Artprice met fin ce mercredi au monopole vieux de deux siècles exercé par les sociétés de vente aux enchères. Les explications de Thierry Ehrmann, PDG de cette société cotée.
C’est ce mercredi 18 janvier que le site d’Artprice devient une place d’enchères en ligne d’œuvres d’art. A la clé un formidable levier de profits pour cette société lyonnaise cotée en Bourse. Car cette première signe la fin d’un monopole de 200 ans pour les Sociétés de ventes aux enchères comme Sotheby's, Christie's, Piasa et Arcurial…
Une loi du 20 juillet 2011 autorise en effet le leader mondial des bases de données sur l’art à franchir le pas et à devenir ce que Bruxelles appelle officiellement un "opérateur de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique". Le Conseil des Ventes Volontaires, qui rassemble tous les grandes maisons de ventes, a d’abord tenté de s’opposer à cette transformation avant de faire marche arrière, il y a quelques jours.
Plus rien ne s’oppose désormais à ce qu’Artprice devienne une gigantesque salle des ventes, avec son réseau de 1,3 millions de clients dans le monde. Le site a déjà rassemblé près de 4.000 oeuvres prêtes à la vente aux enchères. Cela semble bien peu de choses face aux 495.000 œuvres mises à la vente sur le site, à prix fixe. Mais le montant de ces presque 4.000 œuvres est très élevé puisque leur mise à prix, avant enchère, dépasse les 820 millions de dollars.
Les plus impatients sont sans doute les actionnaires du site coté : depuis un an, ils ont profité de l’envolée de plus de 470% du cours de leurs titres. Et s’attendent à ce que la hausse se poursuite, compte tenu des perspectives de gains que laisse espérer l’application, sur ces milliers de ventes aux enchères, d’une commission moyenne d’environ 4,5%...
Picasso - Portrait Imaginaire (1969)
La réaction de Thierry Ehrmann, fondateur et PDG d’Artprice, à cette ouverture
Challenges : Vous êtes sans doute ému d’ouvrir cette place de marché. Cela fait combien d’années que vous faites du lobbying pour libéraliser les enchères ?Thierry Ehrmann : Cela fait 12 ans que je milite pour faire sauter ce monopole. Et entre-temps, j’ai épuisé sept ministres de la culture, qui m’ont tous du m’écouter sans pouvoir toujours agir. Pendant ce temps, j’ai fait monter en puissance Artprice. Et jusqu’à aujourd’hui, c’était une place de marché où de plus en plus de d’amateurs viennent acheter des centaines de milliers d’oeuvres au prix fixé par des dizaines de milliers de vendeurs.
En 2005, nous avions 1,3 milliards de dollars d’oeuvres présentées. En 2008, on était à 4,5 milliards et en 2010, nous avons atteint le chiffre de 6,3 millions d’œuvres présentés. Sur ce total d’œuvres présentées, environ 30% sont vendues chaque année, sans que nous puissions être commissionnés.
Mais pourquoi les clients voudraient-ils passer par vous, et se mettre à payer des commissions alors qu’ils peuvent vendre sans enchères ?Parce que le système des enchères est magique et qu’il permet de vendre plus vite et plus cher les biens. La commission que nous prenons devient marginale si vous parvenez à vendre jusqu’à deux fois plus cher !
Les Sociétés de ventes volontaires, comme Christie's et Sotheby's, ont, à travers le Conseil des ventes volontaires, cherché à entraver votre lancement. Cela semble s’être arrangé comme par miracle. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?Je leur ai tout simplement expliqué et prouvé que j’observais strictement le texte de la loi du 20 juillet 2011. Mais, au fond, je pense que cette ouverture ne leur fera pas de mal. La plupart (82%) des Maisons de ventes, dans le monde, passent pas Artprice pour réalise leur catalogue. Elles passeront aussi par nous pour réaliser leurs ventes aux enchères électroniques.
Elles conserveront leur commissions et nous en rétrocéderont une petite partie, comme si nous étions une société d’ingénierie informatique, en échange de quoi elles accéderont à notre fichier, qui est le plus important du monde, et qui détaille les gouts, les habitudes, les recherches et les achats de nos 1,3 millions de membres payants, qui sont aussi, leurs acheteurs…
http://www.challenges.fr/patrimoine/20120117.CHA9248/4-000-oeuvres-d-art-a-acheter-aux-encheres-sur-internet-pour-820-millions-de-dollars.html