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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Sam 7 Nov - 22:21
[font=Arial Black]L'enfance d'un Artiste qui s'appelle BASHUNG.
Ce titre est extrait de l'album : Roulette Russe
Année de sortie : 1979
Je suis né tout seul, près de la frontière Celle qui vous faisait si peur hier Dans mon coin, on faisait pas de marmots La cigogne faisait tout le boulot C'est pas facile d'être de nulle part D'être le bébé von dem hasard
Hey ! Gipsy, t'as plus de veine que moi Le blues, il sent bon dans ta voix Elsass Blues, Elsass Blues Ca m'amouse... Va falloir que je recouse
Elsa, encore un verre de Sylvaner Pour graisser le rocking-chair de grand-mère Mets ton papillon noir sur la tête Je te ferai un câlin ce soir, après la fête Faut pas que je parle aux Levy d'en face Mémé m'a dit "Reste à ta place"
Hey ! Gipsy... j'aurai pas mon bac Je ne ferai jamais la carrière de Bismarck Elsass Blues, Elsass Blues Ça m'amouse... Va falloir que je recouse Elsass Blues, ça m'amouse Va falloir que je recouse
J'habite un blockhaus sous la mer Elsa est aussi belle qu'hier Son papillon se noie dans mon blanc sec J'ai pas trouvé le dernier Kraftwerk Elsass Blues, Elsass Blues Ca m'amouse... Va falloir, va falloir que je recouse
BORIS BERGMAN
Bridget
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Mar 18 Oct - 0:40
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1998
1998 : le disque qui a définitivement imposé Bashung en maître de la chanson française
L’œuvre la plus aboutie d’une discographie pourtant riche en tableaux de maîtres allait définitivement, bien que tardivement, installer Bashung comme figure majeure de la musique française de la charnière entre XXe et XXIe siècles.
Post Pop Dépression. Voilà comment aurait pu s’appeler ce qui restera à jamais le grand œuvre d’Alain Bashung. Un titre et une formule magnifique qu’Iggy Pop offrira 14 ans plus tard à son disque né après à la disparition de son ami David Bowie. « Post Pop » car le chanteur alsacien a connu quelques années plus tôt le retour aux sommets des charts avec Ma petite entreprise, l’un de ses classiques aux côtés des Vertige de l’amour et Gaby oh Gaby de la décennie précédente. « Dépression » car il traverse une nouvelle et intense crise personnelle suite à l’explosion en plein vol de son couple. Conjuguée à la noirceur qui envahit sa musique à travers les expérimentations qu’il tente depuis l’album Play Blessures, sa situation donnera naissance à un dixième album au titre en forme d’oxymore : Fantaisie Militaire.
Depuis 1994 et le disque précédent, Chatterton, qui embarquait sa petite entreprise vers les bénéfices, Bashung se consacre au grand écran, enchaînant peinard un rôle par an. Ma sœur chinoise, Le Jeu de la clé, Attends-moi, Mon père, ma mère, mes frères et mes sœurs… restent autant d’occasions de croiser sa silhouette de doux rêveur souvent paumé, toujours touchant.
Mais touché, il l’est aussi, à la limite de couler. « Alain avait dû interrompre la tournée Chatterton à cause de ses problèmes » se souvient Olivier Caillart, à l’époque directeur général de Barclay, sa maison de disques. Contraint à une cure de sommeil dans un établissement hospitalier de Meudon, séparé de sa femme et de son fils, le chanteur embarque son matelas et sa guitare dans le quartier parisien de Belleville. Il y loue un appartement sans âme dans un environnement où sa célébrité en fait vite une proie pour les dealers du coin, bien qu’il ne soit pas le mieux placé pour faire fleurir leur business.
“Il savait que le fait de se remettre à bosser était la seule façon de s’en sortir” Jean Fauque
Reclus chez lui, sa sonnette ne retentit que lors des visites de Jean Fauque, le parolier complice avec lequel il a tissé, sur Novice en 1989, une association brillamment poursuivie sur Osez Joséphine. « Nous nous sommes mis à travailler sérieusement à son retour, début 96, se souvenait Jean Fauque en 2014, dans une interview aux Inrocks à l’occasion de la réédition de Fantaisie Militaire. Il n’allait pas beaucoup mieux mais, comme en 1982, lorsqu’il s’était attelé à Play Blessures, il savait que le fait de se remettre à bosser était la seule façon de s’en sortir ».
Débute alors un ping-pong musical où les idées du chanteur vont alterner coups droits et revers avec les mots de l’auteur. Bashung met plusieurs chansons en chantier et incite Fauque à lui fournir des lignes qu’ils smashent ensemble. Ainsi naissent les premières maquettes du disque qu’il soumet à Olivier Caillart. « C’était la première fois que je m’impliquais sur le processus de fabrication d’un album d’Alain, explique l’ex-boss de Barclay. Je me souviens parfaitement avoir entendu la première version de La nuit je mens… Il m’a alors demandé comment et avec qui avancer, tout particulièrement en tant que producteur. Je lui ai proposé Ian Caple pour son travail avec les Tindersticks, qui me semblait parfait pour ce qu’il voulait. » Avec Anne Lamy, en charge de la production exécutive, Caillart élargit le casting aux Valentins, soit Jean-Louis Piérot aux claviers et l’inséparable Edith Fambuena aux guitares. En parallèle, Bashung bosse aussi avec Richard Mortier, son guitariste passé aux claviers à qui il confie ses maquettes. Il lance alors chacune des parties, Mortier d’un côté, les Valentins de l’autre, sur le chantier de ses chansons durant des semaines avant de rassembler toutes les propositions et de les bidouiller. « Alain les faisait travailler pour arriver à ce qu’il avait déjà entendu, là où il voulait être. Et quelque part le conforter dans sa propre vision des morceaux. »
Pour épauler en tant qu’assistant ingénieur du son l’Anglais Ian Caple, Anne Lamy glisse judicieusement le nom de Jean Lamoot qui aura un rôle inattendu grâce à sa maîtrise de Pro Tools, logiciel d’enregistrement numérique dont les possibilités vont illuminer les yeux de Bashung et étancher sa soif d’expérimentations. Une fois les idées au clair, l’équipe investit au printemps 1997 le studio Antenna de Clichy pour quelques mois.
L’enregistrement s’effectue ensuite dans le Var, au studio Miraval, sous la houlette de Caple qui élargit l’équipe à l’international. Il recrute Martyn Barker, ex-batteur du groupe Shriekback, qui travaillera plus tard avec Beth Gibbons de Portishead dont le guitariste, Adrian Utley, est aussi appelé à la fantaisie militaire. La basse est confiée à Simon Edwards, musicien de l’ombre passé par Fairground Attraction, qui a posé quelques notes sur le cultissime Spirit of Eden de Talk Talk, un album qui constitue un point culminant artistique à l’ensemble de l’équipe. Quant aux arrangements de cordes majestueux, ils seront signés du musicien Joseph Racaille. Bashung s’autorisera toutes les fantaisies civiles, à l’image de l’appropriation du titre country Samuel Hall téléporté du Far West dans l’ère de la drum’n’bass par le tandem Rodolphe Burger et Olivier Cadiot.
Le disque parait le 8 janvier 1998, immédiatement porté par la beauté tragique de la chanson La nuit je mens sortie en single un mois plus tard. Dernier grand hit de Bashung, il reste son morceau le plus magique, le plus surprenant, né d’un texte de Jean Fauque. Celui-ci expliquera lors d’une rencontre au Printemps de Bourges en 2012 avoir voulu s’attaquer au thème de l’héroïsme stupide avant de dériver sur celui du mensonge. « A l’époque, de nombreuses affaires sur la collaboration ressortaient dans les journaux : le procès Papon, Klaus Barbie, le passé trouble du président Mitterrand… On se disait que c’était facile de réécrire l’histoire cinquante ans après, mais nous-mêmes, aurions-nous été des lâches ou des héros ? »
Cette réflexion amène les deux à imaginer cette histoire d’un homme qui, ne sachant comment retenir l’amour qui le quitte, se vante de faux actes d’héroïsme. L’ombre du défunt Gainsbourg, avec lequel Bashung avait conçu Play Blessures en 1982, plane sur leur association, les deux s’imaginant comment le grand Serge réagirait à chacune de leurs lignes.
Avec Chatterton, Alain avait encore élargi son public. Avec Fantaisie Militaire, la presse s’emballe, d’autant que la pochette s’impose dans la famille des réussites inoubliables. Réalisée par Laurent Seroussi, on y surplombe un Bashung allongé dans un marais, le visage et les mains émergeant au milieu de lentilles d’eau vertes, couleur qui déplaît au chanteur. « Il m’a expliqué que le vert portait malheur et il était très réticent ». Seroussi tient bon et le résultat final, aussi beau qu’intrigant, ajoute à la magie du disque.
Deux singles plus tard, La nuit je mens et Malaxe, Bashung s’embarque pour une longue tournée. Au succès public (entre 300 et 400.000 exemplaires écoulés de l’album) s’ajoute la reconnaissance de la profession envers celui qui, à cinquante ans bien tassés, tutoie enfin son meilleur.
Les Victoires de la Musique 1999 s’apprêtent à le consacrer mais, fidèle à sa discrétion maladive, il fuit comme la peste toute idée de cérémonie. Bien que sensible aux hommages, la forme ne lui convient guère, à lui qui serait le centre de la soirée. Bomber le torse n’a jamais été son truc, même pour cette victoire par KO. « Je lui ai rendu visite la veille au soir pour le convaincre de venir et l’ai quitté à deux heures du matin après avoir obtenu son accord » en sourit encore Olivier Caillart.
Bashung ne regrettera pas le déplacement puisque Fantaisie Militaire lui vaut pas moins de trois récompenses : Album de l’année, Artiste interprète de l’année et Meilleur clip pour La nuit je mens. Cerise plus tardive sur ce gâteau doré, l’album recevra en 2005 la Victoire des Victoires du meilleur album des 20 dernières années. Peu de temps après, le chanteur subira un contrôle fiscal peut-être dû à un inspecteur des impôts saisi par le succès télévisé du discret chanteur en cette grande soirée.
Le plus beau cadeau, Fantaisie Militaire l’offre à Bashung par la rencontre de sa future femme. Dans le clip de La nuit je mens que réalise Jacques Audiard, le chanteur en costume fume derrière la porte fenêtre de toilettes glauques. A côté de lui défilent des créatures qui vendent leurs charmes. Dans ces images qui semblent volées par la caméra apparaît Chloé Mons, avec laquelle il enregistrera en 2002 le mini-album Cantique des cantiques, un titre créé pour leur mariage sur une musique de Rodolphe Burger.
Jusqu’à sa mort en 2009, Bashung n’aura de cesse de peaufiner son art et ses recherches pour toujours bousculer son écriture. Sur L’Imprudence, ce ne sont pas deux mais cinq ateliers qu’il lance en parallèle pour assembler des chansons qui sonneront de façon encore plus expérimentale. Sa discographie se conclura en 2008 par le magnifique Bleu pétrole, avant sa disparition l’année suivante. Laissant ses fans et la France entière à une Post Bashung Depression toujours pas guérie.
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Mer 5 Sep - 22:11
Exclusif :
un album posthume
pour Alain Bashung
Paris Match Publié le 05/09/2018
Benjamin Locoge
Alain Bashung en 2009. Benoit Tessier/Reuters
Barclay sortira un fin novembre un nouvel album studio d’Alain Bashung, neuf ans après sa disparition, intitulé «Après vous».
Ce sera l’événement de l’automne. Barclay sortira fin novembre un nouvel album studio d’Alain Bashung, neuf ans après sa disparition. Le chanteur avait laissé dans ses tiroirs de nombreuses maquettes, mis de côté de nombreuses chansons, pour choisir à chaque fois celles qui lui paraissaient les plus pertinentes pour ses albums.
A l’approche des 10 ans de sa mort, Chloé Mons, sa veuve, a donné son autorisation pour qu’Edith Fambuena, collaboratrice régulière du chanteur, se mette au travail sur dix titres inédits, assez aboutis pour être terminés en studio.
L’inverse du dernier album de Johnny Hallyday, prévu fin octobre, et qui a été enregistré de son vivant.
Le résultat devrait s’appeler « Après vous » et fera clairement frissonner les fans du chanteur. Par ailleurs, une série de concerts est en préparation pour avril 2019 autour du disque « Fantaisie militaire » qui réunira les musiciens de l’époque.
Ce chefd’oeuvre de la chanson française n’avait pas connu de tournée à sa sortie, Bashung ayant déserté la scène à cette période tourmentée de sa vie.
Nine Admin
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Dim 30 Sep - 20:23
Alain Bashung
- En amont Nouvel album à paraître le 23 novembre
1er extrait ""Immortels"" déjà disponible:
https://AlainBashung.lnk.to/Immortels
Texte et musique de Dominique A Réalisé par Edith Fambuena Extrait de l'album inédit ""En amont" à paraître le 23 novembre Vidéo réalisée par Christophe Acker Producteur executif Frederic Alenda Suburb.tv
Bridget
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Jeu 11 Oct - 22:36
Bashung d’outre-tombe : on a écouté “En amont”, son album posthume
[size=16]Le 23 novembre sortira “En amont”, disque posthume d’Alain Bashung. Un recueil de chansons enregistrées sommairement avant sa mort, et étoffées depuis sous la houlette d’Edith Fambuena, réalisatrice de “Fantaisie Militaire”. Décryptage en six points. [/size]
Ainsi donc, la voix fascinante de Bashung s’apprête-elle à briser le silence... Soyons honnête : on peut sans risque parier sa chemise que l’album, En amont, sera encensé. D’abord parce que tout ce que faisait Bashung, au moins depuis Fantaisie Militaire en 1998, semblait pour la plupart des critiques, frappé du sceau du génie. Ensuite, parce que près de dix ans après sa mort, et dans un paysage musical en manque criant de références, un disque posthume est forcément un événement. Et un vecteur d’émotions.
Mais comment se présente-t-il au juste, et que nous raconte-t-il ? Un premier single, Immortels (titre emblématique s’il en est) tourne déjà sur les radios ; le 23 novembre, jour de la sortie du disque, dix autres chansons seront révélées... En avant-première, nous avons pu les écouter. Avant d’entrer dans le détail au moment de leur sortie commerciale, voici ce qu’il faut d’ores et déjà en retenir.
D’où viennent ces chansons ?
Des sessions préparatoires de Bleu Pétrole, le dernier disque studio de Bashung (2008). A chaque album, le chanteur sollicitait un certain nombre d’auteurs, ou d’auteurs-compositeurs, afin qu’ils lui taillent un répertoire sur mesure. Il « maquettait » ensuite les chansons qu’il était susceptible de retenir... Mais a minima : avec des orchestrations sommaires, et en posant dessus ce qu’on appelle une « voix témoin » – pas forcément emplie de toutes les intentions d’une interprétation définitive. Tous les artistes font à peu près la même chose.
Vient ensuite la deuxième sélection, au terme de laquelle sont choisis les morceaux qui figureront effectivement sur le disque – et qui seront alors retravaillés musicalement et, sauf exceptions, réenregistrés par le chanteur. Ces onze chansons inédites sont donc des chutes de studio. Des brouillons, que Bashung avait finalement décider d’abandonner.
Pourquoi les sortir aujourd’hui ?
Parce que c’était son souhait, assure sa veuve, Chloé Mons, elle-même chanteuse, et qui apparaît sur le projet en tant que « conseiller artistique ». « Alain m’a dit souvent : “Bébé, il y a beaucoup de choses à réécouter dans le studio. Il y aura beaucoup de choses à sortir, il faudra s’en occuper” », écrit-elle dans un texte envoyé à la presse. Le disque sort quatre mois avant les dix ans de la mort de Bashung (en mars). Et juste avant Noël.
Ont-elles été retravaillées ?
Oui. Car l’idée n’était pas de publier des documents sonores, mais bel et bien des chansons abouties, telles que, peut-être, Bashung les aurait conçues s’il les avait gardées… D’où l’indispensable intervention d’un ou d’une musicienne, capable de saisir l’esprit de l’artiste. En l’occurrence, c’est une femme qui s’est chargée de cette tâche délicate : Edith Fambuena, dont le travail de réalisatrice avait fait l’unanimité sur Fantaisie Militaire.
A vrai dire, on ne voit pas qui d’autre aurait eu la légitimité nécessaire. Fambuena a opté pour la sobriété. Plusieurs morceaux affichent un dépouillement orchestral assez osé. Les guitares, instruments majeurs du disque, ne sont jamais tonitruantes. La tonalité y est même souvent plus folk que rock. Il ne s’agit pas d’épater, de distraire, encore moins de faire danser, mais de donner à écouter Bashung avec une certaine solennité. Du coup, la voix est clairement en avant, davantage même que sur nombre de ses disques précédents.
Quelle est la tonalité de l’album ?
Trois de ces chansons brossent de tendres portraits de femmes ; elles figurent parmi nos préférées, par la subtilité qu’elles déploient, et l’effet de surprise qu’elles suscitent. Moins étonnantes, d’autres jouent la carte du mystère avec des textes qui collent à l’imagerie codée de Bashung. Surtout, si la première partie du disque est traversée de clarté, la seconde affiche sans détour sa mélancolie – voire une franche noirceur.
Globalement, le rythme est plutôt lent, les mélodies répétitives, le chant posé et sans effet, ce qui peut donner une sensation de sécheresse (comme sur le single Immortels, qu’on préfère chanté par Dominique A). On a tellement dans l’oreille les interprétations enveloppantes de Bashung, que ce chant « de maquette » peut sembler manquer d’amplitude. Il n’y a guère que sur un titre qu’Edith Fambuena a choisi de le gonfler d’une réverb, ce qui lui va vraiment bien.
Qui a écrit les chansons ?
On retrouve sans surprise Arman Méliès et Joseph d’Anvers, qui avaient déjà travaillé avec Bashung. Les autres ? Dominique A, Doriand, Mickaël Furnon (de Mickey3D), Raphaël, Daniel Darc et Xavier Plumas (de Tue Loup). Tous avaient donc postulé pour figurer sur Bleu Pétrole ; ce disque posthume leur offre une sorte de revanche. Pour tout dire, seul le titre de Mickaël Furnon semble décalé, voire hors de propos. Les autres auraient pu sans mal se glisser sur Bleu Pétrole. Enfin, mention particulière à Nos âmes à l’abri, la très jolie chanson de clôture, écrite par Doriand et composée par Bashung : elle fait de nouveau entrer de la lumière dans le discours, et se charge de sens en évoquant la mort et ses suites. Des chœurs très délicats y apportent une douceur rassurante.
S’agit-il vraiment d’inédits ?
Oui et non. Au moins cinq de ces titres ont été enregistrés par leurs auteurs, après que Bashung les avait retoqués. C’est le cas des deux morceaux de Dominique A (Immortels et Seul le chien) ; de Ma peau va te plaire de Joseph d’Anvers ; de La mariée de Doriand ; et de Salinas de Raphaël. Mais inutile d’aller écouter ces versions pour tenter de capter la teneur de ce disque posthume : Bashung avait une façon si personnelle de s’emparer des chansons, qu’il les faisait totalement siennes. Uniques. C’est aussi cela, cette force d’incarnation si marquante et si rare, qui sera à coup sûr acclamée le 23 novembre.
