Nombre de messages : 2631 Age : 73 Localisation : Paris Date d'inscription : 13/05/2008
Sujet: Re: HUBERT FELIX THIEFAINE Ven 23 Nov - 13:22
.
Thiefaine toutes guitares dehors à l'Olympia
Hubert-Félix Thiefaine, toutes guitares dehors à 64 ans, a tenu en haleine l'Olympia pendant deux heures, jeudi soir, pour le deuxième passage à Paris d'une tournée marathon entamée en octobre 2011.
L'inoxydable papa de la "Fille du coupeur de joints", suivi depuis 40 ans par un large public d'aficionados mais récompensé pour la première fois en mars 2012 seulement aux Victoires de la musique, a défendu sur scène son huitième (double) album live paru fin octobre, "Homo Plebis Ultimae Tour".
Aux admirateurs de longue date, "HFT" a resservi des tubes relevés à la sauce très rock, comme "Soleil cherche futur", "Les dingues et les paumés", "Lorelei sébasto cha", "Alligator 427", "Mathématiques souterraines" ou l'incoutournable "Fille du coupeur de joints" repris en choeur par une salle à guichets fermés.
Jeanne Cherhal l'a rejoint sur scène pour interpréter en duo "Ad Orgasmum Aeternum", autre pépite de 30 ans d'âge.
Mais le poète-rock jurassien, cravate noire sur chemise blanche en début de concert avant d'enfiler une chemise noire, a également fait honneur aux morceaux de son dernier album, "Suppléments de mensonge", succès critique et commercial paru début 2011. Avec notamment le nostalgique "Ruelle des morts", dont la musique a été composée par le groupe La Casa, qui a assuré la première partie.
L'Olympia a religieusement écouté le poignant "Petit matin 4.10 heure d'été", chanson "qui raconte la seule fois où j'ai voulu prendre des vacances", a dit pudiquement Thiefaine en allusion au "burn out" et aux longs mois d'hospitalisation qu'il a vécus en 2008.
Pour les "Filles du sud", le chanteur s'est fait accompagner à la guitare par son fils, Lucas, 19 ans, lequel avait déjà joué aux côtés de son père en 1999 sur cette même scène (à la batterie cette fois), alors qu'il n'avait pas 6 ans.
Le chanteur, en tournée depuis début octobre 2011, a encore plus d'une quinzaine de dates programmées à travers la France d'ici fin janvier.
Dernière édition par Bridget le Dim 16 Déc - 14:15, édité 1 fois
Bridget
Nombre de messages : 2631 Age : 73 Localisation : Paris Date d'inscription : 13/05/2008
Sujet: Re: HUBERT FELIX THIEFAINE Dim 16 Déc - 14:07
Documentaire inédit sur Hubert-Félix Thiéfaine France 3
le 14 Décembre 2012
Avec près de quarante ans «d’acrobaties verbales» et de rock poético-déjanté échappant à tout formatage, le «cas» Thiéfaine reste unique. France 3 Franche-Comté et Culturebox vous proposent un documentaire inédit de Michel Buzon et Dominique Debaralle. A suivre ici, en direct ou en différé.
Pas de matraquage, peu d’éclairage médiatique avant les Victoires de la Musique décrochées en 2012 (Meilleur artiste et Meilleur album chanson). On dit d’Hubert-Félix Thiéfaine qu’il est «le plus célèbre inconnu de la chanson française».
Quels sont les ressorts d’un tel succès pour le chanteur jurassien qui traîne avec lui sa part de mystère ?
Au delà de son impressionnante tournée des grands festivals cet été (Eurockéennes, Francofolies, Nyon et Les Vieilles Charrues devant 65 000 spectateurs…), les témoignages d’artistes (Cali, la Grande Sophie, Aldebert…), de personnalités du métier et d’aficionados entrent en résonance avec son propre regard apportant des clefs qui permettent de mieux approcher la «Galaxie Thiéfaine».
Michel Buzon s'amuse de la coïncidence : "C'est la magie du 15 décembre !"
