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 Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA

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sabine




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MessageSujet: Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA   Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA EmptyMar 8 Juil - 14:10

LE DUENDE





C’est le mot magique de la culture espagnole : le “duende”, un mot qui provoque des débats épiques. Il viendrait du latin “dominus”, qui s’est transformé en “dueno”, le seigneur de la maison. Voilà l’exemple même du terme intraduisible, si ce n’est dans un langage, celui de la religion. Dans le monde de la tauromachie et du flamenco, il signifie la grâce, animal invisible et miraculeux, surgi des corps en mouvement. Le sens du mot est enraciné dans la région andalouse et la culture du flamenco, le duende désigne alors littéralement un charme mystérieux et indiscible.


Le duende, cet esprit, ce démon, cet ange qui opère sur le corps des danseuses, dans le gosier des cantaores, ou la cape du torero - cet ange qui vient ou ne vient pas, sans crier gare - le duende est inséparable du poète qui l’a le mieux approché, Federico GARCIA LORCA.




C’est en lisant certains textes de Federico Garcia Lorca qu’on peut parvenir à mieux cerner les facettes de cette expérience. Il apporte son témoignage de musicien et poète, dans une conférence écrite en 1930, « La théorie et le jeu du duende », dans laquelle il déclare : “Tous les arts sont capables de faire apparaître le duende (démon intérieur), mais là où il rencontre le plus d’espace, là où il est le plus naturel, c’est dans la danse et dans la poésie récitée, car elles demandent un corps vivant qui interprète, elles sont des formes qui naissent et meurent de façon perpétuelle et soulèvent leurs contours sur un présent précis. Avec les mots, on dit des choses humaines. Avec la musique, on exprime ce que personne ne connaît ni ne peut définir, mais qui existe plus ou moins fortement en chacun de nous. La musique est l’art pas nature. On pourrait dire que c’est le champ éternel des idées.”


Le duende se manifeste lors d’un rassemblement familial ou amical, au sein de la communauté gitane andalouse, réunie pour boire et pratiquer les danses et chants flamencos (la juerga flamenca). Lors de cette fête, à tout moment, un chanteur ou un danseur peut émerger du public pour manifester son émotionnel dans un chant ou une danse et retourner ensuite dans le groupe, en cédant sa place à un autre membre de l’assistance. Chaque participant est potentiellement capable de fournir, à un moment donné, une prestation en soliste. En attendant, il prend part à l’accompagnement et assure ainsi la cohésion dans l’assistance (palmas, jaleo, qui ponctuent et rythment le spectacle, pour encourager le soliste).


Le duende apparaît lorsque l’émotion est à son comble, dans ce moment de communion totale qui réunit le soliste et le public, il est dans l’atmosphère. On peut alors observer des comportements spectaculaires, évoquant des scènes d’envoûtement, les participants se mettent à déchirer leurs vêtements, ou s’embrassent en pleurant, ils sont à la fois en dehors et en dedans de leur corps. Cette émotion du visible et de l’invisible est due au caractère spécifique du chant andalou, comme s’il y avait une âme dans ce chant propre aux peuples tziganes, perpétué par la voie orale.


La tentative de Federico Garcia Lorca pour revaloriser le flamenco est liée à un sentiment nationaliste émergeant dans la musique de l’époque. L’influence de l’opéra italien sur la musique populaire créa une réaction de nationalisme populaire dans toute l’Europe. Les compositeurs se lançaient à la recherche de musiques ethniques. La musique andalouse et le flamenco devinrent le point de mire de nombreux musiciens nationalistes étrangers. Alors commence à ressurgir un art “primitif andalou”, qui était jusqu’alors limité aux populations les plus marginales de la société.
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MessageSujet: Re: Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA   Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA EmptyMar 8 Juil - 14:10

Les modernistes permettent au flamenco d”émerger enfin des tavernes et des jargons urbains où il se trouvait, pour commencer à recevoir une certaine considération. Federico Garcia-Lorca, initié au flamenco depuis son enfance, se charge, à l’âge adulte, de lui donner un sens universel que personne ne lui avait auparavant donné. Il réinvente le flamenco, compris comme l’âme de l’Andalousie, il crée des formes et des modèles nouveaux pour nommer un art déjà millénaire, il invente un nouveau langage et parvient à inscrire définitivement le flamenco dans la culture classique, mythique, méditerranéenne et universelle, situant le flamenco au même niveau que la tragédie grecque. Jean Cocteau rend magnifiquement compte de cette similitude, dans son film “Le testament d’Orphée”, où il utilise la fête flamenca pour exprimer le sens caché de la tragédie grecque. Quelle chose étrange, cette façon qu’a le poète d’extraire en trois ou quatre vers toute la rare complexité des plus grands moments sentimentaux de la vie d’un homme!


