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Sujet: Re: BOB DYLAN Mar 3 Jan - 2:12
En attendant l'album de reprises Chimes of Freedom , un petit retour dans les années 60 , vidéo rare , une merveille pour amateurs
ENJOY
Bob Dylan Chimes Of Freedom 1964
ALBUM : "ANOTHER SIDE OF BOB DYLAN". - 1964
Un des plus beaux poèmes de Dylan d’après Robert Shelton, une chanson d’amour politique, de compassion, un triomphe de la couleur des mots et métaphores, un des textes les plus rimbaldiens sur la douleur, les exclus, accusés, méprisés, épuisés, etc.
Far between sundown’s finish an’ midnight’s broken toll We ducked inside the doorway, thunder crashing As majestic bells of bolts struck shadows in the sounds Seeming to be the chimes of freedom flashing Flashing for the warriors whose strength is not to fight Flashing for the refugees on the unarmed road of flight An’ for each an’ ev’ry underdog soldier in the night An’ we gazed upon the chimes of freedom flashing
In the city’s melted furnace, unexpectedly we watched With faces hidden while the walls were tightening As the echo of the wedding bells before the blowin’ rain Dissolved into the bells of the lightning Tolling for the rebel, tolling for the rake Tolling for the luckless, the abandoned an’ forsaked Tolling for the outcast, burnin’ constantly at stake An’ we gazed upon the chimes of freedom flashing
Through the mad mystic hammering of the wild ripping hail The sky cracked its poems in naked wonder That the clinging of the church bells blew far into the breeze Leaving only bells of lightning and its thunder Striking for the gentle, striking for the kind Striking for the guardians and protectors of the mind An’ the unpawned painter behind beyond his rightful time An’ we gazed upon the chimes of freedom flashing
Through the wild cathedral evening the rain unraveled tales For the disrobed faceless forms of no position Tolling for the tongues with no place to bring their thoughts All down in taken-for-granted situations Tolling for the deaf an’ blind, tolling for the mute Tolling for the mistreated, mateless mother, the mistitled prostitute For the misdemeanor outlaw, chased an’ cheated by pursuit An’ we gazed upon the chimes of freedom flashing
Even though a cloud’s white curtain in a far-off corner flashed An’ the hypnotic splattered mist was slowly lifting Electric light still struck like arrows, fired but for the ones Condemned to drift or else be kept from drifting Tolling for the searching ones, on their speechless, seeking trail For the lonesome-hearted lovers with too personal a tale An’ for each unharmful, gentle soul misplaced inside a jail An’ we gazed upon the chimes of freedom flashing
Starry-eyed an’ laughing as I recall when we were caught Trapped by no track of hours for they hanged suspended As we listened one last time an’ we watched with one last look Spellbound an’ swallowed ’til the tolling ended Tolling for the aching ones whose wounds cannot be nursed For the countless confused, accused, misused, strung-out ones an’ worse An’ for every hung-up person in the whole wide universe An’ we gazed upon the chimes of freedom flashing
Bien après le coucher du soleil et avant que sonne minuit Nous nous réfugiions sous le porche, alors que la foudre frappait Et que des éclairs grandioses chassaient l'ombre avec fracas Ils ressemblaient aux carillons de la liberté qui étincelaient Qui étincelaient pour le guerrier dont la force est de ne pas combattre, Qui étincelaient pour les réfugiés sur la route sans armes Et pour tous les soldats égarés dans la nuit, Nous regardions étinceler les carillons de la liberté.
Accablés par la chape de plomb de la ville, sans nous y attendre nous regardions Cachant notre visage pendant que les murs se rapprochaient Alors que l’écho des cloches célébrant des mariages avant la pluie battante Était englouti par les grondements du tonnerre Qui sonnaient pour le rebelle, sonnaient pour le débauché Sonnaient pour le malchanceux, l'abandonné, le délaissé Sonnaient pour le paria, sur son bûcher sans fin Nous regardions étinceler les carillons de la liberté.
A travers le mystique martèlement fou de la sauvage pluie Le ciel tonnait ses poèmes de pure merveille Que le tintement des cloches des églises emportait dans le vent Ne laissant que les coups du tonnerre et les éclairs Qui frappaient pour le doux, frappaient pour le gentil Frappaient pour les gardiens, les protecteurs de l'âme Et pour le peintre qui a fait beaucoup plus que son temps Nous regardions étinceler les carillons de la liberté.
Dans le soir sauvage cathédrale, dans les contes démêlés de la pluie, Pour les formes dévêtues sans visage et désincarnées Qui sonnaient pour les langues qui n'ont nulle part où penser Confinées qu'elles sont dans leur banalité Qui sonnaient pour le sourd et l’aveugle, sonnaient pour le sans voix Sonnaient pour le maltraité, la mère sans ami, celle qu'on insulte à tort Pour le brigand de peu d'envergure, qu'épuise la poursuite Nous regardions étinceler les carillons de la liberté.
Même si le pâle rideau d’un nuage étincelait au loin Et que les lambeaux de brume hypnotique se levaient lentement Les flèches électriques frappaient toujours, tirées mais pas sur ceux Condamnés à errer ou à rester sur place Qui sonnaient pour ceux qui cherchent, et que la quête laisse sans voix Pour les amants aux cœurs esseulés à l'histoire trop personnelle Et pour chaque âme inoffensive emprisonnée à tort, Nous regardions étinceler les carillons de la liberté.
Des étoiles dans les yeux, je me souviens que nous riions quand nous avons été pris Piégés par l'absence d'heures, elles étaient en suspens, Nous écoutions une dernière fois et jetions un dernier regard, Captivés, engloutis, jusqu'à ce le son des cloches s'éteigne Qui sonnaient pour ceux qui souffrent et dont on ne peut soigner les blessures Pour les innombrables perdus, accusés, malmenés, rejetés et bien pire Et pour tous les réprouvés du monde Nous regardions étinceler les carillons de la liberté.
Traduction de David et Michel Pomarède, notes de Pierre Mercy
Le photographe Daniel Kramer a accompagné Dylan en tournée entre 1964 et 1965. Ses soixante clichés en noir et blanc, qui forment le cœur de l’exposition, offrent un témoignage saisissant de la métamorphose du folk singer en rock star.
Face à cette galerie de photo du chanteur-compositeur backstage − frêle silhouette, presque androgyne au regard angélique mais déterminé − s'ouvrent trois salles qui marquent les temps forts de sa carrière musicale, et une plongée dans l’histoire de la musique américaine.
Daniel Kramer est un des photographes américains spécialisés dans la musique et les portraits parmi les plus renommés. Les photos de Bob Dylan prises en 1964 et 1965 ont fait connaître la jeune étoile montante au monde entier, mais également établi un archétype à l’aune duquel tous les autres portraits « rock » seraient par la suite jugés.
Né à Brooklyn, New York, et autodidacte de la photographie, Kramer a travaillé comme assistant de Philippe Halsman et d’Allan et Diane Arbus avant de se forger une renommée internationale.
Bob Dylan, son livre publié en 1967, a reçu un accueil critique enthousiaste, tout comme les trois pochettes d’albums de Dylan qu’il a conçues — Bringing It All Back Home, Highway 61 Revisited et Biograph. Le magazine Rolling Stone a qualifié Kramer de « photographe le plus étroitement associé à Bob Dylan ».
Ses photographies ont été exposées ou acquises par la National Portrait Gallery de Washington, le Rock and Roll Hall of Fame and Museum, l’International Center of Photography, le Whitney Museum of American Arts, le musée Folkwang en Allemagne, la George Eastman House…
SALLE 1
Bob Dylan sur une Harley, printemps 1956
ROBERT ZIMMERMAN
De son vrai nom Robert Zimmerman, Bob Dylan naît en 1941 dans une famille juive de classe moyenne du Midwest américain. Il passe son enfance à Hibbing, dans le Minnesota, où il se prend de passion pour la musique pop qu’il écoute à la radio. Il décide alors d’apprendre à jouer de la guitare et du piano et se rêve chanteur pop professionnel. Un de ses tout premiers groupes, les Golden Chords (« Accords Dorés »), se produit au lycée de Hibbing où Dylan est élève.
Guitare acoustique de Bob Dylan, 1949 Courtesy EMP Museum, Seattle, WA
INFLUENCES MUSICALES
Adolescent, Dylan s’achète les disques d’Elvis Presley, de Little Richard, de Buddy Holly et de Bo Diddley. Il adore leurs sonorités et leur énergie rock’n’rolliennes et rêve de jouer le même genre de musique. Il aime également le chanteur de country Hank Williams, très apprécié dans le Midwest et dans le Sud des États-Unis. Après le lycée, Dylan part pour Minneapolis où il s’inscrit à l’université du Minnesota. Il découvre alors les chansons folk d’Odetta et du Kingston Trio dont le tube « Tom Dooley » fait fureur sur les campus. La musique folk ne tarde pas à devenir sa nouvelle passion.
Le chanteur de folk américain Woody Guthrie a été l’influence majeure de Bob Dylan. Auteur de centaines de chansons parmi lesquelles « This Land Is Your Land », Guthrie relate en musique les effets dévastateurs de la Grande Dépression sur tous les démunis des États-Unis. Ses chansons sont peuplées de personnages auxquels il sait insuffler une authentique vie. Construites sur quelques accords, ces chansons sont cependant d’une simplicité trompeuse : leurs sujets et leurs paroles atteignent à cette profondeur émotionnelle que l’on ne trouve généralement que dans les poèmes épiques et les oeuvres de plus grande ampleur.
Au début des années 50, Guthrie se trouve gravement handicapé par une maladie dégénérative. Le tout jeune Dylan quitte l’université du Minnesota et débarque à New York en 1961 pour y rencontrer son mentor. Sa chanson « Song to Woody » dit tout sur la sincérité de ses sentiments envers Guthrie.
NEW YORK
Dès son arrivée à New York, en janvier 1961, Dylan se précipite à Greenwich Village, royaume des clubs de folk et des cafés, des galeries d’art et des librairies. Dans la journée, il boit des expressos, lit de la poésie et écrit des chansons. Le soir, il se produit dans des clubs comme le Gaslight ou le Gerde’s Folk City. Les clients déposent une pièce dans le chapeau qui circule de mains en mains. Dylan s’imprègne peu à peu de New York où il fait la connaissance d’écrivains, de chanteurs et de poètes. Il chante partout où il le peut. Sa grande chance survient quand Robert Shelton, un journaliste du New York Times, rédige un compte-rendu enthousiaste d’une de ses prestations. Non seulement l'article attire l’attention des autres propriétaires de clubs de Greenwich Village, mais il vaut aussi à Dylan d’obtenir une audition puis un contrat d’enregistrement pour Columbia Records.
FOLK REVIVAL
La musique folk américaine des années 30 et 40 avait bien souvent une connotation politique. Les chansons protestataires d’un Woody Guthrie ou d’un Pete Seeger exprimaient la solidarité de leurs auteurs avec le prolétariat. Mais la Seconde Guerre Mondiale puis l’avènement de la Guerre Froide mettent fin à ce mouvement musical trop directement associé aux syndicats et à la doctrine socialiste, voire communiste.
Après le succès, en 1958, de la chanson du Kingston Trio « Tom Dooley », Peter, Paul & Mary, le Chad Mitchell Trio et d’autres encore font pénétrer la musique folk dans les campus des universités et initient ce faisant un revival folk. Des festivals comme le Newport Folk Festival contribuent à renforcer cet intérêt pour le genre. Et puis, avec l’apparition de Bob Dylan et de Joan Baez — de jeunes artistes porteurs d’idées musicales nouvelles — l’influence du folk se fait subitement partout présente, que ce soit dans le mouvement des droits civiques ou dans le rock’n’roll.
The Times They are A-Changin', 1964
PROTEST SONGS
Des générations durant, les folksingers américains ont fait de leurs chansons des instruments de changement. La musique folk, et, après elle, le rock ont bien souvent véhiculé des messages associés à une cause politique.
Les années 60 sont aux États-Unis une époque particulièrement propice à la musique socialement et politiquement contestataire. Le mouvement des droits civiques et la guerre du Vietnam font éclore un grand nombre de chansons protestataires. Le plus influent des auteurs de chansons engagées est Bob Dylan. Reprenant le flambeau abandonné par Guthrie, Dylan compose quelques-uns des chefs-d’œuvre protestataires de la décennie, au nombre desquels figurent « Blowin’ in the Wind », « The Times They Are A-Changin’ », « Masters of War » et « With God on Our Side ».
Le folk rock naît le soir même de la prestation de Dylan au Newport Folk Festival de l’été 1965. Si ce nouveau genre propose une manière rock de chanter au son des guitares électriques, ses textes s’éloignent radicalement des habituels thèmes pop dépourvus de profondeur. Si Dylan est le fondateur du folk rock, il n’en revendique jamais la paternité et laisse ce soin à des groupes qui interprètent sa musique d’une façon nouvelle, ou font de son oeuvre la base d’expérimentations musicales plus poussées.
Aux États-Unis, les Byrds, Buffalo Springfield, les Lovin’ Spoonful, The Mamas and the Papas, Simon & Garfunkel et bien d’autres deviennent les prosélytes des couleurs sonores du folk rock. Grâce à Dylan, l’écriture de chansons rock est quasiment du jour au lendemain devenue adulte. Même les Beatles ont modifié leur style d’écriture. Et bien que Dylan n’ait été que partiellement responsable de la métamorphose musicale des Fab Four, son influence sur le groupe a été indéniable
LIKE A ROLLING STONE
La chanson de Bob Dylan « Like a Rolling Stone » est considérée comme le plus grandiose et révolutionnaire moment de rock de tous les temps. Publié sous forme de single (45 tours) peu avant la prestation historique de Dylan au Newport Folk Festival de 1965, « Like a Rolling Stone » va démoder à tout jamais l’ancien concept du single pop/rock formaté pour les passages radio.
La chanson dure près de six minutes et demie à une époque où la plupart des 45 tours pop ne dépassent pas les trois minutes. Cet immense classique est d’une facture musicale complexe avec des changements d’accords atypiques et une interprétation vocale peu conventionnelle. Les paroles de Dylan exsudent une absolue désespérance poétique — « Quand on n’a rien, on n’a rien à perdre » — qui n’est assurément pas commune dans l’univers pop du milieu des années 60. Elles n’en « parlent » pas moins à un grand nombre de jeunes qui se sentent étrangers à la culture grand public dominante.
Bringing it all Back Home, 1965
1966
La succession d’albums historiques et de concerts fracassants prend temporairement fin en 1966 lorsque Bob Dylan se blesse dans un accident de moto survenu à Woodstock, dans l’État de New York.
Dylan prend prétexte de l’accident pour se retirer du monde, renouveler son énergie créatrice et altérer le cours de sa trajectoire musicale. Quand il fait sa réapparition début 1968 lors d’un concert organisé à New York en mémoire de Woody Guthrie, ses fans découvrent le « nouveau » Dylan. Son allure, sa manière de chanter et les ambiances country de la nouvelle musique que l’on peut entendre sur John Wesley Harding et Nashville Skyline, ses derniers albums des années 60, démontrent clairement que Dylan a tourné le dos à son passé. Ce ne sera pas la dernière fois.
Près d’un demi-siècle après avoir modifié le cours de l’histoire de la musique, Dylan continue d’enregistrer des albums et de se produire sur scène.
La seconde partie de l’exposition, dans l’espace du bas, est consacrée à la découverte réciproque de Bob Dylan et de la France dans les années soixante. Pour Bob Dylan, la France, c’est d’abord le Notre Dame de Paris de Victor Hugo, lu alors qu’il était enfant… Notre-Dame, si proche de la rue Cujas où il séjourne en 1964, installé là par Hugues Aufray…
Notre-Dame dont l’ombre géante essaye de l’attraper par les pieds, dans un poème imprimé au dos de Another Side Of Bob Dylan - un poème dédié à Françoise Hardy, l’autre Dame de Paris… Notre-Dame dont le bossu vient hanter « Desolation Row », en 1965… Notre-Dame, le cœur de Paris aperçu depuis le bolide de Johnny Hallyday, par une douce nuit de mai 1966.
Pour compléter cette approche, une revue de presse conçue par la Médiathèque de la Cité de la musique permet de consulter une quarantaine d’articles consacrés à Bob Dylan parus en France en 1966, et donne la mesure de l’impact du chanteur.
Enfin, les visiteurs pourront regarder les interviews de quatre auteurs-journalistes évoquant les différentes facettes de l’artiste : Alain Rémond, Jacques Vassal, François Ducray et Silvain Vanot.
Une projection d’extraits du documentaire culte « Don’t Look Back » tourné par Don Alan Pennebaker en 1965 clôt le parcours.
À propos de l'exposition
ROBERT SANTELLI
Commissaire de l’exposition Directeur du Grammy Museum de Los Angeles, journaliste et musicographe, Bob Santelli est aussi à l’origine de plusieurs musées américains dédiés au rock tels que le Rock and Roll Hall of Fame and Museum (Cleveland) et l’Experience Music Project (Seattle). Universitaire de formation, Robert Santelli a rejoint le Rock and Roll Hall of Fame and Museum en 1993 pour y occuper le rôle de vice président des programmes d’enseignement et programmes pour le public. C’est à ce moment-là qu’il crée notamment la série American Music Masters, la série Hall of Fame et le projet Oral History.
En 2000, Santelli rejoint l’Experience Music Project en tant que pdg et directeur artistique. Il y crée plus de 30 expositions, dont plusieurs qui ont fait le tour des États-Unis et de l’Europe, parmi lesquelles Bob Dylan’s American Journey, 1956 – 1966.
Historien du blues et du rock réputé, Santelli a écrit et édité plus d’une douzaine de livres, y compris, The Big Book of Blues, The Bob Dylan Scrapbook et, plus récemment, Greetings from E Street: The Story of Bruce Springsteen and the E Street Band, publié en 2006. En outre, Santelli a écrit de nombreux articles pour des magazines tels que Rolling Stone, Downbeat ainsi que des journaux tels que le New York Times.
JASMIN OEZCEBI et FRANCK VINSOT
Scénographes de l’exposition
La scénographie propose un parcours au rythme cadencé par les allers-et-venues entre la grande galerie de photographies de Daniel Kramer et les trois salles évoquant les étapes de la carrière de Bob Dylan entre 1961 et 1966.
Volontairement semi-ouvert, cet enchaînement d’espaces, vivant et rythmé, traduit la constante évolution, l’éclectisme et la diversité du parcours artistique de Bob Dylan. Le fourreau monochrome bleu vif qui relie visuellement les deux niveaux crée une déambulation dynamique, depuis la présence linéaire et plus intime des portraits de Daniel Kramer jusqu’à l’espace plus éclaté menant à la projection du concert.
Épuré, ce dispositif scénographique séquencé évoque le chemin de création, parfois brouillon, toujours lumineux, que Bob Dylan emprunta au cours de ses recherches.
SILVAIN VANOT
Auteur-compositeur interprète, Silvain Vanot a enregistré six albums de chansons originales. Il compose également pour le cinéma et la télévision. Passionné de Bob Dylan depuis l’adolescence, il lui a consacré une biographie dans la collection Librio en 2001.