15 décembre 1982. FR3 Besançon diffuse un de ses magazines. 13 minutes consacrées à un poète musicien, originaire de la même ville que lui. Dole, dans le Jura. Un inconnu qui remplit les salles parisiennes. Hubert-Félix Thiéfaine.
15 décembre 2012. L'inconnu qui remplit les salles parisiennes est un chanteur au long cours, auréolé de deux victoires de la musique. Enfin. Et le nouveau documentaire de Michel Buzon s'appelle "Galaxie Thiéfaine, supplément d'âme". Diffusé... encore un 15 décembre ! 2012, pile 30 ans après.
Galaxie Jura
Pour parcourir la galaxie Thiéfaine, Michel Buzon a travaillé pendant des mois. Avec le réalisateur Dominique Debaralle. Après des années passées à préparer le voyage. Parce qu'il faut remuer des montagnes pour le faire sortir du bois, Hubert-Félix Thiéfaine. Le troubadour du Jura aime plus que tout sa forêt de Chaux et sa solitude. C'est peut-être son secret. Vivre caché pour composer heureux. Loin de la folie du monde et des paillettes du show-biz.
La scène est pourtant son univers. Pour Michel Buzon, c'est là que se trouve le vrai Thiéfaine. Il faut le voir en "live". Ou alors se précipiter sur ses enregistrements, en public.
Galaxie rock
Début des années 80. Michel Buzon rencontre Hubert-Félix Thiéfaine. Dans la discussion, un nom fait "tilt". Celui de Léo Ferré. Tous les deux en sont fous. De rock aussi : John Lee Hooker, les Rolling Stones, les Beatles.
Et bien sûr Bob Dylan. Avec Léo Ferré, voilà les deux sources d'énergie de Thiéfaine. Il ajoute un style bien à lui : Des textes sombres, poétiques, aux multiples références artistiques. L’imaginaire est sollicité à chaque instant.
Galaxie ado
Retour aux chiffres. 15, encore. Comme 15 ans. L'adolescence. C'est ce public qui a découvert Hubert-Félix Thiéfaine.
Michel Buzon : "Le succès de Thiéfaine est basé sur sa part de mystère. Ce mystère est aussi celui de l'adolescence. Une période particulière. On veut des trucs différents des adultes. On est souvent révolté. Thiéfaine le dit lui-même : il n'est pas un révolutionnaire. Mais un révolté. Comme beaucoup d'adolescents".
La boucle est bouclée. Depuis des décennies, Thiéfaine attire les adolescents. Ceux d'aujourd'hui. Et ceux d'hier, qui n'ont jamais cessé de l'être tout à fait. Désormais parents ou grands-parents d'adolescents qu'ils emmènent voir et écouter Thiéfaine. La magie du 15, on vous le dit.
-à voir sur France 3 Franche-Comté, samedi 15 décembre à 15h20 -à voir aussi en ligne, sur notre site franche-comte.france3.fr
Nombre de messages : 12721 Date d'inscription : 03/05/2008
Sujet: Re: HUBERT FELIX THIEFAINE Jeu 11 Déc - 13:13
Thiéfaine, l'inespoir fait vivre Nouvel album,Stratégie de l'inespoir
09/12/2014
Le dixième-septième disque d'Hubert-Félix Thiéfaine, Stratégie de l'inespoir, apparaît comme le pendant rêche du Suppléments de mensonge paru voici trois ans. Ayant enfin trouvé la reconnaissance médiatique, le chanteur laisse souvent la composition à d'autres et les clés de la maison à son fils, Lucas. Apaisé, le sieur Hubert-Félix ?
Les deux derniers albums d'Hubert-Félix Thiéfaine ont beaucoup plus en commun que la pochette en noir et blanc et la formulation de leur titre. Suppléments de mensonge et Stratégie de l'inespoir, se font écho, nous disant que dans ce monde-là, se perdre est une question de méthode.