Entre 1924 et 1927, Federico Garcia Lorca développe le Poème du Cante Jondo, ou “Chant profond”. Il en parle mieux que personne : “Il s’agit d’un chant purement andalou. C’est profond, véritablement profond, plus encore que tous les puits et toutes les mers qui entourent le monde, beaucoup plus profond que le coeur actuel qui le crée et que la voix qui le chante, parce qu’il est presque infini. Il n’y a rien, absolument rien de comparable en Espagne, que ce soit au niveau du style, de l’atmosphère ou de la justesse de l’émotion”. Expression la plus archaïque de l’identité andalouse, le poète veut sortir le Cante Jondo de la marginalité et du discrédit dans lesquels il croupit depuis trop longtemps. Un retour à ses origines lui permet de justifier la gratitude légitime qu’il mérite : “Nous devons aux tribus gitanes la création de ces chants, âme de notre âme, nous leur devons les gestes rituels de la race, la construction de ces chemins lyriques par lesquels s’envolent tous les maux.”




Avec Federico Garcia Lorca, le flamenco acquiert une force universelle et libératrice. Son recueil “Romancero gitan” en est l’illustration la plus accomplie. Avec ce morceau de poésie musicale, la culture populaire la plus ancestrale prend ses lettres de noblesse. Le génial rossignol transcende le flamenco en tant que musique populaire anecdotique, pour en extraire un nouvel élan créateur. Au départ, Le “Romancero gitan” n’était pas plus gitan qu’un autre morceau. Dans son essence, c’est un retable andalou de tout ce qui est propre à l’Andalousie, c’est un chant andalou dans lequel les gitans servent de refrain. Des romances de plusieurs personnages apparaissent, qui ont un seul nom, Grenade et où régne un seul personnage, la Peine, qui s’infiltre dans la moelle des os et dans la sagesse des arbres et qui n’a rien à voir avec la mélancolie, la nostalgie ou toute autre tristesse ou maladie de l’âme… peine andalouse qui est une lutte de l’intelligence amoureuse contre le mystère qui l’entoure et qu’elle ne peut comprendre. Un amour toujours en danger devant la mort aux aguets. Les disputes entre gitans et les contraintes d’un Etat répressif, incarné par la Guardia Civil, sont quelques-uns des thèmes récurrents de cette oeuvre.


” Un soir, la Niña de los Peines jouait avec sa voix d’ombre, avec sa voix d’étain fondu, avec sa voix couverte de mousse et l’enroulait à sa chevelure. Soudain elle se leva comme une folle pour chanter, sans voix, sans souffle, sans nuances, la gorge en feu, mais avec duende. Elle avait réussi à jeter bas l’échafaudage de la chanson, pour livrer passage à un démon furieux et dévorant, frère des vents chargés de sable, sous l’empire de qui le public lacérait ses habits.
La Niña de los Peines dut déchirer sa voix, car elle se savait écoutée de connaisseurs difficiles qui réclamaient une musique pure, avec juste assez de corps pour tenir en l’air. Elle dut réduire ses moyens, ses chances de sécurité - autrement dit, elle dut éloigner sa muse et attendre, sans défense, que le duende voulût bien venir engager avec elle le grand corps à corps. Mais alors comme elle chanta ! Sa voix ne jouait plus, sa voix, à force de douleur et de sincérité, lançait un jet de sang.”


Homosexuel dans un pays qui rejetait toute forme de sexualité différente, Federico Garcia Lorca dût dissimuler ses véritables désirs, ses véritables penchants. Son homosexualité est néanmoins une véritable clé pour comprendre nombre de ses poèmes et pièces de théâtre ultimes, particulièrement celles qu’on retrouvera après sa mort, comme « Le Public » (dont il avait demandé la destruction, avant sa mort). En 1998, des membres de la famille du poète refusent toujours d’admettre qu’il y a eu un homosexuel chez eux. On peut imaginer que de nombreuses lettres et documents écrits par Lorca ont été détruits après sa mort à cause de cela, et que certains dorment encore dans des tiroirs.
Il a fallu attendre quarante années après la mort du poète pour que la pièce « El Publico » soit enfin publiée dans son intégralité! Vu par Lorca, l’homosexualité portait en elle les germes d’une révolution. Dans cette pièce, un étudiant dit à un autre homme : « Et si je veux être amoureux de toi? » L’autre lui répond « À ta guise, je te le permets et je te porte sur mes épaules au milieu des rochers. Et alors nous détruirons tout. Tout!
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MessageSujet: Re: Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA   Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA EmptyMar 8 Juil - 14:12

FEDERICO GARCIA LORCA

Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA Lorca-10


"Une peine douloureuse et irrémédiable glisse sur l'Albayzin et sur les pentes splendides, rouges et vertes, de l'Alhambra et du Généralife ... et la couleur change sans cesse, et le son avec elle ... Il y a des sons roses, des sons rouges, des sons jaunes et des sons insolites ... puis c'est un grand accord bleu comme un prélude à cette nocturne symphonie de cloches... Presque toutes les cloches sonnent le rosaire d'un air las ... La rivière chante avec force. Les lumières clignotantes de l'Albayzin font danser leurs lueurs dorées sur les masses noires des cyprès..." Grenade p.747-748

Il était né à Fuente Vaqueros près de Grenade, le 5 juin 1998. Les franquistes le fusillèrent à la Fuente Grande que les Maures appelaient "la source des larmes" le 19 août 1936, toujours dans cette Grenade qu'il ne pouvait plus quitter. Toujours ces fontaines de larmes et de sang.

"Tout ici nous révèle une atmosphère d'interminable angoisse ... Un air chargé de plaintes de guitares et de cris indolents de Gitans. Un chuchotement de prières et un bourdonnement de zambra frénétique. " Grenade p 741

Avait-il du sang gitan, sans doute ne le saurons nous jamais bien que certains indices nous conduisent à le penser, tant certains tabous sont difficile à lever en ce domaine, mais il était proche de ce petit peuple métissé d'Andalousie qu'il apprit à connaître très jeune, tel son oncle, le vieux berger de l'Alpujarra ou le petit Moraïto (Mon village p.646 et 650). Dans cette Andalousie, les Gitans étaient souvent mêlés à ce petit peuple car ils n'étaient plus nomades depuis longtemps et à Grenade, ils demeuraient dans ces quartiers de l'Albaycin ou du Sacromonte.

"¡ Se acabaron los Gitanos que iban por el monte solos !"

Lorca contribua à recueillir et magnifier cette culture populaire. Guitariste, il sa tante lui avait enseigné l'instrument, et pianiste, il se destinait à la musique, mais sa vocation sera contrariée, il deviendra écrivain et sa poésie sera musique. Il recueillera des berceuses et des chants populaires presque oubliés et réhabilitera le flamenco. En 1922, avec son ami Manuel de Falla, il organise en effet à Grenade le concours de Cante Jondo. Et tout au long de sa vie, il défendra cet art qu'il n'a jamais cessé de qualifier de gitan :

"Et ce sont elles [les tribus gitanes] qui, une fois arrivées en Andalousie, donnèrent la forme définitive à ce que nous appelons aujourd'hui cante jondo en unissant aux éléments autochtones ceux qu'ils apportaient, également très anciens. C'est donc à eux que nous devons la création de ces chants, âme de notre âme, et l'ouverture de cette voie lyrique par où s'écoulent toutes les douleurs et les gestes rituels de notre race."

Chant primitif andalou appelé "cante jondo" p 811.

Et lorsqu'il parle de la seguirya, il ne lui vient jamais à l'esprit d'omettre l'adjectif "gitane". Mais cette culture, il la traite au plus haut niveau. Lui qui fréquente de Falla et Debussy, qui fait poser des plaques commémoratives pour Glinka, qui est reçu en héros en Argentine et en Uruguay considérera toujours le cante jondo comme la quintessence de l'art et ne le confondra jamais avec des espagnolades de pacotille.