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Lun 29 Oct - 20:24
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Le 23 novembre sortira "En amont", magnifique album inédit du grand manitou du rock français mort il y a dix ans. Voici son histoire secrète.
Par Grégoire Leménager, avec François Armanet et Sophie Delassein Publié le 28 octobre 2018 à 09h06
Il y a quelques mois, un virement inattendu a atterri sur le compte en banque de Dominique A. Ça venait de Barclay. Le chanteur de "Rendez-nous la lumière" s’est demandé à quel titre il recevait "ce salaire de musicien". Puis il s’est souvenu. C’était pour une prise de guitare mise en boîte plus de dix ans auparavant, dans les studios ICP de Bruxelles, en compagnie d’Alain Bashung. La chanson s’appelait "Immortels", il l’avait écrite et composée pour le grand manitou du rock français. Celui-ci élaborait alors son ultime album, "Bleu pétrole".
A l’idée que sa chanson plaise au maître, Dominique A était "sur un petit nuage". Il sait que "Bashung a ensuite travaillé plusieurs versions, notamment avec Martin Barker et Simon Edwards qui avaient déjà assuré la section rythmique sur les disques 'Fantaisie militaire' et 'l’Imprudence'". Mais il a un jour compris qu’"Immortels" avait été "retoquée". En effet, "Bleu pétrole" est sorti sans elle le 24 mars 2008. Son auteur a fini par se la réapproprier l’année suivante sur son propre album, "la Musique". Entre-temps, Bashung était mort, foudroyé à 61 ans par un cancer du poumon, le 14 mars 2009.
C’est pourtant avec "Immortels" que Bashung vient de ressusciter. Depuis fin septembre, sa voix d’outre-tombe tourne en boucle sur les ondes, les réseaux sociaux, les plateformes de téléchargement. Et c’est bouleversant, ces mots qui surgissent du néant :
"Je ne t’ai jamais dit / mais nous sommes immortels."
Le contexte enrichit le texte, comme on dit à l’université. Dominique A, très "troublé", dit n’avoir "pas aimé" la chanson quand il l’a reçue, deux jours avant sa mise en ligne. Mais elle sonne comme une révélation. Le 23 novembre, elle ouvrira "En amont", album posthume qui rassemble onze morceaux écartés de "Bleu pétrole". Les arrangements sont discrets, la guitare folk domine, mais ces faces B ne sont pas des rogatons. Sur "Bleu pétrole", Bashung avait fini par privilégier des chansons signées Arman Méliès, Joseph d’Anvers, Gérard Manset et, surtout, Gaëtan Roussel.
Ici, on retrouve d’excellents titres dus à Méliès et d’Anvers, mais il y a aussi de sacrées chansons comme "les Salines", de Raphaël, "Elle me dit les mêmes mots", écrite par son vieux camarade Daniel Darc, ou encore la saisissante "Montevideo", signée par Mickaël Furnon de Mickey 3D, où l’on entend Bashung psalmodier : "J’ai mis du vent / J’ai mis du vent sous mon chapeau". Est-ce une réminiscence du fameux "Quand j’aurai du vent dans mon crâne", de Boris Vian ? Question de contexte, là encore, car "Montevideo" enchaîne sur un tout autre genre de confidence : "J’ai mis du temps / pour oublier que j’t’aimais trop." Peu importe. Il y a des mots qui donnent la chair de poule, et Bashung a toujours eu l’art de suggérer mille choses à la fois.
Daniel Darc et Bashung en 2007. (BELLIA/DALLE)
"Alain était vraiment lessivé"
Pour comprendre d’où sortent ces chansons, il faut revenir au milieu des années 2000. Bashung est allé au bout de son goût pour la sorcellerie avec son grand œuvre au noir de 2002 : "l’Imprudence", cette symphonie punk peuplée de sons étranges, ce disque-monstre qui, raconte le critique Stéphane Deschamps dans un beau livre, a mobilisé "une douzaine de musiciens bidouilleurs fous dans un studio transformé en base expérimentale de la Nasa, version vintage" (1).
Il a enchaîné en revenant sur scène, après huit ans d’absence, pour la mythique "Tournée des grands espaces" lancée au Bataclan. Maintenant, il veut renouer avec la simplicité, les mélodies, une émotion plus directe. Avec la chanson, quoi. Il veut "plus chanter qu’écrire".
Mais pour ça, il faut des textes. Et Bashung n’a pas grand-chose en magasin. Sa femme, Chloé Mons, raconte :
"Alain était fatigué de se taper le schéma commercial album, promotion, tournée, etc. Il vivait mal de devoir faire ça pour des raisons financières. S’il avait pu, il se serait arrêté, j’en suis sûre. Il avait envie qu’on vive à la campagne, qu’on fasse de la musique pour le plaisir.
Il aimait énormément la musique country, c’est ce dont il avait envie. Mais il était vraiment lessivé. Il me disait : 'J’ai l’impression d’avoir tout dit, je suis à plat, j’ai besoin de nouvelles matières.' C’est pour ça qu’il y a eu une espèce d’appel d’offres pour trouver des textes."
Joseph d’Anvers n’est pas près de l’oublier. Il avait 27 ans. Il a envoyé trois textes par mail au directeur artistique du chanteur, "comme on lance une bouteille à la mer". Le lendemain, il était invité à boire un café chez Alain Bashung : "J’étais dans mes petits souliers. J’y suis allé avec ma Mobylette 103. Il habitait rue de la Goutte-d’Or, il y avait une grande allée pavée. Je m’étais mis sur mon 31, mais lui était très décontracté, paternel, doux, gentil. Ce n’était pas le Bashung qu’on voyait à la télé, il n’était pas vraiment peigné. Il s’est tout de suite mis à mon niveau.
Il a dû faire un litre et demi de café. On a tout bu. C’était assez déroutant, je pensais qu’on allait parler travail, prendre la guitare. Pas du tout. On a parlé de Björk, de rock’n’roll, de Massive Attack. Je pense que ça le servait de savoir ce que j’aimais, si on avait des points communs." Les trois textes de Joseph d’Anvers s’intitulaient "Tant de nuits", "Ma peau va te plaire" et "En amont". Le premier s’est retrouvé sur "Bleu pétrole", le deuxième figure aujourd’hui sur l’album posthume et le troisième, écarté une nouvelle fois, lui donne son titre.
"Je ne suis pas très fier de moi. Je n’ai pas une grande confiance en moi. Mais quand j’ai écrit pour Bashung, ça a été une des rares fois dans ma vie où j’ai été fier. A l’école, sur les fiches où on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je disais que je voulais devenir Alain Bashung." Dominique A se souvient bien, lui aussi, de la façon dont les choses se sont passées :
"Tout ce que la France compte d’auteurs-compositeurs a été sollicité pour 'Bleu pétrole'. La première étape de ce disque, ce sont des morceaux que je reçois sur un CD, avec la voix de Bashung qui fait du yaourt sur des morceaux folks, country, très américains dans le son. Avec pour tâche de mettre des mots là-dessus. Je lui ai dit que je ne savais pas faire ça, j’ai proposé de lui écrire une chanson. Je m’y suis collé et 'Immortels' est venu très facilement, en une heure, texte et musique."
La suite, c’est Chloé Mons qui la détaille : "Alain sentait bien que c’était une chanson importante. Jusqu’au bout, ça semblait embêtant de ne pas la garder sur 'Bleu pétrole'. Mais une fois tombé très malade, il avait du mal à chanter 'Nous sommes immortels'. Et puis il y avait déjà sur l’album une chanson qui évoque la fin : 'Comme un Lego', de Manset. Ç’aurait été trop plombant… Mais désormais, les deux disques vont ensemble. 'Bleu pétrole' parle de la mort en se situant juste avant, et là, avec 'En amont', on a traversé le miroir." "L’album posthume était là, il ne demandait qu’à sortir"
En musique comme ailleurs, il n’est pas si simple d’accéder à la simplicité. "Bleu pétrole" s’est fait comme les autres disques de Bashung : à tâtons. Chloé Mons confie même que "tout un premier album a d’abord été fait, puis abandonné parce qu’il était raté". C’est quand Gaëtan Roussel, le leader de Louise Attaque, est arrivé sur le chantier que "ça s’est bien passé". De mauvaises langues lui reprocheront d’avoir placé ses titres aux dépens des autres ? Tant pis. Une chose est sûre, c’est qu’il y a quatre ans, Chloé Mons s’est décidée à archiver le contenu du "studio" de Bashung.
"C’est la pièce de notre maison où on travaillait. Il y a plein de boîtes, de caisses, de disques durs, de vieilles cassettes, des DVD, des CD, des mini-DVD, des DAT, des trucs qui n’existent plus… Toutes sortes de bandes, dans tous les formats. Il a parfois fallu trouver la machine capable de les lire. Et dans ce matériel, parfois anecdotique, il y avait les inédits de 'Bleu pétrole'. L’album posthume était là, il ne demandait qu’à sortir.
Il y avait une vingtaine de chansons, mais on a choisi, avec Barclay, les morceaux les plus aboutis et qui formaient l’ensemble le plus cohérent."
Bashung et Raphaël sur scène pendant la tournée "les Aventuriers d’un autre monde", en 2007. (MAHO/DALLE)
Au printemps dernier, les onze chansons retenues ont ainsi été confiées à Edith Fambuena. Parce qu’elle avait beaucoup travaillé avec Bashung sur "Fantaisie militaire", l’ex-guitariste des Valentins avait une légitimité assez incontestable pour soigner les arrangements d’"En amont". Elle a passé son été à ce lifting délicat. Chloé Mons :
"La plupart des versions de départ étaient en guitare-voix. L’idée était d’en rajouter le minimum, que ce soit sobre et juste comme Alain l’était, avec cette classe-là.
