Des grands du jazz sortent de la caveBILLIE HOLYDAYLE MONDE | 21.08.10
En avril, le National Jazz Museum, à New York, a reçu 975 disques,
sur lesquels ont été gravés des enregistrements de grands du jazz,
entre 1936 et 1940, lors de prestations pour les radios new-yorkaises
ou des concerts dans des clubs de la ville.
Ce fonds avait été rassemblé par un ingénieur du son et fan de jazz
William Savory. Son fils l'a donné à ce musée, dont les bureaux sont à Harlem,
qui n'est pas un lieu d'exposition, mais de recherche et de restauration.
Un premier travail a été fait sur ces disques - écoute, début de restauration -,
dont les grandes lignes ont été dévoilées dans le New York Times du 16 août.
Il s'agit d'enregistrements uniques
- William Savory gravait en direct sur les disques -,
avec en particulier les grands orchestres swing d'avant-guerre,
menés par Benny Goodman, Count Basie, Lionel Hampton.
Ou Cab Calloway, dont le musée présente une interprétation de China Boy,
captée au Cotton Club, au printemps 1938.
Rareté absolue, Fats Waller (piano), Louis Armstrong (trompette)
et Jack Teagarden (trombone) pour une improvisation appelée Blues Jam.
Citons enfin quelques voix,
celles de Billie Holiday ou d'Ella Fitzgerald à ses débuts.
L'annonce d'un solo de six minutes du saxophoniste Coleman Hawkins
sur Body & Soul fait aussi rêver les spécialistes.
Un quart des enregistrements,
qui ont dormi des années dans des boîtes en carton ou des caisses en bois fin, e
st en parfait état.
Mais le reste est abîmé, voire très abîmé, et 5 % serait irrécupérables,
confie Loren Schoenberg, l'un des responsables du National Jazz Museum.
Cela grésille encore un peu
Dans un court film, Doug Pomeroy, ingénieur du son,
spécialisé dans la restauration d'archives sonores du jazz,
montre l'étendue des dégâts : au format de 25 ou 30 cm,
des plaques rondes en aluminium attaquées par la corrosion due à l'humidité,
d'autres en laque ou en vinyle fendillées ou usées,
des étiquettes de papier jaunies et presque illisibles.
"Certains de ces disques sont dans un état de détérioration
que je n'avais jamais vu jusqu'alors", explique Doug Pomeroy.
La moitié du fonds nécessite une restauration rapide,
avec des moyens plus ou moins importants, sans être certain que tout sera sauvé.
A la mi-août, environ 10 % de l'ensemble a été restauré, numérisé.
On peut déjà entendre sur le site du musée des exemples musicaux
avant et après la restauration (Jazzmuseuminharlem.org).
Cela grésille encore un peu, il y a un bruit résiduel,
mais les grattements les plus marquants et l'impression que la musique
est perdue au loin ont été corrigés.
Le musée envisage de publier ce fonds soit avec une série de CD, soit en ligne.
Pour cela, il faudra toutefois résoudre des questions de droits d'exploitation.
Réalisés par William Savory pour son usage personnel,
ces enregistrements n'avaient pas vocation à être commercialisés.
Leur valeur historique pourrait être prise en compte dans des négociations.
Il faudra aussi tenir compte du fait que seuls
quelques milliers d'amateurs dans le monde pourraient vouloir acheter ces disques.
Sylvain Siclier