" ...on doit chercher l'origine [du cante jondo] dans les systèmes musicaux primitifs de l'Inde." Le Chant primitif andalou appelé "cante jondo" p. 807


Car dans la voix de la Niña de los Peines comme dans une sonate de Bach peut apparaître le duende :

"Les grands artistes du sud de l'Espagne, Gitans ou Flamencos, qu'ils chantent, qu'ils dansent, ou qu'ils jouent de la guitare, savent que nulle émotion n'est possible sans la venue du duende ... ce démon furieux et dévorant, frère des vents chargés de sable ..." et " Le duende refuse de se montrer s'il ne voit pas la possibilité de mort ... le duende se plait à frôler le bord des puits." Théorie et jeu du "duende" p 822-823
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MessageSujet: Re: Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA   Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA EmptyMar 8 Juil - 14:17

Flamenco musica del alma maintenant je n ai plus qu'a aller vous chercher LE ROI DU FLAMENCO ☀

qui a le "duende" comme personne :

CAMARON DE LA ISLA ⭐ le prince Gitan que personne ne peut renier,
l'âme de San lucar de Barameda.

Un seigneur de la lignée de F. GARCIA LORCA

SABINE bisous juste merci pour ce ☀

tu as la sensibilité des Filles du Vent !
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MessageSujet: Re: Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA   Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA EmptyMar 8 Juil - 14:22

A SABINE flower

PACO DE LUCIA Y CAMARON bulerias

http://www.camarondelaisla.org/videos-de-camaron/camaron-paco.htm


el genio del Flamenco Gitano bisous
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MessageSujet: Re: Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA   Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA EmptyMar 8 Juil - 14:25

et la derniere video enregistre par CAMARON DE LA ISLA avec TOMATITO ☀ le sublimissime

SOY GITANO (voila le duende) ⭐



http://www.camarondelaisla.org/videos-de-camaron/soy-gitano.htm
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MessageSujet: Re: Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA   Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA EmptyMar 8 Juil - 22:07

Sabine, merci d'avoir choisi ce thème.

J'aime beaucoup Federico Garcia Lorca et il a su effectivement réveler au monde entier ce qu'il y avait d'intime et de passionnel dans le duende.
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MessageSujet: Re: Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA   Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA EmptyLun 9 Fév - 11:39

Un air de "duende" parce que celui là il en a .. du duende




Agujetas, forgeron, chanteur flamenco : une légende au festival Sons d'hiver
LE MONDE | 07.02.09 | 16h00






Bien, je vais chanter por solea." Oups, c'est parti. A peine assis sur sa chaise, stature de forgeron, belle gueule à la Chet Baker, marquée d'autant de plis que le Guadalquivir par vent d'ouest, chemise blanche, chaussettes fines comme bas de torero, mais noires, souliers vernis, Manuel Agujetas se lance à corps perdu dans une "solea". C'était vendredi 6 février, au Théâtre Romain-Rolland de Villejuif (Val-de-Marne), dans le cadre du festival Sons d'hiver.




Parmi les styles flamencos, la solea déchire. Pour peu qu'on se ménage, on ne l'aborde pas de suite. On laisse venir la voix. Agujetas n'a pas de ces mimiques. Et ce n'est pas à 70 ans qu'il va commencer une carrière de prudent.


Sur son flanc gauche, Antonio Soto, guitare en main, veille au grain. Soudain la voix, longue plainte, Ay ! Le buste en avant, prêt à tomber dans le cri. Alors défilent les histoires de douleurs, de fatigues de l'âme ou du corps brisé par la vie, l'amour, la mort.


Quoi d'autre ?


Hurlements, plaintes de fiancée trahie, coups de glotte étouffés soudain, la "solea". Depuis son cercueil parallèle, Antonio lance : "Bien, Manuel !" La voix s'étrangle. A la fin, sans même avoir éteint le dernier mot, Agujetas se lève d'un bond. Bueno, retour au calme, c'est tout, n'en faites pas toute une salade, juste une solea pour se mettre en cordes. On poursuit.


Né en 1939 à Rota (Andalousie), dans la province de Cadix, avant que la ville ne devienne une base de l'OTAN, mais vraiment de Jerez, un peu plus au nord, El Agujeta est le fils d'Agujeta l'Ancien. Forgerons de père en fils comme sont les Gitans, à qui seuls, par mépris, on laisse le travail du feu. Du coup, certaines formes sont soutenues, a capella, d'un martèlement sur tout ce qui passe : forge, micro, verre de whisky.


L'ÉPOUSE JAPONAISE


Ce soir, Agujetas ne boit pas de "ouiki", il prétend boire de l'eau. L'"escossès" (l'écossais, le whisky en idiolecte gitan), ne doit pas sa supériorité à l'alcool, sinistre idée de puritain, mais à l'eau de source qui le clarifie.


