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Sujet: JEAN CLAUDE VANNIER Ven 6 Mar - 16:50
L'HOMME DE MELODY NELSON
"Je suis né au cours d'une alerte, à Becon-les-Bruyères".
L’écrivain Emmanuel Bove, un enfant du pays, (ainsi que Michel Legrand) le décrit comme « un lieu sans histoire, où il ne se passe jamais rien, cruellement dépourvu de grand criminel ou de personnage diabolique, et que l’on pourrait traverser sans même s’en apercevoir ».
Terrains vagues, trous de bombe, rêves impossibles de musique (interdiction familiale), rien à raconter (les lieux mythiques sont par essence indescriptibles), à part la fête annuelle des Coquelicots du Bécon Palace. . .
Plus tard j’eus la chance de rencontrer le flûtiste Roger Bourdin, qui me pistonna comme assistant à la prise de son aux studios Pathé Marconi, pour pouvoir payer ma flûte.
Mais après avoir monté en boucle l’enregistrement des couacs de la jolie twisteuse d’un producteur, et jeté ses bonnes prises à la poubelle, on m’a rétrogradé aux accordéons: Valses musettes et paso dobles. Le balloche jour et nuit.
Comme je passais mon temps à m’exercer sur le Steinway du studio, nouvelle bévue, nouvelle punition: cette fois je fus condamné “aux arabes”, à l’époque çà n’était pas réellement valorisant, (la guerre d’Algérie venait juste de finir) mais moi, j’étais ravi, car j’adorais cette musique.
Ainsi, ignorant l’interdit parental et les attraits d’un destin de chef de chœur à l’Amicale des Coquelicots du Bécon Palace, avec en poche un contrat type de danseuse que je n’avais pas lu, griffonné en hâte à la fin d’une séance d’enregistrement, j’ai embarqué pour Alger pour débuter à l’hôtel Aletty, comme pianiste, à 18 ans.
Autodidacte, j’ai abordé la composition avec les musiciens d’Alger, puis en écrivant pour Michel Magne et Alice Dona, puisant mes premiers rudiments d'orchestration dans les « you you » de la Casbah et les manuels de la collection "Que sais-je ?"
biographie en direct sur son site : http://www.jeanclaudevannier.fr/JEAN_CLAUDE_VANNIER/_.html
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Sujet: Re: JEAN CLAUDE VANNIER Ven 6 Mar - 17:03
[Rencontre avec GAINSBOURG Il raconte l'histoire de MELODY NELSON
J’ai rencontré Serge Gainsbourg à Londres.
Il logeait dans une petite maison à Chelsea avec Jane, et moi dans une chambre sans dessus dessous à l’hôtel Caddogan, là où Oscar Wilde, un de mes auteurs préférés, passa ses dernières heures de liberté avant d’être jeté en prison. A l’époque c’était un lieu totalement décadent, mais les lits de travers, les rideaux déchirés, les escaliers branlants, les portes impossible à ouvrir ni à fermer, le bar mythique fréquenté par Edouard VII et ses maîtresses, et où le garçon ratait une fois sur deux le mélange instable et subtil des Irish coffe, m’enchantaient.
Aujourd’hui le Caddogan est un palace, et ses riches occupants ignorent certainement qu’un pauvre forçat a dormi là.
Après l’enregistrement de la musique d’un film de Robert Benayoun, que nous avions écrite ensemble, Serge me parle d’un projet, «Melody Nelson». Comme j’attends les détails, il me dit :
« je n’ai que le titre. Pas de musiques, pas de paroles, rien. As-tu quelque chose dans tes tiroirs ? »
Je me souviens exactement de l’expression, car j’avais alors compris « as-tu quelque chose de méritoire ? » J’ai écrit certaines musiques, Serge d’autres, et nous avons conçu toute une suite de chansons : Il y en avait même une qui s’appelait « Melody au zoo ». C’était un peu « Bécassine à la plage ».
Serge me disait :
« à nous deux on est Cole Porter, les paroles et la musique, je suis Cole et tu es Porter ».
Alors nous sommes allés au studio, avec une rythmique composée de Big Jim Sullivan, Vic Flick, Dougie Wright et Herbie Flowers. Je jouais les claviers et nous avons enregistré une heure de musique.
