Léopold Nord en interview
En 1987, Léopold Nord & Vous grimpaient jusqu'à la seconde place du Top Singles
avec "C'est l'amour".
Vingt-trois ans après, Alec Mansion, l'un des trois frères du groupe,
dévoile un nouvel album très frais, "Léopold Nord & Eux",
contenant dix duos originaux avec une pléiades d'artistes 80's.
Nous avons rencontré un artiste humble et passionné.
Bonjour Alec, votre album "Léopold Nord & Eux", signé chez Aka Music/Universal,
et contenant une dizaine de duos réalisés avec des artistes issus des années 80,
de Jean-Pierre Mader à Desireless,
est entré 178ème des ventes de disques en France
sur sa première semaine d'exploitation, sans grande promotion.
Vous attendiez-vous à ce résultat ?
Alec Mansion aka Léopold Nord :
Ah ! Vous me l'apprenez ! (sourire) C'est bien oui, sachant qu'effectivement la promotion ne fait que commencer. Nous avons quand même en France, le soutien de France Bleu national, avec qui nous sommes en partenariat, et de Nostalgie aussi. Pour répondre précisément à votre question, je ne m'attendais pas à recevoir un tel accueil avec ce disque, qui est un grand succès en Belgique (ndlr : Top 38).
En effet, le premier single extrait "Bruxelles-Toulouse",
enregistré avec Jean-Pierre Mader, s'est classé 14ème de l'Ultratop belge
en août dernier, et son successeur, le duo avec Desireless,
"Tes voyages me voyagent", fait encore mieux, 6ème en Belgique !
C'est assez incroyable oui ! (sourire) "Bruxelles-Toulouse" s'est classé n°1 de l'Airplay en Belgique ! Je ne suis ni rock, ni branché, mais je crois que l'album, étant un concept à part, a su faire la différence.
« "Bruxelles-Toulouse" s'est classé n°1 de l'Airplay en Belgique ! »
Cela dit, dans votre pays, votre popularité n'a jamais déclinée,
contrairement à la France où nous en sommes restés à l'époque de "C'est l'amour".
Vous avez rencontré de nouveau le succès en Belgique en 1990,
toujours avec vos deux frères, notamment au sein des Chéris avec "On en a marre",
puis "Les travaux de la ferme", "Petite fille des îles",
et en solo avec "Cette femme est un héros" (Top 6 en 2001),
"Fais moi un bébé" (Top 2 en 2001), "C'est moi.com" (Top 8 en 2002)...
C'est vrai. Mais rien n'était gagné d'avance (sourire) !
Pensez-vous être plus soutenu par les médias belges que par les médias français ?
En Belgique ma notoriété est plus grande alors ce n'est pas comparable...
On dit qu'un artiste belge n'est reconnu dans son pays que s'il a du succès en France,
le confirmez-vous ?
(sourire) C'est un cliché, une vérité distorsionnée.
Il est vrai que si un artiste a le cachet des français en plus, comme Maurane,
Philippe Lafontaine ou Léopold Nord & Vous à l'époque de "C'est l'amour",
c'est un atout, mais ça s'arrête là.
Comment vous est venue l'idée de cet album-concept, "Léopold Nord & Eux" ?
L"idée est venue sur la tournée "RFM Party 80".
Dans le bus (sourire). En fait, je me suis d'abord amusé à me pencher
sur chacun de mes collègues, un par un, à les cerner, les analyser,
et à m'imaginer ce qu'ils pourraient bien avoir à dire aujourd'hui,
une vingtaine d'années après le succès que nous avons tous connu dans les années 80.
Je me suis rendu compte aussi, que l'envie et l'enthousiasme étaient toujours présents
pour chacun.
C'est comme ça qu'un jour, nous avons écrit "Bruxelles-Toulouse" avec Jean-Pierre Mader. L'idée est venue d'un panneau que j'avais vu sur le quai d'une gare,
et sur lequel il était inscrit : "Bruxelles-Toulouse".
Je me suis dit que cela pourrait être une chanson (sourire).
« Tout ce qui arrive aujourd'hui est un miracle »
Comment avez-vous réussi à tous les convaincre ?