Il a conçu pour l’exposition la partie « Bob, Hugues, Françoise et les autres… » consacrée à Dylan et la France dans les années 60, et réalisé les guides d’écoute.
Téléchargez le plan de l'exposition http://www.citedelamusique.fr/minisites/1203_dylan/exposition.aspx
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Dernière édition par Bridget le Jeu 4 Juil - 15:48, édité 6 fois
Bridget
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Sujet: Re: BOB DYLAN Lun 5 Mar - 15:18
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RENAISSANT
EDITORIAL 05.03.2012 Par SYLVAIN BOURMEAU
Non, Dylan n’est pas mort. Juste entré au musée : son «Explosion rock 61-66» exposée dès demain au cœur d’une Cité de la musique qui, enfin, honore vif un artiste.
Au risque de le momifier vivant grinceront ceux, rebelles, pour qui le rock ne saurait se conjuguer qu’au présent - table rase et no future.
Depuis toujours pourtant, pour mieux rêver son avenir radieux, ce genre écrit à mesure son histoire et s’inscrit logiquement dans celle, plus vaste et indivisible, de la musique en général. Dylan en est, par excellence, l’exemple accompli.
Né «dans» et «à» la musique, en un même instant, au fin fond rouge des mines de fer du Minnesota, il s’emploie depuis cinquante ans, timbre inouï à l’appui, à marteler qu’en effet, comme dirait l’autre à peine plus jeune, la rouille jamais ne dort. Dénoncée avec virulence dans un récent essai par Simon Reynolds, la Retromania certes menace l’époque, symptôme aigu d’un monde patrimonialisé à l’excès.
Au point qu’une terrible impression de ressassement hébété saisit désormais à chaque instant les oreilles rompues qui se frottent encore au hasard de la radio, média dylanesque s’il en est. Bob Dylan lui-même a pu longtemps donner l’impression qu’il se contentait de jouer à Dylan, qu’il était devenu, note avec justesse le critique Greil Marcus, comme une exposition de lui-même.
Avant de se reprendre, érudit magnifique renaissant une fois encore du seul passé à la force de chansons exhumées, mais promises à un riche avenir.
The Times They Are Always a-Changin’.
Séries de photos de Daniel Kramer , exposées à la Cité de la musique et commentées pour Libération par le photographe . Philadelphie, 1964. "Après la première journée passée à Woodstock avec lui , Dylan m'a dit qu'il faisait un concert à Pholadelphie la semaine suivante et que si je voulais venir , j'étais le bienvenu. J'étais entrain d'imaginer comment m'y rendre en avion . Il m'a alors proposé de venir me chercher en voiture avec son chauffeur ."
Le jeune Dylan s’expose à Paris
La Cité de la musique rend un riche hommage au chanteur américain qui a chamboulé le rock dans les années 60.
Après Jimi Hendrix, John Lennon, Miles Davis, Serge Gainsbourg, Georges Brassens, la Cité de la musique rend enfin hommage à un artiste vivant.
«Bob Dylan, l’explosion rock 61-66», exposition ficelée par Eric de Visscher, directeur du musée, revient sur les premiers pas du héros folk de Duluth.
L’espace déploie des trésors d’archives audiovisuelles, essentiellement issus du Grammy Museum de Los Angeles ou du Rock and Roll Hall of Fame and Museum de Cleveland, les deux dirigés par Robert Santelli. Le chanteur prof Silvain Vanot, recyclé musicologue, a de son côté rassemblé toute la période française yé-yé, autour du pionnier skiffle Hugues Aufray, du roi Johnny Hallyday ou de la muse pop Françoise Hardy.
Idoles.
«L’idée est née d’une rencontre avec Robert Santelli à Los Angeles, explique Eric de Visscher. Les photos prises par Daniel Kramer à l’époque ont été le point de départ. Mais il a fallu plus d’un an pour tout organiser.» Les premières années du folksinger sont dûment décortiquées. Ses idoles tout d’abord.
A tout seigneur tout honneur, Elvis Presley trône via une guitare Martin venue droit de Graceland, assurée un million de dollars. Hank Williams, The Kingston Trio, Buddy Holly le rockeur à lunettes et sa guitare acoustique recouverte de cuir… Le monde de Robert Zimmerman (70 ans) commence de fait à Woody Guthrie , son maître.
New Brunswick 1965. " Sur cette photo , il y a deux mythes . Pourtant , ce dont je suis certain , c'est qu'il y a une star parmi eux . Lorsque Johnny entrait dans une pièce , on ne voyait que lui .Il y a des gens comme ça qui dégage quelque chose . "
Les contemporains du Village, Peter, Paul and Mary, la chanteuse de blues Odetta ou le troubadour scout Pete Seeger ferment cette courte genèse où Zimmerman devint Dylan.
Une dernière salle commémore sa mutation rock, vrai thème de l’expo. Via deux icônes géantes, les photos des 33 tours Highway 61 Revisited et Bringing It All Back Home, albums phares d’une société en pleine révolution.
C’est là que se tient Daniel Kramer, 79 ans, fixant la longue galerie de photos noir et blanc accrochées au mur bleu… «Combien de photos de Dylan peut-on regarder en même temps… s’interroge l’ex-assistant de Diane Arbus. J’en ai des milliers d’autres. Pour cette fois, j’ai choisi celles-là.»
Le photographe découvre Dylan à la télévision en 1963. «La chanson The Lonesome Death of Hattie Carroll m’a commotionné. Sa voix tranchait sur celles des chanteurs de l’époque. J’ai eu envie de faire son portrait.»
Daniel Kramer a tout juste 30 ans, Dylan en a 22. Il appelle le bureau de son manager. En vain. «Il me faudra six mois de harcèlement pour finir par obtenir un rendez-vous, d’une heure.»
En août 1964, Kramer se rend donc à Woodstock chez Albert Grossman le manager. Lorsqu’il entre, Dylan est assis dans un fauteuil devant la cheminée en compagnie de Sally, la femme du manager. C’est la vision très gothique anglais, qui fera la pochette spirite de Bringing It All Back Home.«Au lieu d’une heure, je suis resté cinq heures avec lui. Il m’a laissé faire…»
«Sourire»
Daniel Kramer semble redécouvrir ses clichés. Un an durant, Kramer plonge dans la musique de Dylan. Dans son intimité aussi. «J’ai passé toutes les journées dans le studio A lors de l’enregistrement de Bringing It All Back Home. C’était électrisant.
Quand on entend Maggie’s Farm pour la première fois, ça fait un choc. Personne n’avait jamais joué ça…» Kramer s’arrête devant la photo floutée de Joan Baez qui soulève Dylan au Lincoln Center, à New York. «Les gens aiment bien celle-là, sourit-il. Elle montre que malgré ce visage fermé, leur héros reste humain.»
Dylan laconique ? Kramer confirme. «Il disait déjà : "Que voulez-vous que je vous dise encore de moi ? Je me saigne sur scène, dans mes chansons. Que voulez-vous de plus ?"»
Sur une autre vue, Dylan est au piano. «Là, il prévient la régie qu’il va enchaîner trois morceaux d’une longueur exceptionnelle : "Attention ! Ne ratez pas la prise, car je ne la referai pas !"»
Au bout d’un an, Kramer réussit à traîner Dylan dans son studio photo. Le chanteur porte strict, veston chemise, rien d’une tenue de scène lamée, sans guitare comme d’usage à l’époque. «Il montre juste un bout de visage, de sourire, revoit Kramer avec un clin d’œil. Vous savez, c’est grâce à cette photo que j’ai rencontré Arline, ma femme, qui, à l’époque, travaillait pour Pete Seeger…»
Sur une autre photo, Dylan est assis backstage à Forest Hill, à New York, en 1965, année cruciale. «Là, il venait de dire aux Hawks [son groupe, ndlr] qu’il fallait s’attendre à être hués, mais qu’ils étaient là pour la musique. J’y vois la même attitude que Joe Frazier avant son match contre Mohamed Ali. La vraie concentration avant le vrai combat.»
Par DINO DIMEO 05.03.2012
«Bob Dylan, l’explosion rock 61-66», à la Cité de la musique. Du 6 mars au 15 juillet. Rens. : www.citedelamusique.fr
«Il était lui-même l’histoire de la musique»
Greil Marcus Interview 05.03.2012 :
Greil Marcus, critique américain spécialiste de Dylan, revient sur l’influence du chanteur :
Critique culturel majeur, explorateur des histoires souterraines dans l’Amérique et ses prophètes (Galaade), auteur du fameux Lipstick Traces (Folio), Greil Marcus a toujours écrit sur Bob Dylan, rencontré en 1963 après un concert de Joan Baez. Il lui a consacré trois ouvrages de référence : la République invisible (Denoël), Like a Rolling Stone (Points) et Bob Dylan : writings 1968-2010 (Galaade, à paraître).
L’exposition consacrée à Bob Dylan à Paris fait le choix radical de se focaliser sur les années 1961-66. Est-ce un choix judicieux, une bonne périodisation ?
C’est la période durant laquelle Bob Dylan a découvert son talent et s’est attaché à une musique et à un milieu : le monde du folk, un espace mystique qui était, comme il le décrit dans son livre Chroniques,«plus parfait que la vie elle-même». Un ensemble si suggestif qu’il était en mesure de soutirer tout ce qu’il avait en lui, capable de faire naître des ambitions artistiques qu’il ne savait même pas posséder.
C’est aussi l’époque où il est devenu une figure mondiale - une personne à propos de laquelle il était impossible de ne pas avoir d’opinion. Il a produit une musique qui jamais n’a pâli, perdu sa force ou semblé en décalage, ni avec l’époque ni avec elle-même : des manifestes explosifs (A Hard Rain’s A-Gonna Fall ou Like a Rolling Stone) aux visitations mystiques (Bob Dylan’s Dream ou Visions of Johanna), en passant par les cartoons hilarants (I Shall Be Free No. 10 ou Motorpsycho Nightmare).
Et puis tout s’est effondré, et il s’est tu pendant près d’un an et demi. Lorsqu’il est réapparu, avec John Wesley Harding au début de 1968, c’était comme s’il n’avait jamais été là auparavant.
C’est donc une périodisation naturelle, irrésistible, mais intellectuellement peu risquée. Il s’agirait de mettre en parallèle 1961-1966 avec 1992-2006 : de la redécouverte et de la réécriture par Bob Dylan à la fois de sa propre musique et de la musique américaine, de Good as I Been to You, puis Time Out of Mind, jusqu’à Ain’t Talkin à la fin de Modern Times.
A ses débuts, quelle relation Dylan entretenait-il avec l’histoire de la musique ?
En 1961, il avait déjà plongé en profondeur dans la musique folk américaine - mais aussi la country, le rock et le blues - et avec une empathie telle qu’il pouvait s’imaginer dans les vies et les histoires des chanteurs qu’il avait écoutés.
Lorsque, par exemple, il chantait I Was Young When I Left Home ou Lang a Growing, c’était comme s’il avait déjà vécu deux fois ce que ces morceaux racontaient. Il était lui-même l’histoire de la musique qu’il avait choisie, ou pour le dire de manière plus forte, qui l’avait choisi. On entend cela assez nettement dans Good as I Been to You,World Gone Wrong ou Time Out of Mind.
Mais quelle attitude avait-il alors face à la musique de son époque ?
Dylan était un fan de rock’n’roll, et il a débuté à Hibbing [Minnesota, ndlr] comme leader de groupes de rock. L’une de ses premières chansons était titrée Little Richard. Il n’a jamais cessé d’écouter la radio. Lorsque Motown est apparue dans la première moitié des années 60, il a entendu Smokey Robinson et mesuré, en tant que songwriter, combien il était bon, combien sa délicatesse, sa subtilité et son adresse avec les mots faisaient de lui un mentor, comme un grand frère.
Quand les Beatles ont pris d’assaut la radio, au début 1964, il a non seulement entendu où la musique allait, comme il le dira plus tard, mais il a également entrevu des possibles artistiques qui avaient jusque-là échappé à tout le monde. C’est à partir de ce moment que le monde du folk a commencé à lui sembler fermé, petit, élitiste, complaisant et déplacé. Dans sa tête, lorsqu’il écrivait des chansons, il commençait à les entendre avec des groupes ; il commençait à les entendre à la radio. Sa relation à la musique d’alors était celle d’un fan - avec beaucoup de talent.
Quelles autres périodes peut-on distinguer dans la carrière de Dylan ?
Dans Chroniques, Dylan balaye presque d’un revers de la main tout ce qui va de John Wesley Harding[1967] à Time Out of Mind [1997], un échec, trente ans à déambuler dans le désert. Les deux grandes périodes sont donc celle couverte par l’exposition, et peut-être celle qui va de la fin des années 80 au début des années 90 - lorsqu’il s’est mis à chanter de très vieilles et très étranges chansons folks sur scène - jusqu’à Ain’t TalkingModern Times publié en 2006.
La différence entre les deux périodes, c’est que dans les années 60 sa musique semblait le discours de l’époque, la langue que l’époque voulait parler, ce qu’elle faisait à travers lui. Alors que dans les années 90, le lien entre l’art et le social était depuis longtemps abîmé, et c’est le discours de l’art qu’on entendait, pas plus puissant que celui de n’importe quel peintre, poète ou réalisateur.
Le Cheval de Turin, le film de Béla Tarr, est une belle œuvre d’art, singulière, comme le sont Highlands et Sugar Baby, les dernières chansons de Time Out of Mind et Love and Theft. Mais reposent-elles sur les réalités du moment et les transforment-elles, en redéfinissant l’époque comme ont pu le faire Picasso dans les années 1910 et Pollock à la fin des années 40 ? Cela ne semble pas le cas. Elles apparaissent presque comme des visions personnelles. Mais il est encore trop tôt pour savoir.
Quels sont les thèmes et les motifs récurrents de ces deux périodes ?
Qu’est-ce que l’Amérique, cet endroit inconnu, instable, un pays d’imagination plus que de faits ? Quelle est sa musique ? Pourquoi est-elle si étrange ? Pourquoi, lorsque vous parlez sa langue, cela vous permet-il de devenir tous ces gens que vous n’avez jamais rencontrés, en vous donnant le sentiment de les avoir toujours connus ?
Dylan est désormais muséifié, comme d’ailleurs l’ensemble du rock. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
J’ai eu l’occasion de voir l’exposition qui s’ouvre à Paris dans plusieurs lieux, jamais exactement la même, toujours avec une scénographie radicalement différente : d’abord à l’Experience Music Project de Seattle, où elle a commencé, puis au Skirball Cultural Center de Los Angeles, à la Morgan Library de New York - une version qui reposait beaucoup sur le fonds de manuscrits de chansons de Dylan en possession de cette bibliothèque .
Et enfin à l’université du Minnesota, qui en a proposé la meilleure mise en scène, spacieuse et riche en éléments venus de Hibbing - dont l’enseigne du cinéma que tenait l’oncle de Dylan et une tonne de minerai de fer des montagnes de l’Iron Range. Dans les années 70 ou 80, une exposition sur Dylan aurait été atroce, car elle aurait révélé qu’à l’époque il était lui-même, sur scène, devenu une expo de musée, un type enfermé dans une pièce encombrée des détritus de son propre passé.
Depuis qu’il est redevenu un artiste actif, imprévisible et futé, il n’a plus rien à voir avec une expo.
Prenez Chroniques, ce n’est pas tant un regard en arrière qu’un travail de critique. Et la meilleure critique renouvelle tout.
Que pense-t-il de telles expositions ?
Il ne s’y est sans doute pas opposé. Il a depuis longtemps passé le point au-delà duquel son passé n’est pas un argument qu’il se doit de réfuter. Ce n’est pas très différent de No Direction Home, le film de Martin Scorsese, où il apparaît comme son propre historien, ce qui n’est pas la même chose qu’un autobiographe.
Vous écrivez depuis toujours sur Dylan. Comment décrire cette expérience d’accompagner comme critique un artiste toutes ces années ?
C’est un cadeau.
Quelle est sa place désormais comme figure de la culture américaine ?
Sa propre figure.
Par SYLVAIN BOURMEAU.
New Haven 1965 : " Cela se passe dans une chambre d'hôtel de New Haven dans le Connecticut. Joan était là avec sa mère et sa soeur. La chanteuse venait de se teindre les cheveux . Elle commençait à se coiffer quand Bob est arrivé avec un fer à repasser . "
Jeff Rosen, cas de force manager
L’homme de confiance du chanteur règne en maître sur la galaxie Dylan.
De Jeff Rosen, on peut dire qu’il tient les clés du coffre-fort. Véritable homme de l’ombre de Bob Dylan depuis la fin des années 80 et son «divorce» avec Albert Grossman, le manager historique du chanteur, Rosen devient manager général de la Bob Dylan’s business and music publishing enterprises.
Un peu comme son artiste, il n’accorde aucune interview, n’apparaît jamais en personne. Bref, il ne parle pas. Tout juste s’il communique, mais reste toujours cordial. «Je préfère ne pas parler à la presse et surtout ne rien voir d’écrit sur moi, nous répondait-il par mail à l’occasion de l’exposition à la Cité de la musique. Je préfère ne pas être mentionné. La seule raison qui fait que les gens s’intéressent à moi, c’est le génie de monsieur Dylan. Je préférais que cela reste la cible première.»
Et rien ne se fait sans l’accord de cette éminence obscure de la légende.
Jeff Rosen est le fils de Sy Rosen, un des comptables de la nébuleuse d’Albert Grossman, manager entre autres de Peter, Paul and Mary, gros succès scout des années 60. Aujourd’hui âgé de 57 ans, il a longtemps été consultant pour Columbia, le label de Dylan. C’est lui qui réalise le coffret Biograph, en 1985, compilation d’inédits constituant la première livraison d’une longue série de bootlegs antipirates ressortis depuis au compte-gouttes en version autorisée par la maison Dylan. Un moyen de se réapproprier les innombrables enregistrements illégaux, live ou studio, qui circulaient depuis des années sous le manteau.
Lorsque Martin Scorsese se lance dans No Direction Home, c’est Rosen qui lui fournit l’idée, et surtout la parole de son protégé.
Une exceptionnelle interview fleuve que le réalisateur utilisera comme fil rouge d’un film relatant les moments inédits du Bob Dylan World Tour 1966. C’est aussi Rosen qui aura retrouvé les Dave Van Ronk ou The Clancy Brothers, qui croisaient Dylan dans le Village lorsqu’il était jeune. En fait, l’idée de faire un film sur les débuts du chanteur-auteur-compositeur prolixe mûrissait dans la tête de Rosen depuis 1995. Elle aura mis une dizaine d’années à voir le jour.
Mais depuis qu’il gère les intérêts de la star du folk song, Jeff Rosen a aussi produit bon nombre d’événements, dont le fameux Bob Dylan’s 30 th Anniversary Concert, qui réunit une foule d’invités de marque au Madison Square Garden de New York, en 1992.
C’est aussi lui qui pose les conditions et sa patte dans I’m not There, le film de Todd Haynes sorti en 2007. Le réalisateur raconte que Rosen lui a simplement dit : «Ecris tout ça sur un bout de papier. Un truc simple avec une ligne pour chaque personnage. Mais surtout ne prononce jamais la formule "la voix d’une génération", ni le mot "génie".