J’avais aussi tout le temps en tête la musique qu’il a écoutée jusqu’à la fin de sa vie : Johnny Cash, Gene Vincent, Roy Orbison… Quand il avait le blues, c’est ce qu’il écoutait, et pas autre chose." Le résultat est magnifique. Edith Fambuena a eu le bon goût de maintenir les chansons dans un état intermédiaire entre ce qu’elles étaient à l’origine et ce que Bashung en aurait sans doute fait, sans prétendre se substituer à lui. Et leurs auteurs eux-mêmes ont été saisis par ce qu’ils ont entendu revenir soudain du passé. Arman Méliès se souvient :
"J’avais proposé 'les Arcanes' à Alain. Ça lui avait beaucoup plu, mais je ne connaissais pas la version qui sort sur l’album posthume. Il avait posé sa voix sur l’instrumental que je lui avais envoyé. Mais je ne savais pas qu’il avait ensuite appris les accords de guitare pour les rejouer dessus. C’est très beau." Quant à Raphaël, qui avait participé avec Bashung, Aubert, Cali, Darc et Kolinka, en 2007, à la tournée "les Aventuriers d’un autre monde", il ne se souvenait même pas de lui avoir envoyé une chanson, "et encore moins qu’il l’ait chantée". Barclay lui en a fait parvenir le fichier cet été :
"Une voix et un instrumental que j’avais sans doute faits à la maison, car mes guitares étaient complètement fausses." Il a donc demandé de "refaire une boucle avec une guitare" pour "les Salines" : encore une chanson sur la mort, à moins qu’elle ne raconte "l’histoire d’un mec solitaire travaillé par le bien, le mal, la rédemption, ou l’histoire d’un migrant". Comme il prend en ce moment des cours de guitare flamenco, il l’a transformée en une "espèce de blues du désert, âpre et simple", dans une atmosphère arabo-andalouse très dépouillée, où la voix unique, fragile, entêtante et totalement habitée d’Alain Bashung semble s’enrouler sur elle-même. Retrouver cette voix a été un choc. Raphaël analyse :
"Les inédits d’un mort sont toujours troublants. Là, la chanson était fantomatique. Elle parle d’âmes perdues, d’une légion disparue. J’ai l’impression qu’un revenant est venu frapper dans mon crâne." Le 23 novembre prochain, il est probable que cette impression-là sera largement partagée. "En amont" est, littéralement, un beau disque hanté.
(1) "Alain Bashung, sa belle entreprise", par Stéphane Deschamps, Hors Collection, 29 euros.
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Nine Admin
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Jeu 22 Nov - 13:39
ELLE ME DIT LES MEMES MOTS
Un nouvel extrait de l'album posthume d'Alain Bashung, écrit par Daniel Darc, vient d'être dévoilé. Le titre s'appelle Elle me dit les mêmes mots. Sombre, désolé, désabusé, mais d'une beauté crépusculaire, il a été écrit par Daniel Darc et s'impose déjà comme l'un des morceaux les plus iconiques d 'En amont, l'album posthume d'Alain Bashung. Un album composé de onze titres inédits
*** par DANIEL DARC en plus tout ce que j'aime
J’t'aimais tellement mieux quand t’allais mal J’t'aimais tellement mieux quand t’étais pâle Ça t’allait bien mieux quand autre fois Tu virais au bleu, moi j'trouvais ça Tellement Charmant Très émouvant
Pourquoi as-tu donc changé ? Tu ressemblais tant à un ange Un ange brisé
Elle me dit les mêmes mots Quand la nuit est là Elle s’maquille un peu trop Rajuste ses bas
etc
***
Bridget
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Ven 23 Nov - 13:47
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La voix d'Alain Bashung au coeur de l'album posthume "En amont"
Alain Bashung à Colmar en août 2004.
Presque dix ans après sa mort survenue le 14 mars 2009, Alain Bashung est de retour sur les ondes avec l'album "En amont". Ce disque posthume regroupe onze chansons inédites, non retenues pour "Bleu Pétrole", le dernier album paru de son vivant, en 2008. Onze titres bouleversants qui permettent de renouer avec sa voix si particulière.
Des maquettes conçues en amont de "Bleu Pétrole"
Entre 2002 et 2008, durant le long travail de maturation de son ultime album "Bleu Pétrole", dominé par la patte de Gaëtan Roussel et de Gérard Manset, Alain Bashung avait enregistré chez lui d'autres chansons. Une grosse vingtaine de titres en guitare-voix, sur des paroles (mais aussi parfois des compositions) signées d'une nuée d'auteurs tels Dominique A, Doriand, Raphaël ou Daniel Darc. Des chansons en chantier qu'il avait chargé son épouse Chloé Mons, peu avant de partir, de faire aboutir. Parce que c'était "trop d'émotions", Chloé Mons a mis presque dix ans à se replonger dans ces archives audio et à faire le tri. Or "il y avait vraiment matière à faire un album posthume, les chansons se tenaient et se répondaient", nous a-t-elle expliqué. "Cet album est nécéssaire. Il réaffirme une certaine radicalité qu'avait Alain avec la musique. C'était si triste que cela reste dans des tiroirs. Mais je voulais que ce soit beau et que ça lui ressemble."
Edith Fambuena réalisatrice tout en sensibilité
Qui pour réaliser ce travail d'orfèvre qui a consisté à nettoyer les démos, faire un peu de Lego et habiller sans trahir la voix d'Alain Bashung tirée de ces maquettes? Le choix d'Edith Fambuena, musicienne et productrice qui avait travaillé sur le chef-d'oeuvre "Fantaisie Militaire" il y a 20 ans, s'est imposé. "Edith est venue appuyer des couleurs qui étaient déjà là et donner un liant à toutes ces chansons", résume Chloé Mons. "J'ai tenu la main d'Alain pour donner du rab à ceux qui l'aimaient", décrit pudiquement Edith Fambuena. Enfermée pendant des jours et des nuits l'été dernier dans son studio avec la voix d'Alain Bashung comme seule compagne, Edith Fambuena n'a pas cherché à maquiller ou muscler artificiellement ces maquettes. Elle a au contraire soustrait respectueusement ce qui devait l'être et gratté jusqu'à atteindre la vérité nue de ces chansons. Elle les a ensuite habillées, avec délicatesse et sensibilité, en cherchant à rester au plus près de ce qu'il voulait raconter. Sobrement, et sans peur des silences.
La voix de Bashung en majesté
La voix d'Alain Bashung, profonde et grave, intense et gorgée de vécu, mais parfois aussi plus fragile, est ici traitée en majesté. C'était leur volonté à toutes les deux. "On est parties avec Edith sur l'idée de rester au plus près de la matière. Or la matière, la plupart du temps, c'était sa voix", se souvient Chloé Mons. "Et puis l'histoire du disque c'était quand même de lui redonner sa voix."
Edith Fambuena avoue avoir eu "des moments difficiles" en découvrant des sanglots dans la voix d'Alain. On les perçoit très nettement sur "Les arcanes", écrit et composé par Arman Méliès et sur "Seul le chien", écrit et composé par Dominique A. Sur cette dernière, particulièrement poignante, les paroles semblent aussi prémonitoires que sur le premier single "Immortels", signé lui aussi Dominique A et écarté de "Bleu Pétrole" au dernier moment par pudeur.
"C'est la dernière étoile Que je vois s'allumer C'est le dernier soupir Que je m'entends pousser Qu'on me porte qu'on m'installe (...) Que je voie défiler Un à un ces visages Pour qui j'aurai compté" ("Seul le Chien")
Gene Vincent, Martin Sheen et Johnny Cash à bord d'une Cadillac
Si la seconde partie de l'album est un peu plombée, "En amont" reste pourtant étonnamment lumineux. Edith Fambuena s'est raconté des histoires de Cadillac, de grands espaces et de Johnny Cash. Elle a redéfini le décor du difficile "Les rêves de vétéran" composé par Arman Méliès sur un texte d'un auteur inconnu, ajoutant un harmonica et donnant des accents western à cette complainte d'un vétéran du Vietnam rongé par la culpabilité. "J'ai ôté tout le lyrisme de la première version", se souvient-elle, "je me suis dit c'est Martin Sheen dans Apocalypse Now." Sur "Elle me dit les mêmes mots", un texte de Daniel Darc, elle a "mis du vent dans ses cheveux". Sur "Ma peau va te plaîre" (texte de Joseph d'Anvers), dans lequel il incarne une prostituée, elle a injecté du Gene Vincent, héros des 15 ans de Bashung. Elle a posé des notes de guitare liquides sur "La mariée des roseaux" et des choeurs délicats sur le final "Nos âmes à l'abri". Quant à Raphaël, il apporte une grisante touche orientale sur "Les Salines", dont il signe texte et musique.
De blues atmosphériques en folks un peu flingués, ainsi va "En amont", disque posthume crépusculaire et dépouillé, aussi ensorcelant que l'appel d'air d'un fantôme bien-aimé. L'album "En amont" d'Alain Bashung (Barclay) est sorti vendredi 23 novembre
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Lun 26 Nov - 13:29
un texte de DORIAN
Dorian pour Bashung
Nos âmes à l'abri
"LES PAS DANS LA NEIGE
ET LES PARFUMS DE GLACE" ...