Je les ai tous fait défiler dans ma chambre d'hôtel, je leur ai expliqué mon projet,
et aidés de mon ordinateur portable, nous avons commencé ainsi à travailler.
En tournée. Je me suis efforcé aussi de reprendre leur plus grand tube à chacun,
et d'essayer d'en prolonger l'idée, en m'imaginant ce que nous pourrions en dire aujourd'hui.
C'est comme ça qu'est né "Tes voyages me voyagent" avec Desireless,
"Cette femme est un héros" avec Cookie Dingler,
"On s'en fout de nous" avec Jean Schultheis, "Le numéro de S. Marceau"
avec Richard Sanderson...
sans oublier un clin d'œil à Sabrina, l'inoubliable interprète de "Boys" (sourire).
Tout a été réalisé dans un esprit très positif,
juste pour le plaisir, et je vous avoue que tout ce qui arrive aujourd'hui est un miracle.
D'autant plus que vous auriez pu tomber dans la facilité,
et enregistrer un album de reprises avec eux tous...
Ça ne m'intéressait pas.
« "Léopold Nord était juste une buvette dans laquelle on buvait du champagne ! »
Aucun d'entre eux n'a refusé ?
Non. Par contre, ceux qui sont présents sur le disque correspondent à la première mouture de la tournée. Les protagonistes de 2007/2008, pas au delà. C'est la raison pour laquelle il manque Jakie Quartz, Les Avions, Sabine Paturel, Eric Morena, Lio et tant d'autres. J'aurais adoré faire quelque chose avec Rachel, la chanteuse de Luna Parker, qui est une fille adorable, ou avec Jeanne Mas qui était présente avec nous au Stade de France. Mais je vous avoue que je n'exclue pas le fait d'en faire un second volume, d'autant plus qu'un grand nombre serait d'accord pour partir avec moi dans l'aventure. François Feldman notamment, qui est tombé amoureux de "Bruxelles-Toulouse"... C'est un concept que je peux décliner aussi, "Léopold Nord & Elles" par exemple (sourire)...
Peter & Sloane me confiaient lors d'une interview réalisée en novembre dernier, à l'occasion de 25 ans du Top 50, qu'ils auraient aimé y participer eux aussi (voir sur ce lien)...
Cela aurait été avec grand plaisir, mais c'est pareil, ils ont intégré "RFM Party 80" une fois que l'album était déjà terminé...
« Rose Laurens ne se sentait pas très à l'aise »
Pourquoi Rose Laurens ne fait partie du disque, alors qu'elle était avec vous sur la première tournée ?
C'est simplement parce qu'elle a quitté la tournée avant la fin. Rose ne se sentait pas très à l'aise je crois. Sinon, évidemment elle aurait fait partie du projet, mais nous n'en avons pas eu le temps.
Laurent Petitguillaume joue même les présentateurs météo sur l'intro du titre "Les vacances en France", enregistré avec Emile & Images...
Oui, Laurent est le présentateur de la tournée "RFM Party 80", il était tout naturel pour moi qu'il ait sa place sur le disque (sourire).
« Nous allons faire les Francofolies de Spa le 24 juillet prochain »
Allez-vous monter sur scène avec cet album, réunir tous les chanteurs ?
Oui, j'aimerai beaucoup. Mais dans un premier temps, nous allons lancer le spectacle "Bruxelles-Toulouse", avec Jean-Pierre Mader, à Liège ce mois-ci. Une tournée se prolongera ensuite en Belgique à partir du mois d'avril et nous allons faire les Francofolies de Spa le 24 juillet prochain. C'est un show durant lequel, avec nos musiciens, nous démonterons à notre manière les années 80 (sourire). On emmènera les gens dans un voyage imaginaire, en train, commençant par deux reprises : "Bruxelles" de Dick Annegarn que chantera Jean-Pierre le toulousain, et "Toulouse" de Claude Nougaro que je reprendrai. Ensuite, nous passerons en revue toute la décennie 80, avec des anecdotes, de l'humour, de la dérision. Un concert avec les gens de l'album, c'est beaucoup plus long et difficile à mettre en place, parce que chacun a son emploi du temps... Mais RTL Belgique et France Bleu seraient déjà partants.