Retour à Celingrad
Karagnada Camp 99
La méthode de Thiéfaine ou plutôt sa marque de fabrique depuis plus de trente-cinq ans, est celle d'une poésie noire dont le flot déborde son auteur. "Bercé par les étoiles d'une essence romantique / j'ai longtemps cherché mes visions dans les flammes", lâche-t-il dans la chanson titre. Ou encore : "D'aucuns me disent rebelle et ignifugé / mais mes divagations n'emmerdent plus personne / je caresse mon corbeau en chantant Duruflé / et joue pour les voyous virés de la Sorbonne".
Il suffit de voir le portrait au verso du livret pour être convaincu que le diable et lui ont souvent eu à faire ensemble. Plus court que son prédécesseur, moins caressant, Stratégie de l'inespoir est un disque rêche dans lequel "l'amour désaffecté" succède aux "lubies sentimentales". Thiéfaine se promène dans les vestiges de l'écrivain Louis-Ferdinand Céline (Retour à Célingrad) et danse sur les ruines de l'utopie communiste (Karanganda (Camp 99)). Il emprunte à Itinéraire d'un Naufragé, cette œuvre restée inédite en raison de sa noirceur, son Angélus.
Comme d'habitude entièrement écrit par lui-même, ce nouveau disque a largement été composé par d'autres. A côté de JP Nataf, Cali, Jeanne Cherhal ou Arman Méliès, auteur des plus belles mélodies ici, se glissent le leader de Skip the Use, Mat "Bastard" Monnaert, Julien Perez (aka Perez), ou l'homme de l'ombre idéal, Yan Péchin. Mais la chose la plus marquante, c'est l'omniprésence de Lucas Thiéfaine, fils de..., qui co-réalise pour son père et figure presque partout.
Résolument rock, Stratégie de l'inespoir confirme le retour en grâce et la reconnaissance médiatique – bien méritée, après tout ce temps passé sur les autoradios familiaux- de Thiéfaine. A moins d'avoir les yeux bandés, il serait difficile de ne pas le voir.
liliane Admin
Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: HUBERT FELIX THIEFAINE Sam 13 Déc - 16:01
Quand La Banlieue Descendra Sur La Ville Album Défloration 13 (2001)
Combattants dans les rues qui puent la trique La moiteur rance et la mauvaise conscience Gargouilles ricanantes aux vitrines gothiques Dans la noria des brancards en cadence On n’entend plus crapuler dans le vent Les discours des leaders & des tribuns Tous les mornes aboyeurs de slogans Les sycophantes et les théoriciens
Bourgeoises hallucinées dans les poubelles Qu’elles n’auraient jamais dû quitter naguère Quatre-vingt neuf c’était leur chiffre à elles Maintenant ça change de date partenaires J’espère que l’on assassinera Mozart Et sa zikmu pour noces & matchs de foot Et qu’y aura du beau tag sur ces boulevards Plus spleeneux qu’une seringue après un shoot
Quand la banlieue descendra sur la ville Pour la grande razzia des parias Quand la banlieue descendra sur la ville Pour le grand basta des rastas
Eh mec tu t’acharnes à tirer les stores Pour te cacher de la rue en chaleur Et tu dis du bout de tes dents en or : "dommage que Dieu soit plus à la hauteur" Faut être saturé d’un rare espoir Pour danser dans les ruines des limousines Y a ta B M qui crame sur le trottoir Dis-toi que c’est beau comme un choeur d’orphelines
Quand la banlieue descendra sur la ville Quand la banlieue descendra sur la ville
Mercenaires de Lilith contre miliciens d’Eve Dans la fumée des incendies sanglants La rue s’effondre et le peuple se lève Et j’avoue que ça me laisse pas indifférent Je débouche un autre vieux Corton-charlemagne En compagnie de ravissantes call-girls Qui fument joyeuses en dégrafant leurs pagnes De la sinsemilla dans mon brûle-gueule
Quand la banlieue descendra sur la ville Pour la grande razzia des parias Quand la banlieue descendra sur la ville Pour le grand basta des rastas
liliane Admin
Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: HUBERT FELIX THIEFAINE Ven 8 Oct - 4:12
HUBERT-FÉLIX THIÉFAINE DÉMONS ET MERVEILLES
Cultes pour les uns, impénétrables pour d'autres, ses chansons ont toujours suscité le débat. Alors qu'il revient avec son 18e album, nous sommes allés chez lui, dans le Jura, pour refaire le tour d'une histoire mouvementée, souvent torturée, mais toujours passionnante.