Toujours pas de texte.
Rentrés à Paris nous avons sélectionné les meilleurs moments, sur lesquels j’ai écrit des cordes, que nous avons enregistrées au studio des Dames avec des musiciens de l’Opéra de Paris. Ensuite Serge à conçu le texte l’histoire de Melody Nelson, en s’inspirant de la musique et des cordes.
Il était à l’époque très impressionné par les sonnets héroïques de José Maria de Heredia, et je crois qu’il en reste un parfum, principalement dans « Cargo culte ».
Comme nous n’y connaissions ni l’un ni l’autre en automobiles, et à fortiori en Rolls Royce, mon père nous à fourni une liste de noms, où Serge a puisé « Silver Ghost », évidemment.
La sortie du disque a été un échec.
La ballade de MELODY NELSON clip réalisé par JC AVERTI 1971
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Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN CLAUDE VANNIER Ven 6 Mar - 17:22
TOUR D'HORIZON
Si le nom et le visage de Jean-Claude Vannier ne disent pas grand-chose au grand public, l’homme occupe pourtant une place importante dans la chanson française et réunit sous son nom les talents d’arrangeur, d’orchestrateur — sollicité par les plus grands — de chef d’orchestre, et également d’auteur, compositeur, interprète.
Né à Becon-les-Bruyères en 1943, il débute dans le métier comme monteur dans les studios d’enregistrement. Il apprend l’orgue "sur le tas" : nous sommes dans le milieu des années 60 et cet instrument est à la mode dans les orchestres.
En 1968, il devient le chef d’orchestre de Johnny Hallyday, pour lequel il fera les arrangements de nombreux titres, dont "Que je t’aime".
L’année suivante, Michel Polnareff fera appel à lui pour "Tous les bateaux, tous les oiseaux".
Mais ce sont ses années de collaboration avec Serge Gainsbourg, avec ses géniaux arrangements de "Melody Nelson" qui feront incontestablement beaucoup pour sa renommée. Il participe aux arrangements de l’album "Madame" pour Barbara.
La rencontre avec Julien Clerc
Jean-Claude Vannier apparaît pour la première fois dans l’univers de Julien pour "Terre de France" en 1974 : le disque a été pour une bonne part arrangé par Jean-Claude Vannier. Pour cet enregistrement, Julien a choisi de s’entourer d’un nombre réduit de musiciens, ceux qui l’accompagnent sur scène, et Jean-Claude Vannier dirige le tout, debout sur une chaise, non en studio, mais à l’église du Liban, rue d’Ulm, à Paris.
Il faudra attendre 1990 pour que Julien Clerc et Jean-Claude Vannier se retrouvent à l’occasion de l’album "Fais-moi une place". Cette année sera la plus riche de leur collaboration, puisque Jean-Claude Vannier signera les textes de 5 chansons pour Julien. On y retrouve tout ce qui fait l’univers particulier de Jean-Claude Vannier : des chansons originales, à la fois dépouillées et baroques, imprévisibles et classiques en même temps.
Jean-Claude Vannier est un vrai romantique, torturé par les thèmes de l’impossible amour, de la solitude. Dans la chanson "Star de l'entracte", l"héroïne est une comédienne qui reste dans l'ombre, mais qui rêve encore d'être dans la lumière. Elle aime un homme marié, et les derniers mots de la chanson déchire le coeur:
"T'as un studio dans la rue derrière Et quand sa femme a éteint toutes les lumières Elle l'aime tellement - baisers, à demain - Y monte chez toi, le verre te glisse des mains"
C’est aussi un "chasseur de mots" qui veut aussi surprendre par ses mots crûs parfois, ses rimes inattendues et atypiques, souvent osées et improbables parfois (comme par exemple dans la chanson "Histoire vécue" quand il associe les 2 phrases "l’écorce des chênes" et "les corps se déchaînent"). Il veut faire sortir ses interprètes de leur répertoire habituel, leur faire dire des choses qu’ils n’ont pas l’habitude de dire et c’est précisément cela que recherche Julien pour se renouveler une fois de plus. De leur collaboration, Julien reconnaîtra qu’il a eu conscience que certains mots allaient choquer le plus grand nombre. Par exemple dans "Petit Joseph", le mot "Pas bezef" (pour enrichir votre culture générale, ce mot est dérivé de l'arabe "bezzaf" qui veut dire "beaucoup".) Pas très respectueux vis-à-vis du p'tit Joseph...
