Dans le restaurant japonais où il reçoit, Christophe est chez lui. Le thé arrive sans qu’il l’ait commandé. Immédiatement, la discussion s’emballe, pareille à ses récentes chansons : labyrinthique, déroutante. Souvent hésitants, ses propos prennent des chemins étonnants. «C’est la rencontre qui déclenche. La nuit dernière, j’ai croisé MC Solaar dans un bar. Que je ne connais pas. On a discuté trois minutes; c’était pas showbiz ! On a été tous les deux à la hauteur de notre indépendance et de notre solitude.»
Indépendant, solitaire. L’affirmation déjà de deux caractéristiques de ce chanteur à part, qui de «moustachu ringard» est devenu au fil du temps «dandy excentrique». «Je n’ai pas senti le passage. Ou alors des gens me le racontent. Parce que pendant toutes ces années, je n’ai écouté que moi. Les autres ont changé, pas moi.»
On explore ses derniers coups de cœur musicaux et ses fondamentaux. On évoque Camille, Benjamin Biolay, Bowie, Bashung – «Alain n’est pas décédé, je l’écoute tout le temps!» –, Brian Ferry, Massive Attack et son dernier flash : Gil Scott Heron. Mais, d’un coup, le crépitement des citations se mue en flamme : «Je ne fais jamais de duo, mais j’ai dit oui à Adamo parce que ce mec est magique. Un mélodiste hors pair, resté dans son cliché, mais sciemment.»
Pas de nostalgie
«Chaque seconde est importante, car les choses se font malgré moi. J’ai besoin d’un niveau de hasard assez élevé», enroule Christophe, sans qu’on ne se souvienne de la question. Pour le coup, la formation scénique qu’il présentera lors de ses prochaines dates le réjouit. «En trio, on gère facile ! L a set-list se fera une heure avant le concert. L’ambiance du jour, le feeling de la salle. Tout cela est troublant, joue un rôle!» glisse-t-il, amusé, alors que la conversation se poursuit dans son appartement.
Dans ce bric-à-brac de chineur, fou mais méticuleux, s’empilent des radios par dizaines (millésime 1950), shakers, photos innombrables, juke-box, piano, guitares et livres d’art. Pourtant, il insiste : pas de nostalgie. Des pionniers du yé-yé, il ne fréquente personne. Un peu Eddy Mitchell, mais c’était il y a déjà deux décennies, pour frotter leur cinéphilie. Exception : Daniel Filipacchi, le mythique producteur radio de Salut les copains, est son ami, son confident. Au détour de l’échange, on le questionne sur Johnny, il répond : «Julien Doré cherche ses trucs. Ce petit jeune fera parler de lui…»
Et vous, Christophe, vous imaginez-vous encore en idole des jeunes ? «Mon instinct me fait toujours aller où je ne suis jamais allé, répond celui qui prétend avoir tous les âges de la vie. Mais pas 65, ça, c’est sûr!»
Christophe aux Francomanias de Bulle, le 11 mai, avec Charlotte Parfois, Guillaume Cantillon, Tété, Emily Loizeau, www.francomanias.ch
Nine Admin
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Jeu 13 Mai - 20:29
LE DERNIER DES GEANTS
MAL COMME
Après avoir publié le disque français le plus hallucinant de la décennie, Christophe joue enfin, ce soir, en Suisse romande.
Jean-Philippe Bernard - le 10 mai 2010 Le Matin
LE DERNIER DES GEANTS
«Dandy un peu maudit, un peu vieilli, dans ce luxe qui s'effondre...»
Trente-sept ans après, la citation des «Paradis perdus» n'a jamais sonné aussi justement. Dans un paysage francophone en ruine depuis le départ de Bashung, Christophe s'impose comme le dernier des géants, le rocker ultime...
Aux côtés de ses complices Johnny et Eddy, celui qui vit le jour en 1945 sous le nom de Daniel Bevilacqua est l'élégant gardien de la flamme allumée par Elvis et Gene Vincent à une époque où le monde rêvait encore en technicolor.
Le souverain d'un univers parallèle
Depuis les premiers jours, le rock coule dans le sang d'un chanteur qui, après une volée de tubes délicieux dès le milieu des années 1960 («Aline», «Les marionnettes», «Excusez-moi, Monsieur le professeur»), a fini par s'encastrer sauvagement dans la mythologie sonique. Au risque, malgré les fulgurances seventies des «Mots bleus» ou «Des paradis perdus» et le succès du single «Succès fou» en 1983, de dérouter un public qui le voyait comme un innocent chanteur de variété...
C'est un fait, Christophe demeure désormais en marge, héros fascinant sorti d'un tableau de Norman Rockwell revu et corrigé par David Lynch. L'homme est le souverain d'un de ces univers parallèles que les garçons sensibles inventent parfois pour ne pas vieillir.
On raconte qu'il file la nuit à grande vitesse sur le périphérique au volant d'un de ces bolides vintage qu'il collectionne en s'en remettant au diable ou à la Vierge Marie. On sait qu'il ne s'endort jamais avant l'aube, après avoir écouté ses 78 tours de blues ou l'un de ses juke-box chargés à bloc avec du rock garage ou du rockabilly. Parfois aussi, il rêve les yeux ouverts face à l'écran sur lequel défilent James Dean, Steve McQueen, Paul Newman et autres icônes hollywoodiennes aux sens affûtés par l'huile de vidange.
Un mode de vie pareil ne peut décemment enfanter que de ce qu'il nomme lui-même «un code d'honneur un peu suspect»... Et déboucher sur une poignée d'albums hors norme, sidérant d'audace avec lequel seuls ceux du regretté Alain Bashung pouvaient rivaliser.
Dans ce florilège, Il y a d'abord le bien nommé «Beau bizarre» et puis surtout «Bevilacqua» en 1996. Sur ce dernier opus, explosé au cutter comme un récit du romancier beat William Burroughs, Christophe rend hommage à Enzo Ferrari avant de pactiser avec Alan Vega, le chanteur de Suicide et légende sulfureuse du rock new-yorkais à jamais perturbée par un séjour dans une jungle vietnamienne éclairée au napalm.
Ce disque radical n'est malheureusement pas de ceux qui affolent les hit-parades et redonnent le sourire aux éditeurs. Il est d'ailleurs aujourd'hui quasi introuvable.
Introuvable, «Comm'si la Terre penchait» ne l'est pas. Mais ça ne le rend pas moins culte. En 2002, encouragé par le bel accueil critique et public dudit album, Christophe a repris la route, proposant un spectacle enchanteur et hypnotique, immortalisé par un double album enregistré à l'Olympia de Paris.
La grande œuvre
Tous ces ouvrages passeraient toutefois presque pour des esquisses préparatoires en comparaison «D'aimer ce que nous sommes», la grande œuvre d'une vie artistique à nulle autre pareille. Avec cet album qui a mûri lentement durant près de cinq années avant de voir le jour au début de l'été 2008, Christophe ne laisse aucune chance à la concurrence.
On ne connaît aucun équivalent à cette galaxie sonore, littéralement irradiée par des particules de genres aussi divers que la variété, le rock, l'electro, la pop ou la musique concrète. Ici, chaque mot, chaque note, chaque arrangement a été pensé, pesé par un artiste en état de grâce. Et le résultat, loin d'être pétrifié par un casting au sein duquel on distingue Isabelle Adjani, le mythique batteur Carmine Appice (Vanilla Fudge, Jeff Beck), une partie du groupe Tanger, le pianiste genevois Patrick Müller ou le sorcier mexicain de l'ambient Murcoff, est l'une de ces collections de chansons magiques qui parlent vrai, au corps comme au cœur.
Louées soient les «Francos» d'inviter enfin en terre romande la plus fascinante de légendes vivantes.
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Nine Admin
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Jeu 13 Mai - 20:34
PARLE LUI DE MOI
Elle est là, debout Sur mes paupières Et elle danse toujours Poupée de verre Je deviens fou A creuser dans les nuits J'ai toujours ces rêves D'infini
Je regarde le ciel Les mains tendues vers Toi Mon Dieu, si elle T'appelle Parle-lui de moi
L'infini, je sais C'est presque rien Et ça se finit Au p'tit matin Mais l'infini, tu sais C'est déjà bien C'est toute la nuit Et puis plus rien
Bridget
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Lun 26 Juil - 22:39
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Les chansons de l'été «Aline»
Sur les plages de l'été 1965, les «copains» entonnaient autour de leurs transistors l'air d'un jeune inconnu : Christophe
L'été 1965 était d'un calme trompeur.
De Gaulle inaugurait le tunnel du mont Blanc sans se douter qu'en septembre Mitterrand serait candidat à l'élection présidentielle et le mettrait en ballottage (avec une participation de 85% !).
Courrèges venait de lancer la minijupe, Esso mettait un tigre dans son moteur et, à la messe, dans la foulée de Vatican II, le français remplaçait le latin.
En Grande Bretagne et aux Etats-Unis - dont l'opération Rolling Thunder inaugurait les bombardements intensifs du Vietnam du Nord - se bousculaient en tête du hit-parade estival rien de moins que « Satisfaction » (The Rolling Stones), « Help » (The Beatles), « My Generation » (The Who) et « I Got You Babe » (Sonny and Cher).
En France, on inventait... le « slow de l'été », expression appelée à durer tant que les amoureux s'enlaceront.
Mais y a-t-il des « slows de l'automne » ?
« Aline » marque donc d'une pierre blanche l'histoire des tubes. Sur les ondes et les Teppaz passe en boucle la ritournelle d'un nouveau copain au royaume des yé-yé (Johnny et Sylvie se sont mariés en avril à l'église de Loconville).
Christophe a 20 ans. Il a composé la chanson en une heure chez ses grands-parents - son grand père Bevilacqua, arrivé à 20 ans de Milan, avait monté une entreprise en chauffage central reprise par son fils à Juvisy. Dans l'atelier où traînent filasse et amiante, assis sur une caisse à outils, Christophe pose sur une guitare acoustique les accords do-mi-fa-sol. «Et j'ai crié, crié...», un premier vers, une quête du son qui ne le quittera pas, un « blues cochranien ».
Il avait écrit le texte sur un cahier d'écolier. Les mots avaient coulé de source à l'évocation du mouvement de la mer sur le sable mouillé. A l'époque, Christophe fait son service militaire. Après ses classes à Dieuze, dans la Moselle, il profite de huit jours de perm pour déserter.
Rattrapé à Nice, il passe trois mois au Val-de-Grâce en isolement psychiatrique avant d'être réformé. Sa carrière est au point mort : après les premiers concerts à 16 ans de Danny Baby et les Hooligans, Daniel Bevilacqua avait sorti sous le nom de Christophe en 1963 un premier 45-tours en solo. « Reviens Sophie », sur le label du Golf Drouot, avait trouvé peu d'écho.
Sur les conseils de Jacques Canetti, il enregistre « Aline » au studio Philips, boulevard Blanqui. Les arrangements sont de Jacques Denjean, jazzman familier de Count Basie, de Quincy Jones ou de Dionne Warwick et qui, curieusement, signe aussi ceux de « Capri, c'est fini » d'Hervé Vilard, tube rival du même été. La France flirte.
Face : le petit prince boucle d'or ; pile : le beau brun, enfant de l'Assistance publique (qui avait signé le contrat de l'artiste, encore mineur !).
La voix efféminée de Christophe fait des ravages chez les jeunes filles. « Aline » atteint 1 million d'exemplaires. Sur la pochette du 45-tours, Christophe en chemise de madras et, en arrière-plan, le portait d'une belle dame. Depuis deux ans, l'artiste vivait porte d'Italie avec une jolie blonde d'origine polonaise répondant au nom d'Aline. Assistante d'un cabinet dentaire de Montparnasse, elle tenait le soir le vestiaire de L'Orphéon, club où Christophe chantait - et dormait dans la cave. Son séjour sous les drapeaux avait donné quelques coups de canif à leur liaison.
La meilleure amie d'Aline, blonde comme elle, s'appelle Danièle, et Christophe n'est pas insensible à ses charmes, au point que c'est son doux visage qui illustre la pochette.
Chaque fois qu'on demande à Christophe quelle chanson de lui il choisirait s'il ne devait en retenir qu'une seule, il répond toujours « Aline », «simplement car c'est elle qui m'a fait».
Le succès est si fou que Christophe l'enregistre en italien - mais c'est « Estate senza te», l'adaptation de «J'ai entendu la mer», qui triomphe l'année suivante - et en espagnol. Il vaudra aussi au chanteur un procès, qu'il gagnera en appel, Jacky Moulière l'accusant d'avoir plagié sa chanson « la Romance », publiée chez Rigolo, le label d'Henri Salvador.
« Aline » ne nous quittera plus. L'été 1979, en pleine vague du disco et du punk, Véronique, la femme du chanteur, lui suggère de ressortir la version originale de son titre fétiche. Le single s'écoule à 3,5 millions d'exemplaires !
Depuis, la chanson tourne-coeur rassemble les générations. Des babyboomers aux néo-minets du XXIe siècle. Quant au prénom Aline (qui n'est pas le féminin d'Alain, mais un diminutif ancien d' Adeline), il fleurissait l'été 1966, comme celui de Christophe, chez les nouveau-nés.
François Armanet
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liliane Admin
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Mar 27 Juil - 11:44
Christophe: "Je suis un mec bizarre"
Coupe de champagne à la main, lunettes bleues sur le nez, veste en cuir sur les épaules, crucifix sur le torse et poignée de main franche: Christophe nous a accueillis dans sa loge hier, un peu avant minuit, juste après être sorti de scène. Une très jolie rencontre avec un fond sonore des plus agréables. Jacques Dutronc venait en effet d'investir la scène et on entendait au loin les clameurs du public. Petit moment hors du temps avec un artiste sur un nuage, ou plutôt, sur sa planète.
Comment vous sentez-vous, juste après ce concert? Pour moi, le concert n'est pas une forme de travail, c'est une aventure. Donc je me sens sur ma route, simplement. Ca déclenche toujours quelque chose pour la suite. C'est ce qui est important. Ce que j'aime bien, quand on fait des concerts, c'est la rencontre avec les gens, les dédicaces... J'ai du mal à parler de ça. Autant quand je prépare un album, je suis très concentré, je cherche des choses originales, j'essaie de voir arriver le miracle, parce que pour moi la création est un miracle. Après... la scène... j'aime qu'on me dise que je suis bien sur scène, que c'est magique, alors que j'ai l'impression de ne pas être un mec de scène.
On sent que sur scène, vous êtes là pour vous faire plaisir avant tout... Oui. Il faut que je sois traversé par la nuance. Ca manquait de nuance ce soir. J'aime que tout à coup on n'entende plus rien. C'est vrai que quand soi-même, on s'approche de l'amour, on le transmet. Les gens me connaissent bien. Ils sont assez proches de moi et en même temps en retrait. C'est particulier.