Peut-être même vaudrait-il mieux que le nom de Dylan n’apparaisse pas…».
Tout au long de ces années, Jeff Rosen a surtout mis sur pied une filmothèque infinie de la musique américaine, dont Dylan est insatiable lorsqu’il voyage. Une authentique mine d’or pour les fouineurs, tel Scorsese. Jeff Rosen a tellement cherché et ratissé le moindre document et indice pouvant se relier à Bob Dylan, qu’aujourd’hui il recèle sans doute un des plus gros trésors de l’histoire de la musique populaire américaine.
L’Américain est à l’origine du virage folk de Dylan.
La scène a eu lieu le 27 janvier 1961, à l’hôpital public de Brooklyn. Robert Zimmerman vient d’arriver à New York avec l’idée fixe de rencontrer l’homme dont les écrits et la vie même, l’ont inspiré au point d’abandonner ses études pour rejoindre le mouvement de la chanson engagée.
Woody Guthrie est sur une chaise roulante, interné d’un lieu à l’autre depuis plusieurs années : il souffre d’un mal héréditaire, la chorée de Huntington, qui détruit inexorablement son système nerveux. Le jeune challenger interprète ses couplets, le maître prématurément vieilli (il n’a que 48 ans) acquiesce en silence et, avant de prendre congé du visiteur, lui tend une carte de visite où il a griffonné : «I ain’t dead yet» («Je ne suis pas encore mort»).
Guthrie est entré dans la vie du futur Bob Dylan un an auparavant avec la lecture de Bound for Glory, où il retrace ses années de vagabondage et de militantisme (1). Le fan de Buddy Holly échange alors sa guitare électrique contre un modèle folk et plonge dans l’œuvre chantée de l’auteur du livre, avec ses fameuses Dust Bowl Ballads, les chansons des ouvriers agricoles qui fuient l’Oklahoma transformé par la sécheresse en désert de poussière… Un exode que John Steinbeck a raconté dans les Raisins de la Colère.
De l’adoption du porte-harmonica à la casquette qu’il arbore sur la pochette de son premier disque, l’empreinte de Guthrie sur Dylan est écrasante. Les emprunts aux chansons du maître sont innombrables, dans la musique comme dans les textes, si l’on en croit la recension établie par l’érudit John B. May (2). Les œuvres de Guthrie étaient certes elles-mêmes souvent adaptées du répertoire traditionnel des chants de travail, d’esclaves, de marins, de brigands et de complaintes irlandaises anonymes.
Dans les répits que lui accorde la maladie, Woody Guthrie (qui mourra en 1967) ne tarit pas d’éloges sur le chanteur débutant, soulignant que, contrairement à Ramblin’ Jack Elliott, son plus fidèle suiveur, il ne se contente pas de l’imiter, mais ouvre sa propre voie.
«Je ne suis pas encore mort» peut ainsi vouloir dire qu’à travers ce disciple, la maître sait que son enseignement lui survivra…
Vivant, Woody Guthrie l’est en fait plus que jamais en cette année de son centenaire (il était né le 14 juillet 1912). Après le coffret d’inédits My Dusty Road en 2010, paraît Note of Hope, où le bassiste Rob Wasserman, venu du jazz, met en musique poèmes et extraits des journaux de Guthrie (3).
La voix du plus ancien des compagnons de Woody, Pete Seeger, 92 ans, domine un ensemble, où Madeleine Peyroux, Ani DiFranco, Jackson Browne ou Lou Reed, dans un parler-chanter fiévreux, livrent des interprétations passionnées.
(1) «En route vers la gloire», Albin Michel. Réédition en avril.
Bob Dylan, qui reprit Gilbert Bécaud (Let It Be Me, en 1970, dans l’album Self Portrait), est sans doute un des artistes dont les refrains ont été le plus chantés au monde. On ne compte plus les reprises de Like a Rolling Stone, It’s All Over Now, Baby Blue ou I Shall Be Released, dans tous les styles - y compris par Dylan lui-même, qui s’est toujours ingénié à ne jamais interpréter deux fois une de ses complaintes de la même manière…
Ce coup-ci, c’est en hommage à l’ONG Amnesty International (1), qui fête son cinquantième anniversaire, que 72 chansons du ménestrel du folk électrique ont été enregistrées, par autant d’artistes d’hier et d’aujourd’hui. Rassemblés sous la bannière de l’association de défense des droits de l’homme, les chanteurs ont tous bien sûr travaillé bénévolement, sous le même titre Chimes of Freedom («les Carillons de la liberté) - seule chanson reprise là par Dylan en personne.
Jeff Ayeroff et Julie Yannatta, les deux maîtres d’œuvre de l’ambitieux projet, avaient déjà mené une entreprise similaire en 2007 sur le thème d’Instant Karma de John Lennon, à l’occasion d’une campagne internationale pour sauver le Darfour. Ils récidivent en levant une troupe de stars.
Vétérans, à la Patti Smith, John Baez, feu-Johnny Cash, Pete Townshend (The Who), Marianne Faithfull, Eric Burdon (The Animals), Taj Mahal, Mark Knopfler (Dire Straits), Sting (Police), Paul Rodgers (Free)… Ou dylaniens notoires, tels le soyeux Bryan Ferry - qui dédia récemment un album entier, inégalable, à Dylan -, Jackson Browne, Carly Simon, Lucinda Williams ou les cow-boys Steve Earle et Kris Kristofferson…
Ledit convoi enrichi de recrues un peu plus fraîches à la Charlie Winston, sensation saisonnière, Diana Krall ou l’Adele des jeunes, un bouquet de curiosités se déploie, qui, là laisse filer les quatre CD que compte la compilation, redonne une nouvelle vie intéressante à des incunables universels que l’inconscient collectif reconnaît.
Rock, folk reggae, blues, country, chaque artiste semble avoir pris un vif et grand plaisir à rendre hommage sans complexe au créateur de Motorpsycho Nightmare.
De Lenny Kravitz à Elvis Costello l’érudit rock, de Billy Bragg le bateleur prolo anglais oublié à Angélique Kidjo la Béninoise rasée, pour le coup aux antipodes de l’exposition de la Cité de la musique, le florilège de rengaines maison couvre toute la carrière de Dylan.
Les styles se succèdent de façon parfois déroutante, passant de l’adolescente Miley Cyrus (You’re Gonna Make Me Lonesome When You Go) ou de l’Adele de l’heure au barde folk blanchi sous le harnais Pete Seeger qui a choisi de parler-chanter d’une voix de pierre digne de celle du Cash terminal de Man in Black,sur l’hymne Forever Young, en compagnie d’une chorale d’enfants…
Une collection à ajouter à la collection, pour les fidèles du hobo du Minnesota, aujourd’hui âgé de 70 ans.
«Chimes of Freedom : Songs of Bob Dylan Honoring 50 Years of Amnesty International», 4 CD, Fontana Universal.
Par DINO DIMEO 05.03.2012 http://journal.liberation.fr/publication/liberation/866/
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Dernière édition par Bridget le Mar 6 Mar - 12:31, édité 1 fois
Bridget
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Sujet: Re: BOB DYLAN Mar 6 Mar - 12:30
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On n'a pas fini de s'interroger sur Bob Dylan : chanteur ou poète, génie ou imposteur ?
Sacré prince des folksingers, il est devenu rock-star. Puis n'a cessé de changer de voix comme de jean, de son comme de chemise, de muse comme de chapeau.
Il a laissé sa marque sur la moitié de la population chantante et ne semble aspirer qu'à s'effacer derrière un nom d'emprunt : Dylan. Ce nom ne veut pas dire la même chose pour tous mais il parle à chacun.
Du vent (qui souffle), d'une pierre (qui roule), d'un tambourin, d'un boxeur, etc. Ou d'un pays qu'on appelle encore l'Amérique.
On a cru que Dylan touchait parce qu'il chantait la réalité américaine mais la matière de ses chansons vient plutôt d'une Amérique fantasmée. Il a pioché dans cette mine à ciel ouvert et continue, tout en marchant. Plutôt que de dormir sur un tas d'or à Malibu, il vit la vie d'un musicien qui joue pour la gagner. Son cirque passe de ville en ville. On va voir le dernier des Mohicans et il vous toise d'un rictus sous son galurin de cowboy. On l'aime ainsi depuis le début, sinueux, pas clair, fantasque, et tout terriblement. Sans savoir qui il est. Voici quelques lueurs pour éclairer son mystère – ou se perdre avec lui.
230 x 300 mm 100 pages
A l’ occasion de l’exposition «Bob Dylan, l’explosion rock», à la Cité de la Musique, Télérama vous propose un album de photos de Daniel Kramer.
Une telle rencontre est rare entre un portraitiste et son modèle. En août 1964, Bob Dylan est un folksinger au talent déjà sûr mais sa gloire est en devenir. Daniel Kramer, un photographe pas tout à fait débutant, qui cherche à étoffer son portfolio. Il a vu chanter à la télé ce singulier jeune homme, en a été charmé.
Dans une maison de Woodstock, Kramer réalise les premiers clichés universels d'un Dylan intime, en liberté. Pendant un an, ils vont entretenir une collaboration unique, dont le résultat sidère encore aujourd'hui. A la ville, à la scène, en studio, à la guitare ou au piano, avec Joan Baez (ou Allen Ginsberg, ou Johnny Cash…), seul, grave ou amusé, portant chapeau ou choisissant des chaussures, debout sur une balançoire ou assis sur un tabouret, en noir et blanc le plus souvent, Dylan n'a sans doute jamais été regardé avec autant d'attention.
Les albums surgis de cette période un peu folle où le monde allait soudain plus vite et où Dylan changeait plus vite que tout le monde, portent eux-mêmes la trace, en couleurs cette fois, de l'association Dylan-Kramer. Partout dans ce recueil, éclatent la jeunesse triomphante du chanteur et le talent du photographe à saisir son mouvement perpétuel...
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Dernière édition par Bridget le Sam 10 Mar - 13:24, édité 1 fois
Bridget
Nombre de messages : 2631 Age : 72 Localisation : Paris Date d'inscription : 13/05/2008
Sujet: Re: BOB DYLAN Sam 10 Mar - 13:24
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Bob Dylan au cinéma: l'homme qui n'était pas là
Alors que la Cité de la musique de Paris projette cinq films mettant en scène le musicien à l'occasion d'une exposition, retour sur une carrière à l'écran à l'image de son parcours musical: toujours en avance et jamais où on l'attend.
- Bob Dylan dans «Pat Garrett et Billy le Kid» de Sam Peckinpah (1973). -
" Who are you ? —That’s a good question.»
Nous sommes en 1973: dix ans après ses débuts à l'écran, Bob Dylan sème le trouble chez James Coburn dans le le western Pat Garrett et Billy le Kid. La grande question «Qui est Dylan?» est posée par tous ses films, fictions ou documentaires, concerts et films personnels, auxquels la Cité de la musique consacre une courte rétrospective les 10 et 11 mars à l'occasion d'une exposition. L'occasion de se livrer à un portrait de l’artiste en personnage filmé, en constante recherche d’équilibre entre son double à l'écran et sa personne privée.
La première apparition de Dylan dans une fiction se fait très tôt: il a 21 ans, et c’est en Angleterre, où il est encore inconnu, qu’il est appelé à jouer. Un producteur de la BBC le repère dans un bar de Greenwich Village et le fait venir trois semaines à Londres pour jouer dans la fiction Madhouse on Castle Street, diffusée en janvier 1963, dans laquelle il donne notamment la réplique à David Warner (Tron, Les chiens de paille).
De cet épisode, dont la bande a été effacée par la BBC en 1968, selon l’usage, il ne reste rien qu’un Graal à retrouver pour les fans de Dylan. Et l’idée que, avant même d’être connu, il était, déjà, un personnage de fiction.
L’image que les autres ont de lui l’a toujours hantée: il ne veut pas être celui qu’on veut qu’il soit. Malheureusement pour lui, tout le monde veut quelque chose de Bob Dylan.
«Well, I try my best to be just like I am But everybody wants you to be just like them»
( «Eh bien, je fais de mon mieux pour être juste ce que je suis, mais tout le monde veut que vous soyiez juste comme eux.»)
Maggie’s Farm
Dès 1963, les concerts de Dylan sont fixés sur pellicule, de la marche sur Washington pour les droits civiques avec Joan Baez aux trois éditions du Newport Folk Festival auxquelles il participe. Mais c’est au moment où Dylan «turns electric» qu’il décide pour la première fois lui-même d’immortaliser sa performance.
Un film qui n'explique rien
Avec Don’t Look Back, le film de D.A. Pennebaker sur sa tournée en Angleterre en 1965, il veut prendre pleinement contrôle de qui il est, ou en tout cas de l’image qu’il veut donner. Il n’est pas le folkeux protest-singer qu’on veut lui coller à la peau, mais un musicien toujours en avance et surtout jamais où on l’attend.
Et dans ce film, Dylan n’explique rien: c’est le «cinéma-vérité», avec un Pennebaker (réalisateur remarqué par Sara, sa future femme, choix donc éminemment personnel) présent dans chaque scène de la tournée de celui qui quitte pour de bon ses habits de folk-singer.
Mais Pennebaker ne fait aucune interview et n’interagit jamais avec les «personnages» de la scène, à la manière de films soviétiques des années 1920. La caméra est absente tout en étant partout où se trame quelque chose, entre rencontres avec les fans, interviews animées avec des journalistes jonglant comme ils le peuvent avec des réponses plus que déstabilisantes, et entrées et sorties de scènes.
Ce film montre pour la première fois l’envers de la scène. Et malgré la présence de la caméra, et des dizaines de personnes à longueur de journée autour du chanteur, il nous donne à voir un Bob Dylan intime. Mais cette intimité se trouve souvent durement confrontée à l’œil du public, quel qu’il soit, comme pendant sa rencontre avec Donovan, sommet de gêne infligée à celui que tous les journaux appellent le «Dylan britannique».
Donovan vient lui chanter une chanson, à laquelle un Dylan gauche répond: «Hey, that’s a good song, man.» Mais une dizaine de personnes les fixent comme s’ils attendaient que l’étincelle entre les deux se transforme en incendie criminel. Il dira finalement de lui, dans une interview au Melody Maker:
«Il m'a joué des chansons. Je l'aime bien... C'est un gentil mec.»
Dylan est à son apogée, et la caméra le sent autant que ceux qu’il côtoie. S’il peut agacer ou mettre mal à l’aise, il ne laisse jamais indifférent, et semble attirer autant qu’il fascine. Dans les interviews réalisées cette année-là, il fait ce qu’il veut des journalistes et reprend toujours le dessus, quelles que soient les questions qu’on lui pose.
«Entre 136 et 142»
A San Francisco, en décembre 1965, lors d’une conférence de presse particulièrement surréaliste, Dylan arrive à faire rire tout le monde tout en ne répondant à aucune question. Tous sont troublés par celui qui a pourtant l’air de n’être pas à sa place. Ou, en tout cas, pas à la place qu’on veut lui donner:
«On dit que vos chansons ont un message subtil...
— Un message subtil ? Où avez-vous été chercher ça ?
— Dans un magazine de cinéma.»
Des journalistes peu ou prou préparés à un entretien avec un folk singer profond qui va leur délivrer un message philosophique se retrouvent face à un homme simple, qui ne veut rien porter que ses chansons. Une semaine après son interview de San Francisco, il se retrouve face au même type de questions et, comme il en a pris l’habitude, joue avec les journalistes son jeu à lui, celui de qui sera le plus absurde:
«Combien de chanteurs utilisent selon vous leurs chansons pour protester contre les problèmes de la société ? Y en a-t-il beaucoup ?
— Combien ? Je crois qu’il y en a à peu près 136.
— Vous dites à peu près 136 ? Ou vous voulez dire exactement 136 ?
— Entre 136 et 142.»
Il expliquera quarante ans plus tard à Martin Scorsese, dans le documentaire No Direction Home, l’ineptie qu’il y a à demander à des chanteurs des réponses aux problèmes de la société.
«Who are you? —That’s a good question.» Nous sommes en 1973: dix ans après ses débuts à l'écran, Bob Dylan sème le trouble chez James Coburn dans le le western Pat Garrett et Billy le Kid. La grande question «Qui est Dylan?» est posée par tous ses films, fictions ou documentaires, concerts et films personnels, auxquels la Cité de la musique consacre une courte rétrospective les 10 et 11 mars à l'occasion d'une exposition. L'occasion de se livrer à un portrait de l’artiste en personnage filmé, en constante recherche d’équilibre entre son double à l'écran et sa personne privée.
La première apparition de Dylan dans une fiction se fait très tôt: il a 21 ans, et c’est en Angleterre, où il est encore inconnu, qu’il est appelé à jouer. Un producteur de la BBC le repère dans un bar de Greenwich Village et le fait venir trois semaines à Londres pour jouer dans la fiction Madhouse on Castle Street, diffusée en janvier 1963, dans laquelle il donne notamment la réplique à David Warner (Tron, Les chiens de paille).
De cet épisode, dont la bande a été effacée par la BBC en 1968, selon l’usage, il ne reste rien qu’un Graal à retrouver pour les fans de Dylan. Et l’idée que, avant même d’être connu, il était, déjà, un personnage de fiction.
L’image que les autres ont de lui l’a toujours hantée: il ne veut pas être celui qu’on veut qu’il soit. Malheureusement pour lui, tout le monde veut quelque chose de Bob Dylan.
«Well, I try my best to be just like I am But everybody wants you to be just like them» [1]
Maggie’s Farm
Dès 1963, les concerts de Dylan sont fixés sur pellicule, de la marche sur Washington pour les droits civiques avec Joan Baez aux trois éditions du Newport Folk Festival auxquelles il participe. Mais c’est au moment où Dylan «turns electric» qu’il décide pour la première fois lui-même d’immortaliser sa performance. Un film qui n'explique rien
Avec Don’t Look Back, le film de D.A. Pennebaker sur sa tournée en Angleterre en 1965, il veut prendre pleinement contrôle de qui il est, ou en tout cas de l’image qu’il veut donner. Il n’est pas le folkeux protest-singer qu’on veut lui coller à la peau, mais un musicien toujours en avance et surtout jamais où on l’attend.
Et dans ce film, Dylan n’explique rien: c’est le «cinéma-vérité», avec un Pennebaker (réalisateur remarqué par Sara, sa future femme, choix donc éminemment personnel) présent dans chaque scène de la tournée de celui qui quitte pour de bon ses habits de folk-singer. Mais Pennebaker ne fait aucune interview et n’interagit jamais avec les «personnages» de la scène, à la manière de films soviétiques des années 1920. La caméra est absente tout en étant partout où se trame quelque chose, entre rencontres avec les fans, interviews animées avec des journalistes jonglant comme ils le peuvent avec des réponses plus que déstabilisantes, et entrées et sorties de scènes.