Si la plupart de ses chansons n’ont pas fait une grande carrière sur les ondes, il faut bien le reconnaître, il est impossible de passer sous silence la plus connue, celle qui a fait couler beaucoup d’encre, notamment au sein du club des patineurs : "Petits pois lardons". À la première écoute, tout le monde se sent "perdu". Mais après tout, dire "ils ont mélangé leurs doigts dans les p’tits pois", n’est-ce-pas une autre façon de se dire "je t’aime" ?
En 1992, à l'occasion de la sortie du CD "Ensemble contre le sida" Julien Clerc reprend le titre "Histoire Vécue" de Jean-Claude Vannier, titre paru en 1990 dans l'album intitulé Pleurez pas les filles. La chanson "Histoire Vécue" débute ainsi : "C’est rien qu’une histoire de cul, rien qu’une histoire vécue". Pour ceux qui ne la connaîtrait pas encore, elle figure dans le coffret 18 CD couvrant la carrière de Julien de 1968 à 1998.
Depuis, Jean-Claude Vannier a écrit pour Claude Nougaro, Enzo-Enzo, Jane Birkin, Catherine Lara, Françoise Hardy et Maurane.
Quant à sa propre carrière de chanteur, elle se poursuit, en dépit des diktats des maisons de disques, du marketing et, comme il le dit lui-même, "des contrats déchirés, des productions naufragées, et des disques au pilon".
Ça vaut finalement peut-être la peine d’écouter ses chansons, enregistrées chez lui, comme en 2005 l’album "En public-Fait maison"
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Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN CLAUDE VANNIER Ven 6 Mar - 17:35
Jean-Claude Vannier
Orchestrateur à la fin des années 60 de Brigitte Fontaine, Johnny Hallyday, Michel Polnareff ou Barbara, Il collabore ensuite avec Serge Gainsbourg avec lequel il composa le mythique album "Histoire de Melody Nelson" (1971). C'est avec Gainsbourg qu'il débute dans les musiques de films (Cannabis, La Horse, Slogan). Sans arrêter la variété, il continue le cinéma jusqu'à rencontrer Philippe Garrel sur Sauvage innocence en 2002, qu'il retrouvera avec Les Amants réguliers puis La Frontière de l’aube.
Interview :
"Si l'actrice ne sait pas dire Je vous aime, je ne sais pas le dire à sa place, même avec tous les violons du monde"
Cinezik : Parlez-nous pour commencer de votre collaboration avec Philippe Garrel...
Jean-Claude Vannier : On se connaît depuis très longtemps, on faisait partie d'une même bande. Je connais beaucoup son père Maurice que je considère comme un grand acteur. En 2001, il m'a demandé de faire SAUVAGE INNOCENCE en travaillant au piano, à l'image. On a donc appris à se connaître. J'ai dû faire des concessions sur ce film. Mais cette année, pour LES FRONTIERES DE L'AUBE, une collaboration a abouti. Il a su mettre la musique en valeur. Philippe a aimé ce que j'ai fait et j'ai apprécié faire ce travail.
Son film que je trouve le plus beau, c'est LES AMANTS REGULIERS (2005), ça parle de mes 20 ans. Louis Garrel et Clothilde Hesme sont des comédiens extravagants. D'ailleurs, je reprends Clothilde dans mon spectacle à la Villette.
Pourquoi avez-vous fait le choix du violon pour LES FRONTIERES DE L'AUBE ?
Pour la première fois avec Philippe, on a travaillé avec un violon solo. Ce fut difficile pour moi car je ne voulais pas faire de la musique romantique. Le violon est tout de suite mélodique, la main sur le coeur. J'ai écrit le violon pour que ce soit abrupt, en double corde pour que ça racle un peu, pour traduire la violence des sentiments, et en même temps la tendresse, tout cela accompagné d'un piano.
Le violon solo est joué par l'immense Didier Lockwood...