Le chanteur de Piano Club, lors de sa prestation, a déclaré que vous étiez notre "Dieu à tous". Ca vous fait quoi de toucher à ce point la jeune génération? C'est drôle. Pour moi, c'est un beau reflet de toute la passion que je pose sur ma toile sonore. Je ne fais pas des albums pour les vendre. Peut-être que ces gens ressentent que je suis un résistant et que je pense avant tout à ma musique.
Coeur de Pirate a, elle, émis le souhait d'un jour faire un duo avec vous. Mais elle se demandait si vous la connaissiez... Mais où est-elle? Il faut que je la vois! Elle est Canadienne, d'abord? Les Canadiens ont beaucoup de talent, comme les Belges. Ce sont des denrées sures.
Il paraît que vous ne vous séparez jamais de votre ordinateur portable. Qu'en avez-vous fait depuis votre arrivée à Spa? Il est là, oui. J'écris tout le temps. Pour prendre mes petites notes, mes chansons, j'écris là-dedans (il nous montre son iPhone). Sur mon ordi, j'ai un synthétiseur avec un logiciel. Dès que je trouve quelque chose, je l'enregistre. C'est comme ça que j'écris un album. Rien n'est formaté. C'est l'album qui, à un moment, va venir à moi.
Vous vous apprêtez à sortir votre autobiographie... Je ne voulais pas mais quand on rencontre les bonnes personnes, on change d'avis.
Quand on lit une biographie, c'est généralement pour en apprendre un peu plus sur les gens. Quelle image avez-vous envie de donner? Je ne pense pas comme ça. Je pense juste au plaisir que je vais prendre, je veux juste avoir l'impression d'avoir écrit des choses qui sont des souvenirs rares et magiques.
C'est difficile de commencer une biographie? C'est la même chose que pour un album. On écrit plein de choses, après il y a quelque chose qui ressort de ça. Je fais les choses quand on me laisse le temps. Je suis quelqu'un qui profite juste de l'émotion et de l'instant. Je connais bien mon cycle, je sais comment je travaille. A un moment, un déclencheur va me traverser et me donner envie d'écrire 10 lignes ou 3 pages. J'aime l'inconnu. Vous savez, je suis un mec bizarre. Par exemple, j'aime les très beaux livres, j'en achète mais je n'en lis pas.
Que pouvez-vous nous dire sur votre prochain album? C'est dur d'en parler quand on est en pleine création? Oui, je suis toujours dans un fouillis, dans un état de création. Le plus dur, c'est de savoir trier. Là, j'ai des bribes de mélodies, de gimmick, qui sont les déclencheurs de la nappe sonore. J'aimerais que le prochain album ne ressemble pas du tout au dernier, que ça soit une sorte de nouveau film.
Lors des concerts, vous êtes obligé de chanter Aline, Les mots bleus... Ce n'est pas lassant? Non. Ca m'amuse toujours. Vous savez, on ne se rend pas compte qu'on vieillit, on reste toujours jeune dans sa tête. Ce qui est beau c'est d'entendre la résonance. Il y a une sorte de communion magique avec les gens, qui chantent comme ça. C'est touchant. Ces chansons ont traversé le temps. Mais je ne cherche pas le succès, je cherche la passion. Je n'ai pas l'impression d'être dans le showbiz, j'ai d'autres passions dans la vie. Comme la curiosité, le fait d'aimer tout ce qui est beau, ressentir les choses...
Jouer avant Dutronc, ça vous parle? Vous avez l'impression de faire un peu partie de la même famille? Non, pas tellement. Je ne me rends pas compte. Je le connais, Dutronc. On a une sympathie l'un pour l'autre. On se croise. Cette après-midi je suis allée dire bonjour à Emmanuelle Seigner, parce que c'est une vieille copine à moi. Enfin, "vieille", elle est jeune... Je l'adore. C'est un beau personnage, elle est vraie. Comme Camille.
Y a-t-il des collaborations prévues sur votre prochain album? En principe non. Je n'ai pas envie de duo. J'aime bien rester dans ma petite entreprise à moi. Mais je veux bien revister les chansons des autres.
Universal travaille justement sur un projet de reprises de Bashung... On m'a demandé de faire un truc et je n'ai plus de nouvelles pour l'instant. Il faudrait qu'ils prennent le temps de faire les choses bien, pas faire des choses nulles parce qu'il y en a quand même pas mal. Mais si on revient vers moi, je le fais. Alain était un bon compagnon, il avait un tel talent. C'était un des rares que j'aimais en France.
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Mer 15 Sep - 13:03
Christophe dévoile actuellement le clip de son nouveau single, "Interview de...", issu de son dernier album "Aimer ce que nous sommes", paru pourtant en 2008. Le chanteur n'avait pas proposé de vidéo pour illustrer l'une de ses chansons depuis 40 ans ! Découvrez celle réalisée avec Julia Pello et Darlene Lin !
Alors que son duo enregistré avec Salvadore Adamo, "Jours de lumière", vient d'être adressé aux radios (voir sur ce lien), Christophe prend le contre courant, réalisant avec Julia Pello et Darlene Lin, un clip complètement psyché afin d'illustrer son single "Interview de...", co-écrit avec Marie-Pierre Chevalier et co-composée avec Christophe Van Huffel, issu de son dernier album "Aimer ce que nous sommes" (Top 4 en 2008), son premier en 40 ans !
Découvrez le nouveau clip de Christophe, "Interview de..." :
https://dai.ly/xesxun
Christophe, c'est l'histoire d'un môme de 20 ans qui avait dessiné sur la plage le doux visage de son amour envolé. Et qui avait tellement crié, crié Aline pour qu'elle revienne qu'il avait vendu illico un million de 45 tours en 1965, et largement triplé la mise 15 ans plus tard, pour la réédition de ce méga-tube.
Pourtant, après "Les marionnettes" et quelques autres bluettes du genre (qu'il ne reniera jamais) Christophe, nourri à Robert Johnson, John Lee Hocker, Bill Haley, Little Richard, Elvis Presley, mais aussi Serge Gainsbourg, évolue assez sensiblement, surtout dès les années 70 où il découvre l'univers des synthés et se révèle plus proche d'un Michel Polnareff ou d'un Gérard Manset que des yé-yé de ses débuts. Ce seront "Les paradis perdus" (1973) aux textes signés Jean-Michel Jarre, "Les mots bleus" (1974), "Samouraï" (1976), "Le beau bizarre" (1978).
Dans le même temps, au plan privé, il flirte pas mal - de son propre aveu - avec les paradis artificiels, drogue et alcool confondus. Et après une compilation de standards des années 40-50, "Clichés d'amour" (1983) dont une adaptation française de Besame Mucho ("Dernier baiser"), il disparaît quasiment jusqu'en 1996, où là, le changement est flagrant avec "Bevilacqua" (Top 41), allusion à son propre patronyme. Pour la première fois, il signe ses textes. Bidouilleur, alchimiste, traqueur de sons, amateur d'ombre, homme d'instinct et de sensation, ex-“Lennonien”, dont les maîtres s'appellent désormais David Bowie et Alan Vega de Suicide, il écrit et compose comme il peint, le tout étant véhiculé par son filet de voix étrange à nul autre pareil.
En 2001, son nouvel album "Comm'si la terre penchait" (Top 45), conforte son image de dandy hors du temps, et l'année suivante, il se décide même à remonter sur scène après plus de 25 ans d'absence, mais de manière homéopathique. Après tout, malgré son look à la chevelure savamment blanchie, il n'avait alors que 56 ans...
Dernière édition par liliane le Mer 20 Juil - 14:41, édité 1 fois
Bridget
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Dim 17 Oct - 13:03
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Christophe en concert à Paris début 2011 pour présenter "Love is Art"
Pour faire la transition avec une nouvelle tournée prévue l'an prochain, l'incombustible chanteur Christophe se produira les 30 et 31 janvier 2011 au Théâtre du Palace à Paris, où il donnera en avant première un aperçu de son nouvel album.
Cela fait près de deux ans que Christophe parcourt les scènes françaises et internationales, présentant ses chansons modernes à l'instar d'un "dandy électro", personnage auquel il est identifié aujourd''hui par le jeune public.
Et ce n'est pas fini.
L'artiste aux cheveux longs grisonnants donne en cette fin d'année 2010 les derniers concerts de sa tournée, avec des dates programmées aux quatre coins de l'Hexagone jusqu'au 20 décembre (Cité des Congrès à Nantes).
Ensuite, pour faire la charrnière avec un nouveau projet discographique et scénique attendu en 2011 - l'album s'appellera "Love is Art" -, Christophe a prévu d'investir deux soirs de suite, les dimanche 30 et lundi 31 janvier 2011, la salle mythique parisienne du Palace.
Il y présentera en concert minimaliste de nouveaux titres. Sur scène, le chanteur Christophe sera accompagné du pianiste Pascal Charpentier et de son guitariste Christophe Van Huffel.
Ces deux dates, qui seront précédés une semaine plus tôt d'une date aux Arènes de l'Agora à Evry, serviront de test grandeur nature avant l'enregistrement dudit album.
Réservez vos places sans tarder pour les concerts au Palace: les billets sont en vente sur Internet dès à présent à partir de 44,50 euros (frais de location compris).
Dernière édition par Bridget le Sam 2 Avr - 14:26, édité 2 fois
Nine Admin
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Ven 19 Nov - 1:44
Mal comme Oh oui, mal comme De disparaître des Hommes Mal comme Oui, oui, mal comme Brûler ses yeux sur la lumière
Et tout au bout du jour Quand il décline Quand moi, je me ranime Tu ne deviens plus Qu'une vapeur diurne L'anneau de Saturne Qui me tourne, tourne autour
Personne Non, non, personne Ne prend jamais plus La place de personne Pas plus qu'ici, le bon souvenir Ne la laisse au mauvais
Et si le temps m'offrait L'aumône de lui-même Je l'utiliserais Encore et bien fait A aimer ce que tu es A aimer ce que je suis En somme Aimer ce que nous sommes
Aimer...
Et tout au bout du jour Quand il décline Quand moi je me ranime Tu ne deviens plus Qu'une vapeur diurne L'anneau de Saturne Qui me tourne, tourne autour
Et si le temps m'offrait L'aumône de lui-même Je l'utiliserais Encore et bien fait A aimer ce que tu es A aimer ce que je suis En somme Aimer ce que nous sommes
liliane Admin
Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: CHRISTOPHE Sam 18 Déc - 19:50
DIMANCHE 19 DECEMBRE - FRANCE INTER 10 HEURES ECLECTIK
Dernière édition par liliane le Ven 1 Fév - 22:41, édité 1 fois
Bridget
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Dim 10 Avr - 16:57
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Réédition de "Bevilacqua", un album culte.
sortie : 2011
En 1996, sort l’album éponyme Bevilacqua.
Christophe écrit la plupart des textes et fait preuve, comme toujours, d’un travail original et exigeant en matière de composition et de recherche sonore.
On parle à l’époque pour qualifier sa musique de Cyber-Jazz ou encore de Pop-Techno. Mais les étiquettes ne parviendront jamais à cerner les frontières de son univers.
Bevilacqua : treize morceaux, tous beaux, profonds et sublimes.
Cet album dévoile ce mélange sonore surprenant, habillé par cette voix si singulière. La critique musicale s’emballe et consacre Christophe comme « l’artiste de toutes les modes ».
Il enregistre «Rencontre à L’as Vega», un duo avec l’une de ses idoles, Alan Vega du groupe Suicide.
Christophe devient alors l’une des icônes de la chanson française.
Quinze ans plus tard, ce disque est devenu culte et malheureusement introuvable. L’artiste décide de le ré-éditer.
Pour notre plus grand plaisir à tous.
1.L'Interview (Jean-René Mariani - Christophe)
2.Qu'est ce que tu dis là (Jean-René Mariani-Christophe - Christophe»Claude Micheli)
Dernière édition par Bridget le Sam 2 Avr - 14:27, édité 3 fois
Bridget
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Mer 22 Juin - 12:04
Les disques rayés Le blog de François Gorin / Télérama
CHRISTOPHE
Sur Christophe, un chanteur qui sait si bien se la raconter, ne pas être tenté de l'imiter en faisant comme si on avait tout suivi, le moindre zigzag, la plus petite transformation capillaire. Au commencement tout le monde était là, du moins ceux qui étaient nés : 1965, “Aline”, son doux visage dessiné sur la plage, “et j'ai crié”, le petit loulou James Dean au front soucieux.
Puis Les Marionnettes, avec de la ficelle et du papier, ce phrasé naïf-obsessionnel, ces mots déjà touchés par l'aile du bizarre. Mais où étions-nous en 1971, à l'époque des premiers 45-tours Motors, chez l'ami-protecteur Dreyfus ?
Pourtant c'est La Petite Fille du Troisième qui gagne au jeu de l'empreinte : elle trace la première l'image d'un type inquiétant, fébrile, compulsif. La moustache ne fait pas encore partie du masque et la pose dandy attendra un peu.
Ici, trente ans avant Darry Cowl dans un film de Resnais (Pas sur la bouche), Christophe coiffe le fichu d'une concierge. Il/elle épie les faits et gestes des autres habitants de l'immeuble.
La vieille dame du cinquième, le monsieur du huitième et surtout la petite fille du troisième : quand elle va prendre son train, oui son train, oui son train, oui son train… je prendrai bien sa p'tite main. L'étrange créature n'en dira pas plus. Je vois tout, j'entends tout…
On est plus près du Locataire que d'Amélie Poulain. Ce n'est pas seulement le vieux papier peint qui se décolle, c'est la raison du narrateur. La folie rôde. La musique arabise.
Avant cette intro violonnée, seul un Claude François faisait sonner les trompettes de Jéricho dans la variété française.
Quand, trente ans après, Christophe reprendra pour la scène quelques vieilleries tirées de la naphtaline (dont une relecture des Marionnettes au bord des larmes), il appuiera avec à-propos sur cette touche de raï qui donne en quelques zébrures d'archet une grandeur mélodramatique au personnage mesquin, sournois, peut-être criminel, de la chanson.
Est-ce qu'on entendait ça à la radio en 1973 ? Pas si sûr. Dans ma veste de soie rose…
De quoi vous décaler juste assez un chanteur de hit-parade qui joue le jeu à sa manière, à moitié, un coup dedans, un coup dehors. Sur les pochettes de 45-tours, Christophe ex-Bevilacqua n'a pas l'air très latin lover, plutôt flippé, ailleurs, absent. Comme si on l'avait poussé sur le devant de la scène, un peu contraint à faire ce métier de glorieux forçat. Sourire aux filles, à quoi bon. Je déambule morose…
La voix d'un égaré, stranger in the night, étrangement douce, étranglée. Par quelle émotion ?
