Irving Penn est né le16 juin1917 à Plainfield dans l’état du New-Jersey, aux USA.
Il est le frère d’Arthur Penn, réalisateur de cinéma. A 18 ans, il entre à l’école d’art industriel du musée de Philadelphie où il étudiera de 1934 à1938.
C’est Alexei Brodovitch, professeur influent auprès de nombreux photographes, qui lui apprend les ficelles de la mise en page et de la maquette. Penn est stagiaire pour le magazine Harper’s Bazaar durant ses vacances d’été, où il dessine des croquis de chaussures.
Après l’obtention de son diplôme, il rejoint le magazine « Junior League » en tant que directeur artistique.1941, il collabore également pour le magasin de vêtements Saks Fifth Avenue. Quelques années plus tard, ayant économisé assez d’argent, il décide de quitter son emploi, pour se consacrer à la peinture. Il part à Mexico pendant un an.
Persuadé qu’il ne fera qu’un peintre médiocre, il détruit ses tableaux avant de revenir à New-York. Il montre à Alexander Libermann qui est directeur artistique de Vogue, ses photos faites durant ce voyage. Celui-ci l’embauche comme assistant pour l’aider dans le choix des couvertures de cette revue. « Pourquoi ne la feriez vous pas ? », s’écrie Liberman, un beau jour.
Penn en studio dans les années 60
Penn emprunte un appareil, et compose une nature morte avec un sac à main, une paire de gants et une énorme Topaze qui trône entre des oranges et des citrons.
C’est avec cette image qui fait la une dans l’édition du Vogue de Novembre 1947, que commence une collaboration qui aujourd’hui encore, près de soixante ans plus tard, se poursuit.
Après avoir servi avec l’American Field Service durant quelques années en Italie, Penn se forge une réputation, au sommet de sa spécialité. Il excelle dans la photo de mode, de publicité, mais également pour des photos rédactionnelles et des reportages. Il travaille plus récemment dans le milieu de la télévision, à des publicités.
Cependant il reste surtout connu du grand public pour ses portraits commencés en 1948, avec Spencer Tracy, qu’il fait poser dans un décor inventé, constitué par deux panneaux qui forment un angle aigus.
Certains portraits, tel celui de Marcel Duchamp, montrent une personne détendue , tandis que d’autres donnent le sentiment d’être diminués par l’espace.
Penn évolue ensuite, en choisissant une distance plus proche et signe le portrait de Picasso en 1957 qui reste mythique.
Dans les années 80, on peut voir son évolution, avec le portrait du peintre William De Kooning , dans sa manière d’éclairer son sujet.
Penn s’intéresse très tôt à la pratique de la photographie, et devient rapidement un expert dans l’usage du Leica, du Rolleiflex, mais également dans le maniement des appareils grand format tel la Deardorff. 4X5ou 8X10 inch.
Au début des années soixante, il commence la pratique du tirage au platine.
Après de nombreuses années passées dans son laboratoire de Long Island, il réussit à maîtriser ce procédé inventé par Richard Willis en 1873, et utilisé par les Pictorialistes au début du siècle.
Les tirages de Penn, qui figurent dans les collections de nombreux musées, dont le MOMA, ont été réalisés par ses soins, avec ce type d’épreuves aux tonalités subtiles.
En plus de son travail commercial pour le Vogue Américain, anglais et Français, Penn a réalisé des reportages de commande qui sont devenus légendaires, comme ces photos des collections haute couture, qu’il a réalisées dans les années cinquante, à Paris, notamment celles de Lisa Fonssagrives, son modèle favori devenue ensuite son épouse.
Lisa Fonssagrives Penn . Irving Penn.
Sa série sur les petits métiers de Paris, Londres et New-York, inspirée d’August Sander, est également rentrée dans l’histoire.
Beaucoup de photographes ont été influencés par Penn, et certains ont essayé de copier son style dépouillé, et sa façon de façonner la lumière naturelle, sans qu’ils y parviennent.
« En général je trouve décevantes les photos qui représentent les gens dans leur milieu naturel.
Du moins, je sais qu’atteindre des résultats convaincants dans ce genre d’images dépasse mes forces…aussi j’ai préféré une tâche plus limitée : m’occuper seulement de la personne, loin des incidents de sa vie quotidienne, portant simplement ses vêtements et ornements, isolée dans mon studio.
C’est du sujet seul que je distille l’image que je veux, et la froide lumière du jour se dépose sur la pellicule » (extrait de son ouvrage « worlds in a small room »).
C’est en Décembre 1948, après une série de photos de mode pour Vogue, entre deux avions, qu’il loue le studio de Martin Chambi, célèbre photographe à Cuzco, au Pérou, et signe quelques 200 portraits en Noir et Blanc d’indigènes Quechua.
L’une de ses photos qui représente deux enfants, intitulée « Frère et sœur » reste une des plus connues de son œuvre.
Quelques années plus tard, lors d’un voyage en Nouvelle Guinée, aujourd’hui le Bénin, il nous donne à voir des images ethnographiques de guerriers, que l’on peut découvrir dans son livre Worlds in a small room. En 1970, c’est du Maroc qu’il ramène des images qui semblent hors du temps. Ensuite il photographie des hippies à San Francisco.
Artiste venu de la peinture à la photographie, c’est sans doute de là que lui vient cet attachement à la qualité de la lumière que l’on perçoit tant dans ses portraits que dans ses natures mortes. C’est avec cette subtile manière qu’il a de jouer avec la lumière du flash électronique ou de la lumière du jour qu’il crée une atmosphère définissant son style unique.
On lui doit également deux ouvrages de dessin, passion originelle à laquelle il revient, sans toutefois interrompre ses recherches photographiques. Il vit aujourd’hui à New-York.
Roland Quilici
Le Monde . 18 Avril 2006