Philippe m'a suggéré de travailler avec lui. C'est un type qui ne va pas dans la même direction que moi. J'étais un peu inquiet de savoir comment on allait se rencontrer, car c'est quelqu'un avec une forte personnalité. Je ne veux pas me laisser faire non plus. J'ai besoin d'un interprète mais pas de quelqu'un qui me bouffe. (rires)
Par coïncidence, je l'ai rencontré lors d'un boeuf à l'Île de Ré, et on a parlé de cette musique de film. Il m'a avoué être très malléable. Il a fait des études classiques, il est cultivé, il n'est pas con. J'étais très rassuré.
C'est un magnifique souvenir, et je sais que pour lui aussi, car après on s'est revu, encore à l'Île de Ré, et on a beaucoup parlé de cet enregistrement qui nous a beaucoup marqué tous les deux.
Vous étiez impliqué dés le scénario ?
Ce qui est bien avec Philippe, c'est qu'il m'appelle dés l'élaboration du scénario. Donc j'ai le droit de me tromper. Tandis que quand on est pressé, ce n'est pas aussi confortable et on n'a pas la chance de pouvoir y rêver.
Etes-vous satisfait du résultat, Philippe Garrel a t-il respecté votre travail ?
Je suis assez content. Bien souvent le metteur en scène est déçu car il a peur de la musique, elle apporte tellement de choses sur les sentiments. Il y a le gars qui a fait son film pendant plusieurs mois et tout d'un coup, il y a un trublion qui s'amène avec son violon et qui lui change le scénario en bien ou en mal. Evidemment, Philippe est très sensible à cela, mais il a bien encaissé le coup. Et je trouve qu'il a mis la musique bien en valeur, ce qui m'a surpris. On l'entend bien, elle est bien placée.
Quelles furent les Influences musicales pour ce film ?
Philippe m'a demandé d'écouter du Dmitri Chostakovitch, ce qui est un bon choix en soi, mais je ne m'en suis pas servi pour le film, car c'était trop symphonique, ça ne correspondait pas. Philippe a un rêve de musique d'un côté, et le film de l'autre, il ne se rend pas forcement compte. Mais on n'avait pas les moyens, c'était réglé. En revanche, je me suis rapproché des sonates de violon qui ont été écrites par des compositeurs du XXe comme Eugène d'Ysaÿe.
Un film est littéraire d'une certaine façon, il nous montre des choses précises, ça parle à l'intelligence et accessoirement aux sentiments, tandis que la musique va directement au coeur, sans rien dire. Il y a le cinéma qui nous dit des choses précises en tournant autour d'un truc sans l'exprimer clairement, et la musique qui ne dit rien et qui l'exprime très clairement. Alors la musique trouble le metteur en scène. C'est comme en chanson, la musique change le sens du texte. Mais si l'actrice ne sait pas dire "je vous aime", je ne sais pas le dire à sa place, même avec tous les violons du monde, je ne le pourrais pas.
Parlons de votre collaboration avec Serge Gainbourg à l'occasion du spectacle à la Cité de la musique dans lequel vous reprenez "Histoire de Melody Nelson". Quelle fut l'origine de ce projet ?
Serge me dit qu'il a envie de faire un album qui s'appellerait "Melody Nelson". Je lui demande des précisions mais il n'avait que le titre, c'est tout. Je lui ai proposé des mélodies, ça lui a plu, et après l'enregistrement, il ne savait toujours pas qui était cette fameuse Melody Nelson. On a réfléchi ensemble à un personnage. Puis c'est devenu quelque chose qu'il a resserré. Le texte est naît après ma musique. C'est un peu le contraire de ce qui se passe d'habitude.
Vous disiez concernant Didier Lockwood pour le film de Philippe Garrel que vous aviez peur qu'il vous "bouffe". Avec Gainsbourg, cela ne devait pas être facile ?
Notre relation était amicale parce que c'est un mec bien. Je ne m'intéresse pas à la médiatisation, la seule chose qui m'intéresse c'est la musique et les choses artistiques en général. Je me suis aperçu qu'il n'y a aucune de photos de Serge et moi ensemble, car je ne l'ai pas souhaité. On a fait ce disque sans se marcher sur les pieds. En plus, il n'a pas eu de succès, donc ce ne fut pas un enjeu.