Christophe : fabricant-trafiquant de mystères, angoisses et clichés, maison établie en 1965. Pour que l'amateur de rock se fasse à l'idée que pareil minet moustachu était bon à adopter, à ranger quelque part entre Polnareff et Manset, parmi les fétiches autochtones aux destins divers, il a fallu se rendre à l'évidence : il n'y a chez lui aucun second degré.
Le crépuscule est grandiose… Il y a pose, image, mise en scène, et oui, clichés à la pelle. Mais saisis par des bras fiévreux pour un tango toujours un peu fatal.
Murmurés par des lèvres tremblantes, fardées comme au temps du muet. Dandy, un peu maudit, un peu vieilli… Le type qui s'autochante ainsi a 28 ans. Et déjà la paleur inquiète d'un vampire. Les dents prêtes à se planter délicatement dans la chair veloutée du souvenir. De la nuit d'avant ?
Dans ce luxe qui s'effondre… En Angleterre, Bryan Ferry et sa Roxy musique inventent la nostalgie instantanée, tatouée de paillettes. La réponse du baron Christophe est un certain kitsch français, aristo-voyou.
Comme dans Initials B.B., comme dans Le Bal des Laze, Londres est là, citée, Mecque pop du moment. Envoyé du futur, le bandit maudit parle de musiciens déjà ridés.
Tout est foutu, disent Les Paradis Perdus. Mais que c'est beau… Et de moucher dans un jabot de dentelle fanée des larmes de crocodile avant qu'elles tombent sur ses chaussures.
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Bridget
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Mer 22 Juin - 12:23
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Christophe (3)
Ils étaient gonflés, chez Motors, ou ils aimaient assez Christophe pour balancer sur le marché alors encombré des 45-tours, ce truc-là en face A : Merci John d'être venu.
À l'époque (1976), le petit hussard en cape de soie s'est adjoint les services de Boris Bergman aux paroles. Exemple : Paumé, ici relégué au dos de la galette. L'improbable récit d'un mariage foutu en l'air par l'arrivée des Beatles est donc un produit 100% maison.
La première écoute laisse forcément un peu perplexe : mais c'est quoi cette blague ? On s'est bien laissé balader, pourtant. Donc la chanson marche, à sa manière typiquement christophienne : exposition languide, installation d'un climat joliment crispé, puissance d'un fatum qui a toujours le dernier mot, mélodie dont la tournure même devient secondaire, emportée par la fibre obsessionnelle du chant.
Force d'interprète à voix frêle.
Donc le narrateur va au mariage d'un copain de son village (on note la touche rurale, annonçant la niaiserie du malheureux héros ?).
Le fiancé faisait des bonds, dans son habit de location, lorsque soudain, les Beatles sont arrivés… C'est tellement gros qu'on ne demande qu'à y croire. Christophe ne fait même pas semblant d'en sourire.
Dans le rôle du rapteur de la mariée, il choisit logiquement John Lennon. Ils se sont laissés… sur une botte de foin aller… La suite des événements est juste esquissée. Le fiancé se console en mangeant de la pièce montée. Le reste est suggestion, avec ce mantra répété : ils ont chanté… ils ont chanté yeah… toute la journée…
Le plus étrange est qu'en 76, les Beatles sont eux-même séparés depuis six ans. Les imaginer en groupe de joyeux trublions débarquant comme des Huns au milieu d'une noce oblige au souvenir. De la chanson bizarre naît une mélancolie double : triste sort des mariés (que devient la fille après le passage de John ?) ; regret que les Beatles ne soient plus cette bande de chenapans qui faisait rêver tous les collégiens du monde.
Christophe (4)
Christophe aime poser avec un juke-box. Objet défiant le kitsch, démodé forcément, réservé aujourd'hui aux collectionneurs (dont il fait partie), ce buffet néon-chansons est pour lui semble-t-il un organe vital, une matrice. Un coupé sport immobile où ses rêves de diva rock roulent un train d'enfer.
En 1984, il n'habite nulle part ailleurs. Brushing flou et moustache beauf, il flotte dans un purgatoire éthéré : pas encore reconnu comme le rocker ayant infiltré la variété sentimentale à la faveur d'une belle gueule boudeuse. Jean et T-shirt : est-ce une tenue pour un dandy ? C'est le moment idéal pour l'apprécier.
Personne ne paraît compter sur lui pour égayer la non-stop party des années 80. J'l'ai pas touchée porte fièrement tous les stigmates du son d'époque : batterie électronique, Fairlight, saxo surastiqué… tout un attirail tape-au-tympan qui fait à la voix mi-rauque, mi-diaphane, un écrin que les plus sensibles ou imperméables à toute nostalgie, voudront peut-être immédiatement jeter à la poubelle.
Ils ont tort.
On ne coupe pas une chanson en rondelles. Christophe est sorti habillé comme ça cette année-là. Et je m'en souviens encore.
Ce coup-là j'ai réalisé que Boris Bergman, dont il se disait que c'était un gars bien, valait mieux que sa quincaillerie Vermot pour Bashung. Nul calembour ici. Je l'ai rencontrée sous un ciel si bleu… ce jour-là, j'n'avais pas mis de veste… elle bronzait en maillot de bain au fond de son jardin… Qu'est-ce que ça raconte ? Qu'il l'a pas touchée. Ah, et c'est tout ? Oui et non, pas tout à fait.
Parfois, on n'est pas très sûr : elle voit l'incendie, encore du rouge ? Elle voit l'insomnie, encore du rouge ? Elle boit la sangria comme du rouge ?
Réponse au karaoké le plus près de chez vous. Dans ses meilleures chansons, comme celle-ci, Christophe est absolument dans ce qu'il chante. Et complètement ailleurs. Mais comment fait-il : don d'ubiquité ? Pouvoirs divins ? Mesdames et messieurs, faites vos jeux.
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Bridget
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Jeu 23 Juin - 13:50
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Christophe (5)
Puis un jour, Christophe est revenu de parmi les morts. C'était en 2001.
Comme si, la nuit tombée sur tous les hit-parades, la pleine lune levée, et la terre penchant, son corps miraculeusement préservé par la science avait glissé du cercueil capitonné ou le Comte Bevilacqua s'était à demi retiré des bagnoles .
Cinq ans auparavant, l'album portant son nom masqué n'avait attiré qu'un cercle de curieux plus ou moins fanatisés. Les uns s'arrachant la dépouille en criant « Alan Vega », d'autres murmurant « Scott Walker ». Celui-ci n'avait-il pas jadis laissé tomber le patronyme de sa gloire pop (avant d'y revenir) pour signer Noel Scott Engel ? Obsédé de textures sonores, de bidouillages électroniques et de guitares vintage, Christophe alors tapa dans le vide. Il aurait sa revanche : Comm' si la terre penchait, trouvant la bonne mesure entre expérimental de pointe et mélodies immémoriales, prit des allures de résurrection.
La tête baissée en sépia du précédent est ici relevée, baignée d'argent. La voix d'alien s'est encore effilochée, à tel point que sur certains titres elle semble émaner du son lui-même, produite par quelque machine dont elle serait le cœur palpitant, sinon l'âme.
Le chanteur n'a jamais fait mystère de son côté David Lynch, avec qui il partage ce goût rétro-futuriste accouchant des monstres, cette fascination pour les démiurges hideux et les beautés traquées.
Comme un interdit brille dans l'album, grande chanson d'amour flippé, il en a toujours fait mais jamais sonnant de cette façon. Sur la scène de l'Olympia l'année d'après, elle prenait une dimension surréelle.
Rare sensation de voir chanter un type arraché par la magie du spectacle à quelque univers parallèle, où était garée la soucoupe ?
Même sa présence, toute en vibration spectrale, ici et pas tout à fait là, au milieu des musiciens, ballets, diapos, lumières tout ça border-kitsch, et planant sur un parterre esbaudi. On a fini par dire : crooner décalé, ça faisait l'affaire. Drôle de destin.
Comme un interdit, un grand soleil Les jours de pluie, elle a changé Ma vie morose, pour un bouquet de fantaisies
Comme un interdit, elle joue ma vie Comme un succès qui lui sourit A sa manière, elle a chevauché mon égo
Moi qui dormais, dans ses silences Je me réveille pour goûter... à son sommeil J'ai le sentiment d'avoir trouvé, le coeur en apnée Un trésor qui vaut de l'or
Comme un interdit, elle m'offre une chance A contre sens, mille et une nuits… perdu d'avance Mille et un jour… perdu d'amour.
Moi qui rêvait la liberté d'un grand oiseau, allégro modérato J'ai le sentiment d'avoir trouvé, le coeur en apnée Un trésor qui vaut de l'or
Ma cavalière me fait tanguer entre ses bras Et me chavire d'un seul baiser, me fait couler Maître nageur qui tombe à l'eau.
Comme un interdit, je m'abandonne Dans une danse, où elle conduit de préférence Je me laisse faire, amoureux fou
Ma cavalière me fait tanguer, entre ses bras Je m'abandonne sans interdits
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Bridget
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Ven 14 Sep - 11:47
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Christophe "Intime Tour"Théâtre Marigny
du 28 janvier 2013 au 29 janvier 2013
@Lucie Bevilacqua
En janvier prochain, Christophe balaiera au piano, comme à la guitare, en suspension, l’ensemble de son répertoire : des titres classés aujourd’hui au Panthéon des légendes, à ceux moins connus mais provoquant toujours une émotion rare.
L’Artiste se produira seul en scène afin d’offrir à ses shows, une intimité, une magie, que seule la formation acoustique reflète. Une formation épurée, quoique sublime.
Suite à la sortie de son neuvième album "Aimer ce que nous sommes", unanimement salué par la critique, l’Artiste Christophe a réalisé plus de 100 concerts en France et à l’étranger (Liban, Grèce, Belgique, Suisse...) devant un public fidèle qui l’attendait, et un public nouveau, plus jeune, qu’il rencontrait pour la première fois, passant ainsi du statut d’icône à celui d’icône intergénérationnelle.
Après avoir fêté en octobre dernier ses 50 ans de carrière dans son département de naissance et avant la sortie de son dixième album, Christophe a choisi de proposer, à partir de janvier 2013, une série de 10 concerts exceptionnels parce qu’inédits.
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Bridget
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Mar 5 Mar - 20:24
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CHRISTOPHE PARADIS RETROUVE
Le 18 mars prochain, voici une belle date a marqué dans le calendrier. Ce jour-là, le chanteur Christophe sortira un nouvel album de chansons inédites, intitulé « Paradis Retrouvé ».
La plupart des morceaux de ce nouveau disque proviennent de la période 1972-1982, lorsque le chanteur était sur le célèbre label Motors de Francis Dreyfus. Comme un hommage à cet homme qui a fait beaucoup pour la musique, Christophe détaille son nouvel album dans une vidéo.
Après un « Intime Tour » qui aura vu passer l'auteur du "Beau Bizarre" sur plusieurs scènes françaises et pour revisiter son répertoire en solo, Christophe offre le 18 mars 2013, 13 chansons inédites et souvent visionnaires dans un album intitulé « Paradis Retrouvé ».
Ce nouveau disque de Christophe, « Paradis Retrouvé », contient des inédits, des expérimentations musicales et un véritable témoignage sonore des années 70 et 80. La plupart des morceaux de cette sélection proviennent de la période 1972-1982, ainsi que d'une volonté de Christophe d'expérimenter sur de nouveaux synthétiseurs, de nouvelles sonorités qui font écho à l'époque actuelle. Initié avec le légendaire patron du label Motors, Francis Dreyfus (1940-2010), l'album »"Paradis Retrouvé » voit aujourd'hui le jour après plusieurs années.
« cet album vient de Francis Dreyfus. J'étais le premier artiste que Francis a signé », la suite Christophe nous l'explique dans cette interview vidéo. Il parle avec passion et amour de son amitié pour Francis Dreyfus, mais aussi de sa musique.
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liliane Admin
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Lun 18 Mar - 9:32
PARADIS RETROUVE (Volume 1) Sortie 18 mars 2013
Tracklist
1 Silence on meurt 2 Fairlight 3 Baby The Babe 4 Take A Night 5 Night Welcome 6 Take It 7 Stay Away 8 L'Italiano 9 Carrie 10 Harp Odyssey 11 Hommage à Jean-Michel Desjeunes 12 Same Thing 13 I Sing For..
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liliane Admin
Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: CHRISTOPHE Ven 26 Avr - 8:20
Interview de Carla Bruni et Christophe Par Morgane Miel
Madame Figaro. – Vous et Christophe avez installé vos studios d’enregistrement à la maison. Avez-vous besoin d’une bulle de solitude pour créer ?
Carla Bruni. – Pour moi, oui. Je suis d’une nature ultra-solitaire et très introvertie, beaucoup plus qu’il n’y paraît en public. Mais ce qui a complètement bouleversé cette affaire de création, c’est la naissance de mon premier enfant. Un enfant, ça vous mange la solitude ! J’ai dû retrouver des moments d’isolement, la nuit. L’aube n’est pas mal non plus, à condition de se mettre au travail immédiatement après le réveil. Il faut être…
Christophe. – … dans un demi-sommeil.
CB. – Exactement.
C. – Le demi-sommeil, c’est le temps des mots. Ils défilent dans ma tête, très vite, je ne peux pas tout attraper. Il y a des choses très belles qui s’échappent. Au moment où l’on saisit ces mots, on est déjà dans le contrôle, on les enferme en quelque sorte, et on perd cette belle nuance du flou.
Alors j’essaie de les capter, comme ça, sur un coin de table au réveil, en écoutant la Callas. À une époque, c’était Chet Baker, mais la Callas… Elle a cette beauté brune, chaude. J’aime sa présence à mes côtés.
Dans J’arrive à toi, la chanson qui ouvre votre album, Carla, vous chantez « J’n’arrive à rien qui console ». Vous-même, Christophe, explorez le thème des Paradis perdus (1973) ou du Paradis retrouvé (2013). Vieillir, est-ce renoncer ?
C. – C’est l’inverse ! … Je suis un inconscient. Tant que j’ai ce trouble en moi qui me donne l’énergie d’aller vers ce que je ne connais pas…, je suis vivant. C’est pour cela qu’il est compliqué pour moi de vivre avec une femme.
CB. – Pourtant, tu les aimes profondément…
C. – J’ai toujours eu une femme dans ma vie. Mais j’ai du mal à cohabiter. J’ai pourtant vécu vingt-cinq ans avec ma femme, Véronique. On s’est quittés en 2000. Et au fond, je ne sais pas s’il n’est pas plus dur de partir que de rester.
CB. – À quoi ressemblait ton enfance ?
C. – J’adorais mon grand-père. Italien d’origine, chauffagiste, il était venu en France pour son service militaire. Il a vécu à Juvisy-sur-Orge et à Montmartre. Mon père, lui aussi, avait créé une entreprise assez importante dans le chauffage. C’était un homme très chic, à l’italienne. Mais quand on avait 10 ans, il a commencé… disons sa vie de jeune homme, ce que je peux comprendre – je lui ai d’ailleurs très vite pardonné. Mais c’était assez dur pour ma mère.