Ce film montre pour la première fois l’envers de la scène. Et malgré la présence de la caméra, et des dizaines de personnes à longueur de journée autour du chanteur, il nous donne à voir un Bob Dylan intime. Mais cette intimité se trouve souvent durement confrontée à l’œil du public, quel qu’il soit, comme pendant sa rencontre avec Donovan, sommet de gêne infligée à celui que tous les journaux appellent le «Dylan britannique».
Donovan vient lui chanter une chanson, à laquelle un Dylan gauche répond: «Hey, that’s a good song, man.» Mais une dizaine de personnes les fixent comme s’ils attendaient que l’étincelle entre les deux se transforme en incendie criminel. Il dira finalement de lui, dans une interview au Melody Maker:
«Il m'a joué des chansons. Je l'aime bien... C'est un gentil mec.»
Dylan est à son apogée, et la caméra le sent autant que ceux qu’il côtoie. S’il peut agacer ou mettre mal à l’aise, il ne laisse jamais indifférent, et semble attirer autant qu’il fascine. Dans les interviews réalisées cette année-là, il fait ce qu’il veut des journalistes et reprend toujours le dessus, quelles que soient les questions qu’on lui pose. «Entre 136 et 142»
A San Francisco, en décembre 1965, lors d’une conférence de presse particulièrement surréaliste, Dylan arrive à faire rire tout le monde tout en ne répondant à aucune question. Tous sont troublés par celui qui a pourtant l’air de n’être pas à sa place. Ou, en tout cas, pas à la place qu’on veut lui donner:
«On dit que vos chansons ont un message subtil... — Un message subtil? Où avez-vous été chercher ça? — Dans un magazine de cinéma.»
Des journalistes peu ou prou préparés à un entretien avec un folk singer profond qui va leur délivrer un message philosophique se retrouvent face à un homme simple, qui ne veut rien porter que ses chansons. Une semaine après son interview de San Francisco, il se retrouve face au même type de questions et, comme il en a pris l’habitude, joue avec les journalistes son jeu à lui, celui de qui sera le plus absurde:
«Combien de chanteurs utilisent selon vous leurs chansons pour protester contre les problèmes de la société? Y en a-t-il beaucoup? — Combien? Je crois qu’il y en a à peu près 136. — Vous dites à peu près 136? Ou vous voulez dire exactement 136? — Entre 136 et 142.»
Il expliquera quarante ans plus tard à Martin Scorsese, dans le documentaire No Direction Home, l’ineptie qu’il y a à demander à des chanteurs des réponses aux problèmes de la société.
Il n’est pourtant pas la star qu’on lui reproche d’être parce qu’il n’en fait qu’à sa tête avec les journalistes. Il peut s’avérer particulièrement aimable face à ceux qui ne voient en lui qu’un homme; ni une chose astrale à laquelle il faudrait parler avec trop de respect, ni un amuseur public que l’on ne traiterait qu’avec mépris. Qu’on l’aborde à hauteur d’homme, il répond comme un homme.
En prenant ses distances avec la folk en 1965, Dylan s’éloigne de Joan Baez mais aussi de ses maîtres d’alors: il n’est plus seulement l’enfant de Woody Guthrie et Pete Seeger, mais aussi d’Elvis Presley et Chuck Berry. Un fils du rock’n’roll; et cette année-là, il est traité comme le roi.
Mais du roi on attend tout, et au roi on ne pardonne rien: c’est le début d’une pression bien trop forte pour Dylan, qui comme Elvis, ne saura pas supporter le fardeau des attentes immenses du public, de la presse, des amis, des femmes.
L'humour comme armure
Comme une tentative de ne pas perdre le contrôle sur son image, ou au moins de tenir les rênes usés qui se délitent déjà depuis quelques mois, Dylan commande un nouveau film à Pennebaker sur sa tournée de 1966, Eat the Document. A ce moment-là, pour supporter la pression, il lui faut assumer ce qu’il est et où il va, quoi qu’en dise le monde extérieur.
C’est sur cette tournée qu’intervient le fameux incident où Dylan se fait appeler «Judas» par un spectateur, le 17 mai 1966 au Free Trade Hall de Manchester. Piqué au vif, il lance à ses musiciens avec un ton de défi: «Play it loud, play it fucking loud» («Jouez-la fort, jouez-la putain de fort»).
Quand à peine six mois plus tôt il faisait ce qu’il voulait des journalistes, il paraît ici marqué, touché, blessé par les huées, les réflexions, les commentaires. S’il essaye toujours de distancier ça par l’humour, il est visiblement affaibli, et atteint par ce au-dessus duquel il restait jusqu’alors.
Quand il est menacé de mort, ce qui a dû lui arriver un nombre incalculable de fois auparavant, il ne supporte plus. «I don’t mind being shot man, but I don’t dig being told about it» («Je me fous d'être abattu mec, mais pas qu'on me le dise») le voit-on dire dans No Direction Home. Même s’il ponctue: «Don’t worry Mickey [Jones, son batteur], I’ll protect you» («Ne t'inquiète pas Mickey, je te protégerai»).
L’humour, c’est la dernière distance possible. Il joue avec les mots, avec les gens, avec son image. C’est sa protection, son armure.
Mais cette armure s’effrite et son image ne lui appartient plus. Il est filmé partout, tout le temps, photographié sous tous les angles, et il n’oppose même plus de résistance. On immortalise un Dylan qu’on comprend enfin mortel. Le Dieu n’est plus, il a laissé la place à un homme au bout du rouleau.
A 25 ans, Dylan se sauve la vie en tombant de sa légendaire Triumph Tiger chez lui, à Woodstock. Sans cet accident, il n’aurait peut-être même pas duré assez pour faire partie du triste club des 27.
L’accident de moto, finalement pas si grave, n’est que le prétexte à se tirer sain et sauf du train en marche qui va trop vite. Dylan disparaît des écrans. Dylan disparaît des studios. Dylan disparaît des radios. Eat the Document est enterré avant de voir le jour, et sera plus tard monté par le chanteur lui-même. Le film ne connaîtra jamais de diffusion officielle, mais on peut en voir quelques extraits dans le No Direction Home de Scorsese, ou l’intégralité sur internet.
Fini le cinéma-vérité
Sept années vont passer qui, dans l’histoire de l’image de Bob Dylan, vont tout changer: il s’attelle à la fiction, dix ans après son expérience à la BBC. Fini le cinéma-vérité, finies les tournées suivies par une caméra omniprésente.
A part quelques rares apparitions télévisées entre temps pour ses amis (en 1969 avec Johnny Cash ou le concert pour le Bangladesh organisé par George Harrison), Dylan n’a plus rien donné à celle qui lui a tout pris: la caméra. En 1973, il revient, dans un rôle fictif mais hautement symbolique de sa nouvelle image dans le western de Sam Peckinpah Pat Garrett et Billy le Kid.
Alors qu’il hésite jusqu’à la dernière minute à s’engager sur le projet («Une fois engagé sur le film, ils m'auraient», aurait-il dit à Kris Kristofferson, musicien et ami qui joue le rôle de Billy), il finit par accepter le rôle du personnage le plus énigmatique du film, celui d’Alias, qui ne s’engage ni au côté de Billy, ni au côté de Pat Garrett, mais reste un simple témoin de l’histoire qui se déroule sous ses yeux. Le personnage dont on ignore tout, d’où il vient et où il va, sans identité jusque dans son nom.
Le film en lui-même est proche des thèmes favoris de Dylan, qui chante les hors-la-loi depuis toujours, sur John Wesley Harding ou Blonde on Blonde («But to live outside the law you must be honest»). Il livre par ailleurs avec la bande-originale du film une de ses meilleurs compositions depuis sa disparition des écrans. On retrouve un Bob Dylan apaisé, enfin, derrière le masque protecteur de la fiction.
Les Enfants du paradis et Tirez sur le pianiste
Il a trouvé sa nouvelle voie pour parler de lui, celle qui lui convient. Le personnage qu’il est sait qu’il doit donner à son public: il donnera désormais ce qu’il construit, et non plus ce qu’on lui prend. Et il va construire à cette époque, le milieu des années 1970, un film plus surréaliste que tout ce qui l’aura touché avant.
Avec Renaldo et Clara, qu’il écrit, réalise et dans lequel il joue le rôle-titre, Dylan mélange fiction, documentaire et scènes de concerts de la Rolling Thunder Revue. Il embauche Sam Shepard pour coécrire le film, et ses indications de départ se résument à: «Tu as vu Les Enfants du paradis ? Et Tirez sur le pianiste ? Je veux un truc comme ça.»
Shepard mettra du temps à comprendre ce que Dylan veut, puisqu’à aucun moment il n’est évoqué que le chanteur ne veut pas un film de fiction traditionnel.
Sa femme, Sara Lownds (dont il est en train de se séparer) est Clara, Joan Baez (qui s’est douze ans plus tôt vue quitter pour Sara) y est la «femme en blanc», et Ronnie Hawkins y interprète… Bob Dylan.
Mais malgré l’acteur Dylan et le personnage Dylan, le réalisateur dira en interview que «Dylan n’est pas dans le film». La confusion est totale, et le film, dont le montage original dure 4 heures, ne trouve pas son public.
On peut penser qu’un tel film l'a laissé de côté parce que le public de Dylan, justement celui qui aurait pu être celui de ce film, n’a pas trouvé l’image qu’il avait lui-même de l’homme. Dylan ne nourrit pas les foules avec ce qu’elles attendent: veut-il rétablir la vérité, une vérité ? Au contraire, il semble qu’il veuille se débarrasser de cette idée de «vérité» pour jouer avec le «mythe» qui existe autour de lui.
D’ailleurs, Renaldo avance masqué. Il est intéressant de remarquer que ses fans, qui aiment la complexité de ses chansons et de ses paroles, et se laisser emporter par le poète, n’apprécient pas ce brouillage des pistes quand il est appliqué au cinéma.
«Il est le premier à avoir inventé Dylan»
Sam Shepard résume parfaitement dans The Rolling Thunder Logbook la complexité du personnage et de son image:
«Dylan s’est inventé lui-même. Il s’est construit à partir de rien. Et cela à la force des choses qui l’entouraient et étaient en lui. Dylan est une invention de son propre esprit. Le but n’est pas de savoir qui il est, mais de le digérer. Quoi qu’il en soit, il entre en vous, alors pourquoi ne pas essayer de le digérer ? Il n’est pas le premier à s’être inventé lui-même, mais il est le premier à avoir inventé Dylan.»
Après une apparition dans le documentaire de Martin Scorsese The Last Waltz, sur le concert d’adieu de The Band en 1976, Dylan consacre la fin de ces années 70 au montage de son film, à l’enregistrement studio et à de longues tournées.
Il faudra de nouveau attendre près d’une décennie pour le voir revenir avec un nouveau film de fiction, Hearts of Fire, plus que dispensable production mettant en scène la vie d’une ancienne rock star recluse, signée Richard Marquand, le réalisateur du Retour du Jedi. Rien de notable, si ce n’est l’évident parallèle qu’on ne peut s’empêcher de faire entre l’acteur et son personnage, mais de manière tellement grossière qu’il n’y a là que peu d’intérêt.
Il jouera plus tard le rôle d’un artiste le temps d’une scène dans le catastrophique Catch Fire de Dennis Hopper, et s’offre en 2003 un rôle sur mesure, celui d’une ancienne rock star qui sort de prison et doit jouer un concert au bénéfice d’une Amérique décadente dans Masked and Anonymous, dont il coécrit le scénario avec le réalisateur Larry Charles (Borat, Brüno).
Mais le film est plutôt pauvre, bien que Dylan veuille sans doute révéler ici son rapport au succès, à la presse et à sa musique. Force est pourtant de constater qu’il n’est plus celui qui peut le mieux jouer avec son image.
Six acteurs différents
Et c’est ce qu’a prouvé Todd Haynes avec le sophistiqué I’m Not There.
Conscient de l’impossibilité de réaliser un biopic classique avec un personnage aussi complexe que Dylan (à part à se concentrer sur une très courte période de sa vie), Haynes va avoir l’idée géniale de représenter les facettes du personnage par six acteurs différents, hommes, femme et enfant.
Chacun porte une part de Bob Dylan, un moment de sa vie ou un aspect de sa personnalité. Apporte-t-il quelque chose à la compréhension du personnage? A vrai dire, les scènes sont déjà connues du fan, mais Haynes apporte une idée indispensable: Bob Dylan est tout ça à la fois, le petit garçon noir qui se rend au chevet de Woody Guthrie, le chanteur androgyne et drogué qui se débat avec les journalistes, le cow-boy hippie ou le protest-singer sérieux.
Et il s’est toujours battu pour qu’on ne l’enferme pas dans une vérité qu’on aurait choisie pour lui. Todd Haynes fait ici un film infiniment respectueux de son idole et de la complexité qu'elle avouait dans une interview à la radio KMEL en 1980:
«C’est facile d’être Bob Dylan, ce qui est difficile c’est d’être à la hauteur de ce que les gens attendent de Bob Dylan.
Mais ça n’est pas si compliqué en fait… Tant que j’arrive à être sûr de qui je suis, et que je ne le confonds pas avec qui je suis censé être, je pense que ça ira.»
Cinq films seront diffusés les 10 et 11 mars à la Cité de la musique (221, avenue Jean-Jaurès 75019 Paris) dans le cadre de l'exposition Bob Dylan, l'explosion rock (1961-1966), qui a lieu du 6 mars au 15 juillet: The Other Side of the Mirror—Bob Dylan Live at the Newport Folk Festival (1963-1965), Pat Garrett et Billy le Kid, Don't Look Back, No Direction Home et Masked and Anonymous. A signaler également des concerts de Syd Matters, Sophie Hunger, Moriarty et Herman Düne
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Dernière édition par Bridget le Ven 20 Juil - 12:33, édité 2 fois
Bridget
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Seen the arrow on the doorpost Saying, “This land is condemned All the way from New Orleans To Jerusalem” I traveled through East Texas Where many martyrs fell And I know no one can sing the blues Like Blind Willie McTell
Well, I heard that hoot owl singing As they were taking down the tents The stars above the barren trees Were his only audience Them charcoal gypsy maidens Can strut their feathers well But nobody can sing the blues Like Blind Willie McTell
See them big plantations burning Hear the cracking of the whips Smell that sweet magnolia blooming See the ghosts of slavery ships I can hear them tribes a-moaning Hear that undertaker’s bell Nobody can sing the blues Like Blind Willie McTell
There’s a woman by the river With some fine young handsome man He’s dressed up like a squire Bootlegged whiskey in his hand There’s a chain gang on the highway I can hear them rebels yell And I know no one can sing the blues Like Blind Willie McTell
Well, God is in His heaven And we all want what’s His But power and greed and corruptible seed Seem to be all that there is I’m gazing out the window Of the St. James Hotel And I know no one can sing the blues Like Blind Willie McTell
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Bridget
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Sujet: Re: BOB DYLAN Mer 18 Juil - 19:52
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Bob Dylan : Nouvel album annoncé pour septembre
TEMPEST
Bob Dylan sortira le 11 septembre son 35e album studio, baptisé "Tempest", a annoncé mardi sa maison de disques, Columbia Records.
A 71 ans, le créateur de "Like a Rolling Stone" a enregistré 10 nouvelles chansons originales, indique Columbia, confirmant ce que nous vous annoncions en mai. L'album est produit par Dylan lui-même sous son pseudonyme de "Jack Frost".
Selon le site de fans Isis Magazine, cet album a été enregistré en début d'année et durant deux mois, à Santa Monica (Californie), dans les studios de Jackson Browne, où ont déjà été mis en boîte les deux précédents albums du Zim, “Together Through Life” (2009) et “Christmas In The Heart” (2010).
L'album comporte un hommage à John Lennon, "Roll on John", qui cite plusieurs morceaux des Beatles dont "Come Together", et "A Day in The Life". 'Tempest", la chanson-titre, est un morceau long de 14 minutes sur le Titanic.
Des sonorités mexicaines David Hidalgo, le multi-instrumentiste du groupe Los Lobos, qui a déjà travaillé sur les deux derniers albums de Bob Dylan, avait révélé le premier, au mois de mars, des détails sur l'avancement du disque, parlant de sonorités mexicaines.
Au Aspen Times, journal du Colorado, il avait confié avoir été pris au départ sur ce disque pour jouer de l'accordéon et de la guitare avant de finir par jouer des instruments mexicains, dont le Tres, un genre de guitare à 6 cordes, pour lequel le Zim aurait craqué.
"Ca a été une super experience", se souvient le musicien dans cette interview. "Et différente. Chacune a été nouvelle, avec des approches complètement différentes. C’est incroyable comme il reste créatif. Je ne sais pas comment il fait", conclut-il, admiratif.
La sortie de l'album coïncidera avec le 50e anniversaire de la sortie du premier disque de Bob Dylan, qui comportait des standards du folk américain ainsi que deux compositions originales.
Dylan poursuit sa tournée en France, l'expo à la Villette prolongée A noter que l'exposition que lui consacre la Cité de la Musique, "Bob Dylan, l'explosion rock (1961-66)" a été prolongée jusqu'au 22 juillet.
Bob Dylan, qui effectue actuellement une tournée en France, est mercredi 18 juillet aux Nuits de Fourvière à Lyon, vendredi 20 juillet aux arènes de Bayonne et dimanche 22 juillet au festival des Vieilles Charrues à Carhaix.
Le tracklisting de l'album "Tempest"
1. Duquesne Whistle 2. Soon After Midnight 3. Narrow Way 4. Long and Wasted Years 5. Pay In Blood 6. Scarlet Town 7. Early Roman Kings 8. Tin Angel 9. Tempest 10. Roll On John
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Sujet: Re: BOB DYLAN Ven 20 Juil - 12:32
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Dylan tel qu'en lui-même
Par Olivier Nuc
Actuellement en tournée française, le musicien de légende offre un tour de chant enjoué et immuable.
Le nouvel album de Robert Zimmerman paraîtra le 11 septembre prochain chez Columbia, label qui l'héberge depuis ses débuts. Nul ne se souvient exactement combien Bob Dylan a publié de disques en cinquante années de carrière. Parmi ceux-ci, il en est qu'il vaut mieux oublier tout simplement.
Le taciturne rocker ne fera, comme de coutume, aucun effort particulier pour promouvoir Tempest, dont on n'attend pas qu'il offre un bouleversement notoire. Le septuagénaire est de ceux qui pourraient se targuer, comme autrefois Miles Davis, d'avoir «changé la musique plusieurs fois».
Depuis quinze ans, sa production a retrouvé de l'allure. Mais pas la peine d'espérer pouvoir s'en entretenir avec le principal intéressé, qui fuit les micros et les caméras comme la peste. «M. Bob Dylan vient, il joue et il repart», vous signale-t-on poliment dans son entourage.
C'est ce qu'il a fait mercredi soir, aux Nuits de Fourvière (Lyon), devant une assistance de 4000 privilégiés. On l'a dit grincheux, distant, tournant le dos au public, massacrant ses chansons avec malice. Sans doute l'a-t-il fait, parfois, un soir parmi des milliers. Mais pourquoi ne dit-on jamais le plaisir évident qu'il prend à passer le plus clair de son temps sur les routes depuis près de vingt-cinq ans, sans discontinuer ?