Vous êtes l'homme de l'ombre ?
Si ce que vous appelez la lumière, c'est les spots télé, je préfère encore être dans le noir.
Comment sera donc le spectacle, Melody Nelson sur scène le 22 octobre ?
J'ai repris les partitions d'époque. Chaque chanson est chantée par un artiste différent. Le premier titre est dit par Mathieu Amalric, un comédien magnifique, le deuxième est chanté par Brian Molko du groupe Placebo. Daniel Darc interprète "Ah ! Melody" (avec une cantatrice japonaise dans un solo de violon extraordinaire). Alain Chamfort fait "L'Hôtel particulier", Brigitte Fontaine chante merveilleusement bien "Valse de Melody". Et en dernier, il y a la merveilleuse comédienne Clothilde Hesme. Et on joue ma musique de "L'Enfant assassin des mouches" en première partie. Le spectacle est étonnant. J'aime bien que les gens sourient. Je déteste le comique, mais j'adore l'humour.
Interview réalisée à Paris le 25 septembre 2008 par Benoit Basirico
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN CLAUDE VANNIER Ven 6 Mar - 17:45
Jean-Claude Vannier - L’enfant assassin des mouches
Il y a des jours où on est tout fier d’être français, comme quand par exemple SoulSides consacre un joli post à un de nos plus grands artistes pour un de ses meilleurs albums, j’ai nommé Serge Gainsbourg pour Histoire de Melody Nelson.
Alors on est content et on laisse éventuellement un petit commentaire parce que là, on a des choses à dire, à apprendre aux autres. Mais ce qui plaît tant aux anglo-saxon dans cet album, ce ne sont peut-être pas tant les fulgurances de Gainsbourg que les arrangements, signés Jean Claude Vannier. Leur démesure, alliée à un groove sous-jacent nourrissent en breakbeats ténébreux les chercheurs de son de tous horizons et confèrent à notre JCV national le titre envié (pour les anglo-saxons) de french David Axelrod. Alors quand les mêmes anglo-américains apprennent qu’il existe un album entier jamais sorti (ou presque) signé de la paire Vannier-Gainsbourg intitulé L’enfant assassin des mouches ils perdent tout flegme (pour les anglais) et s’exclament « JCV is f***** great ! », comme le fait David Holmes dans le dossier de presse de la réédition anglaise de l’album (il n’est pas le seul. Jarvis Cocker, Jim O’ Rourke ou Stereolab font partis des admirateurs de ce disque).
Les instrumentaux de L’enfant assassin des mouches ont été composés dans la foulée de Melody Nelson et cela s’entend souvent. L’enlevé et symphonique Danse des mouches noires gardes du roi en rappelle les climats amples et puissants. L’enfant au royaume des mouches et ses chœurs immenses sur grooves monstres en prolonge le souffle (au passage on comprend où Burgalat a pu parfois puiser son inspiration). La plupart des morceaux sont éblouissants, inventifs et si La mort du roi des mouches et son climat oppressant justifie a lui seul la référence récurrente à David Axelrod, Jean-Claude Vannier va plus loin, est flamboyant. L’excès est la règle.
L’enfant assassin des mouches n’a cependant rien à voir avec un concept album. Quand Jean Claude Vannier passe chez Gainsbourg, un après-midi d’avril 72, pour lui faire écouter les instrumentaux qu’il a enregistrés au Studio des Dames, le mot mouche n’apparaît sur aucune des bandes. C’est un ensemble hétérogène d’instrumentaux, avec des saynètes bruitistes, des ruptures de ton, comme cette incursion dans le burlesque de la Danse de l’enfant et du roi des mouches, qui m’évoque certains thèmes de François de Roubaix. C’est Gainsbourg, impressionné par ce qu’il entend, qui lui dit : « laisse moi passer la nuit dessus ».
