ARTMONY
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
ARTMONY

MUSIQUE & ARTS
 
AccueilAccueil  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
Le Deal du moment : -20%
-20% Récupérateur à eau mural 300 ...
Voir le deal
79 €

 

 MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
liliane
Admin
liliane


Féminin Nombre de messages : 19381
Age : 49
Localisation : dans la galaxie
Date d'inscription : 02/05/2008

MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld Empty
MessageSujet: MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld   MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld EmptyDim 25 Oct - 5:49


AMOUR TOUJOURS

Appelfeld, ses visions premières et éternelles



MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld Detail

Cet article est issu du n° 3850


SIMPLICITÉ Jusqu’au bout, l’écrivain israélien mort en 2018 aura fait écrire l’enfant qui est en lui. Ce roman posthume est une bénédiction



ANNA CABANA

Ça commence comme une déambulation sur les chemins de l’écriture entreprise par un homme qui se retourne sur sa vie de mots. « Il n’y a pas d’artiste sérieux sans l’enfant qui est en lui, écrit-il. C’est cet enfant qui le sauve des paroles inutiles, de la tendance à chicaner, de l’habileté ou de l’hypocrisie auxquelles un homme est amené à recourir selon les circonstances. L’écrivain n’est pas un être qui contient en lui la sagesse du monde, mais un être relié aux visions premières dans lesquelles il puise sa vitalité. » Ce lien avec l’enfant et l’enfance, c’est la signature d’Aharon Appelfeld, le grand Aharon Appelfeld, cet écrivain qui n’a fermé ses yeux d’enfant que le jour de sa mort, le 4 janvier 2018. Ce lien, il l’a exploré dans quarante-cinq livres écrits en hébreu, la langue par lui apprise à 13 ans et demi, quand l’enfant juif germanophone de Czernowitz (alors en Roumanie, aujourd’hui en Ukraine) arraché à ses parents, réchappé des camps, de l’extermination, de l’errance et des forêts de Bucovine arrive en Israël. L’enfant en lui, comme il dit, lui a appris à regarder. Avec le temps, l’écriture est devenue son refuge, l’abri « où non seulement je me retrouverais, mais où je retrouverais aussi ceux que j’avais connus et dont les visages avaient été conservés en moi ». Les Éditions de l’Olivier, qui s’emploient depuis 2004 à traduire son œuvre, nous offrent aujourd’hui un roman posthume foudroyant de simplicité : Mon père et ma mère.

MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld Image_36_1001

MON PÈRE ET MA MÈRE

Nous sommes en août 1938 le long d’une étroite bande de terre au pied des Carpates, sur la rive du Pruth, une rivière puissante au bord de laquelle la bourgeoisie juive aime à prendre ses quartiers d’été dans des isbas louées à des paysans ukrainiens évidemment antisémites. Le narrateur, Erwin, 10 ans et 7 mois – cette précision est si souvent répétée que d’emblée cela installe l’idée angoissante du compte à rebours –, a l’habitude d’y passer chaque année un mois de vacances avec ses parents. Cette fois, ce seront les dernières. Toute la délicatesse de ce texte réside dans la restitution de ce pressentiment funeste qui assiège le bonheur. Erwin a chaque jour davantage la prescience que ce qui avait été ne serait plus. Ce sentiment « enveloppe » le livre et le narrateur d’une « étoffe mélancolique ». En fait c’est plus qu’un enveloppement. Ça vous enserre. Et c’est pire qu’une mélancolie. C’est du désespoir. Mais Aharon Appelfeld n’aime ni les mots qui (mélo)dramatisent ni le sentimentalisme qui, selon lui, « corrompt la moindre parcelle de littérature » – c’est ce qu’énonce l’écrivain du roman.
Il n’y a pas d’effets, chez Appelfeld. Seulement de la subtilité. La subtilité triste et lumineuse d’un enfant qui a grandi trop vite et qui ne grandira jamais tout à fait. La narration est fragmentée : des impressions, des dialogues, beaucoup, des visions, c’est précis et enflammé, léger et profond, ça va droit au but : vous goûtez la vérité de l’amour du petit garçon pour sa maman, qui toujours trouve une fleur ou un objet dont elle peut s’émerveiller, et pour son papa, qui pose un voile sarcastique sur ses congénères parce que leurs faiblesses lui sont une incessante souffrance. Aharon Appelfeld a ce don de savoir caresser de ses mots les âmes de ses personnages. Parfois c’est juste un effleurement, d’autres fois il s’y arrête longuement, souvent il y revient en faisant mine d’être allé voir ailleurs dans l’intervalle. Mais l’essentiel est là : au cœur du triangle d’absoluité formé par le jeune Erwin, un père tellement lucide qu’il en est fâché avec le monde entier (et d’abord avec lui-même) ainsi qu’une mère éprise d’humanité et de douceur – et cela dans le moment de bascule qui précède la catastrophe. Dans ces jours suspendus dans l’imminence de l’horreur qui fond sur les Juifs d’Europe centrale. Le sentiment de la perte couve. Toutes les vingt pages, « les rumeurs sur la guerre qui approchait se répandaient et rampaient dans les cœurs » ; les « habitués de la rive » – dit autrement : les vacanciers – « frémissent d’inquiétude ». Tout en ne voulant pas voir ce qui s’annonce. Quand des paysans viennent les rouer de coups de bâton, l’une des victimes estime que ce déchaînement est « un pogrom de petite envergure ». Le narrateur relève : « Le pogrom de petite envergure, ainsi qu’il fut qualifié, s’évanouit sans laisser de traces d’effroi. Les gens en parlaient comme d’un phénomène naturel qu’il était impossible d’endiguer. » C’est comme la façon dont ses parents, au lieu de s’indigner de cette haine du Juif qui partout suinte, ont intégré cela et entraînent leur fils à parer et rendre les coups afin qu’il puisse se défendre contre Piotr, le garçon de sa classe qui menace le « sale youpin ».
La judéité est le nœud de l’histoire. « Je dois reconnaître que je ne suis pas en paix avec ma judéité, confie une vacancière. J’ignore la nature de ce supplément qui est en moi. Je m’en séparerais volontiers. » Merveilleuse réponse de l’écrivain auquel elle s’adresse : « Ce sont des pensées très juives. » Ce roman est une réflexion sur la question juive qui ne dit pas son nom – et tant mieux. Jamais Appelfeld n’est sentencieux. En revanche il est troublant. Il faut voir la définition donnée par un fermier ukrainien costaud au père du narrateur le jour où, dans une vie antérieure, ce dernier s’en alla lui demander la main de sa fille en lui disant, pour tenter de se concilier ses bonnes grâces : « Je ne respecte plus les règles de mes ancêtres » : « Ah bon ? Pourquoi ? Tu es meilleur qu’eux ? Tu traces ton chemin, comme ça, tout seul ? Je vais te dire quelque chose qui va sans doute te déplaire : un Juif doit être juif. C’est comme ça que Dieu l’a créé. Un Juif qui ne veut pas être juif est un démon. »
Il faut voir aussi la réplique d’un prince qui faisait la cour à une amie de sa maman : « Un homme sans foi est une plante sans terre. Le judaïsme conserve encore la lumière antique et aride de la foi. Tout le monde n’a pas la chance de naître juif. Dommage que tu ne te réjouisses pas de ce que tu es et sois loin de tes ancêtres qui ont entendu les voix et les éclairs vibrer sur le mont Sinaï. »
Alors que la mère d’Erwin a « un rapport à la vie empreint de religiosité », le père « persiste dans ses critiques » et brocarde les membres de sa « tribu » : « Les Juifs sont têtus, insupportables, ils ont une attitude trop pragmatique et dénuée de charme, mais il y a parmi eux quelques élus, qui sont comme des roses parmi les ronces. » Il n’est pas une page où le papa n’exprime combien il aurait préféré passer ses vacances ailleurs, loin de ces vacanciers qu’il abhorre. Juste avant de quitter « la rive », alors qu’il croit leur fils endormi, il le redit à son épouse : « Il faudra envoyer Erwin en colonie de vacances, ce n’est pas un endroit pour lui, ici. » Ce à quoi la maman rétorque : « Au moins il n’a pas été traité de sale Juif. »
Ce qui est extraordinaire, c’est qu’Appelfeld aura réussi, avant toute autre chose, et après tout le reste – la promesse de la mort, l’antisémitisme, la foi, l’humanité, l’écriture, etc. –, à faire de ce roman une leçon d’amour qui donne envie, quelles que soient leurs faiblesses, de se précipiter dans les bras de son papa et de sa maman.
Une réflexion sur la question juive qui ne dit pas son nom – et tant mieux

ANNA CABANA
Revenir en haut Aller en bas
https://artmony.forumactif.fr
Nine
Admin
Nine


Nombre de messages : 12705
Date d'inscription : 03/05/2008

MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld Empty
MessageSujet: Re: MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld   MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld EmptyDim 25 Oct - 12:46

magnifique et tendre auteur
il est dans la lignée d'un AMOS OZ

MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld 1257897


Aharon Appelfeld fait partie de ces personnes
dont Hannah Arendt disait,
qu’ils avaient oublié leur langue maternelle.

Acquiers des mots et tu auras acquis une langue,
disait-on .
Sur Aharon Appelfeld.

c'est toujours ce qu'on essaye de faire
par manque de culture originelle
et aussi par Silence ..
celui qui à une époque peut sauver des vies .

il est dans la droite ligne de certains auteurs
dont Bachevis Singer, qui lui n'a rien oublié,
rien omis, il a juste conté et raconté.
ses personnages ressemblent a ceux de APPELFELD.
avec peut être une pointe d'humour en plus.

merci.

un lien j'espere qu'il marche

https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/1945-75-ans-apres-58-aharon-appelfeld-1932-2018-des-voix-dans-le-silence
Revenir en haut Aller en bas
http://www.artmony.biz
 
MON PÈRE ET MA MÈRE - Aharon Appelfeld
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» TESSON PERE ET FILS
» sur les belle mere
» Dieu, ma mère et moi .( Franz-Olivier Giesbert ).éditions Gallimard.(2012)

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
ARTMONY :: LA PLUME EST LA LANGUE DE L'AME :: COUPS DE COEUR-
Sauter vers: