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L’indicateur retenu est le nombre d’occurrences des mots dans le corpus de chansons, pour la période déterminée. Par exemple, entre 1984 et 1994, le mot «beau» apparaît 57 fois dans les textes des chansons.
Notre méthodologie comporte une limite importante : elle met en avant les textes les plus répétitifs. Ainsi, les mots présents le plus fréquemment pour chacune des trois périodes -«beau», «volé» et «sex»- sont issus de tubes construits sur la répétition. C’est le cas de «Bo le lavabo», de Lagaf’ en 1990, de «L’orange», repris par la Star Academy en 2003 et de «Sextonik» de Mylène Farmer en 2009. C’est également ce qui explique la présence du verbe «tomber» entre 1995 et 2005, propulsé par le tube de Zebda «Tomber la chemise» ou l’irruption de «Zidane» en 2006 : le légendaire numéro 10 de l’équipe de France a été le sujet de deux succès cette année-là : «Zidane y va marquer», de Cauet, et «Coup de boule», après la finale fatidique de la Coupe du monde.
Lagaf' - «Bo le lavabo»
Star Academy - «L'Orange»
Zebda - «Tomber la chemise»
Néanmoins, la récurrence de certains mots à travers les époques ne s’explique pas seulement par leur emploi dans des chansons répétitives. L’«amour», que nous avons déjà cité, est toujours en bonne place. Nous avons en revanche constaté que les chanteuses utilisaient ce mot beaucoup plus fréquemment que les chanteurs (77 occurrences pour les interprètes féminines, contre 25 seulement pour les hommes), un fait d’autant plus remarquable que les chanteurs sont sensiblement surreprésentés dans notre classement, puisque 63 titres sont chantés par des hommes, contre 43 par des femmes, le reste étant partagé entre les duos, les groupes et les comédies musicales.
Le «temps», troisième mot le plus employé avec 155 occurrences au total, est également présent dans les top 15 des trois périodes considérées. Il faut croire que l’on est souvent pressé dans les chansons, car l’expression «pas le temps» compte 20 occurrences.
Notre base de données fait également apparaître l’émergence du rap. De 1984 à 1998, seuls deux titres issus de ce genre musical ont été en tête des ventes : la parodie «Auteuil-Neuilly-Passy» des Inconnus et «Je danse le mia» de IAM. Le genre devient ensuite de plus en plus populaire, avec six chansons numéro un des ventes entre 2006 et 2007. De 1998 à 2016, 20 morceaux de rap se sont hissés en tête du classement des ventes. Concernant les textes, nous avons constaté que les rappeurs et rappeuses sont en moyenne beaucoup plus volubiles que les autres artistes : leurs textes comptent en moyenne plus de 600 mots, contre 322 pour le reste des interprètes.
Enfin, nous avons tenté de trouver des passerelles entre le top 50 et le discours politique. Ce dernier était, après tout, l’objet initial du projet «Le Poids des mots». Las, les artistes à succès semblent peu s’en préoccuper. Le mot «président» n’apparaît qu’une fois, dans le tube de Didier Barbelivien et Félix Gray en 1990, «Il faut laisser le temps au temps» («Il faut laisser le temps au temps (…) pour que Jimmy devienne un géant / L’Histoire pour faire un président»). Parmi les chefs d’Etat de la Ve République, deux seulement ont l’honneur de figurer dans les textes des chansons que nous avons analysées : Jacques Chirac, en 2006, dans «Coup de boule», et Nicolas Sarkozy, cité en 2016 dans le morceau «E.L.E.P.H.A.N.T.» de Booba.
Pour en savoir plus sur notre méthodologie d’analyse des discours, reportez-vous à la section correspondante de la page «Le Poids des mots».
http://www.parismatch.com/Culture/Musique/Quels-mots-ont-fait-les-tubes-de-la-chanson-francaise