Les artistes, nouveaux étendards des marques
Les contrats publicitaires deviennent une source de revenus supplémentaires pour l'industrie musicale.
Dimanche, dans la nuit, le Staples Center de Los Angeles accueillera la 52e cérémonie des Grammy Awards, l’équivalent des Oscars pour la musique. Sur scène, Lady Gaga et Beyoncé feront surtout monter la cote de la marque Polaroid et des crèmes L’Oréal. Aux Etats-Unis, depuis des années, les artistes signent compulsivement des contrats publicitaires (endorsement) ou de partenariat (co-branding) pour compenser la chute des ventes de CD. En France, le phénomène s’accélère.
Mercredi dernier dans une boîte de nuit parisienne, Izia, la fille du chanteur Jacques Higelin, offrait un showcase privé aux clients de la marque Petit Bateau. Un public parisien et branchouille. Cheveux emmêlés, bouche géante, la mini-Keith Richards (19 ans) chante quatre titres. "Elle a gardé cette folie dingue de l’enfance. Elle incarne parfaitement notre marque, parce qu’elle interprète ses chansons avec énergie et humour ", analyse Claude Hérail, directrice artistique et très fière de sa nouvelle égérie. La toute nouvelle campagne publicitaire de Petit Bateau utilisera l’image et la voix d’Izia.
Les contrats rapportent aux artistes jusqu’à 1 million d’euros
Aux mannequins et aux sportifs sculptés, les annonceurs préfèrent aujourd’hui les artistes qui ont une histoire à raconter. Les marques n’hésitent plus à s’associer à des groupes, même peu connus, à forte personnalité. Une façon de s’inviter dans leur univers, de gagner en profondeur et de rentrer en contact avec une génération. Le roi du pull en cachemire, Eric Bompard, a jeté son dévolu sur la chanteuse de jazz anglaise Katie Melua. Yelle s’est associé à Reebok, Jenifer conduit une Ford Ka et Cœur de Pirate s’habille en The Kooples. Les contrats rapportent aux artistes de 100.000 à 1 million d’euros, selon leur notoriété.
Réalistes, les artistes acceptent ces propositions sans ciller. La chute des ventes de CD s’est ralentie (–3,2% en 2009, contre 15% en 2008), mais la tendance est irréversible. "Le modèle économique est caduc. Le circuit doit s’ouvrir ", tranche Valérie Chollet, directrice du cabinet de conseil The Matching Room. Une chance, la nouvelle génération est moins antimarques: "C’est un truc de vieux d’invoquer son intégrité", rit Izia. Mais toutes les marques ne se valent pas. "Les chanteurs ont tendance à s’associer aux labels de luxe. Les partenariats avec l’alimentaire sont pour le moment exclus, analyse Valérie Chollet. Il faut que l’association soit comprise."
La campagne Coca Light jouant avec l’image d’Olivia Ruiz avait fait un flop. Cette dernière défend une musique "anticommerciale" et gourmande (son premier album s’intitulait La Femme chocolat).Indépendantes ou liées à des majors comme U Think! (Universal), les structures de conseil ont vu tout le profit qu’elles pouvaient tirer de ces castings. Universal ne force pas la main des artistes, mais prend une commission à chaque contrat signé, "pour survivre".