Un rituel immuable
Mercredi soir, on le vit sautillant, enjoué, martelant avec allégresse les touches d'un piano à queue. Empêché de jouer de la guitare depuis quelques saisons pour cause d'arthrite, Dylan passera le concert à se lever du piano pour aller souffler dans un harmonica avant d'y retourner pour prendre des chorus à la limite de la dissonance.
Emmenés par le fidèle Tony Garnier, présent depuis 1988, les musiciens, en complet gris et chemise noire, comptent en leurs rangs le Texan Charlie Sexton, dont la silhouette longiligne et le jeu de guitare fluide rappellent Eric Clapton il y a quarante ans.
Bien sûr, sa voix a changé, rendant les chansons inidentifiables jusqu'à leurs refrains. Mais quels refrains !
Absolutely Sweet Marie, Desolation Row, Tangled Up in Blue, Highway 61 Revisited, Ballad of a Thin Man…
L'homme au canotier pioche au gré de son vaste catalogue de chansons, veillant à varier les plaisirs d'un soir sur l'autre.
Bon guérillero
La sublime Blind Willie McTell, perle des années 1980, restée inédite de longues années, fit une rare sortie, tout comme Man in a Long Black Coat, qui marqua sa résurrection à la fin de cette décennie maudite. On a le droit de moins aimer le tunnel boogie blues constitué de chansons de la dernière décennie, infligé en milieu de concert.
Dans ces morceaux empruntant aux traditions populaires américaines, quitte à recycler quelques standards au passage (Rollin' and Tumblin'), on a plutôt le sentiment d'être au comptoir d'une taverne du sud des États-Unis et non chez un maître. Qu'importe, Bob Dylan nous sourit en balançant sa jambe sur le côté.
En bon guérillero, Dylan sait ménager ses plus belles cartouches pour la fin. Selon un rituel immuable depuis des lustres, l'homme conclut ses concerts par trois des chansons les plus emblématiques de son histoire: Like a Rolling Stone, coup de génie absolu, All Along the Watchtower, que Hendrix érigea en cathédrale sonore, et Blowin in the Wind, qui révéla l'écriture du jeune homme du Minnesota au monde entier, en 1962.
Soit une autre définition d'un bouquet final réussi.
Dernière édition par Bridget le Ven 14 Sep - 15:40, édité 3 fois
Bridget
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Sujet: Re: BOB DYLAN Lun 10 Sep - 23:53
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TEMPEST
Dylan toujours à flots après la tempête
A 71 ans, Bob Dylan sort son 35e album studio. Un disque sublime et sombre où la mort rôde.
Bob Dylan revient en pleine lumière avec une collection de ballades country-blues-jazz crépusculaires.
Tirés par la swinguante locomotive Duquesne Whistle, les wagons de Tempest sont chargés de violence, de passions et de fantômes. La mort rôde.
"Je paye avec du sang, mais pas le mien", prévient le Zim' dans Pay in blood. Le troubadour a désormais 71 ans et on ne peut s'empêcher de penser que ce 35e album studio - 50 ans après le premier - est peut-être le dernier.
Si le chant se situe quelque part entre le coassement du crapaud et le grognement d'un Louis Armstrong, le barde rock reste un formidable conteur d'histoires. Il fait le récit d'un homme trompé lancé dans une expédition punitive (Tin Angel), fait pousser une ville en quelques couplets (Scarlet Town), narre en 14 minutes le destin funeste du Titanic (Tempest) et de ses passagers - dont un certain Léo !
De ces airs hors du temps s'échappent quelques échos à la crise. Dylan souffle contre ceux qui "achètent et vendent / Ils ont massacré votre ville, ils vous détruiront aussi" (Early Roman Kings).
La chanson Roll On John, dédiée à son ami John Lennon, conclut cette oeuvre sombre et désespérée.
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Sujet: Re: BOB DYLAN Ven 14 Sep - 15:39
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Tempest
Bob Dylan
L’attrait d’un nouveau Dylan est de plus en plus ambigu : on guette le bout de son rouleau, tout en espérant un miracle ultime. Non quelque oracle sur un temps qu’il n’habite plus tout à fait. Mais une preuve de vie, un sursaut du nerf créatif. Il chantait comme un vieux bluesman à 20 ans, ne pourrait-il pas retrouver des manières de jeune homme ?
Le swing cossard de Duquesne Whistle est un trompe-l’oreille : il y a ensuite plus de mordant que dans ses trois derniers albums réunis. Le ton égrillard donne aussi un indice : du recueil de chansons « religieuses » envisagé, il ne subsiste qu’un autre épisode de l’éternel flirt entre amour et mort. « Je cherche des phrases pour chanter tes louanges », lâche-t-il au début de Soon after midnight, sur tempo soul. Pour avouer plus loin qu’il a rencard avec la reine des fées…
Fini les ambiances tamisées à la Bing Crosby. Le son s’est épaissi, c’est celui de son groupe de tournée, avec une batterie lourde.
Musicalement, chaque morceau fait écho à un classique de l’âge d’or (Blonde on blonde ou Blood on the tracks ) – en moins vif, fatalement. Un carré d’entre eux se détache.
Long and Wasted Years, trempé dans l’aigreur d’un amour qui vieillit mal. Pay in blood, où la voix presque rugissante s’agrippe à des slogans cruels : « I pay in blood/but not my own. »
Scarlet Town est de la veine des grandes ballades crépusculaires. Ville-fantôme où souffle un vent glacé, où erre une « blackchested junkie whore ». Sous un ciel clair, on voudrait partir, mais on y reste. L’intrication du banjo, du piano, du violon produit un effet hypnotique surnaturel. Celle-là nous hantera longtemps. Tin Angel enfin reprend la tradition du récit western, avec trio infernal et règlement de comptes.
L’album pourrait s’arrêter là, il est hélas plombé par le morceau-titre, où le Titanic met quatorze longues minutes à couler, suivi de Roll on John, un hommage poussif à Lennon. Reste les rougeoiements d’un homme encore à feu et à sang – et dont on visiterait même les ruines.
François Gorin - Telerama n° 3269
Dylan souffle sa « Tempest »
Rock. A 71 ans , le chanteur livre un 35e album studio tumultueux aux perspectives sombres.
A chaque fois que Dylan sort un album, on est en droit de se poser les mêmes questions : est-il encore capable de chanter, juste, avec les mots puisant leur beauté et leur cruauté dans cet amour qu’il sait si bien décrire ?
Va-t-il surprendre ? Eh bien, le personnage ne fait toujours pas de compromis : on aime, on déteste, témoin Tempest de sortie ce jour.
Tempest, 35e album studio signé Bob Dylan, a la couleur de la souffrance de la vie mitraillée à longueur de textes interminables, parfois exagérés, voire radoteurs. Le chanteur de Duluth nous ressert une recette dont il a seul le secret : trouver les termes justes pour scander la vie dans une diction inimitable, avec une voix nasillarde toujours plus brisée, caverneuse, sépulcrale.
Et peu lui chaut s’il faut 45 strophes pour faire revivre le naufrage du Titanic ou 38 pour l’assassinat de John Lennon au Dakota Building. L’amour, la haine, la violence, la mort, tout y est.
Chapelet.
Dylan se montre sombre, sans doute plus que jamais. A 71 ans, et pour ses 50 ans de carrière (son premier disque fut enregistré en 1962), il ourdit un digest de toute la musique américaine, dans ses formes les plus traditionnelles, pionnières ; celles où il puise depuis le début.
Toujours ce côté poreux en résonance. Dylan digère et recycle tout ce qu’il voit, à travers un regard comme fellinien dans un décor de Gangs of New York ou de Masked and Anonymous (tel Duquesne Whistle, le clip style Texan swing des années 30 diffusé par le Guardian en avant-première).
Trois ans de silence auront été nécessaires pour graver ce chapelet de ballades blues-country-rock-jazz forgées par les lampes des amplis du studio de Jackson Browne à Los Angeles, au son de la pedal steel, de l’accordéon, du violon ou du banjo de bivouac.
De nombreux morceaux auraient pu appartenir à n’importe lequel de ses trois derniers albums - Love and Theft (2001), Modern Times (2006) ou Together Through Life (2009) - même si, cette fois, Dylan désirait faire autre chose. Lors d’une des rares interviews accordée notamment à Rolling Stone, le patriarche affirme avoir voulu livrer un album essentiellement et strictement mystique. «Mais je n’avais pas assez de chansons sur ce thème. C’est dur de trouver le fil sur 10 compositions. Alors voilà avec quoi je me retrouve.»
A la manœuvre, quelques fusils qui l’accompagnent en tournée depuis une dizaine d’années avec en chef de file génial Charlie Sexton, guitariste originaire d’Austin, tout droit sorti de la cuisse de Stevie Ray Vaughan, et qui, en passant, a permis notamment à l’essence de Lucinda Williams de mieux brûler.
Tempest, c’est le nom biblique approprié que le poète rockeur aura choisi. Tel le titre de la dernière œuvre de Shakespeare ?
Lui assure que non. Alors, orage magnétique ultime ? Sans doute pas, car Dylan trouve encore l’énergie de marteler «I ain’t dead yet, my bell still rings, and I keep my fingers crossed [Je ne suis pas encore mort, ma cloche sonne encore et je croise les doigts, ndlr]» dans la longue réplique style Mannish Boy baptisée Early Roman Kings, sur laquelle David Hidalgo, de Los Lobos, est venu coller une touche d’accordéon à la Clifton Chénier.
Nullement œuvre testamentaire donc. Juste un rappel d’événements qui auront marqué une vie tumultueuse. Dont quelques mots fatidiques extraits directement du songbook du Beatle révolutionnaire, «I heard the news to day, oh boy», ou «come together right now, over me».
Une certaine liberté dans une poésie toujours cinglante aussi : «Si l’amour est un péché, alors la beauté est un crime !» (Scarlet Town). Et cette façon de raconter toujours (trop) longuement les histoires à sa façon, jusqu’à remettre en scène, dans son interprétation de Titanic, un certain Leo (DiCaprio, sans lequel, explique-t-il, «je ne crois pas que la chanson eût été la même. Ni le film.»)
«Sang». A chaque fois sa même vision acérée de la vie, la même incarnation des personnages de l’épopée en crachant des couplets ne respectant jamais le nombre de pieds, naturellement et comme il respire. «Je paie avec du sang, mais ce n’est pas le mien !» raffine, sibyllin, le héros, dans Pay in Blood.
Et dans Soon After Midnight : «Je n’ai pas peur de ta colère/ Je me suis heurté à des murs autrement durs que toi».
Bob Dylan continue de souffler et de foncer, dans sa fidélité à tout rompre. Sans rien bouleverser. Ni décevoir du tout.
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Sujet: Re: BOB DYLAN Jeu 29 Aoû - 15:20
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Des inédits de Bob Dylan sortiront le 26 août
FOLK - Un an après "Tempest", son dernier album studio, Bob Dylan sortira une nouvelle compilation de morceaux rares et inédits le 26 août prochain chez Columbia.
Bob Dylan continue d'enregistrer et de tourner, mais il faut bien le dire, ses grands classiques sont derrière lui. Ses fans ont encore de quoi piocher dans sa meilleure période, puisqu'ils pourront bientôt écouter The Bootleg Series, Vol. 10 - Another Self Portrait (1969-1971).
La légende du folk y présente pas moins de 35 chansons, dont l'intégralité du concert au festival de l'Ile de Wight en août 1969, dans une version remastérisée.
Au Grand Rex les 12 et 13 novembre
Les morceaux de ce double album sont issus des sessions d'enregistrement des disques Self Portrait (1970) et "New Morning" (1970). Le disque est illustré par un dessin de Bob Dylan et sera proposé en deux versions : en double album, en format standard, ou en version deluxe avec 4 CD comprenant notamment l'intégralité du concert historique du festival de l'Ile de Wight.
Côté scène, Bob Dylan donnera deux concerts à Paris, au Grand Rex, les 12 et 13 novembre.
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Sujet: Re: BOB DYLAN Ven 30 Aoû - 11:32
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Dylan dévoile les esquisses de son autoportrait
Par Sylvain Siclier / Le Monde.
Depuis 1991, la collection "The Bootleg Series" permet aux amateurs de Bob Dylan d'avoir accès légalement aux archives du chanteur, guitariste, pianiste et auteur-compositeur américain.
Certains coffrets regroupent des enregistrements en studio, compositions inédites et raretés (face B de 45-tours, répétitions, versions différentes de chansons de diverses périodes), d'autres sont des documents de concerts (celui au Free Trade Hall de Manchester, le 17 mai 1966, matière à d'innombrables publications pirates, des souvenirs de la Rolling Thunder Revue de 1975).
Bob Dylan à New York en mars 1966.
Le volume 10, publié fin août, s'intitule Another Self Portrait (1969-1971). C'est la première fois que la série s'intéresse à un disque spécifique de Dylan. Que cela soit Self Portrait ne manque pas de sel. Publié en double album par Columbia Records le 8 juin 1970, il est devenu, après un accueil critique négatif, le disque que toute histoire du rock se doit de présenter comme le grand ratage dylanien.
L'écrivain américain Greil Marcus avait commencé sa critique de Self Portrait dans l'édition de juillet 1970 du magazine Rolling Stone par une phrase choc : "What is this shit !" Littéralement : "qu'est-ce que c'est que cette merde". Le texte était en fait plus nuancé, Marcus reprochant à Dylan d'avoir manqué d'ambition artistique avec des chansons faibles, laissant une impression d'inabouti, de remplissage. Mais, après cette formule, la presse musicale moutonnière n'avait plus qu'à suivre.
Que fait entendre Self Portrait ? Sur vingt-quatre chansons, seules cinq sont des nouveautés de Dylan (trois sans texte, dont Wigwam, qui servira de single) ; quatre sont des extraits du concert de Dylan avec The Band, le 31 août 1969, au Festival de l'île de Wight (un CD du coffret présente l'intégralité du concert), la valeur historique rattrapant une performance moyenne ; les deux tiers restants de Self Portrait consistant en des reprises d'airs traditionnels ou de succès populaires.
SINCÈRE, PARODIQUE, JE-M'EN-FOUTISTE
Musicalement, on va d'esquisses mélodiques à la guitare à des arrangements de chœurs et de cordes façon country, comme on l'enregistrait alors à Nashville. Vocalement, c'est Dylan le versatile. Pas toujours concerné, parfois franchement faux (In Search of Little Sadie). Ou, a contrario, il en rajoute dans le crooner caressant (Let it Be Me, Living Blues, Blue Moon, Take Me As I Am...) –, à notre avis, les moments les plus savoureux du disque avec les instrumentaux.
On peut prendre Self Portrait pour un fatras. On peut aussi le considérer comme un autoportrait musical assez exact de Dylan. Autant comme un rappel de ses sources, des thèmes enfouis que les bluesmen se transmettent, que comme l'affirmation de ses goûts musicaux, dont la romance débordante de crème Chantilly ou des trucs tout bêtes de boogie-woogie.
Sincère, parodique, je-m'en-foutiste, à distance de son mythe d'écrivain poète du rock, de novateur esthétique (il a "osé" mettre de l'électricité dans le folk).
Le coffret Another Self Portrait revient sur la genèse du disque. Sur les deux CD de répétitions, thèmes inédits ou versions différentes, une grande partie provient des séances d'enregistrement de Dylan avec le guitariste David Bromberg et le claviériste Al Kooper les 3 et 4 mars 1970 à New York.
A ces enregistrements simples seront ajoutés dans les studios de Nashville des cordes, chœurs, rythmiques, sous la direction du producteur Bob Johnston. Des pistes de travail qui ne remettent pas en question le Self Portrait définitif.
D'autres thèmes, enregistrés peu de temps après, serviront de base à l'album New Morning. Self Portrait a été décrié, New Morning est fêté comme s'il était un sursaut créatif. En fait, ce n'est pas aussi tranché. Il y a des cuivres, des cordes dans les premiers pas de thèmes de New Morning. Qui dans sa version définitive sera débarrassé de ses arrangements et construit à partir de la cohérence vocale des chansons. L'envers de Self Portrait, pas son contraire. Et moins fantaisiste.
Another Self Portrait, The Bootleg Series, vol. 10, de Bob Dylan. 1 coffret de 4 CD Columbia Records/Sony Music.
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Sujet: Re: BOB DYLAN Jeu 12 Sep - 0:35
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Dylan, portrait recraché
Folk . Restauration en coffret d’inédits datant de l’époque «Self Portrait», l’album le plus controversé du chanteur lors sa sortie, en 1970.
Par Dino Di Meo / Libération
Dans sa longue carrière, Bob Dylan n’aura connu aucun répit. Chaque album attendu et ausculté, créant souvent la polémique entre inconditionnels du barde du Minnesota et opposants qui n’ont jamais pu en supporter une note, tantôt scotchés aux premières compositions, tantôt indisposés par la voix nasillarde et l’image folk engagée, que Dylan lui-même a tâché d’effacer très tôt.
Pour Dylan, le succès avait vite viré au cauchemar, celui d’être devenu «la voix d’une génération». Controversé, adulé, chacun de ses innombrables enregistrements studio (42 sur 61 au total) a été passé au crible, décortiqué jusqu’à l’os.
Rien de plus normal pour un mythe. Un album pourtant aura fait l’unanimité pour sa médiocrité : Self Portrait. Un double album réalisé en 1970, plus exactement entre Nashville Skyline en 1969, où il était allé chatouiller sa passion pour Johnny Cash ou Gilbert Bécaud (avec Let It Be Me), et New Morning, manifeste du nouveau départ après les révolutionnaires Highway 61 et Blonde on Blonde.
Ce dixième disque en dix ans avait été décrit par la presse comme un ramassis de chansons médiocres. Dans Rolling Stone, Greil Marcus, avait étrillé l’album à sa sortie(page lire ci-contre), quitte à nuancer aujourd'hui .
Réputation.
Quarante-deux ans plus tard, une piqûre de rappel remet toute cette polémique d’actualité. CBS a retrouvé, par hasard dans ses archives, des enregistrements relatifs à la préparation de cet album décrié. Alors, dans la continuité d’une curiosité incontrôlable vis-à-vis du plus mystérieux des compositeurs, tant dans sa teneur que dans sa réputation, ce Bootleg Series Volume 10 propose des morceaux dépouillés, sans artifice, où la guitare de David Bromberg et le piano d’Al Kooper repassent enfin au premier plan.
Un trio qui redonne une juste dimension à une musique qui, finalement, prouvait qu’elle avait été jouée de façon très tripale avant d’être «enrichie» pour raisons mystérieuses, par une production totalement inadéquate.
Mais qui avait vraiment eu cette idée ? Le producteur ? Dylan lui-même ? Nul ne le sait plus, mais une chose est sûre : Dylan a donné son aval à la publication d’une œuvre qui semble, a posteriori, un acte de sabotage délibéré - pour qu’on lui foute la paix ?
Chutes.