“Enfant, j’étais assez intimidée, angoissée”
Que reste-t-il de cet enfant aujourd’hui dans vos textes ?
C. – Certainement une fragilité forte. J’aime l’extrême.
CB. – J’ai en moi une autre personne, assez fonctionnelle, avec qui je cohabite. Elle est surtout dédiée aux enfants. Mais dès qu’ils sont à l’école ou couchés, je mesure à quel point je n’ai pas vraiment grandi. Si je pouvais choisir mon âge, je dirais que j’ai 14 ans. Pas 5 ni 7 ans. Enfant, j’étais assez malheureuse, intimidée, angoissée. Mais à 14 ans, tout à coup, le corps est arrivé et, avec lui, les regards. Les gens me disent souvent : « Tu as changé de vie tant de fois ! » Mais pas du tout. À l’intérieur, je n’ai pas bougé d’endroit.
C. – Dans ma tête, j’ai toujours 16-18 ans. J’étais fou à cette époque. Je touchais à tout : à la musique, aux films, au théâtre. Justement, je répétais Le Journal d’un fou, de Gogol, au théâtre Édouard VII, à Paris. Je me suis rendu compte que je n’étais pas capable de faire travailler ma mémoire. Je ne voulais pas apprendre, figer les choses. Je n’ai pas eu une vie de chanteur, mais celle d’un homme qui a voulu expérimenter. Quand j’ai eu envie de me lancer dans la course automobile, j’ai gagné deux Grands Prix, à Montlhéry et à Méricourt.
Keith Richards, dans son autobiographie Life, explique qu’en 1971, à Villefranche-sur-Mer, c’est surtout lui qui compose la plupart des titres de l’album Exile on Main Street, quand Mick Jagger fraye avec les gens de la haute à Saint-Tropez. Est-ce possible de concilier l’exigence de la création et la vie de personnage public ?
C. – Je suis très à l’écart, mais j’ai eu la chance de me trouver au bon endroit au bon moment avec les bonnes personnes. Je me laisse guider par mon envie.
CB. – C’est drôle parce qu’un jour, plus jeune, j’ai essayé de m’introduire en cachette dans cette villa de Villefranche-sur-Mer, mais j’ai été surprise par une charmante dame qui m’a reconnue et m’a dit : « Mais Mme Bruni, que faites-vous là ? » J’ai dû rebrousser chemin...
"Je suis folle de la volupté"
Peut-on mener une vie de rock star quand on s’appelle Sarkozy ?
CB. – C’est très simple. À 18 ans, j’ai commencé à être mannequin et à me voir en photo. Il y avait ce constat. Ou bien la photo était vraiment belle, mais je ne m’y retrouvais pas, j’étais transformée en créature. Ou bien la photo était moyenne, et là, je ne me reconnaissais pas non plus. J’ai compris que je n’y arriverais jamais. On est toujours déçu par son image. Alors je lui ai tordu le cou… Je me suis arrangée avec cette dualité.
CB. – … En décidant de ne jamais essayer de contrôler une image de moi. Du coup, je m’en soucie peu, même quand elle est déformée par les autres. Cela m’a été fort utile quand mon mari était à l’Élysée. Quand tout ce que je faisais pouvait être utilisé d’une manière terrible, moi, je n’y faisais tout simplement pas attention.
Et vous, Christophe, que vous évoque cette dictature de l’image ?
C. – Ce qui compte, c’est mon monde à moi. En ce moment, je suis en train de préparer un nouvel album. C’est important, c’est ma vie, c’est ma respiration, mon souffle, ma lumière. C’est demain. Je ne suis pas un homme du passé.
“Je souhaite écrire un album qui va émouvoir”
Pensez-vous qu’aujourd’hui le rock soit mort ou devenu un conformisme bourgeois ?
C. – Ah non ! Je viens du blues. Alors, dans les années 1960, quand j’ai entendu Little Red Rooster, des Stones, je me suis dit : waouh, lui (Mick Jagger, NDLR), c’est le seul Blanc que je vais aimer.
CB. – Mick avait cette chose blanche-noire, ce côté très homme-femme. Pendant la tournée de 1972, il était comme une fille fabuleuse. Les Stones ont apporté à la musique cette chose brouillonne et ce son sale que j’adore encore.
Un artiste aujourd’hui peut-il encore être libre, au sens où l’étaient les Stones ?
C. – Je me sens libre. Je suis ma route, et le patron, c’est le plaisir.
Vous, Carla, vous sentiez-vous bridée pendant vos années de première dame ?
CB. – Pas du tout. On ne cesse de me répéter : « Mais si, c’était dur… » Si on veut le croire, tant pis. J’ai été très peu empêchée. Je ne souhaite qu’une seule chose : écrire un album qui va émouvoir. Si je ne m’exprime pas sur la vie économique ou politique, où est le problème ? Qu’est-ce que j’ai à dire ? Qu’a-t-on à faire de mon avis ? Je n’y connais rien. Je ne suis pas une spécialiste… Or je crois dans la spécialité.
C. – C’est une belle force.
CB. – Oui, et aussi une certaine schizophrénie, car on peut me placer sur une estrade à côté de personnes que je ne connais pas, c’est comme si je n’y étais pas. Je m’évade. En fait, d’une certaine façon, je suis Chez Keith et Anita…
Il y a quelque chose de l’ordre de la volupté dans vos textes…
CB. – Je suis folle de la volupté. J’essaie de la mettre dans la voix, dans les rondeurs, dans la nuance, dans la retenue…
C. – La volupté, c’est la chair de poule, la sueur, le frisson. Le parfum d’un morceau, celui du voyage intérieur qui donne un sens à la création.
Quel est le morceau que vous auriez rêvé de composer?
C. – Il y a une chanson qui me tue : c’est Ton style, de Léo Ferré. Et aussi Lonely Avenue, de Ray Charles. Quand à 13-14 ans on se prend ça dans la figure, on est marqué à vie. Il faut se débrouiller avec ça…
CB. – Love in Vain. Pour le blues. Les Stones l’ont chantée, même si elle n’est pas d’eux mais de Robert Johnson. C’est la chanson de l’amour perdu.
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Bridget
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Ven 4 Oct - 14:23
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Christophe, le souffle de l'intime
Le chanteur se présente seul sur la scène de Pleyel dans le cadre d'un « Intime Tour » amorcé cette année. L'occasion de redécouvrir ses chansons.
Il y a une dizaine d'années, Christophe montait sur la scène de l'Olympia, après plus de vingt-cinq ans d'absence, à peine ponctuée par une poignée de disques. Ce maniaque du son avait attendu que la technologie soit parvenue à son niveau d'exigence avant de retrouver les planches. Depuis le début de l'année, le chanteur relève un nouveau défi: se produire seul sur scène, dans le cadre de son Intime Tour. À cet effet, il a transposé le capharnaüm de son appartement de la rive gauche: piano à queue, synthés, guitares…
C'est dans cette voix unique au monde, rendue encore plus bouleversante par le caractère dépouillé de l'instrumentation que réside la singularité du compositeur. En l'absence de nouvel album depuis le superbe Aimer ce que nous sommes , en 2008, Christophe revisite son riche répertoire tout au long de ses concerts.
Le Beau Bizarre instaure un dialogue chaleureux et nourri avec le public, évolue gracieusement au milieu de ses appareils. Il dévoile notamment sa chaise à son, un siège de son invention, équipé d'un micro lui permettant de se déplacer, à sa guise, derrière le piano.
Il retrouve les synthés et les boîtes à rythmes, le temps d'une séquence qui propulse quelques titres en cathédrales sonores, notamment Enzo, extrait de son excellent album Bevilacqua, de 1996, qui fut réédité cette année comme l'ensemble de sa discographie. Il a aussi publié un disque de chutes de studio qui détaille son perfectionnisme.
Cet obsessionnel qui manie la référence avec une belle poésie se livre à un inventaire des films de sa vie, À bout de souffle, Série noire, Blue Velvet, Le Mépris, Psychose, Lolita, tout en déroulant celui de son existence. Piochés aussi bien dans ses débuts que dans ses derniers albums, certains de ses titres prennent une patine classique qui les rehausse encore plus.
Comme Succès fou, tube des années 1980, qui acquiert une dimension presque tragique dans son dépouillement. À la guitare électrique - une petite Fender Mustang -, Christophe revisite Petite Fille du soleil.
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Dim 6 Avr - 15:53
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Christophe Ce soir ou jamais 04/04/2014
Toujours en recherche de sensations nouvelles, Christophe a entamé depuis plusieurs mois une tournée où il revisite son répertoire en solitaire, simplement accompagné d'une guitare, d'un piano ou d'un synthétiseur.
Pour prolonger la magie particulière de ses concerts, il a choisi d'enregistrer en studio et dans la même configuration minimaliste certains classiques qui brillent ainsi d'un éclat nouveau, auxquels s'ajoutent des titres plus rares exhumés des recoins de sa prodigieuse discographie.
En aventurier sonore qu'il est depuis 5 décennies, Christophe nous donne à entendre pour la première fois des versions acoustiques de ses succès et transforme ses chansons cathédrales en miniature inédites.
* LITA est un titre extrait de l’album AIMER CE QUE NOUS SOMMES paru en 2008
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Bridget
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Ven 1 Avr - 20:03
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Christophe , le chanteur venu d'ailleurs .
Christophe : “Depuis mes débuts, je dis que je ne suis pas chanteur”
Naviguant sans boussole entre succès populaires et avant-garde, ce solitaire vit et crée la nuit, ne suivant que ses propres règles. Pour l'artiste, qui sort à 70 ans “Les Vestiges du chaos”, son nouvel album, l'existence est une fugue perpétuelle.
Christophe Bevilacqua reçoit chez lui. Après la tombée de la nuit. Le rituel est bien connu. Antichambre dans la cuisine du chanteur d'ascendance italienne, où pin-up du calendrier Pirelli, photos de David Bowie (roux) et pochette du groupe Suicide sont exposées parmi la vaisselle. Conversation dans le salon, assis à la table de poker. Une table de mixage et des synthétiseurs sont disposés face aux fenêtres, qui donnent sur Montparnasse. Quelques images, sur la console, Bashung au centre.
Vestiges du chaos vient de là, conçu à demeure, quand Paris dort. Le nouvel album de notre explorateur préféré, qui, depuis les années yéyé d'Aline et le triomphe des Mots bleus, en 1974, découvre des liens étranges entre la variété et l'avant-garde, la chanson et les nouvelles technologies, Alan Vega et Julien Doré… Le disque de 2016, celui de la septième décennie (il a eu 70 ans en octobre dernier), marie idéalement les élans romantiques des Paradis perdus (1973) et les passions électro d'aujourd'hui, les refrains obsédants et les grands écarts. Comme une anthologie du « beau bizarre ».
La gestation de vos albums suit toujours un parcours nébuleux…
Ce nouveau disque est le seul pour lequel j'ai vraiment souffert. Je me suis perdu. J'ai touché le fond. J'ai parfois eu du mal à me faire comprendre de ceux avec qui je travaillais. Sans doute parce que ma démarche est solitaire. Je travaille la nuit, dans mon salon. Je ne crée pas de mélodies, je cherche des sons. Je compose avec des synthétiseurs d'époque, des instruments analogiques que je mélange aux nouvelles technologies. Depuis mes débuts, je dis que je ne suis pas chanteur. J'ai du mal à l'expliquer mais ce qui m'intéresse, c'est moins la chanson que la matière, la texture, les nuances... J'enregistre un disque comme je ferais une peinture, j'avance à tâtons, j'accumule les pistes. Pour cet album, j'ai ressorti d'innombrables fragments de chansons, des poussières de son qui remontent aux Paradis perdus et que j'ai conservées sur bande Revox. J'ai aussi enregistré avec mon téléphone des voix, des bruits, des ambiances... J'explore. Depuis que j'habite cet appartement, j'ai enregistré ma voix partout, jusque sous le lavabo de ma salle de bains, parce que l'acoustique y est particulière. J'ai toujours chanté recroquevillé sur moi-même.
D'où vous vient cette obsession pour le son ?
J'avais à peine 12 ans quand sont arrivés en France les premiers 45 tours de rock'n'roll – Elvis Presley, Eddie Cochran, Little Richard… Un choc ! J'entendais dans ces disques un écho incroyable que je cherchais à reproduire par tous les moyens. Je mettais la tête dans la lessiveuse de ma grand-mère, celle où elle lavait les bleus de chauffe de son mari fumiste, et je hurlais Mystery Train ou Nervous Breakdown dans la réverbération métallique. Ça me rendait fou. J'avais aussi trouvé de belles résonances dans les escaliers de notre pavillon, dans le grenier ou même dans les couloirs du métro. C'est le son de la réverbération qui m'a donné le désir de faire de la musique.
Pourquoi ?
Alors ça, je ne sais pas qui peut l'expliquer, mais sûrement pas moi ! Je me souviens du magasin d'accordéons des frères Crosio, à République, où j'ai découvert les premières chambres d'écho à bandes, de fabrication italienne. J'en suis tombé amoureux, elles m'ont donné une raison de vivre. J'ai sans doute poussé très loin les expériences sonores parce que je ne connais pas la musique. J'ai toujours eu peur de m'attaquer au piano. J'ai composé Les Mots bleus en jouant à vue, je repérais des notes et je mémorisais les touches comme les dialogues d'une pièce de théâtre. Je suis un parfait autodidacte. Je ne suis une pointure en rien. Mon talent, c'est peut-être d'arriver à conjuguer mes failles.
Quand je compose, c'est toujours un miracle qu'il en sorte quelque chose. Je fais des progrès. J'ai appris le piano, il y a trois ans, avec une bonne amie qui me jouait du Chopin. Elle m'a fait découvrir le clavier et je me suis rendu compte que c'était de la pure arithmétique. Même si je n'ai jamais été doué pour les maths, ça m'a semblé facile et je me suis lancé. Depuis, je donne des concerts en m'accompagnant au piano. Je ne suis pas virtuose, mais ça me change la vie, je me sens libre. Je peux très bien entrer dans un café et me faire payer pour jouer. Partir à l'étranger et me produire dans les clubs. J'ai encore la chance de pouvoir faire des disques, mais on ne sait jamais ! C'est mon assurance-vie.
“Il n'y a pas longtemps, j'ai pensé faire une série de concerts où je jouerais le blues comme quand j'avais 14 ans”
Vous avez grandi dans un environnement musical ?
