Certains disques font pleurer sans même que l'on s'en rende compte. Ils font verser ces larmes rares qui proviennent d'un endroit entre la mélancolie et la tristesse, le bonheur pur et la désarticulation totale des sentiments. La compilation Dirty French Psychedelics est ainsi : conçue par Guillaume Sorge et Clovis Goux (les animateurs du site/label DIRTY s), elle renvoie une image inattendue de la France des seventies - que l'on avait tendance à croire toute rance et qui se dévoile, ici, inattendue, somptueuse, drôle, chargée de drogues (évidemment) et de mélancolie (ce qu'on savait moins).
En 14 morceaux, le disque est une exploration des goûts communs des deux compilateurs et un portrait oblique de la France de Giscard. Il se dévore, littéralement, sans broncher et transporte dans un ailleurs et un imaginaire étrangement féconds, à la manière d'une suite de portes ouvrant chacune sur un univers différent.
On y croise quelques célébrités (Christophe, Bernard Lavilliers - dans un exercice méconnu évoquant le Gainsbourg de Melody Nelson), des personnages cultes (Dashiell Hedayat), des inconnus (le groupe Cheval Fou, auteur du plus beau morceau du disque, une odyssée de 12 minutes, tribale, enchantée, défoncée). Autant de morceaux et d'utopies successives, qui dressent une cartographie musicale complexe et luxuriante, étrangement inattendue, formant une suite langoureuse, contemplative et onirique.
On n'est pas ici dans la moiteur marécageuse du psychédélisme américain ni dans celle, pop et conceptuelle, du psychédélisme anglais. On est plutôt dans ce qui fait la richesse française du genre : un psychédélisme tout aussi utopique que les films de la même époque, ceux de Godard par exemple, ou les bandes dessinées du même moment - celles de Druillet, Pellaert, Gébé aussi.
Mais au-delà des comparaisons, ce qui tient en haleine ici, c'est bien la composition de l'ensemble du disque, qui fait œuvre par lui-même : dans une époque où l'on a tendance à croire que les albums n'existent plus, que seuls les morceaux comptent et priment individuellement, cette compilation tient toute seule d'un bout à l'autre, raconte une histoire, se déploie dans le moment, impose sa propre narration et son cheminement propre.
C'est l'addition des morceaux qui importe, leur fluidité, leur voisinage. On est là au cœur même de ce que l'on aime dans la musique : des bons morceaux dont l'enchaînement raconte une histoire, qui illumine doucement les oreilles, la vie.
Dernière édition par Nine le Mer 8 Juil - 14:58, édité 2 fois
Nine Admin
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Sujet: Re: PSYCHES ANNEES 70 Mer 8 Juil - 12:26
Une rareté de Christophe de l'époque
SUR LA ROUTE DE SALINA "sunny road to Salina"
A quoi bon sortir des compilations quand tout est déjà disponible ? Clovis Goux et Guillaume Sorge répondent à leur façon depuis 2003 en sortant des sélections de morceaux rares, peu connus, ou difficilement trouvables.
Avis aux pop-lovers cette fois !
Sur le papier, « Dirty French Psychedelics » est une compilation « Radio Nostalgie » avec des noms connus de nos parents.
Dans les faits, c'est un voyage halluciné au pays de la pop psychédélique française qui s'écoutera d'une traite, les yeux mi-clos dans la chaleur de l'été 2009. « Dirty French Psychedelics » s'adresse aux fans de pop française, de Serge Gainsbourg à Air, à ceux qui veulent découvrir ou redécouvrir la musique des seventies, aux gens qui aiment écouter des disques sans vraiment y faire attention et à ceux qui écoutent attentivement la musique au casque. « Have a good trip » !
Dernière édition par Nine le Mer 8 Juil - 14:55, édité 3 fois
Nine Admin
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Sujet: Re: PSYCHES ANNEES 70 Mer 8 Juil - 12:34
Critique sur l'excellent site Gonzaï signée GMT [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Pour fêter la sortie de l’excellent nouveau cru des fossoyeurs du culte de chez DIRTY, Guy-Michel Thor refait surface pour commenter treize perles du psychédélisme français oubliées des jeunes générations qui dansent aujourd’hui sans trop savoir pourquoi.