Lorsque Self Portrait atterrit dans les bacs en 1970, Dylan vit reclus depuis quatre ans. Dix ans après ses débuts dans le Village, il incarne déjà un mythe qu’il n’assume plus depuis longtemps. Il le criait dès 1964 dans It Ain’t Me Babe (Another Side of Bob Dylan) : «Je ne suis pas celui que tu cherches.» Une dénégation qui devient compliquée à gérer en termes de carrière. Car Dylan doit produire coûte que coûte. Mais qu’est-ce donc que cet autoportrait où Dylan avale la musique américaine de Monsieur Tout-le-Monde, celle qui l’a aussi bercé dans l’Amérique de 1960 ?
Le message sera sûrement subliminal et la réponse ne se trouve ni dans la teneur des arrangements, ni dans son inflexion crooner-raté de bon nombre d’interprétations populaires.
Ce n’est pas le Dylan attendu. Encore une fois il surprend, il choque. Jusqu’à cette trouvaille venue d’on ne sait où. En fait, ce qui a été exhumé par hasard par CBS défie totalement le patrimoine musical que le manager du chanteur depuis 1995, Jeff Rosen, fait fructifier au fil des années en distillant au compte-gouttes un élixir souvent raffiné.
Cette fois, il s’agit d’un trésor que le héros lui-même avait sans doute oublié. Mais, Dylan ne parle plus depuis des lustres de ce qu’il fait et on ne le saura jamais.
Deux disques dans la version de base, quatre dans celle de luxe - offrant en bonus des albums photos, un CD du concert de l’île de Wight en 1969, seule apparition sur scène de Dylan, avec The Band, en quatre ans, et une remastérisation du Self Portrait originel.
Surtout, l’édition révèle un bon nombre de chutes et de chansons inédites (14) écartées du double 33 tours initial et tombées aux oubliettes. Par exemple, Pretty Saro, chantée comme Dylan sait le faire lorsqu’il en trouve l’envie. Six pistes différentes de cette ballade anglaise, qui remonterait au XVIIIe siècle, ont d’ailleurs été dépoussiérées par CBS. La ballade donnera, du reste, le clip de promo que Dylan a choisi pour présenter ce Bootleg très spécial.
En fait, Another Self Portrait est un recueil regorgeant de richesses à écouter plus particulièrement : ainsi Time Passes Slowly, une version inédite avec George Harrison, l’ami de longue date, ou When I Paint my Masterpiece, ce chef-d’œuvre qu’il avait offert au Band, interprété ici par Dylan au piano solo. Cette compilation, qui a peu en commun avec l’édition de 1970, passe en revue une période de Dylan aussi fertile qu’étrange. De quoi faire de l’album d’origine un geste pervers, une fiche d’identité où l’artiste est le seul à se reconnaître.
Bob Dylan coffret de 4 CD Another Self Portrait, The Bootleg Series volume 10 (Columbia Records/Sony Music)
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Bridget
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Sujet: Re: BOB DYLAN Mar 17 Sep - 15:27
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Bob Dylan Self Portrait revisité
Double album voulu anti-commercial par Bob Dylan, SelfPortait, auto-portrait bâclé paru en 1970, était, entre autres excentricités, composé de reprises bien choisies mais pas forcément bien réarrangées.
Un nouveau volume des Bootlegs Series nous les révèle telles qu’elles étaient à l’origine, c’est-à-dire bien meilleures.
Par Eric Tandy
La chronique, descente en flammes, de SelfPortrait, rédigée à l’époque par Greil Marcus dans le Rolling Stone US fait désormais partie de la légende : « C’est quoi cette merde ? »… Mais en réalité les mots les plus durs jamais écrits sur cet étrange patchwork sans queue ni tête sont ceux du responsable du disque lui-même.
Dans ses Chronicles, Bob Dylan règle ainsi son compte au premier enregistrement de sa carrière détesté de tout le monde, y comprit – semble-t-il – de lui-même. « J’ai sorti un album (un double) après avoir filtré n’importe quoi dans une passoire. J’y ai mis ce qui était resté au fond. Puis j’ai réfléchi, et j’ai récupéré le reste dans l’évier. ».
Lors de sa sortie, en juin 1970, cette bizarrerie à la pochette peinturlurée aussi grossièrement que naïvement, avait, en toute logique, été très mal reçue par les fans qui déjà, malgré « Lay Lady Lay » et quelques autres instants inspirés, n’avaient pas forcément apprécié à 100% le tournant country quasi intégriste de Nashville Skyline, le précédent 33T de l’artiste.
La collaboration, sur « Girl from the North Country« , avec Johnny Cash, chanteur alors réputé très réac, et, à ce que l’on savait partisan de la guerre du Vietnam, n’ayant bien sûr pas vraiment aidé à l’acceptation de l’album. Secrètement, pourtant, tout le monde espérait que celui que l’on considérait encore comme un « protest singer » ou un « poète » allait finir par se ressaisir.
Qu’il allait au moins parvenir à se hisser au niveau de John Wesley Harding, son dernier véritable grand disque. Car, malgré sa prestation jugée décevante au festival de l’Ile de Wight en 1969 (l’enregistrement du concert, rajouté en bonus de la version luxe des Bootleg Series Volume 10, révèle pourtant un set d’une parfaite dignité) et une respectabilité récemment acquise (il avait accepté de devenir « Docteur honoraire » en musicologie à l’Université de Princeton), beaucoup continuaient de voir en lui une sorte de porte-parole générationnel, et donc obligatoirement révolté, ayant réponse à tout.
Un statut qu’il n’avait jamais vraiment accepté et, les années passant (il approchait désormais de la trentaine), qu’il rejetait de plus en plus violemment. Parce qu’il était devenu un symbole malgré lui, une icône ; ses moindres faits et gestes étaient épiés, analysés, interprétés.
Dans sa maison à Woodstock, où il avait décidé, depuis l’été 1966, de vivre en famille à l’écart du monde et du music business, il se retrouvait parfois face à des freaks illuminés, rentrés par effraction, venus faire un petit pèlerinage dans ce qu’ils prenaient pour une sorte de sanctuaire. Il résuma parfaitement sa situation d’alors, son exaspération, et ce que cela lui inspirait, dans une interview donnée en 1981 et reprise depuis dans Behind the Shades, une biographie signée par Clinton Heylin.
« A l’époque, c’était pour de mauvaises raisons que l’on faisait autant attention à moi. Une attention, causée par choses que je n’avais même pas faites. Nous avons alors sorti un album avec l’intention de laisser tous ces gens à leur place. Après, ils ne devaient, logiquement, plus m’aimer. C’est l’unique raison pour laquelle j’ai fait cet album, pour qu’ils arrêtent d’acheter mes disques. »
SelfPortrait fut donc le titre choisi pour ce « foutez moi la paix ! » en forme de double 33T (« J’ai mis ce portrait sur la pochette du disque qui n’avait pas de titre. Et j’ai dit « appelons-le autoportrait ». Mais pour moi, il ne s’agissait au départ que d’une plaisanterie« , raconta-t-il en 1984).
Le contenu des deux disques n’avait rien de cohérent. Il rassemblait une dizaine de nouvelles compositions, dont trois instrumentaux (« Wigwam », qui étonnamment passa beaucoup en radio), quatre extraits du concert de Wight et des reprises parfois réussies (le magnifique « Days of 49″, traditionnel trouvé on se sait où), mais qui, la plupart du temps, étaient interprétées avec une distance glaciale et une voix de crooner agaçante (sur le classique « Blue Moon », par exemple ).
Les arrangements douteux ne facilitant pas l’écoute. La fabrication de l’album fut en fait assez spéciale. Puisque l’essentiel des prises avait été effectué au studio Columbia à New York en compagnie de musiciens du cru (Al Kooper ou l’excellent guitariste de folk David Bromberg), les bandes ayant ensuite été apportées à Nashville par le producteur Bob Johnston pour y être retravaillées et réorchestrées par des requins locaux, de façon souvent pompeuse avec des chœurs féminins envahissants et des cordes sirupeuses.
Un boulot pas évident à organiser, même pour un as de studio comme Charlie McCoy : « Sur ce que l’on avait reçu, il y avait juste de la guitare et de la voix. Mais le problème, c’était que Dylan n’était vraiment pas en place question tempo. Ce fut donc assez difficile de se caler dessus…« . Plus critique encore, fut l’arrangeur Bill Walker qui décida d’effacer les parties de guitares d’origine : « Dylan n’avait jamais été Segovia, mais là, il avait quand même dépassé les bornes. « …
A l’arrivée, il y eut quand même dans le lot quelques réussites ( les reprises, « Early Morning Rain » de Gordon Lightfoot, ou « Gotta Travel On » du chanteur country 50’s Billy Wayne Grammer, les originaux, « Living In Search of Little Sadie » ou « It Hurts me Too », même si cette dernière, pourtant signée Dylan, est une décalque exacte du standard de blues du même nom), le reste étant soit sans intérêt, soit totalement dénué d’émotion, soit gâché par des idées de production de mauvais goût.
L’album aurait forcément été meilleur s’il en était resté au stade des séances new-yorkaises, même (surtout ?) si celles-ci furent imparfaites musicalement. Car c’est parfois dans une certain climat d’imperfection que Dylan est vraiment bon…
Débarrassés de leurs oripeaux nashvilliens, certains morceaux se retrouvent aujourd’hui en versions Big Apple allégées sur Another SelfPortrait, le volume 10 – déjà ! – des Bootlegs Series. Ils n’ont rien de « restes récupérés dans un évier« , mais renferment plutôt une spontanéité jusque-là insoupçonnée…
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Sujet: Re: BOB DYLAN Mar 12 Nov - 11:56
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Bob Dylan, une histoire américaine
Le Grand Rex , 12/13/14 Novembre 2013
Honoré mercredi de la Légion d'honneur, le chanteur est en concert au Grand Rex à Paris et publie une intégrale de son œuvre. Son biographe Greil Marcus commente son parcours en images.
L'année 2013 marque le vingt-cinquième anniversaire du Never Ending Tour, cette tournée sans fin qui voit Bob Dylan sillonner les routes avec une application maniaque depuis la moitié de sa carrière. Avec une moyenne de cent concerts par an, le septuagénaire fait preuve d'une frénésie dont aucun de ses pairs de la même génération ne peut se targuer: les Rolling Stones, Paul McCartney ou Neil Young continuent certes de se produire, mais l'âge venant ils ont ralenti les cadences.
L'homme est à Paris pour trois soirs, dans le cadre du Grand Rex, une salle dans laquelle il n'a pas joué depuis… 1990. Il va recevoir demain la Légion d'honneur des mains Aurélie Filippetti. Cette décoration qui avait suscité une vive polémique au printemps dernier, ne figure pourtant pas à l'agenda officiel de la ministre. Un souci de discrétion dû à l'artiste.
Qu'il soit honoré ou non, qu'il ait un album à promouvoir ou pas, Dylan passe le plus clair de son temps à voyager, flanqué d'un groupe dont la structure n'a guère changé depuis 1988: un combo resserré autour de lieutenants de haut vol comme Tony Garnier (basse) ou Charlie Sexton (guitare). Le guitariste français Freddy Koella fit partie de cet orchestre à l'ancienne entre 2003 et 2004.
Avec eux, Dylan produit une musique telle qu'on aurait pu l'entendre dans un bar louche de n'importe quel bled du Midwest dans les années précédant l'invention du rock'n'roll. À cette différence près qu'il est un de ceux qui, avec quelques autres, ont mis au point le rock moderne dans les années 1960.
Bob Dylan n'a que faire des étiquettes. S'il a passé les dernières décennies à se rendre aussi insaisissable, c'est aussi pour ne pas avoir à répondre aux attentes délirantes d'un public qui a fait de lui l'objet d'une idolâtrie démesurée. Traité de Judas dès 1966 pour être monté sur scène avec une guitare électrique alors qu'il était le symbole du folk engagé, le chanteur n'a eu de cesse de déconcerter depuis, quitte à user la patience des plus patients de ses exégètes.
Phénix du rock
Tout ça parce que Robert Zimmerman, fils d'un vendeur en électroménager du Minnesota, a refusé d'être considéré comme le prophète d'une génération - les hippies - qu'il méprisa avec toute la morgue dont il est capable. Fils spirituel de Woodie Guthrie, il s'est toujours considéré comme le descendant des auteurs de la beat generation, du surréalisme, ou de la poésie de Mallarmé et Rimbaud. Même s'il a abandonné les protest-songs depuis 1964, troquant les paroles à dimension sociale pour des textes personnels et imagés, Dylan continue d'être perçu comme un vieux barde folk s'époumonant dans un harmonica par une frange importante de la population mondiale, qui a préféré le figer dans cette image plutôt qu'essayer de le suivre au gré de ses réinventions successives en rock star provocatrice, père de famille tranquille, apôtre de la tradition ou chroniqueur désabusé de l'Amérique.
En 1978, dans une volte-face spectaculaire, il se présente sur scène entouré d'un grand orchestre avec choristes et arrangements dégoulinants façon Elvis à Las Vegas. Il devient alors un client particulièrement difficile à défendre, y compris par les bataillons de fidèles qui l'avaient jusqu'alors suivi comme le Messie.
À la fin d'une tournée mondiale, ce juif d'origine ukrainienne et lituanienne vire chrétien, ascendant dévot. Les disques qu'il enregistre entre 1979 et 1981, empreints de références bibliques et de sonorités gospel figurent parmi ce qu'il a fait de pire. La décennie 1980 manque de lui être fatale, entre albums surproduits et concerts catastrophiques. Au Live Aid, en juillet 1985, il apparaît titubant et blafard, visiblement pris de boisson lors d'un concert retransmis dans des millions de foyers. Il touche le fond, lors d'une tournée avec les vétérans du Grateful Dead deux ans plus tard, avant de renaître de ses cendres.
Le salut viendra des vieux copains George Harrison et Tom Petty, qui l'enrôleront dans l'aventure aussi éphémère que triomphale des Traveling Wilburys. Après des chansons sans souffle ni inspiration, Dylan signe son retour, dans sa veine acide et pleine d'humour. Et on comprenait encore ce qu'il chantait.
Le sursaut sera encore plus marqué dans une poignée d'albums qu'il aurait pu graver à ses débuts mais qu'il confectionne la cinquantaine venue: deux recueils de chansons traditionnelles enregistrées dans un dépouillement acoustique qui lui permet de retrouver les racines de sa musique.
À l'heure où sort Time out of Mind, en 1997, Bob Dylan est (re)devenu une référence absolue et un des rares vétérans du rock encore capables de faire l'événement à chaque disque. Avec Modern Times, en 2005, il réalise même une des meilleures ventes de sa carrière.
L'intégrale qui sort aujourd'hui - sa première, riche de 41 albums dont 35 en studio - est astucieusement sous-titrée Volume 1.
Où l'on s'aperçoit que même les disques les plus atroces du bonhomme abritent au moins une superbe chanson: Every Grain of Sand(Shot of Love, 1981) Brownsville Girl(Knocked Out Loaded, 1986) ouDeath is not the End(Down in the Groove, 1988).
Des chansons que Dylan est susceptible de faire ressortir de son chapeau, l'air de rien, et que même les plus aguerris mettent trois bonnes minutes à reconnaître.
Bob Dylan,The Complete Album Collection, vol 1 (Legacy/Sony Music).
Olivier Nuc / Le Figaro http://www.lefigaro.fr/musique/2013/11/12/03006-20131112ARTFIG00200-un-dylan-peut-en-cacher-un-autre.php
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Bridget
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Sujet: Re: BOB DYLAN Sam 7 Fév - 11:08
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Bob Dylan rend hommage aux standards chantés par Sinatra.
Le nouvel album de Bob Dylan vient d'atterrir dans les bacs. "Shadows in the Night" est constitué de reprises de 10 standards américains chantés à un moment ou un autre par Frank Sinatra, entre les années 1940 et le début des années 50. Des chansons revisitées de façon dépouillée et garanties sans arrangements de cordes voyants, sans chœurs superflus et surtout sans crooning.
Tirer des chansons de l'oubli
Ne vous faites pas d'idées. Il ne s'agit pas de reprises, explique Bob Dylan sur son site, mais de"sortir de la tombe" ces chansons "reprises de multiples fois" et de "les amener à la lumière du jour". De fait, il n'y a pas de tubes évidents sur ce disque. La plupart sont des chansons peu connues, qui plus-est de ce côté-ci de l'Atlantique, des petits bijoux tirés de l'oubli comme "Why Try To Change Me Now", "Some Enchanted Evening" ou "Full Moon and Empty Arms".
Des reprises ou de vieux bijoux, ok. Mais de Sinatra, symbole de l'ordre établi à renverser lorsque le poète de la contre-culture débuta ? "Non, mes fans ne devraient pas être surpris", assure Dylan dans la seule et unique interview qu'il a accordée pour défendre cet album.
Il rappelle qu'il a en effet déjà chanté plusieurs de ces standards sur scène au long des années. Et que "ce fut un vrai privilège de travailler sur cet album" qui lui tenait à coeur depuis longtemps. "J'aime juste ces chansons, je peux me connecter avec elles", explique-t-il. "Et j'espère que les gens pourront s'y connecter de la même façon".
Des versions dépouillées, expressives
Le héros de la folk ne s'en cache pas, il est un admirateur fervent de Sinatra, "cette montagne à gravir" à laquelle aucun chanteur "n'arrive à la cheville", "ni moi, ni aucun autre".
De fait, Dylan n'essaye surtout pas ici de se mesurer à Sinatra. Il tente plutôt de rendre un hommage amoureux à ces standards d'un autre âge, celui de son enfance. Pour se réapproprier ces chansons rétro et romantiques à sa façon, totalement dépouillée, acoustique et folk, il s'est entouré de cinq musiciens dont un à la pedal steel guitar et un autre à la contrebasse. Un écrin tout en délicatesse en lieu et place d'un fastueux grand orchestre. Le tout enregistré live en une, voire deux prises.
Au micro, sa voix nasillarde et éraillée, patinée par le temps, est plus expressive que jamais, épousant les nuances et les sentiments des chansons, avec une charmante tentative de crooning sur "Why try to change me now".
Dylan pense que le crooner de Hoboken aurait approuvé son album. "Je pense que tout d'abord il serait étonné que j'aie pu faire ces chansons avec un groupe de cinq musiciens. Je pense qu'il serait fier, d'une certaine façon."
En tout cas, la critique anglo-saxonne, de Rolling Stone au Guardian est unanime : ce disque est une réussite.
Shadows In The Night Tracklist:
1. I’m A Fool To Want You 2. The Night We Called It A Day 3. Stay With Me 4. Autumn Leaves 5. Why Try To Change Me Now 6. Some Enchanted Evening 7. Full Moon And Empty Arms 8. Where Are You 9. What’ll I Do 10. That Lucky Old Son
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Bridget
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Sujet: Re: BOB DYLAN Dim 20 Sep - 15:42
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Un petit miracle Bob Dylan à la Comédie-Française
Le rock entre à la Comédie-Française. Pas dans la salle Richelieu – il ne faut pas , mais dans celle du Studio-Théâtre, sous le carrousel du Louvre. Et avec lui, c’est un sacré coup d’air frais qui s’engouffre, après les années Muriel Mayette, l’ancienne administratrice. Eric Ruf, le nouvel administrateur de la maison, n’a pas raté son coup en lançant sa saison, mardi 15 septembre, avec « Comme une pierre qui…, »le spectacle de Marie Rémond et Sébastien Pouderoux, qui s’impose d’ores et déjà comme le coup de cœur de la rentrée théâtrale.