Ma tante était pianiste. Il y avait un piano droit chez moi et des partitions. Mais je n'avais pas envie de les déchiffrer, je voulais aller vite, gagner du temps, taper des notes à la volée. Mes parents écoutaient pas mal de disques. Nous avions tout Brassens en 78 tours, Piaf, Jean Constantin aussi – Où sont passées mes pantoufles ? J'adorais ça. On doit retrouver son influence chez moi, le sens du gimmick. Les 45 tours sont apparus quand j'étais enfant ; j'étais fasciné par l'objet, sa forme, son odeur... Le premier que j'ai acheté, c'est Elvis. Et je ne me suis plus arrêté. J'en ai beaucoup volé, j'avais une technique imparable. Tout Presley, tout Cochran, tout Little Richard. Et puis le blues. Je suis devenu obsédé par cette musique. Je traînais chez un copain de mon frère, beaucoup plus âgé que moi, et je me faisais accepter parce que je chantais du blues à tue-tête. Ils m'emmenaient dans leurs soirées alors que je n'avais pas le droit d'y être. A 13 ans, j'improvisais avec deux notes au piano, un harmonica, et je chantais en yop. Comme un possédé.
En yop ?
En yaourt, du faux anglais. J'étais le meilleur chanteur de yop du monde. J'étais bon pour l'improvisation, c'était chiadé, ça ressemblait à l'original, on pouvait s'y tromper. Je ne connais toujours pas l'anglais. Il n'y a pas longtemps, j'ai pensé faire une série de concerts où je jouerais le blues comme quand j'avais 14 ans. En vieillissant, on revient à la ligne de départ. J'étais prêt, mais les producteurs n'ont pas suivi. Peut-être un jour.
Enfant, vous chantiez partout. Vous vous imaginiez faire carrière dans la musique ?
Je n'y pensais pas. Je n'avais pas la moindre idée de ce que serait ma vie, je vivais au jour le jour. C'est encore vrai aujourd'hui. Je me réfugiais dans la musique. La vie, chez moi, était difficilement supportable. Mon père était un séducteur, un « tourne-coeur », toujours avec ses maîtresses. Ma mère souffrait horriblement. J'ai toujours eu du mal à en parler, mais elle a fait une tentative de suicide, son calvaire a duré longtemps, elle a bien dû faire toutes les maisons de repos de la région parisienne. J'étais un enfant à cran, ça s'entendait sûrement dans ma façon de chanter, je donnais tout, je me défoulais. Je fuguais beaucoup, d'ailleurs. Mon père me déposait à la pension, j'attendais qu'il tourne les talons et je disparaissais pendant plusieurs jours. A 10 ans, j'étais marqué, je passais des nuits sans dormir à cause des cris de mes parents. Et j'étais repéré. A l'école, on me narguait, on m'appelait le « rital » et on me parlait de ma mère. En banlieue, tout le monde sait ce qui se passe chez les autres. Et les gens ne sont pas très bienveillants.
“A 14 ans, je sortais la Simca Sport de ma mère du garage et je la conduisais seul, dans les rues de Juvisy.”
Vous avez commencé par chanter dans la rue ?
Je chantais où on me laissait chanter. A la toute fin des années 1950, j'ai quitté l'école. Pendant l'épreuve du brevet, je me suis levé, j'ai rendu ma copie à l'examinateur, et ils ne m'ont plus revu. A Paris, je traînais avec la bande de la fontaine Saint-Michel, on allait à Evreux rencontrer les soldats de la base américaine, qui avaient des Chevrolet Bel Air, des Levis 501, des tee-shirts Fruit of the Loom… Je passais mon temps avec eux, même si on ne pouvait pas se parler. Je chantais dans un club là-bas. Sur la Côte d'Azur, aussi. Pour les marins américains qui voulaient voir le « petit Français ». Sans doute parce qu'ils me trouvaient culotté.
Je faisais des drôles de trucs pour mon âge. A 14 ans, je sortais la Simca Sport de ma mère du garage et je la conduisais seul, dans les rues de Juvisy. Je vivais à l'instinct. Je ne demandais rien à mes parents. Ils ne comprenaient pas ce que je faisais. A Paris, j'habitais un hôtel de la rue Princesse, clandestinement car j'étais loin d'être majeur, avec une femme qui m'entretenait un peu. La preuve que je ne pensais pas à faire carrière dans la musique, c'est qu'un jour, très jeune, je suis entré dans la boutique de Pierre Cardin à Paris. Ma mère était couturière, je voulais être créateur, intégrer un atelier. J'ai demandé à voir Cardin, pour qu'il m'engage. Naïvement, j'imaginais le trouver là parce qu'il avait son nom sur l'enseigne, les vendeuses m'ont regardé comme si je tombais de la lune et m'ont gentiment éconduit.
Comment avez-vous réussi à vous distinguer à l'époque des yéyés ?
C'est venu petit à petit. Mon autre obsession, la base de ma respiration, ce sont les femmes, la drague, la séduction. Comme mes frères et mon père. On ne pensait qu'à ça. Ça marchait pas mal en banlieue, mais c'était plus difficile à Paris. Je me suis inscrit dans une école de coiffure où il n'y avait quasiment que des filles. J'allais un peu en cours, je mettais ma blouse, et j'organisais des boums à l'heure du déjeuner. Le patron d'un café voisin me demandait de venir faire mon show pendant que les clients mangeaient leurs sandwichs. Je tapais sur les tables en chantant Elvis, avec un copain de l'école qui dansait comme un dieu. Ensuite, j'allais au café en face et j'essayais de composer des chansons en français. Reviens, Sophie, la première que j'ai écrite – « Reviens, Sophie, reviens, reviens. » Ça n'est rien d'autre qu'un blues, l'adaptation du « baby come back » de base américain. On l'a enregistré à la Comédie des Champs-Elysées. J'avais 15 ans. Les arrangements étaient jazzy, un peu tièdes. Je n'aimais pas cette chanson.
Aline aussi, c'était un blues ?
Oui. « Et j'ai crié, crié. » Je l'ai composée en une heure, sur ma guitare. Le morceau a été arrangé par Jacques Denjean, qui signait les orchestrations de l'époque du yéyé, notamment Capri, c'est fini, cette année-là, en 1965. Il a emmené la chanson ailleurs. Aline, c'était ma petite amie de l'époque, vestiaire à l'Orphéon Club où je chantais parfois, une blonde polonaise chez qui j'ai habité pendant deux ans. J'aurais pu choisir un autre prénom, mais ça sonnait bien, et comme je ne voulais pas la perdre, ça tombait bien.
A 20 ans, ce succès immense vous est tombé dessus. Comment l'avez-vous vécu ?
A l'écart. J'étais à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, service psychiatrie. On m'avait affecté chez les parachutistes pour mon service et j'étais mal vu, parce que assez rebelle dans mon attitude. J'ai pris pas mal de coups là-bas, mais je savais encaisser. J'ai aussi passé un mois et demi au trou. Littéralement. Une cellule sous terre, avec les rats et un lit incliné pour que je ne puisse pas vraiment dormir. Dès que j'ai eu une semaine de permission, je me suis sauvé. J'ai déserté. J'ai enregistré Aline avant de me faire prendre par les gendarmes et de me retrouver au Val-de-Grâce, avec les « isolés ». A la radio, j'entendais Sonny and Cher, Hervé Vilard et ma chanson. Quand je suis sorti, les gens me demandaient des autographes, je n'ai rien compris à ce succès. Je ne comprends toujours pas, d'ailleurs.
“Je n'ai jamais eu aucune envie de me plier aux règles du show-biz.”
Vous êtes resté fugueur dans l'âme, vous avez souvent disparu au cours de votre carrière, à la fin des années 1960, notamment…
Je suis parti en Italie, où j'ai eu un tube. Ma famille vient de Milan, j'allais y acheter des tissus avec ma mère et j'ai toujours rêvé d'y avoir du succès. Je me revois, à 18 ans, roulant près d'Orly et me disant qu'un jour je serais connu en Italie. Quand ça a marché là-bas, ils m'ont traité comme un roi. Ils faisaient les choses en grand. Le moindre plateau télé, à Rome, c'était du Visconti. Je devais chanter au plus grand festival de chanson, à San Remo, en 1967, le jour où Luigi Tenco, l'amant de Dalida, s'est suicidé, mais l'imprésario italien ne me plaisait pas, alors j'ai filé sans prévenir. Je n'ai jamais eu aucune envie de me plier aux règles du show-biz.
Vous avez aussi disparu le jour d'un Olympia…
On l'avait monté sans me demander mon avis, alors j'ai pris la route pour Deauville à l'heure où je devais chanter. Ça a conforté ma réputation de dingue dans le milieu. Ça m'était égal. Je ne me sentais pas bien dans ce métier. Artistiquement, je n'avais d'affinités avec personne. Je me sentais proche de ce qui était inconnu, de ce qui restait à découvrir. Comme aujourd'hui. Dans la variété de l'époque, tout était formaté. Et c'était de l'abattage. Plusieurs récitals par jour. J'ai craqué quand on m'a envoyé faire une tournée avec Michèle Torr et Hervé Vilard. J'ai pris une autre route. Dick Rivers m'a branché avec le cirque Gruss. Je chantais quelques chansons à la fin du spectacle. Je dormais par terre. J'allais en ville à cheval, je l'attachais au lampadaire et j'achetais mes clopes. Arlette Gruss m'a fait entrer dans la cage aux lions, et quand je suis parti, ils m'ont offert un lionceau qu'ils ont baptisé Christophe. Je l'emmenais partout avec moi. Je le laissais près d'un arbre pendant que je jouais aux boules jusqu'au jour où les gens sont venus se plaindre. J'ai dû le donner.
Vous travaillez avec différents paroliers ; quelle image de vous ont-ils en tête quand ils écrivent ?
Ils n'inventent pas. Je les guide, je leur donne des bouts de phrases que j'ai rédigées. Les pages de garde de tous mes livres en sont couvertes. Je peux leur parler pendant des nuits entières, dans ma cuisine, pour qu'ils écrivent quelque chose qui me ressemble. J'aurais rêvé écrire moi-même, je l'ai parfois fait, à l'instinct. Merci, John, d'être venu (chanson où les Beatles débarquent dans une noce de campagne), c'est un rêve que j'ai retranscrit tel quel. Je remanie les textes pour que ça colle mieux, je suis plus sensible à la sonorité des phrases qu'à leur sens. Jean-Michel Jarre, qui a écrit Les Mots bleus et qui signe une chanson du nouveau disque, avait un don pour capter les mots qui étaient les miens, mon feeling, mon phrasé. Nous passions beaucoup de temps ensemble, au début des années 1970 ; il venait chez moi, il s'imprégnait de l'ambiance, de mes 78 tours, de mes juke-box, de ma collection de films copies 35 mm étalée dans le couloir, Un tramway nommé désir, Arènes sanglantes…
Votre vrai nom, c'est Daniel Bevilacqua ; Christophe, ça vient d'où ?
Une médaille de saint Christophe que m'a offerte ma grand-mère quand j'étais môme parce que je prenais beaucoup de risques avec ma mobylette. J'ai toujours aimé aller vite. Ma mère aimait les bolides, moi aussi. J'ai gagné des courses, j'ai eu des Ferrari, des Lamborghini. On m'a retiré mon permis plus d'une fois. Je l'ai perdu à nouveau en 2000. J'ai encore une Porsche, mais je ne la conduis pas. Je n'ai plus l'âge. Non, je n'ai simplement pas l'âge. Dans la France policée d'aujourd'hui, je ne tenterais pas le diable. Vous êtes d'accord ?
À écouter Les Vestiges du chaos, 1 CD Capitol/Universal. Sortie le 8 avril.
En concert Tournée dans toute la France à partir de mai 2016, et les 31 janvier, 1er, 2 et 3 février 2017, Salle Pleyel, Paris 8e.
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Jeu 7 Avr - 17:52
Christophe: "Ce moment où je suis tombé au fond du trou"
par Laurent Amalric
Après avoir frisé le K.-O. Christophe sort son nouvel album, Les Vestiges du chaos chez Capitol/Universal music, ce vendredi. Rencontre, à Ramatuelle.
Rencontre à Ramatuelle avec le chanteur Christophe, qui sort un nouvel album ce vendredi. Photo Philippe Arnassan
Huit ans après Aimer ce que nous sommes. Il aura fallu nager en eaux troubles pour livrer, sur fond de dissensions avec sa maison de disques, ce 13e opus qui l’a miné.
Il l’explique d’un ton léger, attablé sur une plage discrète de Pampelonne où il était de passage pour une pose ensoleillée de quelques jours, entouré d’amis.
Entre bois flotté et 404 vintage rouillée, on retrouve le beau bizarre tel qu’on l’avait laissé. Libre et franc du collier. "Le titre de l’album n’est pas une posture. Le chaos est effectivement passé par là... J’ai dû reprendre en main un disque qui m’échappait à cause de ma prod... Des gens de qualité, mais ce n’est pas pour ça qu’ils sont toi... Ils voulaient l’orienter. Je refusais tout! Moi, un album c’est un truc qui prend forme grâce aux moments de création et de vie en continu. Les retours que j’avais de l’équipe qui travaillait dessus m’ont fait déplaner et rentrer en guerre avec Capitol. J’ai donc décidé de tout arrêter et repartir à Tanger! A ce moment-là, après l’été 2014, même si je ne suis pas un dépressif, je touche le fond. Je ne désire plus mon album... Ils m’avaient fait perdre la passion. Ça ne m’était jamais arrivé."
Energies solaires
La flamme retrouvée grâce au titre Lou en hommage à Lou Reed, Christophe finira par voir la lumière au bout du tunnel.
Et achever un album où il retrouve son parolier des Mots bleus et des Paradis perdus, Jean-Michel Jarre... "Nos retrouvailles courent sur un an. Au départ, j’ai fait une mélodie sur son album à venir Electronica 2.En anglais, avec une traductrice... Le truc qui te bouffe un peu le feeling. Mais je fais l’effort. Et puis je me remets sur mes titres à moi et il y en a un où je me dis, là Jean-Michel peut me faire un truc de bien! Sauf qu’il est dans le mixage de son album et il décline. Mon label me casse les c... pour qu’il participe. Alors je reviens à la charge. Et je reçois Les Vestiges du chaos. Il deviendra naturellement le titre de l’album. En référence à ce moment où je suis tombé au fond du trou", conclut l'artiste qui privilégie le Var pour se ressourcer.
"Moi je ne marche qu’au soleil! Je n’oublie pas non plus que j’ai fait mes débuts à Saint-Raphaël. En première partie de Vince Taylor. J’avais 14 ans !"
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Sam 9 Avr - 12:18
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CHRISTOPHE - LOU - LIVE Ce soir (ou jamais !)