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Nine Admin
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Lun 26 Nov - 13:36
MONTEVIDEO
J'ai mis du vent
J'ai mis du vent sous mon chapeau
J'ai mis du tango sur ma peau
J'ai mis du son
J'ai mis du silence et de l'eau
J'ai mis du sens à tous les mots
Tu vois
Ça fait longtemps que j'me déguise
Là-bas
J'ai laissé tomber mes valises
Y avait des cerfs-volants
Qui flottaient sur la mer
Au sud de Montevideo
Quelques milliers d'amants
Qui s'embrassaient par terre
Et j'ai failli tomber de haut
J'ai mis du temps
Pour oublier que j't'aimais trop
J'ai mis du temps à t'faire la peau
J'ai mis du vent
J'ai mis du vent sur ma moto
J'ai mis du vertige et de l'eau
Tu vois
Ça fait longtemps que j'me fais peur
Des fois
J'me dis qu'j'vais m'enfuir avant l'heure
Y avait des cerfs-volants
Qui flottaient sur la mer
Au sud de Montevideo
Quelques milliers d'amants
Qui s'embrassaient par terre
Et j'ai failli tomber de haut
Y avait des cormorans
Qui fixaient les falaises
Au sud de Montevideo
Quelques milliers d'enfants
Qui chassaient les sirènes
J'ai dérivé sur Rio...
Dernière édition par Nine le Mar 27 Nov - 13:38, édité 1 fois
Nine Admin
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Mar 27 Nov - 13:21
LA MARIEE DES ROSEAUX
Laissez la mariée brûler sa traîne Envoyer valser l'énergumène Un vol d'épervier Trace au fusain Un profil perdu serait-ce le mien Dans l'air détendu, je la revois Danser pieds nus Ouvrir ses bras
Il lui faudra du danger Dans sa vie rangée Elle ornera Elle oubliera vite L'air des prières Pour quelques rêveries d'étagères Le long de sa traîne s'accroche en vain Un bout de ma peine Est aussi loin Seules les étoiles Savent à jamais Qui sous le voile Peut se cacher
Il lui faudra du danger Dans sa vie rangée Elle ornera On s'est aimé dans les roseaux Je l'ai vu briller sous ma peau Et prêter serment Aux ailes du vent
Alors laissez la mariée brûler sa traîne Envoyer valser l'énergumène Elle viendrait soudain sur ma colline Manger du raisin et ses épines C'est bien trop sérieux Une robe blanche Les amoureux s'accrochent aux branches
Il lui faudra du danger Dans sa vie rangée Elle ornera On s'est aimé dans les roseaux Je l'ai vu briller sous ma peau Et prêter serment Aux ailes du vent
Alors laissez la mariée brûler sa traîne Envoyer valser l'énergumène Laissez la mariée brûler sa traîne Laissez la mariée brûler sa traîne Laissez la mariée ***
une chanson de DORIAN qui me fait penser à une autre mariée une autre traîne il y a des roseaux en Camargue ailleurs je ne sais pas magnifique chanson ..
Nine Admin
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Mar 27 Nov - 13:42
SEUL LE CHIEN
DOMINIQUE A.
Seul le chien se souvient
Seul le chien vous attend
Dommage qu'il vive si peu de temps
La pomme est cette enclume
Où tout est dessiné
Et l'étoile et la lune
Et le cœur démarrait
Toutes les lignes tracées
[?] pour la solitude
Ce ventre [?]
De manquer d'habitude
Seul le chien se souvient
Seul le chien vous attend
Dommage qu'il vive si peu de temps
Type tordu, corps fiévreux
Oh ma ample romance
Promise au contre danse
Au créneau harsardeux
Ils narguent les sirènes
Leur chantent les adieux
Du feutre sur les yeux
Plus tard quand ils reviennent
[Refrain]
Seul le chien se souvient
Seul le chien les attend
Dommage qu'il vive si peu de temps
C'est la dernière étoile
Que je vois s'allumer
C'est le dernier soupir
Que je m'entends pousser
Comme une porte qu'on installe
Qu'on me donne à chauffer
Une dernière salle
Que je vois défiler
Un à un ces visages
Pour qui j'aurais compté
Mais l'heure a beau tourner
Au milieu de la salle
Seul un chien me regarde
[Refrain]
Seul le chien se souvient
Seul le chien vous attend
Dommage qu'il vive si peu de temps
Nine Admin
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Mer 28 Nov - 13:07
les salines
Il dit je ne parle pas et mon cœur brûle
Je voudrais traverser ce pays
Mes yeux sont pleins de guerre
et ma bouche est sèche
Et je n’ai pas d’amis
Il dit je viens de la mine à la ville
Je cherche le pardon et l’oubli
J’ai ma bible sur la poitrine
et je marche vers les salines
Il dit personne ne m’a vu Il dit
que les prières nous sauvent
Et qu’il ne se met plus à genoux
Ceux qui m’ont mis au monde ne sont plus en vie
Il dit personne sur Terre ne me connaît
Je ne parle pas et j’ai tout donné
Le monde est plein de ronces et ce que je cherchais
Je ne l’ai jamais trouvé
Il dit je ne parle pas et mon cœur brûle
Et j’ai déchiré mon cahier
Il dit j’étais mort au milieu du béton
Aujourd’hui je ne rends compte
qu’aux étoiles dans le ciel
Et j’implore leur pardon
Il dit je n’atteindrai pas le paradis
Et dieu sait que j’aurais essayé
Le monde est plein de ronces
Et ce que je cherchais je ne l’ai jamais trouvé.
Paroles et musique : Raphaël
Nine Admin
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Mer 28 Nov - 13:19
LES ARCANES
Edith Fambuena avoue avoir eu
"des moments difficiles" en découvrant
des sanglots dans la voix d'Alain.
On les perçoit très nettement sur "Les arcanes",
écrit et composé par Armand Méliès
et sur "Seul le chien",
écrit et composé par Dominique A.
Sur cette dernière,
particulièrement poignante,
les paroles semblent aussi prémonitoires
que sur le premier single "Immortels",
signé lui aussi Dominique A
et écarté de "Bleu Pétrole"
au dernier moment par pudeur
alors que Bashung se savait condamné.
"C'est la dernière étoile
Ecoutez bien cette voix
qui évite le sanglot
et qui transcende l'âme.
*** Il est encore là dans le secret des Banquises la transparence des nuits noires quelle âme brillante tranchante un éclair que je me prends à chaque fois un vrai ELSASS BLUES.
Nine Admin
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Jeu 29 Nov - 20:16
MA PEAU VA TE PLAIRE
JOSEPH D' ANVERS
Je suis cette femme, à qui l'on ne promet rien
Je suis cette femme, qu'on prend pas par la main
Je suis cette femme, qui ne vaut presque rien
Je suis cette femme, qui sait donner du bien
Je suis cette femme, que tu regardes parfois
je suis cette femme, à qui tu ne causes pas
Je suis cette femme, qui se blesse à chaque pas
Je suis cette femme, qui ne dort pas chez soi
Sers-moi encore
Et ma peau va te plaire
Sors-moi de terre
Comme un semblant d'aurore
Je suis cette femme, presque belle regarde bien
Je suis cette femme, forte de n'avoir plus rien
Je suis cette femme, dont les hommes ont besoin
Je suis cette femme, la maman, la putain
Sers-moi encore
Et ma peau va te plaire
Sors-moi de terre
Comme un semblant d'aurore
Je suis cette femme, que le pavé a tué
Je suis cette femme, au mille années volées
Je suis cette femme, que les anges ont damné
Je suis cette femme, que la nuit va emmener
Sers-moi encore
Et ma peau va te plaire
Sors-moi de terre
Comme un semblant d'aurore
Sers-moi encore
Et ma peau va te plaire
Sors-moi de terre
Comme un semblant d'aurore
Nine Admin
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Dim 30 Déc - 13:10
Bashung par les autres : Boris Bergman parle de son expérience
29/12/18 17h01
Par
Marc Besse
Parolier essentiel des débuts, Boris Bergman revient sur quinze ans de collaboration, entre allers et retours, complicité et fâcheries. Genre reviens va-t-en. Retour sur les débuts de Bashung, extrait du hors-série édité en 2009.
Lorsqu’il entame sa collaboration avec Alain Bashung, Boris Bergman a déjà dans sa besace de parolier une petite collection de réussites, dont un tube planétaire : le Rain and Tears d’Aphrodite Child. Avec Bergman, Bashung va trouver les mots nécessaires pour donner une nouvelle dimension à sa musique, resculptant la langue française pour la rendre compatible avec le rock.
Exclusive et passionnelle, la relation entre le musicien et le parolier vivra au rythme de fabuleux succès (Gaby oh Gaby, Rebel, Vertige de l’amour, Toujours sur la ligne blanche) et d’orages passionnels – jusqu’au divorce final en 1989, juste après l’album Novice. Depuis douze ans, les deux ex-complices filent sur deux routes séparées, laissant au temps le soin d’effacer les vieilles cicatrices.
Votre nom apparaît pour la première fois sur un disque de Bashung en 1970, sur la face B d’un 45t : La Paille aux cheveux…
La Paille aux cheveux s’est fait à distance, je n’ai jamais rencontré Alain pour cette chanson. Je n’ai connu sa tête qu’une fois le 45t sorti. Ce n’est qu’en 1973 que nous avons pris contact. Il avait raccroché sa casquette de producteur de Dick Rivers, il sortait son single Bois de santal et venait d’être signé pour un album [Roman-photo]. A l’époque, il travaillait surtout avec Daniel Tardieu. De ma collaboration sur ce disque, il n’est resté que C’est la faute à Dylan [le seul titre repris dans le coffret de 1992 ; Roman-photo est réédité dans le coffret Les Hauts de Bashung]. On avait des points communs, on aimait tous les deux les chansons de JJ Cale et on avait le même livre de chevet, La Dimension des miracles de Robert Sheckley.