Finalement cet album, c'est un grande déconnade !
(rires) Complètement ! Il n'a jamais eu d'autres prétentions. J'ai juste voulu donner un grand coup de pied dans la morosité ambiante ! Je m'amuse, c'est tout. Vous savez, je n'ai pas besoin de ça pour vivre, je produis, je fais pas mal de spectacles, notamment "C'est l'amour - Pop Show" dernièrement, financièrement ça allait très bien.
« J'ai voulu donner un grand coup de pied dans la morosité ambiante ! Je m'amuse, c'est tout »
Pourquoi avoir choisi de soumettre ce projet à un label participatif, Aka Music en l'occurrence ? Pourquoi ne pas être allé voir directement les majors ?
(sourire) Je crois que dans la conjoncture actuelle, cela aurait été beaucoup plus compliqué... En fait, tout est parti du titre "Bruxelles-Toulouse". A la base, nous avons seulement soumis un single aux internautes, mais la mayonnaise a pris, et quand ce dernier a été produit, tout s'est enchainé. J'en suis le premier surpris ! Il y a une chose aussi qui m'a convaincu de partir dans l'aventure avec Aka, c'est son boss, Michel de Launoy. Il a un esprit différent des autres, il travaille comme dans les années 70, il est amoureux des artistes et il les respecte. C'est ça aussi qui a séduit Pascal Nègre d'Universal, qui aujourd'hui distribue l'album. Michel parle de communauté chez Aka, il ne parle pas de clients ou autres concernant les internautes, ce n'est pas la rentabilité à tout prix. Selon lui, nous sommes tous dans le même bateau, et cela m'a complètement séduit. C'est un monsieur qui a beaucoup d'humanité.
Ne pensez-vous pas que les labels participatifs type Aka Music, mais aussi Sellaband, BuzzMyBand, NoMajorCompagny, My Music Hall, finiront un jour par rencontrer le même problème de saturation que les maisons de disques traditionnelles ? Seule MyMajorCompagny semble s'en sortir grâce au succès de Grégoire qui était le pionnier, et Aka Music, certes. Mais Spidart a déjà déposé le bilan, laissant sur la touche ses artistes et l'argent des internautes...
Je ne savais pas pour Spidart. Mais vous savez, rien n'est automatique dans ce métier. De plus, il est actuellement en pleine mutation à cause de la crise du disque. Alors alternative ou pas, je ne sais pas. Nous verrons bien. Ce qui est sûr, c'est que tout le monde ne rencontrera pas le même succès, ce qui est normal et logique aussi. Sur Aka Music, je crois qu'il y a plus de 6 000 artistes soumis aux internautes, vous pensez bien que le label ne va produire les 6 000 ! C'est la règle du jeu. Si l'artiste n'a pas atteint la somme nécessaire, l'argent est rendu aux producteurs.
Sauf en cas de liquidation judiciaire...
Nous n'en sommes pas là. Michel de Launoy gère très bien les choses. Je ne sais pas comment ils travaillaient chez Spidart.
« Je en sais pas comment ils travaillaient chez Spidart »
Revenons si vous le voulez bien à la période Léopold Nord & Vous, en 1987, vous êtes n°2 du Top, juste derrière "La bamba" de Los Lobos, avec vos frères Hubert et Benoît Mansion grâce au tube "C'est l'amour". Que deviennent-ils aujourd'hui ?
Hubert est devenu écrivain. Il vit au Canada où son livre "Tout le monde vous dira non : le droit d'accomplir son rêve" sur les difficultés du milieu du show-business, est devenu un Best Seller. Son dernier livre s'appelle "Vivre le Québec libre". Et Benoît continue la musique.
Quel regard portent-t-ils sur ce que vous faites aujourd'hui ?
Ils ont un regard très tendre, il me soutiennent à leur façon, et inversement. Il n'y a aucun soucis entre nous, Hubert est juste passé à autre chose. Benoît quant à lui, fait de la bossa nova, du jazz, un style qui a toujours été sa passion.
En tant qu'amateur de jazz, n'était-il pas malheureux au sein de l'univers de Léopold Nord & Vous ?