Interview Benjamin Locoge / Photos Julien Faure
S'il n'a pas sorti d'album depuis sept ans, Hubert-Félix Thiéfaine n'a pas chômé pour autant. Trois tournées, dont une pour célébrer ses 40 ans de carrière, des concerts symphoniques, des apparitions dans les festivals en tête d'affiche… N'en jetez plus. Après la mort d'Higelin, il est l'un des derniers personnages de la chanson rock française. Longtemps ignoré par les médias, il connaît depuis « Suppléments de mensonge », en 2011, une vraie renaissance critique et commerciale. Alors qu'arrive « Géographie du vide », album réalisé par son fils Lucas, Thiéfaine nous a reçus dans son antre du Jura. Là où il a écrit et enregistré ce disque sombre, mélancolique à souhait et souvent bouleversant. À 73 ans, le chanteur fait désormais partie du cercle restreint des artistes dont la parole est attendue.
« Géographie du vide » (Columbia/Sony Music), sortie le 8 octobre. En tournée à partir du 9 janvier 2022, du 26 au 29 à Paris (Folies Bergère, Salle Pleyel, Olympia, Grand Rex).
L'occasion une fois encore de refaire l'itinéraire d'un enfant pas toujours gâté. Qui a préféré la folie du rock à la tristesse de l'existence.
Paris Match. Sept ans entre deux disques, cela vous a paru long ?
« Géographie du vide » (Columbia/Sony Music), sortie le 8 octobre. En tournée à partir du 9 janvier 2022, du 26 au 29 à Paris (Folies Bergère, Salle Pleyel, Olympia, Grand Rex).
Hubert-Félix Thiéfaine. Oui ! Mais je n'ai pas arrêté pour autant. Il y a eu la tournée des 40 ans, le coffret intégral, et certaines chansons étaient en chantier depuis 2016.
On sent chez vous, depuis votre burn-out en 2008, une frénésie créative. Est-ce le cas ?
« Géographie du vide » (Columbia/Sony Music), sortie le 8 octobre. En tournée à partir du 9 janvier 2022, du 26 au 29 à Paris (Folies Bergère, Salle Pleyel, Olympia, Grand Rex).
Cette frénésie m'était nécessaire parce que j'étais en pleine forme. Après mon burn-out, j'ai pensé à mes fils, je me suis dit qu'ils avaient encore besoin de moi. Donc, j'ai passé trois mois en cure de désintox. Puis je suis reparti de zéro dans la construction de mon existence. Ça fait treize ans que je me réveille en étant bien le matin. Quand je sors de scène, je pourrais recommencer pendant deux heures. Ça a été un changement radical de vie. Quand tu es tenancier de bar, si tu veux t'en sortir, à un moment, il faut que tu vendes ton bar. Pour éviter les tentations et tous tes potes alcooliques qui vont t'entraîner.
Vous êtes partisan de tournées sans alcool ?
Ah non. Je n'ai pas voulu impliquer les autres dans mon histoire. Je les ai fait assez chier quand j'étais un ivrogne. Après le concert, je salue les musiciens, on fait un bilan rapide et je m'en vais. Parce que ça reste difficile d'être avec quelqu'un d'un peu éméché.
Vos deux précédents disques ont eu une reconnaissance critique nouvelle et bienvenue. Vous sentez-vous attendu avec celui-ci ?
Non. Je me soucie surtout de faire quelque chose qui me plaît. Quand on est dans l'écriture, dans la composition, on se perd soi-même dans une forme de magie. On ne pense pas vraiment que ce que l'on fait est destiné au public. On se sert d'abord.
