Le roi de l'escroquerie arrêté à Toulouse
Recherché dans son pays pour des arnaques via internet.
Considéré en Italie comme le « roi de l'escroquerie », Carlo Rao, 31 ans, a été arrêté à Toulouse et placé en détention provisoire vendredi. Recherché par toutes les polices d'Italie, cet homme contre lequel la justice de son pays a lancé un mandat d'arrêt international est finalement tombé après son interpellation dans une maison du quartier des Minimes. Les policiers de la brigade financière de la sûreté départementale tentent à présent de faire le décompte des victimes présumées du « Madoff italien » qui aurait fait déjà un millier de victimes dans son pays. Rivé devant son ordinateur, Rao se connecte sur les sites de location de logements. Il copie les photos des villas et envoie un mail aux locataires potentiels en se présentant comme le propriétaire du bien. Il demande alors des arrhes et des versements pour la réservation…, le début d'une redoutable arnaque. C'est ce scénario qui s'est produit au domicile d'un musicien toulousain, Olivier Canton, qui a vécu plus d'un mois, sans le savoir, avec ce supposé roi de l'arnaque, accro aux casinos et aux jeux en ligne. Une passion dévorante qui lui aurait fait craquer près de 40 000€ en deux mois ! En quête d'un domicile à Toulouse pour se mettre au vert, Rao pose sa valise dans le quartier des Minimes en répondant à une annonce pour une colocation. Il raconte à Olivier, son colocataire, qu'il se nomme PietroLucchi et qu'il écrit un roman avec Toulouse pour toile de fond. Voilà pour la couverture... Jusqu'au jour où Olivier lui annonce qu'il recherche un logement aux États-Unis pour étudier la musique. Mi-août, Rao invente une correspondante fantôme en Californie prête à héberger le musicien moyennant le versement de dollars… À deux reprises, le musicien marche dans la combine. Jusqu'à ce qu'il découvre le vrai visage du pseudo-écrivain. Dans la maison, les enquêteurs retrouvent des numéros de cartes bancaires correspondant à des victimes potentielles. « Des victimes italiennes essentiellement », résume un enquêteur. Sur le compte de Rao, des traces de versement de 10 000€ sont découverts via la Western Union. Un pactole sans doute flambé dans les jeux en ligne.
portrait
« Le roi de l'escroquerie »
La presse italienne n'est pas avare de qualificatifs pour décrire, selon elle, le « roi de l'escroquerie » bien connu de l'autre côté des Alpes. Près d'un millier de plaintes sont recensées par les différents services de police en Italie. Carlo Rao est d'ailleurs recherché pour d'innombrables escroqueries sur internet à la carte bancaire mais aussi pour enlèvement et usurpation d'identité. Un préjudice estimé, selon les autorités italiennes, à plus d'un demi-milliard d'euros ! Une somme vertigineuse mais toujours soumise à des vérifications. À Toulouse, les policiers n'ont pas retrouvé d'argent liquide. Joueur invétéré, sa passion pour les bandits manchots et les jeux de casinos l'a conduit d'abord sur la Côte d'Azur, du côté de Cannes, où il suivait les compétitions du « France poker tour » qui a fait escale cet été à… Toulouse.
« Il vivait dans le noir et mangeait très peu »
Olivier Canton a vécu plus d'un mois aux côtés de Carlo Rao alors recherché par toutes les polices d'Italie. De sa première rencontre avec l'escroc, le 10 juillet dernier, jusqu'à son arrestation, ce musicien de 32 ans raconte l'incroyable scénario.
Comment a commencé cette histoire ?
Je cherchais un colocataire pour les vacances. Le 10 juillet, en fin d'après-midi, cet homme a sonné à la porte de la maison à la suite de l'annonce parue dans le journal. Il s'est présenté comme journaliste écrivain de nationalité italo-américaine. Il disait que le cadre de son roman se situait à Toulouse. Il avait une valise et un ordinateur portable. Il a visité la maison et les quatre chambres. Il avait l'air franc, honnête. Il s'est installé dans une pièce du salon. Un lit, une table et des rideaux noirs tout autour. Il vivait dans l'obscurité.
Que faisait-il de ses journées ?
Il se déplaçait en taxi. Il mangeait très peu. Très discret à chaque fois, il ne participait pas aux repas.
Jusqu'au 10 août…
Au fil des discussions, je lui apprends que je recherche un logement aux États-Unis. Il m'indique que sa mère connaît une amie qui vit en Californie, à Pasadena et qu'elle peut m'aider. Il me donne son adresse mail et je rentre en contact avec elle. Deux jours après, elle me demande, par mail, de lui verser une première somme de 1 922 dollars (environ 1 300€) pour les frais de logement puis un second versement de 1 800 dollars (1 200€) pour les frais d'installation sur place. Pour faciliter la transaction, il me demande de le payer en liquide et qu'il paierait ensuite cette femme via un virement bancaire. Je lui ai fait confiance. J'en ai parlé à un ami et à ma compagne. Ils se sont montrés beaucoup plus méfiants. C'est en vérifiant les adresses IP de chaque mail envoyé par la correspondante basée aux États-Unis que l'on s'est rendu compte de l'arnaque. Tous les mails étaient envoyés depuis mon appartement, à Toulouse. À partir de là, j'ai eu la preuve que j'étais en train de me faire escroquer. je suis resté discret sans éveiller le doute chez lui. La semaine dernière, j'ai fait venir quatre copains chez moi. On l'a retenu dans la cuisine. Et je lui ai demandé entre quatre yeux qui il était vraiment. Je lui ai dit que j'avais la preuve de ses arnaques. Il a tout avoué, sans violence ni agressivité mais cela aurait pu très mal se terminer. Il m'a tout avoué en indiquant qu'il était addict aux jeux et en mauvaise santé. Ma compagne a retrouvé dans ses affaires des portables, des montres de valeur, et des numéros de cartes bancaires, un calepin entier ! Je n'en reviens toujours pas. J'ai perdu 3 000€ dans cette histoire.
http://www.ladepeche.fr/article/2009/09/01/663557-Le-roi-de-l-escroquerie-arrete-a-Toulouse.html