On ne savait pas très bien où on allait… Le mélange country-folk et e phrasé de Joni Mitchell ont beaucoup influencé mes textes. Lui, ça l’énervait d’entendre qu’il était impossible de faire du rock en français et il voulait prouver le contraire. Je ne sais pas pourquoi il a occulté ce disque pendant toutes ces années. Je me rappelle de Roman-photo comme d’un bon moment, surtout lorsque Jean Paul Gaultier nous a demandé s’il pouvait utiliser gratuitement la chanson Kimono pour un de ses premiers défilés.
Bashung a-t-il dû batailler pour faire un nouvel album ?
Le comportement artistique et privé d’Alain inquiétait fortement les gens de sa maison de disques, qui ne savaient pas s’il fallait continuer l’aventure avec lui. On a dérivé pendant un an jusqu’à ce qu’un nouveau directeur (Gérard Baquet, un fan de Johnny Kidd et Buddy Holly) décide de signer Alain pour un deuxième album, sur la foi de chansons dont aucune n’avait été retenue sur Roulette russe.
En fait, Alain avait fait des chansons pour être signé et puis il en a enregistré d’autres. Avec le recul, je me dis qu’il avait prévu le coup. J’ai toujours ces chansons dans un placard.
Pourquoi Roulette russe a-t-il reçu un accueil aussi timide de la part des radios ?
Quand on travaillait avec Alain, on était seuls au monde, personne ne nous dérangeait. Quand le téléphone sonnait, c’était soit ma mère, soit sa copine qui le cherchait partout, ou alors un mec qui s’était trompé de numéro. Personne ne faisait ce genre de musique à l’époque, elle n’avait pas sa place dans les radios. En caricaturant à peine, à cette époque en France, il y avait d’un côté Sheila, de l’autre Ferré et Brassens – mais rien entre les deux. Seul Higelin avait réussi à enfoncer quelques portes, on lui doit énormément.
D’ailleurs, beaucoup de gens croyaient que Ell’ s’fait rougir toute seule était une chanson d’Higelin. Les disques d’Alain étaient programmés à 22 heures, par des animateurs qui écoutaient du rock, comme Jean-Bernard Hebey sur RTL. Ce sont les seuls qui, avant Gaby, osaient diffuser les chansons de Roulette russe.
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Nine Admin
Nombre de messages : 12721 Date d'inscription : 03/05/2008
Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Mer 2 Jan - 18:40
Quatre inédits
d’Alain Bashung
sortiront le 1er mars
Le coffret « Immortel » sortira le 1er mars prochain.
A l’occasion du dixième anniversaire de la mort d’Alain Bashung, la maison de disque Barclay annonce la publication d’une intégrale regroupant ses 14 albums studios sortis entre 1977 à 2018, dont le récent « En Amont » qui révélait onze titres posthumes de l’époque « Bleu Pétrole ».
Le coffret « Immortel » sortira le 1er mars 2019. Il réunira 308 chansons dont quatre inédites qui ont été retrouvées par son parolier Boris Bergman.
Celles-ci avaient été enregistrées entre les albums « Roman Photo » (1977) et « Roulette Russe » (1979) et sont toutes cosignées Bergman-Bashung. Il s’agit de « J’ai dû… », « En 24X36 », « Le pôle nord commence ici » et « Racines », qui est la maquette du générique du feuilleton « Racines » diffusé en 1978 sur Antenne 2.
Sur les 24 CD que contiendra le coffret, huit CD seront gorgés de titres bonus, versions alternatives, démos, archives, duos, reprises et quelques raretés comme « J’ai rêvé que je te reveux » qui figurait en 2016 sur la compilation « Boris Bergman et ses Interprètes ».
Le chanteur aux origines bas-rhinoises est décédé le 14 mars 2009 à l’âge de 61 ans. La réédition de quatorze albums vinyles couleur est également prévue cette année, auxquels on ajoutera le disque de l’ultime tournée « Dimanches à l’Elysée », disponible pour la première en triple vinyle.
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Sam 5 Jan - 15:25
]ALAIN BASHUNG IMMORTEL
Sortie le 1er mars
Alain Bashung, Immortel, l'intégrale 1977-2018 vient célébrer le 10ème anniversaire de sa disparition. Disponible au format livre d’art 24 CD et coffret 17 vinyles couleur.
Intégrale 24CD au format livre d'art
Ce coffret réunit la totalité des enregistrements studio réalisés entre 1977 et 2018 : 308 titres dont 4 inédits, de nombreuses versions alternatives, démos, archives, duos, reprises, soit 129 bonus tracks Livret richement illustré de nombreuses photos rares dont certaines inédites
Intégrale 17LP Couleur Edition limité
13 albums studio 1 vinyle inédit Covers composé de reprises faites par Alain Bashung 17 vinyles couleur Pressage 180 grammes
Dimanches à L'Elysée · 3LP
Sortie le 1er février
liliane Admin
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Jeu 7 Fév - 12:06
Samedi 2 mars 2019
Bashung, l’Imprudent
Par Olivier Nuc
En mars 2009, Alain Bashung nous quittait, dans la foulée d’une nouvelle tournée triomphale. Quarante années d’une carrière accidentée et pavée d’albums majeurs n’auront pas étanché la soif d’expérimentation de cet homme qui revendiquait l’imprudence pour seule boussole. Crooner façon Tom Jones à ses débuts en 1966, il réinventera le rock d’ici avant de mettre au point une formule littéraire et épique qui s’incarnera dans ses chefs d’œuvre tardifs comme “Fantaisie Militaire”. Populaire et savant, chanson et rock à la fois, ce petit frère de Gainsbourg a influencé une multitude d’artistes actuels.
Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Jeu 7 Fév - 12:10
Bridget
Nombre de messages : 2631 Age : 73 Localisation : Paris Date d'inscription : 13/05/2008
Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Mer 27 Fév - 19:16
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Alain Bashung, l'immortel
CHRONIQUE - Dix ans après sa mort, le chanteur bénéficie d'une nouvelle intégrale qui restitue ses différentes périodes.
Par Olivier Nuc Publié le 27/02/2019
Je ne t'ai jamais dit, mais nous sommes immortels.» Il aura fallu attendre le dixième anniversaire de la disparition d'Alain Bashung pour l'entendre chanter ces mots, écrits sur mesure pour lui par Dominique A. Bashung n'était pas satisfait de ses différentes versions d'une chanson que son auteur avait fini par enregistrer.
Désormais, trois déclinaisons de ce magnifique titre sont disponibles. L'une d'entre elles figure sur l'album posthume réalisé par Édith FambuenaEn amont , récompensé voilà quelques semaines par une Victoire de la musique. Les deux autres sont disponibles sur la nouvelle intégrale, qui sort ce vendredi. Son titre?Immortel . Outre l'interprétation sèche, simplement ornée d'une guitare acoustique, on y trouve une version arrangée par Frédéric Lo, qui sort ces jours-ci un excellent album (Hallelujah !, Water Music). Post mortem, cette chanson pourrait bien devenir aussi emblématique que La nuit je mens pour son interprète.
Alain Bashung avait mis quinze longues années avant de se faire accepter du grand public. C'est le délai qui avait séparé son premier 45-tours, Pourquoi rêvez-vous des États-Unis, sorti en 1966, du triomphe de Gaby, oh Gaby. Mais la singularité de son parcours est qu'il n'a jamais cherché à répéter une formule à succès, multipliant au contraire les contre-allées, qu'il a toujours préférées aux grands axes de la notoriété. Cette attitude de risque-tout lui a valu le respect de ses pairs, en particulier celui de Serge Gainsbourg, avec lequel il a conçu un disque en forme de tournant, l'exigeant Play blessures de 1982. Aujourd'hui, toute une génération d'auteurs-compositeurs-interprètes loue les imprudences d'un homme capable de repartir de zéro à chaque album.
Une humilité extraordinaire
Alain Bashung n'a pas attendu d'être mort pour incarner la figure du Commandeur de la scène française. À sa disparition, en 2009, il était l'artiste le plus souvent récompensé aux Victoires de la musique. Son album d'une sombre radicalité L'Imprudence avait fait de lui un intouchable, héritier de Léo Ferré et de Buddy Holly, admirateur de Piaf comme de Scott Walker. Peu de chanteurs s'intéressaient autant au travail des autres. Il n'était pas rare que Bashung, au détour d'une conversation à propos de sa musique, recommande l'écoute de jeunes musiciens. On lui doit ainsi, parmi tant d'autres, la découverte des premiers disques d'Arman Méliès et de Ray Lamontagne, qui ont tous deux continué à produire des merveilles. D'une humilité extraordinaire, le chanteur veillait toujours à rendre hommage à ses collaborateurs, qu'il stimulait à chaque étape de la création de chansons.
À partir de 1989, sa collaboration avec Jean Fauque sur des textes singuliers le rendit plus classique que les années Boris Bergman, où les jeux de mots triomphaient. Contrairement à la plupart des musiciens rock, Bashung atteignit le sommet à la cinquantaine, avec Fantaisie militaire . Un album rangé aujourd'hui parmi les meilleurs qu'ait engendrés un artiste francophone.
La dernière décennie de Bashung fut celle de tous les triomphes. Malgré la faiblesse de Bleu pétrole, dernier disque sorti de son vivant, ses derniers concerts furent de véritables tours de force. Diminué par un cancer, il jetait toute son énergie dans des soirées à l'intensité époustouflante. Quinze jours avant sa disparition, le 14 mars 2009, l'homme chantait encore, de sa belle voix grave et patinée par les années et les cigarettes. Mais les leçons de maintien qu'il a données à la scène rock française continuent de nous inspirer.