Quel est le point de départ du disque ? Vous aviez envie de quelque chose de sombre et de mélancolique ?
Au début, j'ai connu la page blanche. Ce qui arrive fréquemment quand on commence un album. Mais là, c'était assez long. Je savais que ce n'était ni par manque d'imagination ni par manque d'inspiration. Je tenais à rendre cette version triste du monde dans lequel on vit. Mais on m'a souvent reproché cette tristesse. Jusqu'à ce que Lucas, mon fils qui réalise l'album, me parle de mélancolie. Ce mot m'a donné le feu qui me manquait. Car la mélancolie n'est pas la tristesse, elle porte en elle de la nostalgie, du plaisir et de l'énergie. Et un peu de douceur aussi. Ce dont j'avais besoin pour mes chansons.
Profil
1948 Naissance le 21 juillet, à Dole.
1978 Son premier album, « … tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir… » pose les fondations d'un univers onirique. « La fille du coupeur de joints » et « Je t'en remets au vent » sont de futurs classiques.
1981 Virage rock avec « Dernières balises (avant mutation) » et premier succès. Les médias lui préfèrent pourtant Higelin ou Lavilliers.
1998 Remplit Bercy pour célébrer ses 20 ans de scène.
2022 Tournée « Unplugged… » avec quatre musiciens.
“Notre besoin de paix, d'amour et d'illusions s'est perdu dans le feu de notre hypocrisie”, chantez-vous…
Oui. C'est si facile de dire : “Ce n'est pas de notre faute, ce sont les marchands qui nous ont vendu tout ça !” Mais on est tous de bons consommateurs, en contradiction avec la nécessité de sauver la planète et nos vieilles habitudes. Je ne pouvais pas dire les choses sans intervenir en proposant une conclusion optimiste.
« Moi, je signe tout ce que je dis, même ce qui dérange. Avoir un minimum de courage, c'est dire qui l'on est » “Je n'arrive plus à faire cette grimace qui sert de rire aux imbéciles”, admettez-vous dans “Du soleil dans ma rue”… Je suis un peu sévère… Mais oui, j'ai du mal à rire. Quand je me vois rire, je trouve ça presque impoli. C'est comme si je rotais. [Il rit.] Il y a quelque chose d'un peu bête, qui me rappelle aussi le rire du pochetron. Et celui-là, j'essaie de le gommer.
Sur vos trois premiers albums, entre 1978 et 1980, vous étiez pourtant dans un registre de comique troupier. On pensait que j'étais un joyeux drille qui se foutait de tout. Or, dans la vie, je n'arrivais pas à être ce personnage des premiers disques. Du coup, on s'attendait à ce que je fasse un calembour toutes les deux phrases. Victor Hugo n'a-t-il pas écrit : “Le calembour est la fiente de l'esprit qui vole” ? Je racontais les mêmes choses qu'aujourd'hui, peut-être de manière plus crue. J'ai eu une éducation assez carrée, et c'était un peu pour m'en sortir que j'écrivais ainsi. Vous faisiez le clown en opposition à quoi ?
En pension, on m'interdisait de rire. Quatre ans chez les curés, c'est assez proche finalement d'une école militaire, c'était si rigoureux.
« La folie, c'est ma carte d'identité. Je tire sur la sonnette de l'inconscient » Hubert-Félix Thiéfaine Sans cela, seriez-vous devenu artiste ?
J'ai longtemps été persuadé que tout le monde était artiste. Et que, arrivé en CP, il y avait une déviation : on nous obligeait à rentrer dans le rang. Ceux qui refusaient devenaient de facto les artistes. Et c'est ce qui s'est passé pour moi. C'est en entrant en pension, à 12-13 ans, que j'ai compris que j'étais artiste, puisque c'est là que j'ai commencé à écrire des chansons.
Vous n'étiez pas du genre à vous plier aux règles ?
J'ai eu du mal avec ça. J'ai toujours été un peu en marge. J'en avais presque conscience quand j'étais gosse, d'autant que j'étais plutôt chétif. Et c'était bien avant qu'on me traite de marginal.