En arrivant, on ne le reconnaît pas, ce Studio-Théâtre : sur le plateau, il y a une batterie, des guitares électriques et acoustiques, un piano, et le capharnaüm d’une session d’enregistrement.
16 juin 1965, Studio A de Columbia Records, New York. Bob Dylan met en boîte Like a Rolling Stone. Et la face du rock’n’roll va en changée, définitivement.
L’épisode, historique, a été raconté par le critique américain Greil Marcus dans son livre Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins. Il a inspiré à Marie Rémond ce spectacle, qu’elle a conçu avec Sébastien Pouderoux, mix de concert et de représentation théâtrale, on ne peut plus vivant et drôle, qui parle sans avoir l’air d’y toucher de ce qu’est la création artistique.
Foirage en règle
Car au vu de l’atmosphère qui règne dans le studio, tous les ingrédients étaient réunis pour un foirage en règle. Les musiciens, en l’espèce le guitariste Mike Bloomfield (joué par Stéphane Varupenne), le batteur Bobby Gregg (Gabriel Tur) et le pianiste Paul Griffin (Hugues Duchêne) ne se connaissent pas. Seul Bloomfield connaît Dylan, les autres ne l’ont jamais vu.
S’ajoutent à eux le jeune Al Kooper (Christophe Montenez), supposément guitariste, mais qui sera collé à l’orgue, instrument dont il n’a jamais joué auparavant, par Bloomfield et Dylan, au grand dam de Griffin.
Quant au génie, il se fait attendre. Quand il apparaît enfin (incarné par Sébastien Pouderoux), il ne s’exprime qu’en soufflant des notes sur son harmonica, langage que Bloomfield doit traduire en propos articulés à l’intention de camarades.
Comment naît un chef-d’œuvre ? Le spectacle met en abyme la part d’impondérable et de hasard, de génie, l’alchimie mystérieuse qui, à un moment, se cristallise sans qu’on sache très bien pourquoi. Car tout va mal, ce jour de 1965.
Dylan n’est pas en forme, il traverse une crise, d’aucuns le disent fini. Bobby Gregg apprend, au cours de la journée, que sa femme le plaque. Paul Griffin, qui vient du classique, déserte le plateau, excédé par tant de laisser-aller.
Quant à Tom Wilson (Gilles David), le producteur, il est persuadé qu’il va se faire virer illico de chez Columbia avec cette chanson de six minutes qui contrevient à ce point aux codes commerciaux et aux conventions artistiques de son époque.
Un Dylan habité de l’intérieur
Voilà ce que met en scène Comme une pierre qui… : les tentatives qui ratent les unes après les autres, la reprise, la répétition, jusqu’au miracle, enfin, qui advient en direct sur le plateau, tel que recréé, fort bien, par le formidable boys band des comédiens du Français.
Ils sont vraiment à leur affaire, aussi bien en termes de jeu théâtral que musical, et leur plaisir, évident, leur énergie, éclatent dans ce dernier moment où se reproduit le secret des grands moments du rock – et du théâtre : savoir être totalement dans l’instant présent, ensemble.
Quant à Sébastien Pouderoux, qui s’impose décidément comme un des meilleurs acteurs de sa génération, il est tout simplement stupéfiant en Dylan. Pas un Dylan qui chercherait à singer son modèle, comme dans les biopics, mais un Dylan habité de l’intérieur, dans ses doutes, sa poésie, son humour, aussi. Alors on les réentend comme jamais, les paroles de cette sacrée chanson, cinquante ans après sa création : « How does it feel/To be on your own/With no direction home/Like a complete unknown/Like a rolling stone ».
Comme une pierre qui…[/i], d’après Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de Greil Marcus (Galaade Editions). Adaptation et mise en scène : Marie Rémond, avec Sébastien Pouderoux. Comédie-Française, Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre,
Fabienne Darge.
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Bridget
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Sujet: Re: BOB DYLAN Sam 17 Oct - 23:03
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Bob Dylan, naissance d'un mythe
En concert le 18 et 19 octobre prochain à Paris, le chanteur sort un coffret lié aux années 1965-1966, lorsqu'il changea le visage du rock.
Il est passé par la France cet été, dans le cadre assez inattendu du Festival de Poupet, en Vendée. Une date isolée au beau milieu du Never Ending Tour, qui le voit sillonner le monde sans discontinuer depuis 1988.
Provoquant irrémédiablement les commentaires de spectateurs surpris de découvrir que Bob Dylan ne s'adresse jamais au public entre les chansons, qu'il prend la liberté de transformer ses titres jusqu'à les rendre méconnaissables et qu'il s'octroie le droit de ne pas reprendre les plus grands standards de son répertoire. S'il est de la même génération que les Rolling Stones, Dylan approche son métier d'une manière diamétralement opposée. Pas de grand show pyrotechnique pour lui, mais une approche qui évoque l'ambiance des clubs traditionnels de l'Amérique profonde. S'il passe sa vie à donner des concerts, il n'a rien d'une bête de scène rock'n'roll. Mais continue de n'en faire qu'à son bon vouloir, caché derrière sa moustache fine et son chapeau à larges bords.
Qui peut dire ce qui attend le public qui se pressera au Palais des sports dimanche 18 pctobre et lundi 19 octobre au soir? Des reprises de chansons folk traditionnelles, des extraits de Shadows in the Night, album de reprises de chansons interprétées par Sinatra, des morceaux obscurs de son propre répertoire? Sans doute un peu de tout cela, mais certainement pas le tunnel d'incontournables que l'exégète serait en droit d'espérer.
Il en est ainsi depuis cinquante ans, lorsque celui qui était le chantre du folk contestataire décida d'empoigner une guitare électrique et de jouer avec un groupe complet. C'est le 25 juillet 1965, dans le cadre du Festival de Newport, que Dylan fit scandale, provoquant l'ire des tenants de la tradition du protest song. Quelques jours avant, Like a Rolling Stone, single révolutionnaire, était sorti, marquant une césure irrémédiable avec les intégristes. Lesquels ignoraient que le musicien revenait là à ses premières amours, le rock'n'roll.
Bob Dylan enchaîne en quatorze mois les chefs-d'œuvre que sont «Bringing it All Back Home», «Highway 61 Revisited» et «Blonde on Blonde». À l'issue de ces séances de studio qui influenceront des milliers d'artistes, il n'a que 25 ans
Le 21 juillet dernier, dans le cadre du Bag O'Nails, club historique du cœur de Londres, l'entourage de l'artiste dévoilait le contenu du douzième volume des Bootleg Series. Diffusés depuis 1991, ces albums mettent en lumière des périodes clés de la carrière du chanteur, via des enregistrements inédits permettant de comprendre la genèse de ses plus grands chefs-d'œuvre. La rumeur annonçait un volume consacré à Blood on the Tracks, album célébré de 1975. En réalité, dans le plus grand secret, l'équipe d'archivistes préparait un coup plus fumant encore: les coulisses du virage électrique de 1965-1966. Soit la période charnière pendant laquelle Dylan se réinvente complètement, enchaînant en quatorze mois les chefs-d'œuvre que sont Bringing it All Back Home, Highway 61 Revisited etBlonde on Blonde. À l'issue de ces séances de studio qui révolutionnent le rock en influençant des milliers d'artistes, Bob Dylan n'a que 25 ans!
Entre son arrivée à New York en janvier 1961 et le début du travail sur cette trilogie, le chanteur a gravi les échelons de la notoriété. En s'affranchissant du mouvement pour les droits civiques, il cultive l'ambition de combiner la poésie, dont il est un grand lecteur, à la pulsation du rock. Après avoir passé en revue ses nouvelles chansons à la guitare sèche et à l'harmonica en une journée, Dylan décide d'incorporer d'autres instruments sur certaines d'entre elles.
Une transition en douceur
Six mois avant la version des Byrds qui marquera le début du mouvement folk rock, il essaie d'intégrer une batterie à Mr Tambourine Man. En vain. «Cette batterie me rend fou», l'entend-on s'écrier dans une version de travail inédite du titre.
À l'arrivée, Bringing It All Back Homes'articulera autour de deux faces: l'une acoustique, l'autre électrique. Une manière d'opérer une transition en douceur avant le choc opéré par Highway 61 Revisited, premier disque 100 % rock de l'artiste, quelques mois plus tard. Dylan a convoqué le jeune génie de la guitare blues américaine Mike Bloomfield, qu'il a repéré dès 1962.
Paradoxal, il lui demande de ne pas jouer de «trucs à la B. B. King», ces tirés de cordes dont Bloomfield a justement fait sa signature sonore. Sur le morceau-titre de l'album, Dylan s'amuse avec un sifflet de police, avec l'enthousiasme d'un enfant qui ne quitte pas son nouveau jouet. Mais c'est sur l'enregistrement de la pièce maîtresse, Like A Rolling Stone, qu'il applique sa méthode, autorisant la partie d'orgue du guitariste Al Kooper à figurer dans l'arrangement, dépassant allégrement le format des tubes de l'époque et figurant un texte cryptique. La chanson deviendra un emblème, détrônant Blowin'in the Wind, qui n'a pourtant été écrite que trois ans auparavant.
Bob Dylan va alors très vite. Trop vite peut-être. Le remarquable documentaire Don't Look Back, réalisé par D. A. Pennebaker, montre la frénésie avec laquelle il tape ses textes à la machine, entre deux concerts. En tournée, avec le renfort bruyant des Canadiens de The Band, il se fait huer copieusement. On l'accuse d'avoir vendu son âme en troquant son inspiration sociale pour les images surréalistes et les arrangements percutants de son nouveau répertoire. Ce qui l'encourage à aller encore plus loin sur Blonde on Blonde, perle de sa discographie.
Amorcé lors de séances de travail au studio Columbia de New York, le disque sera achevé à Nashville. En ce début d'année 1966, Dylan est le premier chanteur rock à y enregistrer. L'énergie de The Band ne convient pas sur des pièces comme Visions of Johanna. Il leur substitue des cadors de studios, âgés de quelques années de plus que lui, nommés Charlie McCoy ou Hargus Robbins. Robbie Robertson sauve sa place de guitariste, Kooper reprend l'orgue, Dylan invente un nouveau langage.
Décliné en multiples formats, l'album The Cutting Edge (sortie le 6 novembre) offre un point de vue incomparable sur la construction dylanienne. En deux CD pour les plus timides, six pour les amateurs et dix-huit pour les inconditionnels, les secrets de fabrication d'un mythe sont enfin dévoilés.
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Sujet: Re: BOB DYLAN Jeu 13 Oct - 14:02
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Bob Dylan, prix Nobel de littérature 2016
Le prix Nobel de littérature 2016 est décerné à Bob Dylan, 75 ans, «pour avoir créé dans le cadre de la grande tradition de la musique américaine de nouveaux modes d’expression poétique », a annoncé la secrétaire générale de l’Académie suédoise, Sara Danius. L’Américain, premier musicien a être récompensé par l’Académie depuis la création du prix en 1901, succède à la Biélorusse Svetlana Alexievitch
« Bob Dylan écrit une poésie pour l’oreille », a expliqué Mme Danius à la télévision publique SVT, affirmant que les membres de l’Académie avaient manifesté « une grande cohésion » dans ce choix.
Une histoire de l’Amérique à lui seul
Dylan est une histoire de l’Amérique à lui seul, synthétisant dans son œuvre, la poésie surréaliste de la beat generation, l’austérité militante du folk, la complainte du blues, l’énergie révoltée du rock et la chronique de la vie quotidienne propre à la country.
Présenté par l’Académie suédoise comme une « icône », la légende du folk a sorti son 37e album, Fallen Angels, en mars 2016. A l’occasion d’une cérémonie de remise de trophées, organisée en 2015, l’auteur-compositeur était revenu sur son parcours :
« Les chansons ne sont pas apparues par magie, je ne les ai pas fabriquées à partir de rien. J’ai appris à écrire des paroles en écoutant des chansons folk. Et je les ai jouées (…) je n’ai rien chanté d’autre que des folk songs, et elles m’ont ouvert le code pour tout ce qui est de bonne chasse, tout ce qui appartient à tout le monde. »
A cette occasion, il avait aussi défendu sa voix : « les critiques disent que je mutile mes mélodies, que je rends mes chansons méconnaissables. Vraiment ? (…) Sam Cooke [chanteur de rhythm’n’blues à la voix d’ange] a répondu ceci quand on lui a dit qu’il avait une belle voix : “c’est très gentil à vous, mais les voix ne doivent pas être jugées en fonction de leur joliesse. Elles ne comptent que si elles vous convainquent qu’elles disent la vérité” ».
Depuis des années, le nom de Bob Dylan revenait souvent mais peu d’experts s’attendaient à ce que l’Académie franchisse le pas de récompenser un chanteur aussi populaire que lui. Né le 24 mai 1941, à Duluth, dans le Minnesota, l’artiste a grandi dans une famille juive de la classe moyenne. C’est le premier américain à obtenir le prix Nobel de littérature depuis Toni Morrison, en 1992.
Il a la vingtaine lorsqu’il sort « Blowin’ in the Wind » (1963) et « The Times They Are A-Changin » (1964). Deux albums qui deviendront des hymnes pour le mouvement des droits civiques. Décidément habitué à être là où ne l’attend pas, Boby Dylan a aussi reçu en 2008 le prix Pulitzer, qui récompense traditionnellement des travaux journalistiques.
Il avait été distingué, selon les mots du jury, « pour son profond impact sur la musique populaire et la culture américaine, à travers des compositions lyriques au pouvoir poétique extraordinaire ».
Le prix Nobel s’accompagne d’une récompense de huit millions de couronnes suédoises (822 000 euros).
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Sujet: Re: BOB DYLAN Sam 10 Juin - 0:16
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Bob Dylan reçoit son prix Nobel sur une note d’Homère
L’artiste a enregistré un monologue d’une trentaine de minutes, façon piano-bar, transmis in extremis à l’Académie suédoise.
Le chanteur américain avait jusqu’au 10 juin pour transmettre à l’académie suédoise son discours de réception, faute de quoi la récompense de 8 millions de couronnes suédoises (837 000 euros) lui aurait échappé. La secrétaire perpétuelle de l’institution, Sara Danius, a annoncé, lundi 5 juin, que le lauréat s’était exécuté, en qualifiant le résultat, mis en ligne, d’« extraordinaire et, comme on pouvait s’y attendre, éloquent ».
Une question portait sur la forme de ce discours puisqu’il avait été précisé qu’il pouvait être de tout ordre, par exemple un enregistrement audio, voire une chanson, solution qui semblait la plus appropriée pour le barde du Minnesota. Celui-ci en avait d’ailleurs composé une en 1970, Days of The Locusts (« Le Jour des criquets »), pour exprimer son embarras et son ennui lors d’une cérémonie à l’université de Princeton (New Jersey), qui l’avait fait docteur honoris causa. « Pas malheureux d’être sorti de là vivant », chantait-il.
Humilité et excuse
Pas de mauvais esprit cette fois-ci. Dylan, qui a eu récemment 76 ans, a gravé une lecture de près d’une demi-heure dans un studio de Los Angeles. « Quand j’ai reçu le prix Nobel de littérature, je me suis demandé quel était précisément le lien entre mes chansons et la littérature, énonce-t-il en préambule d’une voix articulée. Je voulais y réfléchir et examiner la connexion. Je vais tenter ici de l’exprimer clairement. Ce sera probablement de façon détournée, mais j’espère que ce que je dis sera digne d’intérêt et réfléchi. » Humilité et excuse, au passage, pour l’attente. Quelques notes s’ajoutent, donnant à l’exercice l’aspect d’un monologue de piano-bar.
La suite est dans le droit fil de ce récit d’apprentissage qu’était le premier volume de ses Chroniques (Fayard, 2005). Au commencement, pour Dylan, il y a Buddy Holly, ce « grand frère » qui a « entrelacé les branches » des musiques avec lesquelles Robert Zimmerman a grandi : country, rock’n’roll, rhythm’n’ blues. Le fan se souvient de l’unique concert du binoclard texan auquel il ait assisté, en 1959, quelques jours avant la mort (à l’âge de 22 ans) du pionnier du rock : « Il m’a regardé droit dans les yeux et a transmis quelque chose. »
Et Dylan d’enchaîner sur la découverte du bluesman Leadbelly, puis du patrimoine folk, ce qu’il nomme le « vernaculaire », les mythes de l’americana, comme celui du meurtrier Stagger Lee. Les grands thèmes de la littérature n’ont cessé également de nourrir ses chansons. Il s’arrête sur trois livres, dont la lecture remonte à l’école primaire, qui lui ont enseigné « une vision de l’existence » et une « compréhension de la nature humaine » : Moby Dick, A l’Ouest, rien de nouveau et l’Odyssée.
Fondateur, le chef d’œuvre de Melville l’est pour son brassage de mythes bibliques, hindous, britanniques, grecs… Dylan cite cette phrase d’Achab, dont l’écho a tant traversé ses chansons : « Tous les objets visibles ne sont que des masques de carton. » Quant au roman d’Erich Maria Remarque sur les tranchées de la première guerre mondiale, il lui a fait perdre son « enfance ». Une expérience définitive puisque le lecteur ajoute : « Je n’ai jamais voulu lire un autre roman de guerre, et je ne l’ai jamais fait. » Plutôt que d’associer une de ses chansons, comme Masters of War, Dylan établit un parallèle avec You Ain’t Talkin’ To Me, du banjoïste Charlie Poole (1892-1931), et son couplet parlant d’une campagne de recrutement : « Tu rencontreras des gens intéressants et tu apprendras aussi à les tuer. »
Reste l’Odyssée. L’auteur d’Open The Door, Homer et de Temporary Like Achilles rappelle classiquement que les péripéties d’Ulysse sont universelles et conclut habilement en évoquant le destin d’Achille, qui aurait préféré être esclave d’un fermier que souverain des morts. « Nos chansons existent sur la terre des vivants, plaide Dylan, avant de mettre un terme au débat qu’a soulevé son prix. Elle se distinguent de la littérature. Elle sont faites pour être chantées, pas pour être lues. » Et il laisse le mot de la fin à l’aède aveugle, dont les épopées furent transmises par l’oralité : « Chante en moi, ô Muse et, à travers moi, raconte l’histoire. »
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Sujet: Re: BOB DYLAN Dim 7 Juil - 14:46
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« Rolling Thunder Revue » : Scorsese illumine les labyrinthes de Dylan
Dans un documentaire qui se mêle à la fiction, diffusé sur Netflix, le cinéaste poursuit brillamment son travail de portraitiste du troubadour.
De Mean Streets (1973) à Silence (2016), Martin Scorsese a eu le titre laconique. S’il ouvre le générique de son nouveau film d’une formule grandiloquente – Rolling Thunder Revue : a Bob Dylan Story by Martin Scorsese –, rendue en caractères généralement réservés aux affiches de cirque, ce n’est pas seulement pour se fondre dans l’ambiance de carnaval de son sujet, la tournée emmenée par Bob Dylan sur les routes du nord-est des Etats-Unis, à l’automne 1975. C’est aussi un avertissement, que l’on oubliera, le temps de se laisser emporter par le flux de la musique et des images de la Rolling Thunder Revue, qui comptent parmi les plus belles qu’ait engendrées le rock.