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Sujet: Re: ALAIN BASHUNG Dim 10 Mar - 19:51
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Des mots roses et des mots bleus pour Bashung
A l’approche des dix ans de la mort du chanteur, célébrés par une intégrale studio, ses paroliers Boris Bergman et Jean Fauque évoquent sa personnalité mystérieuse et son œuvre à la beauté chaotique .
ENTRETIEN
Dix ans après sa mort, le 14 mars 2009, l’écho d’Alain Bashung résonne encore dans le paysage musical francais, si fort que le chanteur a été récompensé le 8 février d’une treizième Victoire de la musi que (pour l’album de chansons) avec le dis que posthume En amont.
En 2005, les gens du métier avaient élu son chefd’œuvre Fantaisie militaire (1998) meilleur album fran cais des vingt précédentes années, sans qu’aucune parution, depuis, ne lui conteste sa superbe. L’image du « soldat sans joie » reposant sur un lit de nénuphars est devenue culte, au point que Stephan Eicher vient de la pasticher sur la pochette de son nouveau disque.
La mémoire de Bashung est aujourd’hui saluée par la publication d’Immortel, une intégrale de ses enregistrements en studio. Elle offre l’occasion de revenir sur cette œuvre unique, riche de références musicales et affranchie de tout dogme, en compagnie des deux hommes de mots qui furent les princi paux collaborateurs du chanteur, Boris Bergman (de 1977 à 1989) et Jean Fauque (de 1989 à 2002).
Le premier est lié au rock’n’roll que symbolisent les tubes Gaby oh ! Gaby et Vertige de l’amour, le second à une tentation poétique et symphonique, plus chanson francaise, qui donnera Fantaisie militaire et L’Imprudence. Des mots roses et des mots bleus, comme deux périodes picturales.
Les deux paroliers, qui se connaissent de puis la préparation de Romanphotos (1977), quand Bashung, bientot trentenaire, s’apprete à publier son premier album, ont été questionnés sur les memes thèmes, mais séparément. Ils ne se parlent plus, affichant un désaccord profond sur la part qui revient à l’absent, compositeur et interprète, dans l’élaboration des textes. Sur ce point, c’est parole contre parole. L’alchimie entre le rockeur d’origine kabylo-bretonne ayant grandi en Alsace et un citoyen britannique ashkénaze (Bergman), puis un piednoir (Fauque), aura néanmoins permis de réconcilier la culture rock avec la langue francaise, gageure à l’origine de tant d’échecs.
Dans quelles circonstances rencontrez vous Alain Bashung et etes vous amenés à travailler avec lui ?
Boris Bergman : J’avais écrit pour lui, sans le rencontrer, les paroles de La Paille aux cheveux [face B d’un 45tours de Bashung sorti en 1970]. Ensuite, il a eu besoin d’un deuxième parolier, avec Daniel Tardieu, pour Romanphotos. Il est venu chez moi, à Montmartre, j’étais en train d’écouter J.J. Cale. Alain a dit qu’on s’était mis la tete dans le meme bol... On aimait les memes choses, Buddy Holly, Gene Vincent, Presley, un de ses chanteurs préférés était Johnnie Ray, ce chanteur sourd. Au départ, il avait vraiment une sensibilité rock, et country, mais il ne faut pas le dire dans ce pays car c’est comme si tu es plus à droite que Trump : Gaby, Vertige de l’amour, J’passe pour une caravane sont des mélodies country meme si on n’a pas le droit de les appeler comme ca.
Après Romanphotos, il se fait virer de chez Barclay. Pour garder le moral, pendant un an, on a fait des chansons chez moi, sur une petite table basse, Alain dormait sur le sofa. Il en a fait écouter douze à Gérard Baqué, directeur de production chez Philips, qui a dit « OK ». Grace lui soit rendue.
Jean Fauque : J’ai connu Alain en 1975 dans un café parisien, par l’intermédiaire du chanteur Alain Rivey. Il sortait d’une collaboration avec Dick Rivers et était un dessin de Margerin vivant : banane, perfecto, chemise rouge en velours côtelé avec boutons de nacre, mince comme un fil, santiags et jean plus-serré-que-ça -tu -meurs. Je me suis dit : « C’est pas vrai, ca existe encore ? » On s’est rendu compte qu’on était voisins à Saint Cloud, et on a fait une quinzaine de chansons qu’on pensait surtout placer pour d’autres. De 1975 à 2009, on ne s’est jamais quittés, on a peut etre passé trois mois au plus sans se voir.
Alain était un piètre technicien, le genre d’oiseau qui achète une télé et ne sait pas faire marcher la télécommande. Je l’aidais pour ses maquettes, ce qui m’a permis de voir à quel point il avait une espèce de génie, du moins une facilité, à composer. On commencait à maquetter vers 16/17 heures et, à 19 heures, il avait enquillé sur sa guitare quinze compos, en chantant en yaourt des trucs barrés, punk, new wave. Il m’avait dit qu’une fois qu’il avait un texte, il pouvait pondre dix musiques, et c’était vrai. Je lui apportais aussi le soutien amical, car c’était quelqu’un d’extremement fragile psychologiquement, avec des tendances à la dépression. Et des appels au secours, particulièrement le 1er janvier 1982 quand il a voulu se foutre en l’air.
« Novice », en 1989, est le seul album auquel vous ayez tous deux collaboré en tant qu’auteurs. Est il celui de la transition entre la « période Bergman » et la « période Fauque » ?
B. B. : Quand on se sépare pour la première fois à la suite de cet article sur moi dans Libération [1981] titré « L’homme auquel Bashung doit 50 % de son succès », article qui l’a beaucoup blessé, je me suis retrouvé avec énormément de débuts de textes qui ne pouvaient aller qu’à Alain. A force, j’avais sa voix dans la tete. A l’époque, je me suis dit qu’on avait encore un album à faire ensemble. On en a eu deux pour le prix d’un, Passé le Rio Grande [1986] et Novice.
Je savais que Novice serait le dernier, c’est pour ca que je lui ai fait chanter « T’aimes plus les mots roses que je t’écris ? » dans Alcaline, et il a très bien capté le message. Il y avait à ce moment des tiraillements dans son entourage, des conspirations de palais...
Dans Novice, il y a onze titres dont un instrumental, j’en ai écrit sept, et il y a déjà Fantaisie militaire et L’Imprudence. C’est à ce moment qu’il a eu envie d’aller vers une écriture plus noire, moins rock, avec moins d’humour. Il m’avait demandé de relire Mallarmé et Apollinaire, je lui ai répondu de ne pas me demander ca.
« J’ÉTAIS L’ENTREPRENEUR, QUI APPORTE LES BRIQUES ET LE CIMENT, ET ALAIN L’ARCHITECTE, QUI AVAIT LES PLANS ET FINISSAIT LA CONSTRUCTION »
JEAN FAUQUE
J. F. : J’avais un peu peur de travailler avec lui car je connaissais son niveau d’exigence, peur que le travail prime l’amitié, donc peur de perdre un ami. Alain a eu énormément de fâcheries avec les gens avec lesquels il travaillait. Devant le moindre soupcon de trahison, si l’attitude d’un musicien ou d’un tech nicien lui déplaisait, il ne s’exprimait pas, il virait la personne et ne voulait plus jamais la revoir. Ce n’était pas de la méchanceté, il se voyait en victime trahie.
En 1987, Alain arrete de boire. Chez moi, ca se déclenche: à la campagne, dans l’Eure, j’écris en deux mois un bouquin sur mon village familial en Algérie, qui trainait depuis huit ans. Cela me donne une confiance en moi que je n’avais pas, je me mets à écrire des chansons qui n’en sont plus, des poèmes sans structure, pieds ou vers. Un jour, Alain vient et je lui sors trente textes, dont Etrange été.
Comment décririez vous votre écriture ? Quelle était votre méthode de travail ?
B. B.: Chez moi, l’anglais et le français se sont superposés quand j’ai travaillé pour Samouraï [album de Christophe paru en 1976]. J’écrivais en version originale soustitrée, enfonction du phrasé plus que du son. Mon phrasé est très proche de l’anglosaxon, matiné ascendant judéorusse. J’ai mis des années à m’apercevoir qu’Alcaline, c’est un phrasé russe sur une musique tsigane. Et Alain donnait un sens extraordinaire avec son phrasé et ses silences.
On travaillait dans tous les sens. Parfois il me donnait un départ, et ensuite il collait la musique, comme des cadavres exquis. Il avait envie d’etre surpris en permanence et pour cela il pouvait etre manipulateur. J’avais l’impression qu’il me transformait en petite souris blanche dans un labyrinthe et attendait en se disant : « J’aimerais bien qu’il aille à droite, mais peut être que s’il va à gauche, c’est pas mal non plus.» C’est quand il commencait à corriger que c’était pour moi le début des emmerdements. J’ai refait quarante fois la ligne qui a donné « J’dis bonjour, faut bien que j’me mouille » [dans Gaby oh ! Gaby] ! Quand il disait : « Ah ca, c’est pas mal, Pépère », c’était le comble de son enthousiasme.
J. F. : On me dit souvent qu’il est un exemple car il a réussi à faire sonner le francais. Chez lui, le son l’emporte sur le sens. Pour Fantaisie militaire, il disait que meme si ca ne racontait rien, il y aurait bien des gens qui trouveraient que ca voulait dire quelque chose.
C’est la chanson démocratique : on propose, les gens disposent. Qui saura qu’Osez Joséphine est inspirée par la chute du mur de Berlin – il en est resté les berlines –, qu’elle évoquait à la fois la libération du joug communiste et celle des femmes? A la base, ce n’est qu’une histoire de son, le Z, on a d’ailleurs coupé «Osez nous causer du Caucase » et « Osez nous imposer vos oukases ». Un ane plane, c’est parce qu’il y avait un ane dans le village d’à côté que j’aimais bien.