La musique vous a ouvert un monde ?
Oui. J'ai rencontré des copains à l'école qui écoutaient les yéyés. Et cela m'a tout de suite emballé.
La première chanson du disque est d'ailleurs un clin d'œil aux “Bras en croix” de Johnny Hallyday.
C'est le premier 45-tours qu'on m'a offert au Noël 1963. À cette période, je n'avais pas d'avenir. La musique était une façon de fuir mon école où, au fond, je n'étais pas réellement admis. Les yéyés renversent toutes mes perspectives. Je n'avais plus envie d'être curé, comme c'était prévu. En revanche, j'ai eu envie de devenir Johnny à la place de Johnny. À partir de là, j'ai eu des visions pour mon futur. Surtout que ces chanteurs venaient eux aussi de milieux modestes. J'ai flashé, plus rien ne pouvait m'arrêter, et la musique est devenue “à la vie, à la mort”. J'étais un gosse très noir, très pessimiste. Et je me disais que, si je n'y arrivais pas, je mettrais un terme à tout cela en me suicidant. Je m'étais même posé un âge limite dans ma tête.
Et c'était lequel ?
J'avais situé la fin à décembre 1983. Et le 28 janvier, au Midem de Cannes, je reçois un disque d'or. Deux jours après, je remonte à Paris et mon ancienne maison de disques me donne un autre disque d'or… C'était un signe.
La musique vous a donc souvent sauvé la vie ?
Oui. Quand j'y repense, je n'avais pas grand-chose pour y arriver. Je n'avais pas la voix, pas le physique, mais j'ai fait un choix. Sartre disait que le choix, c'est la liberté. J'adhère complètement. Lorsqu'en 1981 j'appelle un disque “Dernières balises (avant mutation)”, c'est le mot balises qui compte. Il y a un cap, j'essaie de le suivre. Je devrais être heureux d'avoir réussi cela. Et, en même temps, j'ai toujours gardé en moi les profondeurs un peu sombres de l'enfance.
On n'en guérit jamais ?
Je ne sais pas… Il faudrait que je me fasse greffer la glande de la joie. Elle doit exister parce que je connais des gens qui sont heureux tout le temps, quoi qu'il leur arrive. Moi, c'est l'inverse.
Il y a un état qui semble vous convenir, c'est la folie. Un thème abordé dans tous vos disques, presque un refuge facile…
La folie, c'est ma carte d'identité… Dans la musique comme dans la poésie, il me semble que la folie et la création se rapprochent parfois.
En tant qu'auteur, je tire sur la sonnette de l'inconscient.
Je vois la folie comme quelque chose de léger et d'amusant. Car je ne crois pas être fou mais plutôt inspiré [Il rit.] Je viens de me trahir, non ?
“Géographie du vide” est aussi une évocation en creux de la mort. “Reykjavik” ou “Combien de jours encore” parlent de la futilité de la vie. Cela vous tourmente de plus en plus ?
« L'anarchie, cela demande beaucoup d'intelligence. Ça ne peut pas marcher pour 7 milliards de personnes » Hubert-Félix Thiéfaine
Ce serait plutôt l'inverse. Il y a longtemps que je sais que je suis là de manière provisoire . J'y pense à chaque printemps dès que je vois les premières violettes éclore. Et, à chaque fois, je me dis qu'il se peut que ce soit la dernière . C'est tellement joli, les violettes qui poussent dans la mousse, j'ai plein de photos dans mon téléphone… Il me semble que je suis dans une plus grande sérénité face à tout cela désormais. Ce n'est pas la mort qui fait peur, mais plutôt notre réaction de nous vivants. Il y a des gens qu'on aime que l'on n'a pas envie de voir partir, on a peur de souffrir aussi, d'être frappés par une longue maladie. On ne meurt pas tous paisiblement et d'un seul coup, hélas ! Je trouve cette idée bien plus morbide que la mort en soi.
Dans “Eux”, vous évoquez les anonymes qui invectivent sur les réseaux sociaux. Cela vous effraie ?
