MARIE ESPINOSA

«La Démarrante» fait partie de ces disques qui s'imposent délicatement, s'infiltrent subrepticement jusqu'à se rendre indispensables. On y revient avec un peu plus de plaisir à chaque fois, assuré d'y retrouver la délicatesse et l'assurance un peu maladroite des premières fois.

Marie Espinosa est peut-être encore une débutante mais elle n'a rien d'une ingénue. On lui saura gré de ne pas jouer la carte de la minauderie affectée, ni l'enthousiasme béat de ceux qui savent auxquels de beaux lendemains sont assurés. Sa manière à elle de s'imposer passe par un éventail de sentiments plus complexes, tels que les diffusent les chansons qui constituent ce premier album pour lequel le terme de prometteur n'est pas usurpé. L'Annonce, son premier extrait, compose une bien belle carte de visite, avec son texte doux-amer. «Charmante jeune fille de 25 ans/Qui veut rêver le monde en grand/Voudrait voir la vie autrement.» Plus loin, Marie avoue qu'elle ne croit plus au prince charmant et qu'elle se contenterait d'un bon amant, sans que cela ne tourne à la complainte narcissique. D'une écriture acidulée, elle croque les déboires d'une jeune femme qui tient à son indépendance sans pour autant en faire une affaire d'État. Les chansons du disque ont beau avoir été écrites dans la foulée d'une rupture amoureuse, l'humour et la distance ne sont jamais bien loin. Musicienne depuis l'enfance, Marie Espinosa a d'abord percé en jouant la comédie. De séries télévisées à succès en film d'art et d'essai (elle a tourné sous l'œil de Robbe-Grillet), elle a conjugué le plaisir du jeu avant de revenir à ses premières amours, la musique. Pianiste de formation, elle s'est mise à la guitare pour composer des ritournelles folk-pop aux mélodies instantanées. Si on devait chercher une parenté à ses chansons, ce serait plutôt dans la délicatesse de Françoise Hardy que chez les chanteuses à voix qu'on la trouvera.

Remarquée par le dénicheur de talents Marc Lumbroso (Jean-Jacques Goldman, Vanessa Paradis, Keren Ann, Raphaël), Marie Espinosa a tenu à ne pas faire un disque de chanson française de plus. C'est en partie à Nashville, avec des musiciens locaux, que les chansons de La Démarrante ont été enregistrées. Après avoir assuré les premières parties de Calogero, Marie Espinosa présentera ses chansons sur scène une bonne partie de l'année qui vient, manière de prolonger la magie d'un des disques les plus attachants de ce début d'année.
«La Démarrante» (Remark/Mercury/Universal)

http://www.lefigaro.fr/musique/2010/01/12/03006-20100112ARTFIG00412-la-debutante-n-est-pas-une-ingenue.php

Vous êtes à la fois actrice et chanteuse, comment vivez-vous ces deux disciplines ?
Est-ce un souhait depuis toujours ?
Oui c’est depuis toujours, à l'âge de 4 ou 5 ans j’ai eu une très forte attirance et émotion pour la musique. Ensuite c'est un long parcours pour être là ou je suis aujourd’hui. Dans un premier temps j’ai eu plus de facilité à trouver du travail en temps qu’actrice. En même temps cela m’a permis de me perfectionner dans la musique notamment au piano, que je joue depuis l’age de 8 ans. Le métier d'actrice m’a permis de vivre, de m’acheter un piano et de travailler mes compositions entre deux tournages. Pour moi les deux disciplines se ressemblent et se complètent, dans les deux cas on joue sur le registre des émotions. En tant qu’actrice je suis juste interprète là dans le cadre de mon album je suis auteur compositeur interprète c’est donc forcément plus personnel, mais cela reste un travail sur les émotions.

Avez-vous des modèles d'artistes ?
Des modèles et des influences oui il y en a beaucoup.
J’ai voulu faire ce métier parce que d’autres artistes m’ont touché et donné cette envie. De Barbara en passant par Serge Gainsbourg,
Michel Berger, Jacques Brel mais aussi les Beatles m’ont beaucoup influencé.

Vous vous livrez beaucoup dans ce premier album, est-ce volontaire ? Une évidence ?
Oui c’est une évidence, c’est ce que j’avais besoin de dire, c’est ce qui était en moi. Je me suis dit qu’en étant sincère les gens avaient une chance de s’y retrouver.
Victor Hugo disait « Lorsque je vous parle de moi, je vous parle de vous » ,
dans mon cas c’est un peu la même démarche.

Comment se construit votre processus de création ?
Il se construit avec le temps. C’est long, ça viens ou ça viens pas, on cherche, on trouve. Parfois les chansons viennent très rapidement, c’est comme une fulgurance, mais c’est rare. `Et puis parfois c’est beaucoup plus long à accoucher.
L’album c’est un peu comme un bébé mais je l’ai porté plus longtemps et la phase d’accouchement a été douloureuse puisqu’elle s’est mêlée aussi à ma vie personnelle.

Y a t'il d'autres disciplines artistiques qui vous attirent ?
J’aimerais déjà me perfectionner dans ces deux disciplines,
notamment en maîtrisant mieux la guitare, j’aimerais aussi me remettre au violon.
J’aime beaucoup la danse mais je ne suis pas une très bonne danseuse.
J’aime beaucoup la peinture aussi, je dessine et je peins un peu .
Je suis attiré par tous les arts en général.

Comment voyez-vous la crise musicale actuelle ?
C’est un vrai gros problème. Notamment pour les artistes.
Imaginez que pour une chanson achetée sur iTunes à 0,99 euros, je touche 7% de cette valeur, ce qui représente assez peu …
Et donc je me dis comment je vais faire pour continuer à faire ce métier
parce que malgré tout il faut comme tout un chacun que je paye mon loyer que je mange etc … Autant dans les années 80-90 beaucoup d’artistes ont bien gagné leur vie autant aujourd’hui ce métier est devenu très précaire. Les gens ont l’impression que les maisons de disques sont des grands méchants, mais ils sont surtout là pour nous aider et heureusement qu’ils sont là pour nous promouvoir, nous conseiller, payer les séances de studios et d’enregistrements, on a besoin d’eux. Au jour d’aujourd’hui même si mon album plaisait et avec du succès par exemple en étant disque d’or, le disque d’or est décerné à 50 000 exemplaires vendus, si je vendais cette formidable quantité de CD cela ne me permettrait pas de vivre. C’est très difficile. Heureusement que j’ai d’autres projets cinématographiques et que je peux me diversifier sinon je ne m’en sortirais pas. Une chance aussi qu’en France on a le statut d’intermittents du spectacle. Un statut qu’il est très difficile d’avoir car il faut présenter 48 cachets d’artistes ce qui n’est pas rien à obtenir.

Quels sont vos albums de chevet ?
J’écoute beaucoup Damien Saez, Cœur de Pirate puis l’intégrale de Barbara,
de Brassens, de Brel, de Mozart, des Beatles, Radiohead.

Aimez-vous la mode ? Des créateurs en particulier ?
J’aime beaucoup la mode même si elle a parfois un côté pervers. Je l’aime et je la déteste en même temps. J’ai un rapport de haine / amour avec la mode. Je n’aime pas le dictat de la maigreur, de l’argent. Je n’aime pas trop ce qui est superficiel mais en même temps c’est de la création alors ça m’interpelle. J’aime beaucoup Jean-Paul Gaultier.
J’ai vu Mylène Farmer sur scène au Stade de France habillée par Balmain
avec ces silhouettes un peu futuristes, mais aussi Diane Von Furstenberg, Yves Saint Laurent …

Votre premier geste du matin ?
D’ouvrir les yeux … Non en fait je pense que j’allume la cafetière.

Avez-vous des secrets de beauté ?
Je me démaquille scrupuleusement le soir et j’ai un bon dermatologue ( rire).

Vos projets à venir ? Envie de scène ?
J’ai très envie de scène. J’ai fait la première partie de Ronan Luce à La Cigale.
En décembre j’ai fait la première partie de Calogero sur certaines dates dans des Zenith. J’aimerais bien poursuivre dans cette voix.

Ca fait quoi lorsque son rêve se réalise ?
C’est vrai que c’était mon plus grand rêve de faire un album.
C’est une grande émotion, d’ailleurs j’en ai les larmes aux yeux.

Propos recueillis par Marie-Joe Kenfack