Une fois le film terminé, revenu au XXIe siècle, les détails de ce que l’on vient de voir commencent à s’agencer et l’on comprend mieux pourquoi Scorsese a tenu à employer le mot de « story » et pas celui d’« history ».
Déjà auteur d’un documentaire-fleuve sur les premières années de la carrière de Bob Dylan (No Direction Home, 2005), le cinéaste s’est rendu à l’évidence qui a déjà aveuglé Todd Haynes quand il a entrepris de peindre l’auteur de Highway 61 Revisited dans I’m Not There (2007) : seule la fiction peut conduire à la vérité – ou au moins à l’une des vérités – de Bob Dylan. Ou, comme l’incarnation contemporaine de celui-ci (un vieillard de 77 ans au regard d’une aveuglante clarté) le dit, face à la caméra : « Si quelqu’un porte un masque, il dira la vérité ; s’il ne porte pas de masque, c’est très improbable. »
Petits fragments de fiction
Entre une version incandescente de la chanson The Lonesome Death of Hattie Carroll, un dialogue entre Bob Dylan et Allen Ginsberg et un témoignage de Sam Shepard, Scorsese a donc disposé de petits fragments de fiction, souvent imperceptibles, qui lui servent à assembler les morceaux d’une réalité évanouie, celle qu’a traversée l’un des artistes majeurs de son temps, six mois après la chute de Saïgon, un an avant l’explosion punk.
En janvier 1975, Bob Dylan a publié l’un de ses plus beaux albums, Blood on the Tracks, vendu à des millions d’exemplaires. L’année précédente, il avait déplacé des centaines de milliers de spectateurs au long d’une tournée avec The Band. Il peut prendre sa place dans les rangs de la caste des milliardaires du rock alors en voie de constitution, aux côtés des Eagles, de Led Zeppelin ou d’Elton John.
Mais il est Bob Dylan et plutôt que de négocier des contrats publicitaires comme commencent à le faire les artistes de sa génération, il revient traîner sur les lieux de ses premiers crimes, dans les clubs de Greenwich Village, à Manhattan. On y entend toujours des chanteurs de folk, comme Ramblin’Jack Elliott (le fils d’un dentiste juif qui s’était fait vagabond et marin de fortune), mais on y découvre aussi une jeune poétesse enflammée qui se fait accompagner par une guitare électrique saturée, Patti Smith. On la voit montrant une image de Rimbaud à Dylan, on l’entend expliquer à son aîné (de cinq ans, seulement) qu’elle aime faire passer le poète pour son petit ami auprès des ignorants.
Au lieu de retourner dans les palais des sports avec un groupe reconnu, Dylan voulait emmener une bande d’amis et des connaissances dans des petites salles
S’il s’est trouvé un opérateur pour saisir ce moment, c’est que Bob Dylan avait une idée assez précise de son emploi du temps à venir. Au lieu de retourner dans les palais des sports avec un groupe reconnu, il voulait emmener une bande d’amis et des connaissances dans des petites salles, équipements communaux, cinémas désaffectés et même une salle de mah-jong, et profiter du périple pour réaliser un film de fiction.
C’est ainsi que naquirent la Rolling Thunder Revue et Renaldo et Clara (1978). La tournée est restée dans l’histoire : l’album Desire, sorti juste après sa conclusion, a été enregistré par une partie des musiciens de la Revue, deux enregistrements, Live 1975 et Hard Rain en témoignent.
Renaldo et Clara a été avalé par un trou noir. Film-fleuve de quatre heures, il n’est resté que quelques jours sur les écrans américains, le temps d’être vilipendé par la critique. On en trouve des lambeaux de mauvaise qualité sur Internet, qui donnent une idée de cette course décousue qui entraîne un couple, Renaldo (Bob Dylan) et Clara (Sara Dylan), vers la rupture. Dirigé par Dylan, écrit au fil des jours par Sam Shepard (qui avait pour consigne « de ne pas faire de scénario »), Renaldo et Clara est pour Scorsese un magasin dans lequel il puise pour raconter son histoire imaginaire de la Rolling Thunder Revue. Joan Baez rappelant à Dylan le temps où il écrivait des chansons « à la vitesse d’un téléscripteur » avant de lui reprocher de l’avoir quittée ? Pure fiction.
Entre mémoire et fantaisie
A ce matériau exhumé, Scorsese ajoute des personnages contemporains qui se tiennent sur le seuil entre mémoire et fantaisie. Sharon Stone, native de la Nouvelle-Angleterre que sillonnait la Rolling Thunder Revue, ajoute à sa légende en évoquant/inventant un souvenir illustrant la légendaire cruauté de Bob Dylan. Le membre du Congrès Jack Tanner, démocrate proche de Jimmy Carter, témoigne des débuts des efforts de l’establishment pour faire du musicien le poète national, et l’on voit Carter recevoir Dylan à la Maison Blanche, en 1977. Mais Jack Tanner n’a d’autre existence que celle que lui a donnée Robert Altman dans une série télévisée (Tanner’ 88) et l’homme qui déroule ses souvenirs d’un concert à Niagara Falls (Etat de New York) est l’acteur qui tenait ce rôle, Michael Murphy.
Le cinéaste néerlandais irascible que Dylan aurait embauché est en fait le comédien d’origine allemande (et époux de Bette Midler) Martin von Haselberg, et le businessman qui aurait perdu sa chemise lors de la tournée, l’actuel patron de la Paramount, James Gianopulos.
Ces illusions ont leur place dans l’univers éphémère qui est né autour de la Rolling Thunder Revue. D’ailleurs, sans avertissement préalable, on ne les distinguera pas d’autres moments de magie : la visite que rendent Dylan et Ginsberg à la sépulture de Jack Kerouac, la rencontre avec les Iroquois de la réserve de Niagara (pendant laquelle Dylan interprète la chanson que Pete Seeger a dédiée à Ira Hayes, le héros amérindien de la bataille d’Iwo Jima).
L’histoire que raconte Martin Scorsese est celle d’un artiste qui, au moment de rentrer dans le rang, fait un pas de côté et ressuscite un idéal – celui des années 1960
On verra même Dylan subjugué par un concurrent. A rebours de la séquence de Don’t Look Back, le documentaire que D. A. Pennebaker avait tourné en 1965, dans laquelle il humiliait le musicien Donovan, il cède le cadre à Joni Mitchell qui dévoile une première version de Coyote, que lui a inspirée la fermentation musicale et amoureuse générée par la Revue.
L’histoire que raconte Martin Scorsese est celle d’un artiste qui, au moment de rentrer dans le rang, fait un pas de côté et ressuscite un idéal – celui des années 1960 – alors même que l’on s’apprête à l’enterrer. Cette révolte fugace a permis à Dylan d’éviter la reddition, de préserver son œuvre, passée et à venir, et de continuer à avancer, « masqué et anonyme », quelques pas en avant de la foule.
Avec cette chronique en trompe-l’œil, Scorsese ajoute un chapitre flamboyant à la légende de Dylan et, dans le même mouvement, un film joyeux et troublant à sa filmographie.
« Rolling Thunder Revue : a Bob Dylan Story by Martin Scorsese », documentaire américain de Martin Scorsese. Avec Bob Dylan, Joan Baez, Sharon Stone, Patti Smith, Sam Shepard (2 h 22). Sur Netflix.
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Sujet: Re: BOB DYLAN Sam 28 Mar - 23:46
. Dans la nuit de jeudi à vendredi, Dylan, probablement confiné dans sa demeure de Point Dume surplombant la Californie et la plage de Zuma Beach, où s’échoua la statue de la Liberté dans le film La Planète des Singes de 1968, a décidé de nous gratifier d’une “chanson jamais sortie”, qu’il aurait “enregistrée il y a un moment maintenant” et que nous pourrions “trouver intéressante”, dixit le communiqué de presse.
Murder Most Foul, puisque c’est le titre de cette chanson, est le premier titre “original” de Bob Dylan paru depuis 2012 et la sortie de l’album Tempest, dont la pochette rouge écarlate faisait écho aux éclaboussures d’hémoglobine de son morceau climax, Pay In Blood.
Outre l’aspect comptable et factuel de cette information, on notera que Dylan n’a sorti depuis que (et c’est un “que” qu’il ne faut pas prendre de façon péjorative) des disques de reprises de standards de la musique populaire américaine – Shadows in the Night (2015), Fallen Angels (2016) et Triplicate (2017) –, tandis que Jeff Rosen, son manager, poursuit encore et toujours son travail de publication des Bootleg Series – le dernier en date, Travelin’Thru, 1967-1969, retraçait sa période nashvillienne.
On l’aura donc compris, la sortie surprise de cette nouvelle pièce du puzzle Dylan est un petit évènement dans un monde qui se dépeuple à mesure que la grande épidémie du siècle gagne du terrain. Et semble même tomber à point nommé, si l’on considère le potentiel exégétique de cette ballade sans refrain de 16 minutes et 54 secondes qu’est Murder Most Foul, sur laquelle planent les fantômes d’un siècle, le Vingtième, que Bob aura traversé le front marqué au fer rouge de la mention “craignez l’Apocalypse”, sans qu’on ne le prenne pour autre chose qu’un troubadour inspirant.
Introduit par le souffle langoureux d’un violoncelle et les notes d’un piano sur lesquelles se repose clopin-clopant la voix décharnée, mais étrangement compréhensible, de Dylan, Murder Most Foul gagne en mysticisme grâce aux percussions lointaines, ponctuées par des coups de cymbales free, qui confèrent à cette élégie d’un temps enseveli une dimension crépusculaire et testamentaire. Dès les premiers vers, Bob évoque 1963 et l’assassinat de JFK, comparant cet acte marqué du sceau de l’infamie à un sacrifice biblique, avant de retracer l’histoire des grands mouvements populaires qui ont traversé les sixties : les Beatles (“The Beatles are coming / They’re gonna hold your hand”), Woodstock (“I'm going to Woodstock / It’s the Aquarian Age”), le Tommy des Who, le festival d'Altamont (“Then, I'll go to Altamont / And sit near the stage”).
Requiem pour le XXe siècle
Ironie du sort, quand on situe symboliquement la fin des utopies sixties au moment du bain de sang ayant eu lieu lors du festival organisé par les Rolling Stones en 1969 (un jeune Noir, Meredith Hunter, a été poignardé à mort lors de la prestation des Stones) et le meurtre de Sharon Tate par la clique défoncée de Charlie Manson, Dylan, lui, fait débuter le bouleversement de l’ordre des choses dès les prémices de cette décennie maudite avec l'exécution de Kennedy : “The day that they killed him, someone said to me / Son The age of the Antichrist has only begun”, chante-t-il un peu après avoir pris acte du non-sens de partir en quête de la vérité, dans une Amérique de l'ombre acquise à la cause de l’argent : “What is the truth, and where did it go ? / Ask Oswald and Ruby / They oughta know / ‘Shut your mouth’, said the wise old owl / Business is business, and it's a murder most foul.”
Puis, tandis qu’il semble observer le monde en flamme du point de vue du siège arrière de ses nombreuses voitures comme le personnage principal du Cosmopolis de Don Dellilo : “I'm riding in a long, black limousine / Riding in the backseat next to my wife”, ou encore : “Play it for me in my long Cadillac”, Dylan se met à psalmodier au mitan de sa chanson, précipitant des notes de piano qui dégringolent et suppliant Wolfman Jack (légendaire dj américain dont le vrai nom est Robert Weston Smith), de lui jouer les morceaux des artistes les plus iconiques du siècle dernier comme des prières à destination des figures populaires américaines sacrifiées : “Play John Lee Hooker. Play Scratch My Back / Play it for that strip club owner named Jack / Guitar Slim going down slow / Play it for me and for Marilyn Monroe”.
Au bout de la route, le Zim referme en l’an 79 après Bob Dylan, l’un des grands chapitres du livre des temps modernes, enjoignant ce bon vieux Wolfman Jack à passer Murder Most Foul, dans un geste ultime de rédemption. En filigrane, le vieil homme nous dit que l’histoire de l’Amérique, c’est d’abord l’histoire de l’héritage de la violence.
L’occasion de se rappeler de cette phrase d’un pote de Lester Bangs probablement sous acide : “John Stuart Mill n’aurait pas pu faire du rock, mais Dylan aurait pu écrire Essai sur l’entendement humain. Sauf qu’il aurait appelé ça Like a Rolling Stone” (sic).
Murder Most Foul
It was a dark day in Dallas, November '63 A day that will live on in infamy President Kennedy was a-ridin' high Good day to be livin' and a good day to die Being led to the slaughter like a sacrificial lamb
He said, "Wait a minute, boys, you know who I am?" "Of course we do, we know who you are!" Then they blew off his head while he was still in the car Shot down like a dog in broad daylight Was a matter of timing and the timing was right You got unpaid debts, we've come to collect We're gonna kill you with hatred, without any respect We'll mock you and shock you and we'll put it in your face We've already got someone here to take your place The day they blew out the brains of the king Thousands were watching, no one saw a thing It happened so quickly, so quick, by surprise Right there in front of everyone's eyes Greatest magic trick ever under the sun
Perfectly executed, skillfully done Wolfman, oh wolfman, oh wolfman howl Rub-a-dub-dub, it's a murder most foul
Hush, little children, you'll understand The Beatles are comin', they're gonna hold your hand Slide down the banister, go get your coat Ferry 'cross the Mersey and go for the throat There's three bums comin' all dressed in rags Pick up the pieces and lower the flags I'm goin' to Woodstock, it's the Aquarian Age Then I'll go to Altamont and sit near the stage Put your head out the window, let the good times roll There's a party going on behind the Grassy Knoll Stack up the bricks, pour the cement Don't say Dallas don't love you, Mr. President
Put your foot in the tank and then step on the gas Try to make it to the triple underpass Blackface singer, whiteface clown Better not show your faces after the sun goes down Up in the red light district, they've got cop on the beat Living in a nightmare on Elm Street When you're down on Deep Ellum, put your money in your shoe Don't ask what your country can do for you Cash on the ballot, money to burn Dealey Plaza, make a left-hand turn I'm going down to the crossroads, gonna flag a ride The place where faith, hope, and charity lie Shoot him while he runs, boy, shoot him while you can
See if you can shoot the invisible man Goodbye, Charlie! Goodbye, Uncle Sam! Frankly, Miss Scarlett, I don't give a damn What is the truth, and where did it go? Ask Oswald and Ruby, they oughta know "Shut your mouth," said a wise old owl Business is business, and it's a murder most foul
Tommy, can you hear me? I'm the Acid Queen I'm riding in a long, black Lincoln limousine Ridin' in the backseat next to my wife Headed straight on in to the afterlife I'm leaning to the left, I got my head in her lap Hold on, I've been led into some kind of a trap Where we ask no quarter, and no quarter do we give We're right down the street, from the street where you live
They mutilated his body and they took out his brain What more could they do? They piled on the pain But his soul was not there where it was supposed to be at For the last fifty years they've been searchin' for that Freedom, oh freedom, freedom over me I hate to tell you, mister, but only dead men are free Send me some lovin', then tell me no lie Throw the gun in the gutter and walk on by Wake up, little Susie, let's go for a drive Cross the Trinity River, let's keep hope alive Turn the radio on, don't touch the dials Parkland hospital, only six more miles You got me dizzy, Miss Lizzy, you filled me with lead
That magic bullet of yours has gone to my head I'm just a patsy like Patsy Cline Never shot anyone from in front or behind I've blood in my eye, got blood in my ear I'm never gonna make it to the new frontier Zapruder's film I seen night before Seen it thirty-three times, maybe more It's vile and deceitful, it's cruel and it's mean Ugliest thing that you ever have seen They killed him once and they killed him twice Killed him like a human sacrifice The day that they killed him, someone said to me, "Son The age of the Antichrist has just only begun" Air Force One comin' in through the gate Johnson sworn in at 2:38 Let me know when you decide to throw in the towel It is what it is, and it's murder most foul
What's new, pussycat? What'd I say? I said the soul of a nation been torn away And it's beginning to go into a slow decay And that it's thirty-six hours past Judgment Day Wolfman Jack, he's speaking in tongues He's going on and on at the top of his lungs Play me a song, Mr. Wolfman Jack Play it for me in my long Cadillac Play me that "Only the Good Die Young" Take me to the place Tom Dooley was hung Play "St. James Infirmary" and the Court of King James If you want to remember, you better write down the names Play Etta James, too, play "I'd Rather Go Blind" Play it for the man with the telepathic mind Play John Lee Hooker, play "Scratch My Back"
Play it for that strip club owner named Jack Guitar Slim going down slow Play it for me and for Marilyn Monroe
Play "Please Don't Let Me Be Misunderstood" Play it for the First Lady, she ain't feeling any good Play Don Henley, play Glenn Frey Take it to the limit and let it go by Play it for Carl Wilson, too Looking far, far away down Gower Avenue Play tragedy, play "Twilight Time" Take me back to Tulsa to the scene of the crime Play another one and "Another One Bites the Dust" Play "The Old Rugged Cross" and "In God We Trust" Ride the pink horse down that long, lonesome road Stand there and wait for his head to explode Play "Mystery Train" for Mr. Mystery The man who fell down dead like a rootless tree Play it for the reverend, play it for the pastor Play it for the dog that got no master Play Oscar Peterson, play Stan Getz Play "Blue Sky," play Dickey Betts Play Art Pepper, Thelonious Monk Charlie Parker and all that junk All that junk and "All That Jazz" Play something for the Birdman of Alcatraz Play Buster Keaton, play Harold Lloyd Play Bugsy Siegel, play Pretty Boy Floyd Play the numbers, play the odds Play "Cry Me A River" for the Lord of the gods Play Number nine, play Number six Play it for Lindsey and Stevie Nicks Play Nat King Cole, play "Nature Boy" Play "Down In The Boondocks" for Terry Malloy Play "It Happened One Night" and "One Night of Sin" There's twelve million souls that are listening in Play "Merchant of Venice", play "Merchants of Death" Play "Stella by Starlight" for Lady Macbeth Don't worry, Mr. President, help's on the way Your brothers are comin', there'll be hell to pay Brothers? What brothers? What's this about hell? Tell them, "We're waiting, keep coming," we'll get them as well Love Field is where his plane touched down But it never did get back up off the ground Was a hard act to follow, second to none They killed him on the altar of the rising sun Play "Misty" for me and "That Old Devil Moon" Play "Anything Goes" and "Memphis in June" Play "Lonely At the Top" and "Lonely Are the Brave" Play it for Houdini spinning around his grave Play Jelly Roll Morton, play "Lucille" Play "Deep In a Dream", and play "Driving Wheel" Play "Moonlight Sonata" in F-sharp And "A Key to the Highway" for the king on the harp Play "Marching Through Georgia" and "Dumbarton's Drums" Play darkness and death will come when it comes Play "Love Me Or Leave Me" by the great Bud Powell Play "The Blood-stained Banner", play "Murder Most Foul"