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 “Le grand journal” ? Météo, promo, dodo

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Bridget




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MessageSujet: “Le grand journal” ? Météo, promo, dodo   “Le grand journal” ? Météo, promo, dodo EmptyVen 9 Avr - 20:19

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Chaque soir, il rassemble 1,7 million de téléspectateurs dans son tourbillon d'actu. Sa formule ? Une pincée d'info, un zeste de débat, des louches de glamour et de fausse impertinence... “Le grand journal” de Canal, le talk-show le plus calibré et le plus couru du PAF tourne en rond. Où est donc passé l'“esprit Canal” ?



Avec Le grand journal, c'est un condensé de notre époque qui débarque à l'heure du dîner. Jamais en retard d'un buzz ou d'une personnalité convoitée, le talk-show vedette de Canal+ est devenu l'épicentre de l'agitation médiatique.
Dans ce cocktail de promo très pro, de show politique et d'impertinence labellisée « esprit Canal », il se passe toujours quelque chose : les candidats à la présidentielle sont propulsés rédacteurs en chef, Villepin tire son bilan du procès Clearstream, NTM fait son grand retour...

De quoi attirer chaque soir 1,7 million de téléspectateurs, séduire les ados comme leurs parents. En six saisons, le roué Michel Denisot et ses chroniqueurs ont fait de leur plateau l'endroit où il faut être et paraître. Rien de plus facile que de se laisser emporter dans ce tourbillon d'actu chaude, de stars glamour et de blagues potaches...

Jusqu'au jour où le rêve s'écroule. Une énième interview papier glacé de Carla Bruni, une dernière chronique de Jean-Michel Aphatie sur la présidentielle de 2012, le sourire vainqueur de Georges Frêche venu s'expliquer sur une « polémique pas très catholique »... et pointe la saturation. Le grand journal apparaît alors comme ce qu'il est : un pur produit, qui applique à la parole politique et aux frivolités du show-biz les mêmes codes de communication et de mise en scène (1).
On se souvient que Michel Denisot est une vieille connaissance de Nicolas Sarkozy (2), que son coproducteur, Renaud Le Van Kim, est aussi le fidèle ordonnateur des shows UMP... Et si c'était ça, Le grand journal : beaucoup d'ambivalences et un sérieux soupçon de connivence, sous un épais vernis d'impertinence branchée ? Décryptage d'une machine médiatique qui ne laisse rien au hasard.


La dictature du format.

Le grand journal relève de la mécanique de précision, pensée et minutée pour vous transporter sans effort de 19h05 à 20h45. A l'heure où la concentration du téléspectateur se partage avec le four à micro-ondes, on ne plaisante pas avec le rythme. Au menu, pas plus de dix minutes de parole en continu et un enchaînement de rubriques, incarnation du ton maison : la météo de la consternante Pauline Lefèvre, « La boîte à questions », « Le petit journal », le « SAV des émissions », sympa mais usé, d'Omar et Fred...


L'esprit fourre-tout a ses limites. Echaudée par la colère de Martine Aubry devant cohabiter avec Michaël Youn en travesti, la production a scindé en deux le talk-show dès 2005. La première partie couvre l'actualité, accueille les politiques et les écrivains. La seconde voit défiler tout le show-biz.

Anonymes ou stars, tous ceux qui passent dans l'oeil du cy­clone médiatique atterrissent au Grand journal : de Diam's à Bahia, la rescapée du crash des Comores, de Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie, à Jim Carrey. De périlleux grands écarts autorisés par une drastique répartition des tâches.

A chaque chroniqueur sa fonction. A Ariane Massenet le rôle de faire-valoir décomplexé, à Ali Baddou, agrégé de philo et animateur à France Culture, l'érudition qui rassure les intellectuels, à Mouloud Achour les cultures urbaines (la caution « jeune »)... Et, pour lier le tout : un Michel Denisot passe-plat, lisse et poli comme il se doit.


Dans cette machinerie millimétrée, on ne redoute qu'une chose : le « tunnel ». Quand Valéry Giscard d'Estaing, interrogé sur la faillite grecque, se lance dans une analyse des ravages de la spéculation en Europe, il est fermement interrompu par un « on a bien compris, merci, et maintenant la pub ».