C’est ainsi que de la musique de Jean-Claude Vannier naît ce petit conte cruel et tordu d’un enfant assassin des mouches qui finit collé sur un papier tue-enfant (quelle horreur). La contribution de Gainsbourg peut paraître minime ; elle donne à cette suite d’instrumentaux brillants une cohérence qui la transforme en un projet fou à la liberté totale. Un disque où Marcel Azzola peut faire entendre un accordéon aussi inquiétant que sur Le papier tue-l’enfant est un disque rare. Et ça, il n’y a pas que les anglo-saxons qui l’ont compris.
le 16 mars 2006 par JPareil[
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Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN CLAUDE VANNIER Ven 6 Mar - 17:52
C'ETAIT EN AOUT 2007
Le festival en Ré célèbre les auteurs de variété NOUVELOBS.COM | 03.08.2007 | 15:41
Les hommes de l'ombre de la chanson française tels que Jean-Marie Moreau (Les valses de Vienne), Michel Pelay (Le Loir-et-Cher) ou bien encore Claude Lemesle (L'été indien), interpréteront leurs célèbres titres samedi lors d'une soirée spéciale.
L'île de Ré accueille depuis jeudi 2 août la deuxième édition du "festival en Ré", dédié aux "hommes de l'ombre" de la chanson, les auteurs de variété française. Ils interprèteront leurs plus fameux succès samedi lors de la soirée "cabaret des auteurs" à Ars-en-Ré. Jean-Marie Moreau (Les valses de Vienne), Michel Pelay (Le Loir-et-Cher), Claude Lemesle (L'été indien) ou encore François Bernheim (Mon mec à moi) se produiront.
"Tous les festivals sont organisés autour des chanteurs. Alors, je me suis demandé: qu'est-ce qu'on fait pour les coulisses ?", explique l'organisatrice Elisabeth Ruckstuhl. "En France, personne ne sait ce qu'est un auteur", regrette Jean-Claude Vannier, auteur-compositeur (Brigitte Fontaine) ou arrangeur (Histoire de Melody Nelson, pour Gainsbourg).
La finale d'un concours national de textes pour chorales -doté de plusieurs prix- qui seront interprétés par le choeur de la maîtrise de Paris, devant un jury présidé par Jean-Claude Vannier, a par ailleurs lieu vendredi soir. La soirée d'ouverture de jeudi était dédiée à Pierre Delanoë, décédé en décembre 2006. Elle a réuni entre autres son ancien complice Claude Lemesle et la chanteuse Nicoletta.
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Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN CLAUDE VANNIER Ven 6 Mar - 18:00
"Il y a vingt ans, au moment où de jeunes Américains ironiques, fins musiciens, décidaient d'investir leur savoir et leur invention dans le domaine où on pouvait avoir besoin d'eux et devenaient arrangeurs estimés, compositeurs et, de temps à autre, sortaient des disques sous les noms de Van Dyke Parks ou Randy Newman, Paris, c'était Jean-Claude Vannier.
Jeune homme chic, d'abord arrangeur à succès de quelques méga-tubes (Que je taime, Tous les bateaux tous les oiseaux), puis co-inventeur des plus belles folies 70 (Melody Nelson avec Gainsbourg, Brigitte est folle avec Brigitte Fontaine), auteur et compositeur pour d'autres, enfin chanteur et tout à la fois pour cinq disques depuis 1975, un sixième aujourdhui. L'admiration qu'on peut porter à Jean-Claude Vannier est exclusive, idiote. Jean-Claude Vannier n'a pas de vision du monde, il n'a que la vision la plus précise qui soit de ce qu'est une chanson, comment on choisit une rime et on s'y tient, comment on retrouve un couplet à la fin dun pont, comment on fait une chanson sur une note, ou deux, comment on équilibre, ou non, des sons, des valeurs, des sens, ce qu'on entend et ce qu'on imagine. C'est de cette seule vision-là (mais avec qui la partage-t-il ? Quelques noms... ) que procède le monde en question, à peine en équilibre.
Ce sont des histoires personnelles et fictives, histoires de rien, talons bleus et corps qui se déchaînent, l'amour par petites retouches, des maladies, des garçons qui aiment et des filles qui aiment plus (plus fort, plus nombreux), des histoires qui se construisent sous nos oreilles autour dun piano comme toujours, d'une rythmique très fine, et d'une petite fanfare d'instruments à vent entre Nino Rota déstructuré et jazz démodé, comme dans un film de Woody Allen. A aimer ces chansons, on les connaît par coeur, et quand vous descendrez seuls le boulevard, sans savoir le temps qu'il fait ni si vous êtes tristes ou pas vraiment, ce sont ces chansons-là, même un peu ricanantes ou poisseuses, qui voltigeront dans vos têtes de mouches. "
Michel Jourde, 1991
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Nine Admin
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Gainsbourg n'inventa pas seul l'album maudit L'Histoire de Melody Nelson.