Il a tout vu, tout connu mais s’est rarement fait entendre, Guy-Michel offre 10 exemplaires d'un mix très spécial de DIRTY aux dix lecteurs les plus rapides à répondre à cette question : Quel est le lien de parenté entre Christophe et Alain Kan?
Les doigts se glissent dans ma chevelure à demi-dégarnie, nous roulons à près de 75Km/H sur la nationale qui me conduit à Enghien-les-Bains, il est presque 19H ce jeudi soir, Sunny road to salina, le soleil se couche sur l’industrie de croquettes pour chien de Cogitex et des rayons jaune doré se reflètent sur le pare-choc de ma Renault Laguna.
A l’intérieur du cockpit (j’ai fini de payer les traites en septembre dernier, dieu merci), les chœurs résonnent, fidèles au souvenir d’origine, comme la première fois, lorsque j’avais entendu Christophe, à Cogolin, été 1970. Ah ca, on peut dire qu’à l’époque il ne cherchait pas encore à faire chanter des vieilles boursouflées comme Adjani. C’était une autre époque, j’avais encore des cheveux et ma femme taillait autre chose que des crayons. « Cocotte, tu me passes mes sunglasses Vuarnet 1987 ? »
Sunny road to salina bordel. Foi de Guy-Michel, je viens de retrouver ma jeunesse. Dire que des morveux même pas nés à l’époque osent ressortir ces vieilleries des cartons... Pour la première fois depuis longtemps, j’ai enfin pu réécouter une compilation sans me sentir vieux, pour la simple et bonne raison, coco, que ca chante mon époque. Ils sont tous là, même pas fripés, à me sourire avec leurs bridges et leurs retraites durement gagnées. Ca fait longtemps que j’avais pas eu envie d’embrasser un jeune. La dernière fois c’était en 1991 autour d’un méchoui avec Christian Vander et sa fille. J’vous passe les détails mes loulous, ça m’avait couté le prix d’un test de grossesse.
Le temps du franc fort, on y revient. Sur cette DIRTY Psychedelics, y a la vieille femme Fontaine avec Jean-Claude Vannier (Il pleut, un sacré titre avec des larmes dedans), le boxeur à marcel (Cerdan, ah ah ah, trop drôle Guy-Michel) Bernard Lavilliers avec l’un de ses seuls titres qui me donne pas envie d’envoyer de l’Anthrax à tous ses amis communistes (Les Aventures Extraordinaires D'un Billet De Banque) et deux trois petites choses contestables pas très jojo. De toute façon, j’ai jamais rien compris à cette lopette Alain Kan, rien de plus qu’un Richard Antony qui aurait pas sucé que des glaçons. C’est d’autant plus vrai sur Speed my speed, effroyable trésor gâché que, la preuve, même ma femme adore.
Je viens d’enclencher la cinquième, toujours plus vite direction Enghien, retour de l’usine, et voilà que Looking for you de Nino Ferrer débarque dans le poste. Ca m’a projeté quarante ans en arrière, quand avec les copains on avait décidé de partir vivre en communauté hippie du côté de Cherbourg. En plein hiver, le cul à l’air, je peux vous dire qu’on avait pas fait les fiers. On dirait le Sud, hein, mais en beaucoup plus froid. Tout ca pour dire que le titre du Nino m’a autant remué que celui d’après, le Tape tape tape de Jeanne-Marie Sens, reflet d’une époque où je rêvais de baiser des groupies sans protection. C’était les années 70, et j’crois que c’est là que tout a merdé ; j’ai réussi à en attraper une (de groupie), et forcément, avec le gamin sur le dos il a commencé à courir moins vite le Guy-Michel. Il devait pas être le seul d’ailleurs, quand je vois la carrière des mecs sur la compile, faut bien avouer qu’ils tous devenus inconnus, morts, dépressifs ou disparus sur un quai de l’automne 1990.
En arrivant à la maison, j’ai garé la voiture devant la maison à crédit (j’ai pas fini de les payer ces traites là) et j’ai bien senti que la fête était finie, qu’il fallait couper le poste et rentrer biser la vieille et le gamin. Pour la première fois depuis longtemps, prétextant d’avoir oublié d’acheter du pain, j’ai repris la route de Salina. Une dernière fois, pour le plaisir, être fier d’être français au volant d’un bolide sans âge.
DIRTY // French Psychedelics // Dirty (Discograph)