Avec pour référence l'infotainment à l'américaine, savant dosage d'informations et de divertissement, le navire amiral de Canal+ délivre ainsi un prêt-à-penser pour fin de journée fatiguée : de l'actualité servie chaude et moulinée, de la polémique et du débat de société pas trop compliqués, et du discours politique découpé en tranches fines.



L'art de mettre en scène le spectacle politique.

De Ségolène Royal annonçant à Jamel Debbouze sa candidature à la présidentielle à la pique savoureuse d'Arnaud Montebourg - qui, à la question « quel est le plus gros défaut de Ségolène Royal ? », répondit « son compagnon » -, en passant par les apparitions exclusives de Dominique Strauss-Kahn en présidentiable présumé, on ne compte pas les « coups » qui ont construit le succès du Grand journal.

C'est désormais l'étape reine d'un plan de communication digne de ce nom. S'il court sur le plateau de Canal +, c'est que le politique a intégré qu'ici il est à l'abri des morsures d'un Guillon. Encore faut-il faire preuve d'agilité rhétorique pour développer un discours cohérent malgré le rubriquage extrême et la multiplication des intervieweurs. En plus des quatre présents sur le plateau, le politique doit compter avec « La petite question » de Bruno Donnet, un montage ironique censé soulever un lièvre. Mais l'invité n'est pas obligé d'y répondre.



C'est ce qui est chouette au Grand journal : on peut poser la question qui fâche, mais une fois, pas deux. Même Ali Baddou, aventurier solitaire armé de sa question insolente, ne revient jamais à la charge. Interrogé sur ses casseroles judiciaires, Patrick Balkany aura tout loisir de vanter son bilan levalloisien. La relance et la contradiction sont en fait réservées à des invités en disgrâce. Le plateau peut alors se transformer en tribunal.

Avec son petit montage, Bruno Donnet s'essuiera ainsi les pieds sur Eric Besson : « Vous n'êtes pas un traî­tre mais un fourbe. » Vincent Peillon sera jugé pour crime de « lèse-journalistes » (après son désistement du débat de France 2 face à Marine Le Pen). Et sermonné par un Jean-­Michel Aphatie indigné.


Pour remettre les points sur les « i », rien ne vaut les coups de sang de ­l'intervieweur de RTL. Ce vieux routard du monde politique aime rappeler qu'il vole au-dessus de la mêlée : la complaisance, les polémiques stériles, très peu pour lui. « En France, on adore les débats qui ne tiennent pas debout.
En pleine crise économique, nous débattons de l'identité nationale, de la burqa et du vote des étrangers. On n'a pas autre chose à foutre ? » se rebelle-t-il, le 14 janvier dernier. Difficile de croire que le ­même commente les déboires de Jacques Chirac avec Sumo, son bichon maltais. Le dérisoire, l'anecdote, les soubresauts de la politique politicienne, Jean-Michel Aphatie a beau s'en défendre, il s'en délecte.
Un amour coupable pour la tambouille politicienne, dont il se justifie en mai 2009 : émoustillé par la rencontre Aubry-Royal (au meeting de Rezé), il répond aux sarcasmes de José Bové, invité sur le plateau. « Nous, on fait avec ce que vous nous offrez. Ce sont les politiques qui se mettent en scène. S'ils font n'importe quoi, c'est eux qui sont médiocres. Les médias ne font rien. Ils photographient, et si la médiocrité est là, on raconte la médiocrité. Et le jour où il y aura du fond, on parlera du fond. »

Sur la forme comme sur le fond, il ne trouve pourtant rien à redire à la mise en scène organisée par Le grand journal pour Arnaud Lagardère (dont le groupe est actionnaire de Canal+), en décembre dernier : on y apprend en direct - dans un mélange de faux suspense et de vraie déférence - que le grand patron est blanchi des accusations de délit d'initié dans le dossier EADS. Mais, c'est vrai, « les médias ne font rien »...