Arrangeur et compositeur, Jean-Claude Vannier se souvient avec amertume de la sortie de l'album en 1971. « Ça n'avait pas du tout marché, j'étais découragé. » Serge Gainsbourg avait mis beaucoup de lui-même dans cet album concept inspiré du Lolita de Nabokov. Depuis, les mélodies de l'Histoire de Melody Nelson sont devenues cultes.
« Le disque a d'abord connu un succès considérable lors de sa sortie à Londres, raconte Jean-Claude Vannier. Et ce sont les anglais qui sont venus me voir pour monter sur scène Melody Nelson. » En octobre 2006, le Barbican de Londres accueillit, entre autres, Jarvis Cocker, Badly Drawn Boy et Brigitte Fontaine, pour interpréter l'album dans son intégralité. La Cité de la Musique a repris cette idée pour deux concerts, mercredi et jeudi soir.
« Je ne réécoute jamais mes disques et je n'ai pas beaucoup de respect pour les partitions, explique Jean-Claude Vannier. La vraie musique est sur scène. » La version parisienne du spectacle accueillera sept interprètes dont Martina Topley Bird, Mathieu Amalric ou Daniel Darc. « Je suis béat d'admiration devant les interprètes. Comme je suis le chef d'orchestre du spectacle, j'ai la meilleure place et j'en prends plein les oreilles. C'est ça le but d'un concert :
tordre le coeur des spectateurs en leur procurant des émotions violentes. »
Benjamin Chapon - 2008 20 minutes
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Sujet: Re: JEAN CLAUDE VANNIER Lun 9 Mar - 0:23
Si le nom et le personnage de Serge Gainsbourg sont connus par le commun des mortels, il n’en va pas de même pour Jean-Claude Vannier.
Pourtant, ce dernier a collaboré, et le mot est faible, au chef d’œuvre de Gainsbourg : « L’histoire de Melody Nelson ». Cet album, considéré par beaucoup comme étant un des albums majeurs de la chanson française a inspiré et inspire toujours une quantité impressionnante d’artistes de la scène internationale comme Beck, Air, Portishead, ou encore Tricky pour rester dans la mouvance trip-hop. Échec commercial retentissant à sa sortie, disque culte vingt ans plus tard, « L’histoire de Melody Nelson » conforte un peu plus aux yeux du public l’image d’artiste maudit que véhicule toujours Gainsbourg. Si ce dernier est à l’origine des textes précieux et recherchés de l’album, la musique est en très grande partie due à la présence de Jean-Claude Vannier. Ce dernier, jeune compositeur à l’époque (en 1971), est à l’origine de toutes les orchestrations sur lesquelles reposent l’entièreté du travail textuel et musical de Gainsbourg.
Cependant, ce n’est pas sur cet opus que je m’attarderai aujourd’hui. En effet, cette collaboration Gainsbourg-Vannier n’est pas la première. Un an avant la parution de « L’Histoire de Melody Nelson », les deux hommes collaborent pour la première fois sur la bande originale du film « Cannabis » dans lequel Gainsbourg et Birkin tiennent les rôles principaux. Le film, loin d’être extraordinaire, tombera dans l’oubli (mais il est encore disponible en import japonais, petits veinards!) ainsi que sa bande originale. Cette dernière est ressortie il y a peu de temps chez Universal, à la faveur d’une collection regroupant les bandes originales les plus marquantes de l’histoire du cinéma. Absente des diverses compilations sur Gainsbourg publiées au fil du temps (y compris l’intégrale), cette lacune méritait d’être comblée.