C’était faire rouler les boules dans le jeu de quilles du langage et j’avais quartier libre. Toujours la vieille méthode, celle des surréalistes, l’écriture automatique. J’étais l’entrepreneur, qui apporte les briques et le ciment, et Alain l’architecte, qui avait les plans et finissait la construction. Il avait ses notes et puisait. Lors de la deuxième phase, la sélection, il ne fallait pas avoir d’orgueil : il prenait les pages, commencait à écrire et, tout à coup, piquait dans un texte pour coller dans un autre. La nuit je mens, par exemple, c’est cinq thèmes – la Résistance, la lacheté, le mensonge... – venant de cinq textes différents, huit pages en tout. C’est, bien sur, une chanson d’amour brisé et contrarié, le type ne sait plus quoi faire pour la reconquérir, alors il raconte qu’il est un héros.
Tout Fantaisie militaire est sous le signe de la rupture avec sa femme Chantal. Alain a fait son montage et la chanson était là, intégralement, paroles et musique. Quand j’ai lu «On m’a vu dans le Vercors/Sauter à l’élastique », j’ai eu un frisson. Je lui ai dit de ne surtout plus toucher à rien. J’étais persuadé qu’avec cette mélodie, c’était une immense chanson, mais on n’en a pas mesuré la portée. Elle parle directement à l’inconscient. C’est un miracle. Je regrette quand meme qu’il ait enlevé la phrase « Et je mentirais si je disais que je m’en tire », qu’il avait d’ailleurs extraite d’Angora.
« BOWIE ÉTAIT SON MODÈLE. IL N’Y AVAIT PAS DE HASARD CHEZ LUI, MAIS BEAUCOUP D’INTUITION, IL ÉCOUTAIT VRAIMENT SON ÉPIDERME » BORIS BERGMAN
Bashung a été régulièrement qualifié de poète. Quelle était son implication réelle dans l’écriture ?
B. B.: Je n’ai jamais cosigné un texte avec Alain. S’il avait seulement écrit deux lignes dans un texte, m’aurait il laissé signer seul les paroles pendant douze ans ? C’était pas Mère Teresa, quand même... Il acceptait les textes en général dans leur majorité et intervenait, par exemple en coupant un couplet dans Gaby. Il n’avait aucune ambition d’écriture à l’époque. C’est seulement à partir de Play Blessures [1982], l’album qu’il fait avec Gainsbourg, qu’il s’est mis à coécrire.
Quand Jean dit qu’il s’est fondu dans l’écriture d’Alain,je me demande comment il a pu se fondre dans l’écriture de quelqu’un qui n’écrivait pas à ce moment... C’est mieux que dire qu’il s’est fondu dans la mienne. Quand vous avez aimé une femme, que vous passez devant la mairie et qu’elle se remarie, ça fait bizarre, plus encore quand le nouveau marié a le chapeau et les Doc Martens que vous avez laissés.
J. F. : Comment peut on dire qu’Alain n’a jamais écrit une ligne à cette époque ? « Wanda et ses sirènes» [dans Gaby oh Gaby], j’ai appris récemment qu’il y avait eu à Strasbourg un bordel de ce nom autrefois... « Osez », c’est moi, « Joséphine », c’est lui. « Ma petite entreprise », c’est moi, « connait pas la crise », c’est lui. A partir des Lendemains qui tuent, deux types travaillent l’un à coté de l’autre. Plus on avancait, plus c’était long. Pour Fantaisie militaire, on avait prédéfini les titres et les thèmes, et on les faisait avancer en parallèle.
Qu’est ce qui fait la singularité de Bashung sur la scène francaise ?
B. B.: Ce qu’on omet souvent chez lui est son coté profondément musicien. Il était un producteur, un réalisateur, au sens anglais du terme. Quand il me disait «Change moi ça, Boris », je n’étais pas forcément convaincu, mais je l’écoutais car je savais qu’il avait la vue d’ensemble. Ce que notre colla boration avait d’unique, c’est qu’à chaque fois que je sortais une betise, il me disait « note Pépère », comme « Yé n’en pé plou » dans Rebel. Le mot le plus important qu’il ait prononcé, c’était « Chiche ! » Il voulait ne jamais être là où on l’attendait. C’est pour cela qu’il alternait un disque sombre et un disque solaire. Bowie était son modèle. Il n’y avait pas de hasard chez lui, mais beaucoup d’intuition, il écoutait vraiment son épiderme.
J. F. : Il y a le rapport d’Alain à la langue francaise. D’emblée, le son est pour lui très important. A Wingersheim [BasRhin], il est élevé par un grand père alsacien et une grand mère allemande qui ne parlait pas le francais. Le francais n’est pas sa langue maternelle, il le pratique avec ses parents quand ils le récupèrent pour les vacances et quand il entre à l’école communale. Sa grand mère lui passait de la musique classique, des valses de Strauss, et après il écoute les radios américaines. La chanson française ? Pas de pénétration.
Il n’avait pas cette culture là. Quand j’ai connu Alain, il n’avait pas de disques francais, sauf Manset, qui était à part, et un gars qui s’appelait Emmanuel Booz. La redécouverte viendra chez lui très tardivement, une nuit de 1993, au studio ICP de Bruxelles. On a épuisé jusqu’à 5 heures du matin le coffret Ferré de Barclay qu’il venait de recevoir et il s’est apercu qu’à part Avec le temps et C’est extra, il ne connaissait pas. Il s’est flagellé et était en colère : « Pendant qu’on nous passait des merdes de variétés, il y avait un mec qui faisait ca ! » Ça m’a aidé car j’avais toujours ce souci de faire remonter sa voix au mixage, on enregistrait à l’anglaise, la mode à l’époque, la voix noyée dans le playback. Avec Ferré, on a un orchestre symphonique, un piano lead, et on ne perd pas une syllabe de ce qu’il raconte. Sur Chatterton [1994], on a fait remonter sa voix. Il y a ce morceau, J’ai longtemps contemplé, presque un hommage à Ferré, on appellerait ça aujourd’hui du slam. C’est un moment charnière.
Quel regard portez vous sur les chansons de Bashung dont vous n’êtes pas le parolier ? Etaient elles dans vos cordes ?
J. F.: Quand on me demande quelle chanson j’aurais voulu écrire, je réponds Gaby, par exemple. Elle a fait marrer toute la France alors que c’est d’une noirceur absolue. Mais passer de Gaby et Vertige de l’amour, deux énormes tubes, à Play Blessures... Europe 1 avait consacré à cet album une journée spéciale et ils ont halluciné devant ce suicide commercial. Son attitude consistait à quasiment interdire à sa propre maison de disques l’accès au studio, elle passait seulement pour faire le chèque.
Avec Bergman, il avait été important, ce coté Libé et Canal+, des jeux de mots partout. On était à la fin des années 1980, on avait vécu une période bien délirante et sympa et on allait entrer dans une autre, plus grave et profonde.
L’Alain qui s’était masqué sous la dérision et parfois une certaine forme de vulgarité – «Ma femme s’est fait mettre un but par l’arrière droit du Racing» [dans Aficio nado, 1981] – se déshabille dans Madame reve [1991, texte de Pierre Grillet]. Tout à coup, il a plu à toutes les femmes de France. Qu’un type parvienne à parler de manière aussi élégante de leur sexualité, ça les a touchées. Lui, ça l’a rassuré en révélant ce coté féminin que Gainsbourg avait aussi.
B. B.: J’aime beaucoup Volontaire et Martine boude [coécrites avec Gainsbourg pour Play Blessures]. Je pense que j’aurais pu faire haut la main l’album Osez Joséphine car il est dans la même couleur que ce qu’on avait fait ensemble. Après, je ne sais pas si j’aurais voulu aller dans le mélancolique et le sombre à ce point là. C’est sa période post Ferré, on tombe sur des découpes qui sont des alexandrins, du ternaire, or je phrase en binaire.
Je pense qu’il n’y aurait pas eu La nuit je mens s’il n’y avait pas eu Gaby. Quand Alain chante « J’ai trempé, histoire d’O », j’y vois une référence à «J’dis bonjour, faut bien qu’je me mouille ». Il y a donc une continuité : «Aujourd’hui, j’ai plus les mains sales/J’ai plus personne pour me faire du mal» de Station service [1979] aurait pu être sur Bleu pétrole, son dernier album.
Qu’est ce que vous lui devez ? Qu’es tce qu’il vous doit ?
B. B.: Ça restera un moment important de ma vie car à l’époque on était deux has been. Comme Joel McCrea et Randolph Scott dans Coups de feu dans la sierra, on tentait notre dernière sortie. Je ne lui dois rien, il ne me doit rien, nous nous devons beaucoup. On a bien fait de se rencontrer, sinon je vendrais aujourd’hui de la laine polaire dans la banlieue de Montréal, et lui, si Gaby ne marchait pas, il laissait tout tomber.
J.F. : A un moment, il y a eu ce que j’appelle la dérive poétique. Je lui ai apporté quelque chose qu’il avait en lui et ne demandait qu’à éclore. Lui poussait les gens au delà de leurs limites, à leur paroxysme, tous les musiciens avec qui il a bossé diront qu’après ils n’ont plus joué pareil. Il a été pour moi comme un grand frère nourricier. J’ai grandi et poussé sous son ombre, et c’était une belle ombre.
propos recueillis par bruno lesprit https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/03/08/des-mots-roses-et-des-mots-bleus-pour-alain-bashung_5433519_3246.html .
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