Non. Vous savez, Léopold Nord & Vous c'était juste une buvette. Une buvette dans laquelle on buvait du champagne, certes (rires) !
Il y a cependant une chanson dans votre album "Léopold Nord & Eux" qui rappelle cette période et lui rend hommage en quelque sorte, c'est "Brave belge".
Exact.
« Hubert est devenu écrivain, Benoît fait de la bossa nova et du jazz, et Muriel Dacq s'investit dans l'écosystème »
Que devient Muriel Dacq, votre compagne de l'époque, qui avait vendu 800 000 exemplaires du tube "Tropique" (Top 6 en 1986) ?
Muriel a arrêté la chanson, elle s'investit aujourd'hui dans l'écosystème. Elle a une grande propriété avec ses frères, un espace agro-forestier, au sein duquel ils travaillent sur la culture bio avec l'association Forest Life (voir sur ce lien). Nous avons gardé d'excellents rapports, vous savez elle est la mère de mes deux filles (sourire).
Pourquoi n'a-t-elle pas réalisé la tournée "RFM Party 80" avec vous ?
Elle y avait toute sa place c'est vrai, et les producteurs l'avaient proposé. Mais Muriel est passée à autre chose, elle n'a pas le temps de s'investir chaque jour dans une tournée qui la mènerait loin de chez elle et de ses activités actuelles.
Après "C'est l'amour", il y aura quelques singles supplémentaires qui ne marqueront cependant pas les esprits : "Les Hippopotamtam (Amélie et moi)", "Des filles et du Rock And Roll"... Par contre, un album de Léopold Nord & Vous circule sous plusieurs éditions : 1997, 2001, 2007... Y'a-t-il eu un album officiel à la fin des années 80 ?
Non. Léopold Nord était un groupe à singles (sourire). Par contre les albums qui circulent aujourd'hui sont des compilations de nos différents morceaux réunis sur un même disque.
« Le clip de "C'est l'amour" était sponsorisé par Dunlopillo »
On ne trouve pas de clips non plus, juste des passages télés...
Si, il y a bien eu un clip pour "C'est l'amour", produit à l'époque par Stéphane Clavier, le frère de Christian, et sponsorisé par Dunlopillo (rires). Le problème c'est qu'il ne correspondait pas à l'esprit du single, et les télés se sont emparés de nos passages chez Foucault, chez Marc Toesca etc. C'est la raison pour laquelle le clip officiel a été zappé. Il n'est pas même sur YouTube aujourd'hui, moi même j'ai dû le voir deux ou trois fois seulement.
Pour en revenir à la tournée "RFM Party 80", où en est ce projet de film que devait produire Thomas Langmann avec Kad Mérad et José Garcia ?
Il est toujours d'actualité, même si quelque peu en stand-by ces temps-ci. Je crois qu'ils ont revu le scénario. Cela dit, je n'en sais pas plus, Jean-Pierre Mader pourra vous renseigner bien mieux que moi (sourire).
Pour finir, quels artistes appréciez-vous dans la jeune génération ?
J'aime beaucoup le groupe Green Day qui a un son génial, James Blunt, Jason Mraz, Alicia Keys, Beyoncé...
« Stéphanie Soreil, c'est une bombe cette fille ! »
Et chez les français ?
En français j'aime bien les textes de Bénabar, beaucoup moins ses musiques, j'aime l'univers d'Olivia Ruiz, je suis un grand fan de -M-, Laurent Voulzy, Alain Souchon, Pierre Souchon aussi qui a une plume extraordinaire, Thomas Dutronc, le guitariste, beaucoup moins le chanteur, Sanseverino, dont le producteur Christian Herrgott n'est autre que celui qui a cru en premier à "C'est l'amour" (sourire). Et puis j'en profite aussi pour vous parler d'une chanteuse auteur/compositeur/pianiste qui s'appelle Stéphanie Soreil. C'est une bombe cette fille, elle a vraiment un truc à dire, elle est sur Aka Music également, et ne devrait plus tarder à faire parler d'elle.
Merci Alec pour votre gentillesse et votre disponibilité.
http://www.chartsinfrance.net/actualite/interview-49212.html
Merci à vous Thierry, et à Charts in France.