L’unique plage chantée de ce disque est la première (assez moyenne) , ce qui fait de cet album un album à grande majorité instrumental, vous l’aurez deviné. C’est donc à partir de la deuxième que commence vraiment le travail du tandem Gainsbourg-Vannier. Gainsbourg, incapable de composer pour un orchestre, partage les manettes avec Vannier durant l’entièreté de l’œuvre. Cette deuxième plage, « Première Blessure » donne le ton pour tout l’album. Orchestrations luxueuses, ligne de basse virevoltante et batterie omniprésente (c’est sur ce même trio que sera basée « L’Histoire de Melody Nelson » un an plus tard). L’album progresse, mystérieux (Jane dans la nuit) et psychédélique (Chanvre indien) avant d’arriver à son cœur pour le grandiose « Avant de mourir », véritable condensé de l’album qui reprend plusieurs des mouvements distincts présents le long du disque, les modifiant discrètement en y ajoutant guitares et synthétiseurs (petit rappel, on est en 1970).
Après ce climax, l’album se referme lentement et gracieusement sur les mêmes instrumentations stylées et les arrangements de premier choix. Le dernier morceau reprend le thème du premier morceau chanté.
La boucle est bouclée et l’on reste un peu sur le cul, il faut bien l’avouer. Pourquoi donc me direz-vous ? Car, en plus d’être un prémisse du fabuleux « Histoire de Melody Nelson », cette bande originale reste d’une actualité flagrante. Et il ne faut pas être un as pour remarquer qu’un certain groupe Versaillais s’en est franchement inspiré, notamment pour la B.O. de « Virgin Suicides » de Sofia Coppola, ce qui néanmoins n'enlève rien à la qualité de ce disque.
Vannier, lui, est resté complètement dans l’ombre, n’étant qu’à peine cité sur ce disque ainsi que sur le second du duo, « L’histoire de Melody Nelson ». Il publiera un splendide album en 1972, véritable OVNI, « L’enfant assassin des mouches » sur lequel j’espère revenir bientôt. Il s’illustre aussi en composant pour plusieurs noms de la chanson française, comme Jonasz, Hardy, Nougaro, Barbaba et en travaillant sur des B.O. de quelques films, un des derniers en date étant (accrochez-vous !!) la "Tour Montparnasse infernale".
Son actualité récente est sans conteste la plus intéressante, avec la réinterprétation de "L’histoire de Melody Nelson" en public au Barbican à Londres, avec les musiciens ayant participé au disque à l’origine ,à savoir Dougie Wright, Big Jim Sullivan, Herbie Flowers et Vic Flick, et ayant comme support vocal en talk-over, Jarvis Cocker (de Pulp), Badly Drown Boy, Mick Harvey (des Bad Seeds) et Gruff Rhys (des Super Furry Animals) in french s'il vous plaît.
S. Gainsbourg et J.-C. Vannier -
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Sujet: Re: JEAN CLAUDE VANNIER Lun 9 Mar - 1:40
excellente ITV Radio Classique.
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN CLAUDE VANNIER Ven 4 Sep - 1:35
LA MAGIE DU SON DE MELODY NELSON
Nine Admin
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Sujet: Re: JEAN CLAUDE VANNIER Ven 11 Déc - 4:26
Vannier, une histoire de mélodies
Olivier Horner
L’orchestrateur du mythique «Histoire de Melody Nelson» est aussi un auteur et interprète de chansons. Il vient les présenter durant trois soirs à Lutry. Parcours d’un romantique et coureur d’airs insensés.
«La musique, la poésie et l’amour sont les trois choses qui m’intéressent dans la vie. Le reste ne m’importe vraiment pas. Alors oui, je suis sans doute un grand romantique pour répondre à votre ultime question.»
Au bout du fil, Jean-Claude Vannier conclut une conversation autour de son statut de légende discrète de la pop pourtant mondialement reconnue.
Vénéré en Grande-Bretagne et à travers le monde, l’arrangeur et orchestrateur de l’incunable Histoire de Melody Nelson de Serge Gainsbourg n’est pourtant nullement prophète en son pays.
Il peine à y trouver un cabaret pour présenter son travail alors qu’il remplit des salles de 3000 places à Londres ou Rio d’où il revient tout juste.
«Je n’ai jamais souhaité être célèbre de toute façon et ne souffre donc pas de cette mésestime en France, où les médias semblent en général moins s’intéresser à la musique et aux musiciens qu’ailleurs.»