les ondes, ainsi que la diversité des programmations musicales sur le service public, toutes causes qui nous sont chères et nous rappellent le plaisir de lui avoir remis notre Grand Prix de la Chanson en 1994, en présence de sa « famille ».
A tous ces titres, il rejoint aujourd’hui le panthéon de nos plus illustres sociétaires, de Jean-Baptiste Clément à Béranger, de Francis Lemarque à Georges Brassens, et bien sûr, Louis Aragon dont il fut le premier à magnifier par ses notes les plus beaux vers, ces Yeux d’Elsa qui nous éclairent et nous rappellent combien les chansons sont grandes, quand elles émanent de si belles âmes.