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Bridget
Nombre de messages : 2631 Age : 73 Localisation : Paris Date d'inscription : 13/05/2008
Sujet: Re: CHRISTOPHE Sam 9 Avr - 20:04
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Océan d’amour
Le courant t’emporte J’ai beau te serrer fort La vie s’acharne encore Nos corps qui se balancent Tu mords je contredanse Et dans ce cœur à cœur Notre amour fou se meurt
Moi Sous les étoiles J’entends ta voix Crier tout bas Mes mains se perdent Ton souffle tiède C’est informel La scène est belle
Je ne te quitte plus Ca c’est bien moi Tout craché
Le courant t’emporte J’ai beau te serrer fort La vie s’acharne encore Nos corps qui se balancent Tu mords je contredanse Et dans ce cœur à cœur Notre amour fou se meurt Se meurt
Nous Comme des enfants On jette des mots Au fond de l’eau On sort on veille On s’émerveille Les mois défilent C’est plus fragile
On s’accapare Nos rires s’égarent Sans écho Sans écho
Le courant t’emporte J’ai beau te serrer fort La vie s’acharne encore Nos corps qui se balancent Tu mords je contredanse Et dans ce cœur à cœur Notre amour fou se meurt L’amour fou se meurt
(Laurie Darmon - Christophe / Christophe - Christophe Van Huffel)
liliane Admin
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Sujet: Re: CHRISTOPHE Sam 9 Avr - 22:35
Christophe, total «chaos»
Alors que son treizième album sort, l’artiste de 70 ans a répondu aux questions de «Libération», chez lui, toute une nuit, au milieu de son appartement plein à ras bord de photos, instruments, juke-boxes, meubles chinois et souvenirs. Beaucoup de souvenirs.
Gainsbourg et Bashung, Jacno et Daniel Darc tous partis, que reste-t-il en France de cette constellation d’étoiles fêlées, à même de concilier la stature de monument pop national et la cinglerie la plus toxique ? A l’heure où Renaud re-re-re-re-revient, tandis qu’on expose à Paris les débris dorés du Velvet Underground, Christophe apparaît l’un des derniers survivants à camper son altière posture dandy avec un pied obstinément planté de chaque côté - à la fois baladin musette et laborantin bizarre. Son treizième album, le magnifique et très bien nommé les Vestiges du chaos (lire ci-contre) s’ouvre sur Définitivement, chanson en forme d’autoprofilage de sa légende narcissique et cosmique :
«J’suis le plus pur Je vous rassure Le plus embrasé.»
Sa figure continue de fasciner par son aura de freak heureux, prototype du tombeur crooner court sur pattes dont la poésie résiste aux régimes habituels d’appréciation.
Un entretien avec lui, en sa tanière de Montparnasse, au début du soir, ne saurait être que du même ordre semi-fantastique et hors de contrôle, avec décor de mini-Xanadu détraqué - plein à ras bord de photos, instruments, juke-boxes, meubles chinois et fauteuils de coiffeurs. Personnage lynchien inclus, volubile et dérégulé, au phrasé en saccades, ponctué de claquements de langues, de tics («Comment ?» tous les trois mots), de fragments hachés menus. Des phrases intranscriptibles - on a quand même essayé -, qui tantôt produisent du haïku en rafales («J’suis un mec d’autels, parfois, ça me fait aller à l’hôtel»), tantôt s’évasent en plein milieu en une arborescence boiteuse d’hésitations, historiettes, précisions cryptiques et autres commentaires lunaires. Sans couvercle apparent, sans grandes contraintes horaires non plus. Il avait un temps été vaguement question que l’entretien s’achève à 22 h 30, il a fallu mettre le holà sur les révélations fracassantes vers 4 heures du matin.
Les Vestiges du chaos est un album qu’on aime beaucoup. Marqué par un retour au format pop, à la chanson, alors que les précédents lorgnaient vers la symphonie de poche…
Je ne calcule pas. C’est plus une question de nouveauté par rapport à ma passion de la musique, quoi. Les gens qui m’influencent. L’influence, ça compte beaucoup dans la création. C’est bien d’aimer des gens. Je ne parle pas des trucs qui me donnent du plaisir au quotidien, la Callas-Hooker-Elvis-Bowie-Lou. Enfin, tous les classiques. Je parle de la nouveauté. Parce qu’on sait qu’aujourd’hui, c’est assez difficile de créer quelque chose d’un petit peu… original. En fait, quand cet album a démarré, l’autre était pas fini en 2008. Y a des trucs de 2008 qui traînent sur cet album-là. Même si c’est souvent des vestiges, enfin des poussières quoi. Faut pas s’encombrer, mais tout ce qui n’est pas jeté dans la matière sonore, dans la création, est là pour une raison inexplicable. C’est dans l’air et avec l’ordinateur, c’est plus facile de stocker. C’est l’inconnu qui me nourrit, le connu je le laisse derrière, j’essaie de le sublimer, quoi. Je connais ma façon de fonctionner, je sais que j’suis pas quelqu’un qui va dire : «Tiens, je vais écrire un texte là, parce que je veux faire un album.» Je fonctionne à la rencontre, à l’inconnu, qui équivaut au plaisir, tant que la rencontre est belle. Le disque Vestiges de l'amour et paradis retrouvé Il y a tout juste vingt ans, printemps 96, Christophe reparaissait, quinquagénaire gominé, après treize années de silence lors desquelles il a surtout peaufiné son lancé de pétanque - il joue de l’argent. L’album Bevilacqua, enregistré allongé en état de transe mediumnique sous la console de mixage, était le grandiose œuvre au noir d’un sorcier du son se décrivant en Tourne-cœur(«Beau/ Qui fait rêver les filles»). Depuis, il s’est refait une forme, un nom, une image, un public brassant large, des hipsters tardifs à Drucker, sans jamais rien céder de ses envoûtements alambiqués.
Ce nouvel album de l’entrée dans le grand âge est aussi paradoxalement son plus adolescent, de mémoire récente. Gorgé de sève, de pulpe, de chair, où Christophe, en maître de marionnettes, redéploie l’éternité de sa figure d’homme aux mots galants, à qui les passions filent entre les doigts tel un sablier jamais comblé. Après une doublette d’albums qui visaient l’anéantissement de sa voix dans des fresques stellaires surgonflées en images et textures, les Vestiges du chaos marque un retour sur un point de classicisme, qui a aussi pour lui valeur de point d’origine - la valeur «tube». Son chant retrouve le goût de ce qui lui claque bien en bouche (Tu te moques).
Il reconquiert aussi une nervosité, une allure, une dynamique naguère égarée. La charpente à l’os des compositions balaie ornementations en stuc et engorgements de pure parure pour renouer avec l’évidence limpide du sabre qui tranche. Chaque chanson retrouve ainsi son unité, son climat, son humeur orgueilleuse, coulée dans le raffinement plastique de norias de bourdons synthétiques, de frissonnements de cordes, d’envolées maladives, entre deux ruissellements du piano qui perle ses mélodies pour machines émotives, penchants qu’il brutalise sur le morceau-titre (où il retrouve Jean-Michel Jarre, quarante ans après les Mots bleus). De vestiges et mausolées (l’hommage à Lou) en vertiges des vies fantasmées, rêvées, perdues qui «s’acharnent encore»(Océan d’amour), des titres tels que Stella Botox ou Tangerine affichent, presque fanfarons, la santé et la rondeur d’un single d’artificier, à la fois racé et soluble dans les ondes radio.
Sur le second, l’une des cimes du disque, entre les scansions de hooks minimaux imposant leur loi martiales et les prédications trumpoïdes, aboiements, ahanements de diva rockab au bord du déambulateur de l’idole amie Alan Vega (la voix du duo new-yorkais Suicide a 78 ans), Christophe psalmodie sa comptine éthéro-camée comme une supplique («Le temps ne passera plus jamais/ Ni pour toi, ni pour personne»). Sur l’autre foudroiement absolu de ces Vestiges, une ballade profilée en suspension aérodynamique intitulée Drone(«Tout en moi voudrait que tu demeures/ Mais le temps veut autrement/ Du haut de son drone»), le sens, le sensuel et le son se fondent en une gerbe de mémoire pixellisée, en miettes, screenshot entre la gloire et la ruine de ce qu’il pourra bien nous rester de ses traversées intimes.
Une chanson, ça peut être dix ans de travail ?
C’est souvent à coups de bribes. Mais le don d’un créateur, c’est d’avoir (il claque des doigts) la vibration. Au bon moment. Et de comprendre l’engrenage possible. Un peu comme un metteur en scène. Quand vous dites des bribes, ça revient à quoi ? Un herbier, un tableau que vous entamez sans connaître le motif final ?
Je connais jamais le motif final. Toutes les chansons ont vraiment des failles, chaque chanson a son histoire particulière. C’est un disque que j’ai failli arrêter, pendant dix à quinze jours, à cause de la relation que j’avais avec les gens un peu choisis par mon label et moi-même. A un moment, y a eu des choses qui ont été réalisées à partir de mes maquettes, et ça ressemblait pas du tout au niveau que j’avais envie de donner à cet album. Donc j’ai fait cette cassure, que j’ai voulue, avec ces gens-là. Il s’est passé un truc en moi, terrible. J’ai eu besoin de sortir tout ce mal que j’ai eu, cette incompréhension. Je me suis remis aux machines, tout ça. Lou, le support de Lou[un morceau hommage à Lou Reed, ndlr] est né dans ce chaos. Et j’ai repris vachement confiance en moi parce que je me posais des questions, c’est normal, par rapport aux trouvailles, aux formes sonores, aux gimmicks. Cette cassure a fait que cet album est comme il est. Mais si l’adversaire avait été un peu plus con, il aurait peut-être pas existé.
Vous décrivez une forme restée longtemps ouverte, et en même temps, on ressent votre technicité du tube, de l’enchaînement de mélodies accrocheuses…
Oui, j’ai un don pour le gimmick. Moi, j’écris pas les cordes, mais je les chante, les cordes ce sont des gimmicks. Et puis, j’ai de la chance, je gère mon affaire tout seul. Ma force, ma guerre, mon art à moi, c’est de la passion. J’ai plutôt tendance… à voir grand. Mes idoles de maintenant, c’est quand même Trent Reznor [leader du groupe Nine Inch Nails], à la limite Black Atlass, mais je suis très difficile dans le choix de musique que j’écoute aujourd’hui. Ce que j’aime bien, et dans la création aussi, c’est fantasmer. J’aime pas qu’on m’impose le fantasme, c’est pour ça que je faisais pas de clips avant. Mais bon, là, j’en ai fait un avec Sara Forestier, qui est une fille super, j’évolue… Est-ce qu’on peut revenir à cette cassure dans l’histoire du disque ? Etait-ce parce que vous savez exactement ce que vous voulez ou parce que vous épuisez les équipes à ne pas savoir le leur expliquer ? Ce qui résonne dans ma tête, ce que je veux mettre sur le son, ce que je pensais avoir expliqué aux gens qui travaillent pendant que je suis pas là, par exemple sur les Mots fous : quand j’arrive, ils me font un essai dessus et tout le monde trouve ça génial et moi, non. Je peux pas. Alors, comme je refuse tout, tout le temps, l’équipe, elle se casse. C’est normal. A un moment, ma tête accepte plus qu’on essaye de m’expliquer comment ça pourrait être. Moi, j’ai besoin d’avoir dans la seconde qui vient le gimmick et la robe sonore du gimmick. J’aime pas qu’on me dise, écoute le truc, ça sera pas comme ça à l’arrivée. Non, j’écoute, je dis : ça craint. Ah non, mais moi non, on va même pas le mixer. Alors, j’ai ressorti un DX7 [un synthé] pour faire deux gimmicks, et je l’ai pas sorti pour rien, quoi, ouais. C’est la machine et moi. C’est le chaos lumineux, le chaos positif, de la baise, de l’amour. Le chaos, c’est pas mal, quand on parle d’amour. Je sais pas si vous voyez la méta ?
Euh, oui.
Des fois, vous pourriez me l’expliquer, parce que je comprends pas toujours ce que je dis.
Tangerine, vous l’aviez déjà joué en concert en 2012 avec Alan Vega, dans une version beaucoup plus lente, sans refrain, la chanson n’était pas encore là. Quelle est la trajectoire d’un titre comme celui-là ?
Cette chanson, on l’a trimbalée depuis 2007. Et pourquoi elle est pas déjà sur l’album précédent ? Parce que, moi, je suis un casse-couilles. Je dis : «Non, les gars, je l’entends cette chanson, elle est pas prête.» Vega m’apporte une nouvelle énergie sur le couplet, de l’écouter lui, déjà, ça m’inspire, en 2012. J’ai fait quelques synthés sur le morceau. Il faut savoir mettre les taches de couleurs sur la toile, mais faut pas en rajouter. Sinon la toile, après, tu la jettes. Juste où il faut, ce qui va donner une profondeur. J’ai trouvé la mélodie du refrain y a un an.
J’écoute Vega, une nuit, il est 3 heures du matin, après je vais faire un petit tour au Baron, boire un coup, casser une graine. J’ai toujours un micro prêt pour attraper le truc, je laisse rien passer. Je suis un mec d’instinct, donc je compte beaucoup sur cette chose dans l’inconnu qui vient. Là, c’est le «yop» [du chant en «yaourt», sans paroles]. Quand je fais une chanson, souvent, elle naît avec un yop, d’accord ? Et puis quand je réécoute ça, j’ai mes films, j’ai mes mots, j’ai tout ce que j’écris, il y en a des milliards dans mon ordinateur. C’est des trucs qui sont dimensionnels. Cette matière de yop, elle est vachement importante parce qu’elle est la naissance des images, du film que ça me projette, tu vois. Bien sûr, le sens passe bien après le son.
Je me souviens toujours de l’époque où je fais les Marionnettes, j’avais 20 ans et le producteur, il me fait : «Ah non, tu vas pas chanter ça, tu te fous de ma gueule.» J’impose ma loi, c’est normal, depuis que j’ai 15 ans, j’ai toujours fait ma route en solitaire. J’ai fait mon chemin et c’est pour ça que j’ai toujours été dur avec mes producteurs, parce qu’on va pas t’apprendre ce que tu es, tu vois. Quand tu veux m’atteindre sur mon terrain de créateur, personne n’imagine cette passion que j’ai encore en moi, qui brûle de plus en plus. Encore, si elle se calmait… T’arrives à un âge, normalement, elle s’apaise. Mais ce qui est terrible, c’est qu’elle augmente ! Est-ce que je vais être encore debout longtemps pour l’envoyer ?
Il y a pas mal de gens qui ont collaboré aux paroles du disque. Qu’est-ce qui fait, quand on vous apporte un texte, que vous reconnaissez que tel ou tel peut être une chanson de Christophe ?
