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 NOUVELLES REGLES INTERNET

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liliane
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MessageSujet: NOUVELLES REGLES INTERNET   NOUVELLES REGLES INTERNET EmptyDim 24 Avr - 9:09

Thierry Breton, commissaire européen

« Les géants d’Internet devront s’adapter à nos règles »


JOURNAL DU DIMANCHE
Cet article est issu du n° 3928


INTERVIEWEXCLUSIF Commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton décrypte les enjeux du texte adopté hier par le Parlement EUROPÉENCONTRÔLES Avec le Digital Services Act, L’UE se dote d’une législation sur la régulation numérique

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-PIERRE GRÖNDAHL

Le texte adopté hier veut mettre fin aux dérives des réseaux sociaux. L’ensemble des fournisseurs de services numériques dans l’Union européenne auront l’obligation de désigner un représentant légal dans l’un des 27 États membres. Ces derniers publieront une fois par an un rapport détaillant les actions entreprises pour modérer les contenus. Les places de marché et les réseaux sociaux devront se doter d’un système gratuit de réclamations, facilitant la contestation des décisions de retrait d’information, de suspension ou de résiliation de compte. Les plateformes auront aussi l’obligation d’informer « promptement » les autorités judiciaires quand elles soupçonnent une « infraction pénale grave » menaçant « la vie ou la sécurité des personnes », et devront suspendre les utilisateurs fournissant régulièrement des contenus illégaux, comme des discours de haine ou des annonces frauduleuses.

Que représente ce Digital Services Act [DSA], le règlement sur les services numériques, voté par le Parlement européen il y a deux jours ?

C’est un texte majeur pour l’organisation de l’espace « informationnel », cet espace en ligne où nous passons tous environ 40 % de notre temps, pour travailler, apprendre, nous divertir ou socialiser. Nous avons tous pu vérifier pendant la pandémie à quel point cet espace était au cœur de nos vies. Et nous ne pouvons que constater, depuis le début de la guerre en Ukraine, les conséquences dévastatrices de la désinformation. J’y travaille depuis le premier jour de mon arrivée à Bruxelles en tant que commissaire européen. C’est aussi l’une des régulations les plus importantes que la Commission ait proposées depuis plusieurs années car le dernier texte sur le commerce en ligne date de plus de vingt ans. Le DSA est également une première mondiale, rendue possible par un travail considérable des équipes face à de multiples obstacles. Dans ce dossier, la présidence française a joué un rôle déterminant.

S’agit-il de réguler Internet ?

Tout ce qui est interdit « off line », c’est-à-dire dans la vie de tous les jours, doit l’être aussi « on line », c’est-à-dire en ligne. Les actes délictueux doivent être prohibés dans le monde virtuel tout comme dans le monde réel.
L’architecture de ce texte, son ADN, réside dans ce principe : le transfert des obligations et des interdictions de la vie physique à la vie virtuelle. Cet enjeu est essentiel pour l’avenir de nos démocraties. Nous avons mis collectivement des siècles à bâtir les règles de notre vie en commun. Aujourd’hui, l’Europe se dote des outils nécessaires pour poursuivre les actes délictueux en ligne : appels à la haine, harcèlement en meute, incitation au terrorisme, pédopornographie, fausses nouvelles, contrefaçon… Je précise que le DSA est un instrument horizontal, qui pourra – et c’est fondamental – être enrichi au fur et à mesure, en fonction des besoins ultérieurs et des usages futurs. C’est ce qui, en s’adaptant aux innovations technologiques à venir, lui permettra de demeurer pertinent dans le temps.

« Grâce à ce texte, une plateforme ne pourra pas jouer un pays contre un autre »
Qui vise-t-il ? Les géants d’Internet, les Gafam ?

Tous les acteurs de la vie en ligne, à commencer par les grandes plateformes. Elles devront même respecter certaines contraintes ex ante, autrement dit avant d’offrir leurs services sur le territoire européen.

L’Europe est-elle de taille à pouvoir réguler des groupes de cette envergure ?

L’Union européenne compte environ 120 millions d’habitants de plus que les États-Unis. Son poids est considérable, d’autant plus quand elle agit au nom de tous les États membres. Plusieurs législations nationales distinctes n’auraient pas eu une telle efficacité. Grâce à ce texte, une plateforme ne pourra pas jouer un pays contre un autre.
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Les lobbies n’ont-ils pas tenté de s’opposer au vote ?

Si, bien sûr. Ils ont même tout tenté pour que cette législation ne soit pas adoptée. Sans succès. Le texte a été voté dans son intégralité car il participe de l’intérêt général de tous nos concitoyens et de leur protection. Aux États-Unis, l’assaut contre le Capitole, en janvier 2021, a démontré l’ampleur des risques causés par des manipulations en ligne.

Elon Musk, le fondateur entre autres de Tesla, souhaite racheter Twitter. La concentration dans ce secteur est-elle inquiétante ?

Qu’un fonds de pension ou une personne physique contrôle une plateforme reste secondaire. L’important, c’est le rôle des plateformes. Dans le domaine de la diffusion de fausses nouvelles, leur responsabilité a été maintes fois établie – qu’il s’agisse du Brexit, de l’élection présidentielle de 2017 en France, ou de la guerre en Ukraine. Or certaines plateformes persistent à se décrire comme de simples hébergeurs. C’est faux.

Qu’est-ce que cette législation va changer ?

Les plateformes devront se soumettre à des obligations graduées, en fonction de leur importance. Y compris les plus puissantes d’entre elles, qui comptent plus de 45 millions d’utilisateurs. Plus l’audience d’une plateforme est élevée, plus ses capacités de contrôle devront être importantes, à commencer par ses effectifs de modération. Chacune devra également nommer un représentant légal en Europe. En d’autres termes, les plateformes devront s’adapter à nos règles et non l’inverse. Ces obligations seront identiques partout : ce sera la condition à remplir pour bénéficier d’un accès à l’un des plus grands marchés du monde. Les sanctions seront très significatives puisqu’elles pourront atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial et aller jusqu’à l’interdiction d’opérer sur le territoire européen. Chaque État membre disposera d’un régulateur. Les grands acteurs d’Internet ont compris notre détermination. C’est un changement de paradigme.

Aurez-vous les capacités de contrôle suffisantes ?

Oui. Il est crucial de pouvoir agir en temps réel et de définir les règles de fonctionnement avant toute mise en ligne. Je suis en train de recruter une équipe de 150 spécialistes, experts entre autres des algorithmes et des données. Nous recevons énormément de candidatures. Beaucoup de jeunes, contrairement à des mythes entretenus ici et là, ont le sens de l’intérêt général, la volonté de servir les autres et la capacité d’être à la pointe de ces sujets scientifiques et technologiques. Je coordonnerai l’ensemble du dispositif avec tous les régulateurs nationaux et des correspondants au sein de chaque État membre.

Quand ce texte entrera-t-il en vigueur ?

Dans six mois à un an.

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-PIERRE GRÖNDAHL
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