Antonio ne nomme jamais son voisin Agujetas. Ça, c'est bon pour nous. Antonio l'appelle Manuel, ainsi qu'il fut baptisé, Manuel de los Santos Pastor, fils de forgeron, n'abandonnant la forge lui-même qu'en 1970, parce qu'à force d'être adulé par le quartier, la ville, la province, le Japon, Agujetas finit par se lancer et ne cesse plus de tourner.


De retour à Jerez, il bricole dans la maison qu'il a construite de ses mains de feu, et fait danser Kanoko, l'épouse du Soleil-Levant. La nuit, il songe aux poèmes qu'il met au point pour les chanter. Agujetas ne chante pas flamenco. Agujetas est flamenco. Agujetas est à lui seul le flamenco. Si brut de décoffrage qu'il en sort infiniment raffiné. Kanoko danse sous ses voiles noirs. Imperturbable, Antonio fait le guitariste. Entre deux chants propres à paniquer un trader, Agujetas redevient normal, plein de joie d'être là : "Et si on se faisait un petit fandanguito, no ?" Allez ! Agua !


Il écarte ses mains d'oiseau, ses mains qui chantent tous les cantes un par un avec lui, ses mains tantôt méchantes, tantôt tristes, il ouvre la bouche dans le vide, sans son, photo ! Photo : un des plus illustres flamencos de tous les temps est en train de chanter. Eh bien, non, Agujetas ouvre simplement la bouche en trou noir, la voix ne viendra que plus tard.


Il parle d'une "lettre que je t'ai écrite". Un des trucs que les gens adorent écrire d'Agujetas, c'est qu'Agujetas ne sait pas écrire. Misérable idée de l'écriture !


Festival Sons d'hiver.


Jusqu'au 14 février. Mardi 10 février, à 20 h 30 : Louis Sclavis, Craig Taborn, Tom Rainey. Théâtre Paul-Eluard, 4, avenue de Villeneuve-Saint-Georges, Choisy-le-Roi. Tél. : 01-48-90-89-79.


Francis Marmande
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MessageSujet: Re: Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA   Le DUENDE, paradis perdu de Federico GARCIA-LORCA EmptyLun 9 Fév - 11:45

Manuel Agujetas


Manuel Agujetas est reconnu pour être le plus grand chanteur vivant du cante jondo. Son style est vif, saisissant dénué de toutes fioritures. Du flamenco authentique, brut de décoffrage, et sans concessions.

Manuel de los Santos Pastor, dit Agujetas, chante comme il travaillait le fer dans la forge paternelle, avec l'intensité du feu, avec la force d'une âme à vif. Comme son père avant lui, ce gitan de Jerez de la Frontera, perpétue le flamenco de sa région et son Cante Jondo (chant profond) est le plus pur que l'on puisse trouver. Agujentas est avant tout un homme libre, parce qu'il ne doit rien à personne, parce que son nom n'apparaît sur aucun registre, parce qu'il est analphabète. Il déclare "Un homme qui sait lire et écrire ne peut chanter le flamenco, car il perd le savoir prononcer ". Ce qui ne l'empêche pas de créer ses propres "letras" (textes), qu'il répète jusqu'à ce qu'elles s'incrustent dans son cerveau.

Ajugentas ignorant les compromis, il fallut l'insistance de ses amis et le vif succès de son premier disque pour qu'en 1970 il abandonne le métier de forgeron et devienne cantaor à plein temps. Par la suite, il obtint le prestigieux prix national de chant Manuel Torre, et ce sont les scènes internationales qui découvrent l'âpre beauté de ses soleas, de ses seguiryas et surtout de ses marinettes, ces chants dramatiques pour voix seule, dans lesquels il excelle.

La reconnaissance de ses pairs et des amateurs a accentué sa grande fierté, mais n'a rien changé à son mode de vie. Il vit à Jerez dans la maison qu'il a bâtie de ses mains, cultive les légumes de son jardin, enseigne la danse flamenco à sa femme japonaise et retourne triturer le métal par plaisir. Mais jamais il ne cesse de chanter et de créer ses histoires d'amour et de douleurs, qu'il lance sur scène en plein cœur de son auditoire comme autant d'aiguillettes (Agujetas en espagnol).

Magali Bergès

(alias Manuel de los Santos)

http://manuel_agujetas.mondomix.com/fr/artiste.htm
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