C’est des commandes, on m’apporte pas. Y en a qu’un qui m’apporte le texte tout prêt, c’est Daniel Bélanger. Et quand je le reçois, je suis le roi du pétrole. Il a écrit Tangerine et Drone. Y a un truc entre nous, des trucs. (A l’attachée de presse) Tu me servirais un petit ? Il est bien frais, glacé ? J’aime le champagne, enfin j’aime pas d’ailleurs. J’aime bien le boire archi-glacé, comme la vodka. Daniel Bélanger: «C'est l'inconscient qui parle» «J’ai rencontré Christophe en 2006 ou 2007, à un concert à l’Européen, je crois qu’il cherchait des textes pour son Aimer ce que nous sommes. On a été présentés backstage, par hasard. Et quelques mois plus tard, j’ai appris par un ami français qu’il cherchait mes coordonnées. On s’est donc retrouvés, j’ai fait quelques chansons, on s’est bien entendus parce qu’il chantait n’importe quoi en yaourt, et je procède comme ça aussi. Après ça, plus rien, je n’ai plus entendu parler de lui.
«Il y a un an, j’ai appris qu’il me cherchait encore. On a repris là où on s’était quittés, sans plus d’explications. Il m’a envoyé les chansons, j’ai ciblé celles qui m’inspiraient. C’est très naturel, rapide, pas compliqué, il prend ce que je lui donne. Tout ça en essayant chacun de notre côté de l’océan. Notre rapport est très distant, très franc. Ce qui reste à la fin, c’est les chansons qui m’ont le plus touché : Drone et le refrain de Tangerine. En gros, il m’envoie son yaourt, son "yop" comme il dit, avec toutes les orchestrations. Je m’efforce de faire du sur-mesure, de travailler sur ce qu’il m’inspire, en m’oubliant, loin de ce que j’écris pour moi. Je relève le nombre de pieds, les sonorités qui marchent ou qui posent problème, parce que son yaourt est ascendant anglophone ! J’essaie de trouver des équivalences, des mots autour desquels construire le sens. Quand lui les reçoit, il chante par-dessus le yaourt, et me renvoie le tout superposé.
«J’aime bien ce côté vrai : chaque chose en son temps, et là c’est le temps d’éprouver le texte, pas d’avoir l’air intelligent ou de bien sonner. J’aime ce côté rapide, spontané, artisanal. Il me demande parfois si je veux changer des mots, c’est de l’aménagement, mais notre travail est très cohérent, on n’a jamais été en désaccord. Ce qui est chouette avec son yop, c’est que c’est l’inconscient qui parle, c’est son intuition qui fait sortir des mots, c’est des choses très primitives, proches de ce qu’un enfant peut faire, comme un gosse qui joue avec sa petite voiture sur un comptoir et se fait tout un monde.»
Regarde comment j’écris. Quand je me couche vers 5 ou 6 heures du mat, je regarde un film, jusqu’à 8 heures, tu vois. Après, j’allume la téloche pour voir si y a pas une redif d’Hanouna, parce qu’il me fait rire, j’ai besoin de rire, quand t’as bien gambergé, que tu t’es bien levé tôt. Je passe par Dave, sur la Trois, et cette fille, elle arrive, je sais pas pourquoi. Je vois la meuf, elle commence à chanter une chanson, son 45 tours. Vous allez comprendre pourquoi j’ai fait appel à elle.
Laurie Darmon: «Avec sa voix, il s'approprie le texte» «Stella Botox, le yaourt qu’il faisait, c’était le même motif qui revenait, la même onomatopée qui revenait autant dans le yaourt et la musique. Un mot qui se répète de manière régulière et j’en suis venu à un prénom. J’avais proposé une version avec "Juliette Botox". Christophe a proposé Stella, quelque chose de plus imagé qui pouvait faire penser à une étoile. On échangeait par texto ou mail.
«J’ai toujours écouté Christophe, c’était l’idole de mon père. Même s’il m’a dit de faire les choses de manière très libre et de ne pas imaginer que j’écrivais pour lui, ce qui m’a aidée, j’avais l’idée d’ellipse, de fuite, de suggestion. Il m’avait vue sur l’émission «Du côté de chez Dave», j’avais chanté une chanson dont il avait aimé l’écriture. Il m’a fait des compliments adorables. Pour Tu te moques, il y avait les refrains, je devais juste faire les couplets, je devais poursuivre une histoire déjà là. Je suis allée chez lui, c’est la seule fois où je l’ai rencontré. Il a fait des modifications, mais pas tant que ça. Souvent pour des questions de sonorités, je crois que les rimes ne le soucient pas trop, ça vient de son timbre, il sublime ça autrement. Sur Océan d’amour, il me l’a fait écouter en yaourt, mais il y avait le fragment "le courant t’emporte". Le titre était posé.
«Je suis partie sur une idée de courants, l’univers de l’eau, l’idée de la fuite, une personne qu’il aime mais qu’il ne peut garder auprès de lui, quelque chose de déchiré. J’ai besoin de le maquetter seule en piano-voix pour qu’il puisse imaginer où ça se place. Avec sa voix, il s’approprie le texte, il a pris peut-être un mois et demi pour savoir comment il voulait les chanter. La version finale est différente en termes de phrasé de la maquette, il a interprété à sa façon. L’entendre chanter des paroles que j’avais parfois écrites un peu au hasard, c’est un peu surréaliste.»
Elle écrit comme j’aimerais écrire, elle a un truc, elle a un don, la meuf. Et je la fais venir la nuit et on fait des chansons ensemble, tu vois ? Je la convoque, je lui explique tout. Je dissèque tout, c’est long. C’est fatigant d’expliquer, ça épuise, tu sais, ne pas rater un détail. La fille, elle note des trucs et trois jours après, elle envoie des textes qui sont bons, et je repasse dessus. J’enlève. C’est mon art, le découpage.
Vous avez commandé beaucoup de textes comme ça ?
Mon dossier, si je l’ouvre, tu vas comprendre. Pour l’album, il y a eu 300 textes. Les mecs ont réécrit dix fois.
Quand vous chantez Dangereuse, le danger, au regard de là où vous en êtes, c’est quoi ?
Il est là où il est au quotidien pour tout le monde. Le danger d’avant, il compte pas. Le quartier, l’amourette, c’est pas le même mal, c’est plus ce qu’on vit aujourd’hui. Sorti de ça, on va pas parler de la mort, j’en parle pas parce que je sais pas. Le danger, c’est plutôt vieillir, et se retrouver incapable. Ça, c’est un truc qui me traverse, c’est normal, à 70 balais. Tu n’as plus 30 balais, plus 40, plus 50, t’as même plus 60 ! (Rires) C’est chaud !
Bon, dans une chanson, y a des états, des étapes, la petite dépression qui fait que tu te dis : «Ça va pas être ma tasse de thé, ça fait trois ans que je suis dessus.» Et ça tient à quoi ? A l’inconnu, à un hasard. Définitivement, c’est une chanson qui a un vécu pas possible. Si je rentre pas à 2 heures du matin dans ma piaule dans le Lubéron et qu’il y a pas le téléphone sans fil qui résonne dans un des amplis, s’il y a pas ce groove qui est là, de lui-même, que j’ai attrapé avec mon ordinateur, elle existe pas, la chanson ! Jamais elle existera, parce que je vais pas la créer. C’est le monde qui l’a créée. C’est le truc qui est venu à moi. C’est la magie de la vie.
C’est-à-dire ?
J’suis pas chanteur, j’suis pas musicien. Moi, je suis autodidacte. J’essaie de faire des trucs, de chercher, du son. J’ai pas appris le piano par exemple, je l’ai observé, j’ai pris des cours d’observation. J’ai eu envie, besoin, de comprendre ce que c’est, la mathématique d’un clavier. J’ai jamais voulu apprendre, sinon je serais peut-être pas là, d’ailleurs. Donc, la maquette de Définitivement, elle arrive en une nuit. 2 heures. Il est 2 heures du matin, je suis à Roussillon, dans la petite maison avec la piscine, je rentre, j’ouvre ma porte, j’entends la faille dans l’ampli. Alors, je fais une boucle, je fais des chœurs, des percus en tapant sur ma couette avec ce micro, là. Il y a rien d’autre. Depuis ce yop que j’ai fait en 2012, jusqu’à aujourd’hui, il y a simplement eu la guitare et le texte en français qui sont arrivés, tu vois. Sur le moment, je savais de quoi ça allait parler, que je tenais l’ouverture de l’album. Cette idée que je propose quelque chose de légèrement différent.
Et quand vous cherchez, c’est toujours la nuit ?
Non, parce que quand je travaille sur les Mots fous, c’est sur le voilier où je passe l’été. J’ai ma station en bas, je fais de la voile, et je travaille beaucoup là. Mais normalement, oui, c’est la nuit. Même quand je suis à Tanger, où j’ai beaucoup créé de cet album, beaucoup beaucoup, avec ma petite interface, mon clavier, mon ordinateur. Aujourd’hui, il n’y a pas besoin de grand-chose pour faire un album. T’as envie, tu fais. Mais, si tu veux, moi, j’ai pas chanté le blues parce que j’étais pas black alors que mon admiration n’était que pour les chanteurs de blues. Parce que je les connais bien, profondément, et que je sais que j’ai un truc avec eux. En 78, tu peux pas chanter comme Elvis, tu peux pas chanter du blues en étant un Français, blanc ! Ça n’existe pas ! Moi, c’est le synthé ma came, ma matière. Mais quand tu me demandes tout à l’heure si je pourrais pas faire le disque tout seul, que je produis en un mois, tu me demandes de faire l’album blanc de Suicide, le premier. Le meilleur album possible, et en même temps, t’as l’impression qu’il a été fait en une semaine. C’est la meilleure matière, et tu peux rien faire pareil derrière ça, comme tu peux rien faire derrière la Callas. Il faut bien que le monde continue, mais tu peux pas. Quand t’as eu Caruso, Pavarotti… Tu connais Pavarotti ? T’aimes pas ? Pourtant, quand il envoie sa technique en même temps que son émotionnel… Pfiou… C’est peut-être pas tout, mais d’un coup, c’est une lumière qui arrive. C’est comme Parker dans le sax… Bon, posez-moi des questions.
Quand on vient ici, ce capharnaüm merveilleux, c’est très chargé, quand on vous voit, quand on vous parle, ça part dans tous les sens…
Et je prends rien ! C’est ça le pire, je bois que du thé. Quand je sors dans des boîtes, on me propose souvent, les mecs croient que je prends des choses. Je leur dis : «Laisse tomber, j’ai déjà donné il y a longtemps, c’est pas ma came.» T’as compris ? (Rires)
… tout ça pour dire qu’on ne retrouve rien de ce bazar sur votre disque, où l’on sent que tout est très décanté, discipliné. C’est fou comme on sent que vous allez chercher ça loin. De la même façon que, quand il y a une cassure avec l’équipe, on se dit qu’à votre âge, avec votre carrière, vous pourriez laisser filer…
J’ai la réponse à ça… C’est le plaisir. C’est l’orgasme. Il y en a qui, comment, ben qui ne baisent plus. Et puis y en a qui, plus ça avance dans la vie, plus ils ont envie de baiser. C’est ça, c’est tout. Moi, quand je crée un album aujourd’hui, pour le prochain, il y a déjà des trucs, de la matière qui bouillonne. Il y a les vestiges ! Ce qui compte, c’est de se renouveler après et de créer une différence avec tout ce qui a été fait en même temps. C’est ça, l’inconnu, pour moi. Parce que je sais pas comment j’y arrive. Je pourrai jamais vous l’expliquer, vous, vous pourrez jamais comprendre, mais j’arrive à vous étonner avec mon album et je suis bien content (l’attachée de presse intervient pour dire qu’il reste «un peu moins de dix minutes», rires nerveux). On n’est qu’au début, là ! Mais, eh, tu pourrais me donner quelques glaçons ? Continuons.
Il y a des photos de Bowie partout, chez vous…
Oh, elles ont toujours été là. Je les ai pas mises depuis qu’il est parti faire un tour. J’avais commandé le vinyle de son album, et quand je l’ai écouté, je ne savais pas du tout, je me suis dit, tiens, dès le premier titre, j’entends une certaine fatigue, d’un truc qu’il a dû avoir. Mais j’avais pas du tout projeté la suite et je me suis dit, putain, enfin je vais pouvoir aller le revoir à l’Olympia ou à Pleyel, ça va être trop bon. Et paf, deux jours après… J’étais loin du compte. Depuis, je l’écoute tout le temps, sans penser qu’il est plus là. De toute façon, pour moi, il est présent. Je suis dans l’inconscience de ça, heureusement, j’espère que je l’aurai longtemps et que quand ça va m’arriver, bon, ce sera pareil, je partirai dans un moment de plaisir. En revanche, je sais pas si j’aurai son niveau. Parce que là, le mec, j’ai jamais eu son niveau, faut être cash. Et c’est pas du cabotinage en disant ça. On sait tous ce que c’est, Bowie. Et la manière dont il est parti… J’ai pas voulu lire, j’ai pas besoin de savoir. Pour moi, il est présent, pourquoi j’irais chercher où il est ? Il est là ! (Il désigne une photo du Thin White Duke sur la console de mixage dans la partie studio du salon, entre Bashung et Lou Reed)
Vous avez un rapport très fétichiste aux artistes que vous aimez. Tout ce que vous entassez ici, les débris de mythologies américaines, alors que vous n’avez presque jamais mis les pieds aux Etats-Unis…
Ça m’a tenté, je l’ai vécu parce que j’ai eu des Cadillac, je l’ai joué, j’ai eu tout ce que je voulais. Je suis juste allé à New York, pour entendre les bruits de la ville, parce que ça, ça manquait à mon expérience.
Bref, ça fait soixante ans que vous collectionnez des bribes, des vestiges, des poussières de mythes…
Ah, quand je chine un truc, que je l’achète ou que je tombe en admiration devant, je me raconte pas que c’est de la poussière… (Rires) Dans un premier temps !
Vous pourriez trouver ça beau précisément pour cette raison, pourtant.
C’est une pensée intellectuelle, ça. Moi, je suis plus dans un truc sensuel. C’est plus des textures… des odeurs. Quand je prends un poste (il pointe les dizaines de postes de radio vintage alignés sur une étagère), j’enlève pas la poussière qui est dessus, je la laisse, mais par contre, je le retourne et je sens le - comment dire - je renifle le derrière du poste ! Bon, c’est un petit peu des madeleines de Proust, on est d’accord. Par exemple, pourquoi est-ce que j’ai toujours une boîte, et non pas un tube de lait Nestlé dans mon frigo ? Parce que j’ai besoin, au quotidien, quand j’ouvre mon frigo, de voir la boîte de lait Nestlé, et non pas le tube, parce qu’elle me rappelle mes 6 ans, 7 ans, chez une femme qui me gardait de temps en temps.
