Sur la plage d'Hyères, électro et mistral gagnant
Le concert ou le mix sur la plage est un passage obligé de tout festival électro, pour peu qu'il soit en bord de mer. Avoir Ibiza, île mère de toutes les fêtes, en modèle oblige de céder à quelques clichés. Mais qu'est-ce qu'une bonne musique électronique de plage, aujourd'hui ? Faut-il du léger, du lascif, de l'ensoleillé ? Et d'ailleurs, c'est quoi une musique ensoleillée ? Doit-il forcément y avoir, par exemple, des guitares espagnoles dedans ? Dans les années 1990, à Ibiza donc, sur la terrasse du Café del mare ou sur le sable de Sa Trincha, hauts lieux de la mythologie électronique, la réponse était oui, sans aucun doute. Ce qui, à la longue, a fini par être un peu agaçant.
Cette année, du côté d'Hyères, c'est non. En tout cas, pas au MIDI festival. Depuis six ans, il rassemble les amoureux d'électronique ou de pop indépendante et expérimentale, les déjà fans de ce jeune groupe qui percera dans deux ans... ou jamais. Ici, les têtes d'affiche ont sorti trois maxis sur un obscur label, sont l'objet d'un engouement passionné sur des blogs ultraspécialisés de Paris, Londres ou Toronto. On y voit de belles choses (Mina May, Kindness, Memory Tapes). D'autres très efficaces, mais trop à la mode (Wu Lyf).
Installé de 19 heures à minuit sur les hauteurs de la ville, sous les pins de la villa Noailles, le MIDI descend depuis deux ans en journée sur la plage. C'est un peu un moment de relâche. On a le droit d'écouter d'une oreille seulement, quand le reste de la programmation demande une attention plus soutenue. On y retourne ensuite, après minuit, quand la villa construite par Mallet-Stevens ferme ses portes, pour un after à la belle étoile.
Au MIDI, sur la plage, pas de gratouillis flamenco, donc, mais de la "chill wave" cette année, une pop électronique lumineuse qui s'accorde à merveille avec le sable blanc et la torpeur d'un après-midi d'été. Une musique idéalement planante pour l'endroit, mais terriblement fragile aussi. Un truc de freluquet qui ne sort pas de son studio, de rêveur, de timide qui garde son polo à cause des coups de soleil.
Du sable dans l'ordinateur
Samedi 24 juillet, ce n'est pourtant pas le soleil, mais le vent qui a eu raison de Toro Y Moi, jeune artiste américain prévu à l'affiche. Un mistral force 20, parole de Marseillais, qui faisait le bonheur des véliplanchistes et des kite-surfeurs, et le malheur des mélomanes. Concert annulé. Toro y Moi était déçu... et rassuré. Heureux de jouer sur une plage - il ne l'avait jamais fait -, même s'il ne comprenait pas vraiment pourquoi sa musique y avait sa place plus qu'une autre. Inquiet aussi. En fait, il redoutait le sable dans son ordinateur. La question était réglée.
A minuit, le DJ vétéran Andrew Weatherall l'a vengé des éléments. Le vent était retombé, l'électronique régnait sur la plage. Dans les années 1980, Weatherall était l'un des premiers DJ à faire le pont entre Ibiza et Londres, à ramener ces maxis de house qui allaient changer la face de l'Angleterre. Tout au bout de l'Almanarre, entre la mer et la paillotte, sous la voûte étoilée, c'était les gamins d'Hyères qu'il emballait cette fois avec sa techno racée. Presque trop, d'ailleurs, comme si l'été, à la plage, il ne s'autorisait aucun écart, ne cédait à aucun cliché du genre, alors que tout autour l'y incitait. Allez Andy, un chichi ?
Odile de Plas
26.07.10
http://www.lemonde.fr/culture/article/2010/07/26/sur-la-plage-d-hyeres-electro-et-mistral-gagnant_1392235_3246.html