L'impertinence consensuelle.

Son image de poil à gratter des célébrités, Le grand journal la doit au « Petit journal », deux pastilles d'humour vachard signées par Yann Barthès. Ce trentenaire accro à la dérision est devenu un spécialiste du montage qui fait mal et du gros plan qui tue. Nicolas Sarkozy pris en flagrant délit de chapardage d'un stylo en Roumanie ? C'était au « Petit journal » avant de faire le tour de la Toile.

En filmant ce que les autres ne filment pas, l'équipe de Barthès s'est taillé une réputation d'empêcheuse de communiquer en rond. Son exploit : avoir surpris le président en plein recyclage de discours devant les agriculteurs du Jura. Un scoop qui suffit, aux yeux de certains, à l'ériger en héraut de l'antisarkozysme. Promotion un peu ra­pide...

Car si la mission est salutaire - faire tomber les masques et démonter les rouages des plans médias -, les armes ne sont pas toujours à la hauteur. La faute au rythme quotidien, à un refus de tout discours critique construit ? Le regard incisif sur les moeurs de l'Homo politicus laisse souvent place à des piques faciles sur les chaussettes de Fillon, les boucles d'oreilles de Martine Aubry...

Pas de quoi effrayer les politiques. Sur le plateau, Valérie Pécresse raconte que ses enfants « adorent » Yann Barthès. Et rares sont les voix qui s'élèvent pour critiquer des méthodes un rien éculées.

Le politique a appris à retourner en sa faveur ces minutes de solitude télévisuelles. ­Assumer une bourde avec humour, quel meilleur moyen de paraître cool et branché ? Et tant pis s'il y laisse sa crédibilité. Vision dérisoire de la politique dans une émission qui ne brille guère par sa profondeur, « Le petit journal » laisse au final l'impression d'ajouter du vide au vide.


La machine à promo


Ils sont venus, ils sont tous là, pour le rendez-vous de 20h05. Quelle émission du PAF peut aujourd'hui se vanter d'avoir eu les faveurs d'un tel échantillon de stars - Adjani, Depardieu, Leonardo DiCaprio, Scarlett Johansson ? Et d'avoir accueilli en exclusivité les live de Prince et de U2 ? Plus personne ne l'ignore, pas même à Hollywood, Le grand journal, la suite, c'est le « temple » de la promo télévisuelle. Effet miraculeux certifié par les maisons d'édition, qui se battent pour placer leur poulain entre les mains d'un Ali Baddou méritant. Combien de biographies de people et de professions de foi politique lues et recommandées pour un James Ellroy ? Mais quand Ali Baddou n'a pas apprécié, il le dit. Avec les formes.

Moins nuancée, Elise Chassaing aime tous les films : comédie franchouillarde, film d'auteur, blockbuster américain... Pour ne pas contrarier cette bonne nature, la production a délégué le sale boulot à des critiques de presse écrite, hors plateau (dont une journaliste de Télérama), dans « L'instant critique », un montage qui passe au crible trois films à l'affiche à coups de formules chocs : « arnaque », « rasoir » « jouissif »... Ce qui revient à confier à des tueurs à gages la liberté d'assassiner des films encensés trois jours plus tôt.

Mais qu'importe puisque tout est noyé dans les paillettes. Les chroniqueurs maison ne sont même pas obligés de poser des questions, il leur suffit d'être là, béats de contentement : Mouloud, le fan de rap, a serré la main de Jay-Z, Ariane a plaisanté avec Jude Law, Elise a souri à Martin Scorsese. On est heureux pour eux.

Yann Barthès, lui, ne s'est pas privé d'ironiser sur la « groupie attitude » de ses camarades. Mais sans méchanceté aucune : un de ses mon­tages montrait les chroniqueurs éblouis par Hugh Grant... On se dit que le même exercice aurait fait merveille sur le visage extatique de Michel Denisot à l'Elysée, inter­rogeant Nicolas Sarkozy avant son départ pour Copenhague. Mais, au Grand journal, l'autodérision a aussi ses limites.


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Isabelle Poitte

TELERAMA
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