Il y a toujours une femme quelque part dans l’histoire…
Le plus souvent possible (il marque un temps de réflexion). Et donc ce soir, je n’en ai pas, et donc je vais m’arrêter dans une petite épicerie arabe m’en acheter. J’en ai pas parce qu’à un moment, j’en peux plus de la voir, il faut que je l’ouvre, en pleine nuit. Et comme c’est très mauvais pour le foie, pour le ventre - je suis très gourmand, mais je fais attention -, quand j’ouvre ma boîte, je la vide, avec l’eau chaude qui coule dans l’évier, pour pas la boire, et quand je sais que j’en suis arrivé à ce qu’il reste juste trois cuillères, parce que j’ai l’habitude, hop ! Je redresse. Et, ayant éliminé un peu de gras dans l’évier, avec une cuillère à soupe, je vais prendre…
… les vestiges du Nestlé
Voilà, c’est ça, bien ! C’est vraiment con que j’en ai pas, on aurait pu le faire, avec une jolie boîte. Enfin bon, je prends le truc. Et là, c’est le goût. C’est le parfum. Je finis par comprendre ce que c’est la madeleine de Proust, avec ça. Même si Proust, c’est pas ma tasse de thé, mais…
Vous ne l’avez toujours pas lu ?
Proust ? Non. Moi, je lis pas. Je lis Joë Bousquet, tu connais [poète français d’avant-guerre, ndlr] ?
Oui, c’est autre chose…
Ben, c’est ça ma lecture. Ma première lecture quand j’avais 14 ans, c’était [Edgar Allan] Poe. Très beau. Après, ce que je lis… Moi, je suis moi, quoi
(l’attachée de presse reparaît : «Il est l’heure», dit-elle). Non mais là, si on veut rester un peu, j’ai annulé mon dîner…
Vous voulez qu’on repasse plus tard, peut-être ?
Ecoutez, je suis debout jusqu’à 6 heures du matin, c’est quand vous voulez. Sinon, on peut aller manger un bout ? Y a Sara Forestier qui me cherchait pour aller bouffer, mais je vais pas vous l’imposer. Là, je vais aller manger une petite salade d’endives à la moutarde. Rue de Sèvres ! Si vous avez envie… On est bien, là, on est dans les temps, on se prend une voiture, on y va. Je suis libre, je me suis libéré… de tous ennuis. C’est bizarre parce que les gens qui viennent m’interviewer me demandent toujours : «Vous aimez l’ennui ?» C’est un mot que je mets souvent dans mes chansons, et c’est pas que j’aime l’ennui, moi je l’entends pas comme ça. Pour moi, le synonyme d’ennui, c’est le silence, la réflexion. C’est pas comme vous pensez l’ennui, vous, c’est pas au premier degré. Pour moi, c’est quelque chose de planant, qui a une belle résonance. Le mot est beau, alors plutôt que de mettre «le silence», ou «la réflexion», je mets «l’ennui». Le sens n’a pas d’importance, ce qui compte, c’est le son, la beauté du mot.
Comment supportez-vous l’actualité, quand vous vous réveillez et qu’il y a eu un attentat par exemple ?
Je suis très réceptif. Le premier jour, c’est comme si j’avais du plomb dans la tête. Bien sûr, je ne suis pas dans les paramètres des gens qui en souffrent encore à cause de leurs proches et de ce qui se passe. Mais hormis ça, il y a surtout le fait d’être face à un problème qu’on peut pas résoudre.
Il y a que le Bataclan est une salle de concert, mais vous passez aussi beaucoup de temps à Tanger, qui peut être associé à une forme de danger, justement…
Oui, pour ce que j’en sais, c’est un peu chaud. Mais il n’y a qu’un truc qui m’angoisse, c’est de prendre l’avion. Quand je prends l’avion, faut être cash, il y a pas beaucoup de Français, mais moi je ne suis pas français. Je suis un Terrien. Je fais partie de la planète Terre, et je suis né dans le blues. Quand j’avais 9 ans, ma grand-mère était raciste, moi j’adorais les Blacks qui chantaient le blues, et elle m’engueulait : «Ah, y a un nègre !» Je comprenais pas ! Mais ça aide à démarrer la vie, des choses comme ça. Donc non, quand je suis à Tanger, j’y pense pas. Je sais pas si j’y pense pas plus ici, à Paris. A vrai dire, un des plus beaux moments de ma vie, c’est quand j’arrive à Tanger, de mettre les pieds là-bas. Et une fois arrivé, je ne pense plus, j’y suis tellement bien avec les parfums, l’odeur, les gens que je croise. Après, je sais qu’on est différents, je me tiens à ma place, on se respecte, c’est tout, et c’est bien. Et quand je quitte Tanger pour rentrer à Paris, je suis triste.
L’idée du succès, que le disque marche, ça vous importe ?
Non, pas du tout. Je pense surtout à mon avenir. C’est-à-dire à la seconde qui vient. J’ai un parcours assez décalé par rapport à des gens plus formatés dans un métier. Moi, le métier, la carrière, c’est des mots que je prononce jamais, je sais pas ce que c’est. J’ai toujours choisi. Faut juste que je pense à mes vieux jours. C’est pour ça que je me suis penché un peu sur le piano il y a deux ans, avec une virtuose polonaise. Pourquoi ? Parce que tant que je serai debout, il peut m’arriver n’importe quoi, je peux voyager partout dans le monde, jouer du piano et chanter dans n’importe quel bar, comme quand j’avais 15 ans et que je chantais à la Vache enragée ou la pizzeria de Juan-les-Pins. Il y a que ma gueule qui a changé et les années en plus. Comment ça s’appelle, quand on a 65 ans ? Non, pas senior. Pas carte vermeil. Pas troisième âge ! Ah oui, la retraite. Encore un mot que je connais pas du tout. L’idée, c’est d’être en vie, au quotidien, maître de sa route, sans avoir à attendre les droits d’auteur, sinon t’es dans le formol.
Par rapport à ce cabinet de curiosités que vous habitez, tout ce que vous avez pu accumuler de fétiches de mythologies plus ou moins fantasmés et anciennes, plutôt datées, est-ce qu’il y a quelque chose de neuf, aujourd’hui, qui soit aussi intéressant à vos yeux que tout ça ?
Moi, le nouveau, je ne sais pas ce que ça veut dire. Le nouveau, c’est un truc que je vais découvrir plus tard. Quand ça ne le sera plus, justement. Quand y aura autre chose. Je vais tomber sur un objet et dire : «Oh, c’est nouveau ça !» Et on va me répondre : «Ben non, ça, ça a un siècle.» Je suis attiré par une forme de nouveau dont seul mon œil, mon émotionnel, a la notion. Après, si vous me montrez des objets en photo… Moi, je vais pas dans les musées, j’ai toujours eu horreur d’aller mater des tableaux, et d’être quinze, devant, à regarder la même chose. C’est intime d’aller regarder des trucs. Je suis pas allé voir les expos de Bowie ou d’Elvis. J’aime pas me mélanger aux gens pour voir les dessous chics, ça se partage pas, ça. Quand des galeries ont accepté de m’ouvrir leur porte à minuit, j’y suis allé. Mais c’est arrivé deux fois. Les gens veulent pas travailler la nuit.
Vous avez ce rapport au temps qui vous appartient, mais dans le rapport de vos chansons à des choses intimes, au désir, à l’amour, la séduction, est-ce que vous vous sentez vieillir, mûrir?
Vieillir, vieillir…
On a dit mûrir, aussi.
Oui, mais même, c’est pas vraiment ça. J’ai pas des glaces partout pour me regarder, tant que je cours, je me pose pas trop la question. Il y a un épanouissement, je suis comme je suis, j’aime sentir la liberté en moi, ne pas m’inventer des trucs. Parce que ça me plaît ce que je suis, j’ai de la chance. Cette nuit, quand je vais vous quitter, je vais jouer doucement, pour pas réveiller les voisins, faire quelques notes de piano, et je serai bien. De temps en temps, je me mets par terre, je sors toutes les photos, les vestiges, toutes les images de la famille. Je vire des trucs (Il réfléchit). Vous jouez pas au poker, vous ? Parce qu’aujourd’hui, faut être sportif, footballeur, rugbyman ou jouer au poker. C’est un truc de malade. Je fais des petits tournois de temps en temps, j’adore. C’est un jeu, pour apprendre à se connaître, et apprendre à combattre l’autre, c’est extraordinaire. Bon, vous avez une petite faim, vous voulez manger ? Ou alors vous voulez écouter un peu des choses d’abord ?
(l’attachée de presse s’en va, l’air au bout du rouleau)
Nombre de messages : 2631 Age : 73 Localisation : Paris Date d'inscription : 13/05/2008
Sujet: Re: CHRISTOPHE Lun 11 Avr - 23:50
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Jean-Michel Jarre et Christophe se redisent des mots bleus
Quarante ans après « les Mots bleus », Christophe et Jean-Michel Jarre célèbrent leurs retrouvailles. Ils se racontent ensemble, chez le chanteur.
Il est 19 heures, Christophe s'éveille. Sur la porte de son appartement parisien, la pancarte « Nid d'amour, ne pas déranger » fait sourire Jean-Michel Jarre. Christophe ouvre, ils s'embrassent, reprennent une discussion sur l'achat de deux chaises.
.. Ces deux-là nourrissent une amitié de plus de quarante ans. C'est peu connu ou oublié, mais Jarre a écrit les textes des deux albums fondateurs de Christophe, « les Paradis perdus » et « les Mots bleus », en 1974 et 1975. On lui doit les paroles d'« Où sont les femmes ? » de Juvet et de « Que vas-tu faire ? » de Françoise Hardy. Quarante ans plus tard, ces deux pionniers de l'électro devenus sexagénaires reviennent au sommet. Jarre a écrit les paroles d'une chanson du nouvel album de Christophe, « les Vestiges du chaos », qui sort aujourd'hui. Et Christophe chante un titre en anglais sur « Electronica 2 », le deuxième volet attendu le 6 mai du passionnant projet collectif de Jarre.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
JEAN-MICHEL JARRE. Grâce à Francis Dreyfus. Nous étions tous les deux dans sa maison d'édition et de disques. Nous partagions une passion pour les albums concept et la magie. Nous avons travaillé ensemble pour un spectacle du magicien Dominique Webb, où son piano volait. Dès notre première chanson, « les Paradis perdus », tout était dit. Au risque de décevoir les gens, je pense qu'on fait toujours le même album. On cherche juste le disque ou le morceau définitif.
CHRISTOPHE. Nous sommes complémentaires. Moi, j'ai un côté à fleur de peau, ma culture va arriver, elle n'est pas encore là. Jean-Michel a un côté plus intello. Lui, il a écrit « les Mots bleus » ; moi, « les Marionnettes ». Vous voyez la différence ?
Vous êtes des frères de son ?
J.-M.J. Totalement. On aime les mêmes instruments. La différence, c'est que, quand on a commencé, on avait deux-trois instruments. Aujourd'hui, la technologie pourrait nous faire croire qu'il n'y a plus de limites, c'est à nous de mettre nos propres limites.
C. Les instruments, c'est comme des jouets. Chaque nouveau nous donne des idées, une chanson. Je suis échangiste... dans la musique. Dans la vie, non... Ça viendra peut-être. On est des peintres, des sculpteurs.
Cela explique, Christophe, que huit années se soient écoulées depuis votre dernier disque inédit ?
C. On n'est pas des clients, on est difficiles. Je me rends compte en faisant des interviews que mon nouvel album est déjà derrière moi. Un album n'est jamais fini, car il reflète toujours le prochain.
J.-M.J. En quarante ans, la structure de l'industrie du disque a énormément changé. Nous, nous n'avons pas changé. On est capables de passer quatre ou cinq ans sur un album, des nuits entières. Pendant ce temps, les gens ont changé trois fois dans les maisons de disques. Avec ce qu'on a fait, on ne sort plus d'album pour sortir un album. Il faut qu'on y croie.
Comment se sont passées vos retrouvailles ?
J.-M.J. J'adore ce mot, il est d'ailleurs dans « les Mots bleus ». Christophe, c'est comme la famille, on ne se voit pas forcément, mais on ne se perd jamais vraiment. Mais il y a des biorythmes, des moments pour se retrouver. Christophe m'a fait écouter les maquettes de son disque. J'ai eu un flash : « J'ai le titre et on va faire tout l'album ensemble. » C'était très prétentieux de ma part, car j'étais sur mon propre album...
C. Je l'ai rappelé un jour : « Alors, tu viens ou non ? Je vais passer pour un con vis-à-vis de mon label. » (Rires.)
J. -M.J. C'est vrai. Alors on a fait comme on a toujours fait. Il m'a envoyé la musique et la mélodie vocale en Yop (NDLR : en yaourt) et j'ai écrit le texte en une nuit.
C. J'ai gardé son idée de titre pour l'album car il résume tout. Je ne lui avais pourtant pas tout dit, mais j'ai failli arrêter cet album. J'en ai bavé.
Et pour la première fois, Christophe chante pour Jarre...
J.-M.J. Christophe m'inspire, sa voix est un instrument de musique. J'aime son côté schizophrène, entre Fellini et « Blade Runner », le personnage romanesque, les vestiges du chaos... (Il montre l'appartement et rit.) Cette fois, je voulais qu'il joue de l'harmonica et chante en anglais, pour étonner les Anglais. Comme c'est écrit dans « les Paradis perdus ».
C. J'ai fait des efforts, je me suis adapté. On l'a enregistré chez moi, une nuit. La nuit du Bataclan. (Silence.)
Que pensez-vous des « Paradis perdus » revus par Christine and the Queens ?
C. Elle a été inspirée. J'aime bien qu'elle ait mélangé, transformé...
J-.M.J. Elle a barbouillé ce qu'on a fait et lui a donné une nouvelle vie. C'est très bien comme ça.
Vertigineux *****
Vestiges du chaos, vertiges du chaos. Le treizième album de Christophe est vertigineux. Un disque audacieux, ambitieux, parfois déglingué, tout en étant mélodieux, accessible, populaire.
A bientôt 70 ans, Christophe réussit encore à nous étonner avec un disque de jeune loup, moderne, insaisissable, dangereux.
Pour nourrir cette nouvelle odyssée de blues électronique en apesanteur, cet insatiable chercheur, toujours l'oreille et l'œil en éveil, est allé chercher du sang frais, des jeunes plumes féminines, telles Laurie Darmon et Maud Nadal, et des nouveaux sorciers du son, comme Clément Ducol.
Il a aussi transcendé le passé, pour offrir un poignant hommage à Lou Reed (« Lou ») et un duo ébouriffant (« Tangerine ») à son vieux complice de Suicide, Alan Vega.
Vestiges du chaos, vertiges de l'amour... On les écoute comme on regarde un grand film sans faute de goût ni temps mort. Où cet éternel dandy joue le premier rôle sans toujours se donner le beau rôle, celui du latin lover transi des « Mots bleus » et d'« Aline ».
Sauf qu'à la clé il y a un happy end. Celui du meilleur album de l'année. Christophe a mis la barre très haut.
« Les Vestiges du chaos », Christophe, Capitol, 16,99 € ; en tournée en France le 26 mai à Reims, puis les 31 janvier, 1er, 2 et 3 février 2017 salle Pleyel, à Paris.