Je signe tout ce que je dis, même ce qui dérange. Avoir un minimum de courage, c'est dire qui l'on est. Or, avec cet anonymat sur certains réseaux sociaux, j'ai l'impression que l'on vit dans les années 1940 et qu'il y a des gens qui cherchent l'adresse de la Kommandantur. Je ne peux pas l'admettre !
« Même si mes colères ont l'air calmes, elles me tordent le cerveau. Quand je les crache, ça fait des chansons » D'où cette phrase dans le disque sur “L'idiot qu'on a toujours été” : “On naît, on s'élève mais la société qui nous entoure nous replonge dans des abysses d'idiotie” ? On perd nos acquis ?
Il y a un fil rouge qui sous-tend toute ma vie, c'est un fil noir, cette vision triste du monde. Il m'arrive de prendre du plaisir, de connaître des moments de joie. Mais ma vision en profondeur est sombre.
Cette vision a séduit des centaines de milliers de gens qui ont acheté vos disques, qui sont venus à vos concerts. Cela ne vous rassure-t-il pas ?
J'ose exprimer ce qu'ils n'osent pas dire mais qu'ils ressentent comme moi. Comme je suis un mec nerveux, même si mes colères ont l'air calmes, elles me tordent le cerveau. Et quand je les crache, ça fait des chansons. Les gens ne vont pas écouter “La danse des canards” toute la journée. Pour moi, c'est pareil. Un type qui écoute “ Alligator 427” depuis plus de quarante ans, c'est qu'il a quelque chose qui ne fonctionne pas non plus.
Vos textes embrassent les problématiques du monde contemporain . Pourtant, vous n'avez jamais levé le poing lors de manifestations, jamais soutenu de candidat à une élection. Ça ne sert à rien de s'engager ?
J'aime bien fonctionner à 360 degrés. On peut faire du surréalisme qui tient bien son rôle, qui est intelligent et beau. Ma vie a fait que je n'ai pas de certitudes qui pourraient me permettre d'être engagé : ce que je vais penser le matin n'est pas forcément ce que je vais penser le soir. Après, je sais que certains me trouvent engagé. Mais moi, je donne juste ma vision et je n'en fais rien à part des chansons.
Jamais quelqu'un n'est venu vous demander pour qui voter ?
Parfois, ce n'était pas loin de ça. Mais je ne peux pas répondre à ce genre de demande. Moi-même, surtout en ce moment, je suis plutôt pour le vote blanc, j'aimerais qu'on le prenne au sérieux. Longtemps cela ne m'a pas intéressé. J'ai voté pour la première fois en 2002, j'avais 53 ans, parce qu'au fond je suis un vrai démocrate. J'y suis allé pour défendre la démocratie. Et il y a encore beaucoup d'efforts et de corrections à faire pour qu'elle soit un peu plus vivable.
Quand on vous imagine anarchiste, on se trompe donc ?
L'anarchie, c'est pour des petits groupes de gens qui ont déjà réfléchi sur la vie. Ce n'est pas pour tout le monde, cela demande beaucoup d'intelligence. Ça ne peut pas marcher pour 7 milliards de personnes.
Que ne referiez-vous pas dans votre carrière ?
J'apporterais quelques nuances à certaines anciennes chansons. Quand je les reprends, en général, au premier coup d'œil, je les trouve un peu raides. Mais ce serait stupide de changer les choses maintenant parce que les gens les ont aimées ainsi. Je ne regrette rien, mais la vie change, nos repères aussi. Je crois, en fait, que je suis en train de sortir de l'enfance. Je suis en train de devenir sérieux, en quelque sorte. Il faut que je fasse gaffe de ne pas devenir adulte, quand même ! [Il rit.]
Interview Benjamin Locoge / Photos Julien Faure
Nine Admin
Nombre de messages : 12721 Date d'inscription : 03/05/2008
Sujet: Re: HUBERT FELIX THIEFAINE Jeu 14 Oct - 13:11
toujours aussi JUSTE dans son regard sur notre "décor"