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Sujet: CHARLES BAUDELAIRE Mar 10 Juin - 11:52
Charles Baudelaire est pour beaucoup le plus grand de tous les poètes français. Il a défini les principes créateurs de la poésie moderne, du symbolisme au surréalisme. Durant sa longue quête insatisfaite de la Beauté, il se voit constamment partagé entre l'extase et l'horreur de la Vie.
Charles Baudelaire (1821-1867)
L'ENFANT
Né à Paris, en 1821, Charles Baudelaire perd son père à l'âge de 6 ans. Sa mère se remarie avec avec le commandant Aupick quelques années plus tard. Il déteste ce beau-père, général de division, ambassadeur et sénateur du second empire qui le prive de l'affection maternelle. Rebelle à toute autorité, il se sera placé au lycée de Lyon, puis au lycée Louis-Le-Grand.
L'ETUDIANT
Lauréat du Concours Général (2ème prix de vers latins) et bachelier (1839), il s'abandonne à la vie du Quartier latin, où il se fait remarquer par son dandysme. Ses fréquentations douteuses effraient sa famille et on l'embarque pour un voyage aux Indes (1841) qui ne l'intéresse pas et qui restera d'ailleurs inachevé.
LE DANDY
A son retour, Baudelaire, majeur et en possession d'une belle fortune provenant de l'héritage paternel, se loge 10, quai de Béthune, puis à l'hôtel Pimodan (17, quai d'Anjou). Il fréquente alors Jeanne Duval, une Antillaise qui le rend syphilitique, fait la connaissance de Théophile Gautier et dépense sa fortune sans compter. Sa famille n'acceptant pas ce choix de vie le pourvoit en conseil judiciaire en 1844 qui lui mesure ses ressources jusqu'à sa mort. Sa vie sera désormais empoisonnée par des difficultés financières et le conduira à attenter à sa vie en 1845.
LES TOURMENTS
Des périodiques publient ces premiers vers, ces essais et ces critiques. Il traduit également les oeuvres d'Edgar Poe.
C'est à cette époque qu'il cristallise autour de Mme Sabatier, la "Présidente", ses amours pétrarquistes, tandis qu'il connaît avec Jeanne Duval les orages d'une passion charnelle et une relation avec Marie Daubrun, la "Femme aux Yeux Verts". Il publie, en juillet 1857, son oeuvre majeure très controversée Les Fleurs du Mal.
Poursuivi en justice pour immoralité, il est condamné, le 20 août 1857, à 300 francs d'amende et à la suppression de six pièces. Le procès a été révisé par la chambre criminelle de la Cour de Cassation de Paris et Les Fleurs du Mal sont réhabilitées le 30 mai 1949. Accablé de dettes, il part donner des conférences en Belgique en 1864, où il séjournera quelques temps. En 1866, il est atteint d'une paralysie générale et est ramené à Paris, où il meurt. Il est enterré au cimetière Montparnasse
BIBLIOGRAPHIE
Poèmes
1857 : Les Fleurs du Mal. 1860 : Les paradis artificiels. 1863 : Petits poèmes en prose. 1864 : Le Spleen de Paris.
Contes
La Fanfarlo.
Pensées
1864 : Mon coeur mis à nu. 1867 : Fusées.
Critiques
1851 : Du vin et du haschisch, comparés comme moyens de multiplication de l'individualité. 1861 : R. Wagner et Tannhaüser. 1869 : Curiosités esthétiques. 1869 : L'Essence du rire dans les arts plastiques. 1869 : Delacroix. 1869 : L'Art romantique.
Traductions d'Edgar Poe
1856 : Histoires extraordinaires. 1857 : Nouvelles histoires extraordinaires. 1858 : Aventures d'A. Gordon Pym. 1863 : Eurêka. 1865 : Les histoires grotesques et sérieuses.
L'une des trois esquisses représentant Jeanne Duval et exécutées par Baudelaire. Nous la datons vers 1859. Baudelaire rencontre Jeanne Duval après son voyage vers les Indes en mars 1842. Ils eurent une relation amoureuse qui lui apporta d'ailleurs en 1843 une syphilis qui ne l'abandonnera jamais. Jeanne Duval lui inspire Parfum exotique du recueil Les fleurs du mal. Il la quitta en juin 1855 pour vivre avec Marie Daubrun mais leur liaison chaotique ne prit fin qu'en début 1862.
Marie Daubrun
Dans Théâtres et artistes dramatiques de Paris par N. Gallois. Elle était la "Belle aux cheveux d'or" et inspira à Baudelaire qui la rencontra en 1847 "L'Invitation au voyage", "Le Beau Navire", "Causerie" ou "Chant d'automne". Date : Inconnue Auteur : Henri Emy
Portrait d'une femme en robe marron, portrait de Mme Sabatier
Femme courtisée, Mme Sabatier recevait le dimanche artistes et écrivains, Flaubert, Gautier ou Du Camp. Baudelaire, quant à lui, s'assure de discrétion quand il lui fait parvenir des poèmes anonymement. Ils deviennent amants pour une nuit, fin août 1857. Date : 1853 Auteur : Jean-Louis-Ernest Meissonnier
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liliane Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Mar 10 Juin - 14:08
LES FLEURS DU MAL
LA CHEVELURE (inspiré par Jeanne Duval)
Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir ! Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure Des souvenirs dormant dans cette chevelure, Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, Tout un monde lointain, absent, presque défunt, Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique ! Comme d'autres esprits voguent sur la musique, Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.
J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève, Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ; Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève ! Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :
Un port retentissant où mon âme peut boire A grands flots le parfum, le son et la couleur ; Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire, Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.
Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ; Et mon esprit subtil que le roulis caresse Saura vous retrouver, ô féconde paresse, Infinis bercements du loisir embaumé !
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ; Sur les bords duvetés de vos mèches tordues Je m'enivre ardemment des senteurs confondues De l'huile de coco, du musc et du goudron.
Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde, Sèmera le rubis, la perle et le saphir, Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde ! N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?
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liliane Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Mar 10 Juin - 16:39
La Beauté
Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre, Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour, Est fait pour inspirer au poète un amour Eternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ; J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ; Je hais le mouvement qui déplace les lignes, Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes, Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments, Consumeront leurs jours en d'austères études ; Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes choses plus belles ; Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !
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liliane Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Mar 10 Juin - 17:00
Les Fleurs du Mal : un best-seller
Les Fleurs du Mal, l'oeuvre majeure de Baudelaire, fait partie des Best-sellers de la littérature française avec toutes éditions confondues 3.340.000 ventes et 1.827.000 ventes en format poche.
Un prix littéraire à son nom
Le prix Baudelaire est remis à la meilleure traduction française d'un ouvrage d'un auteur du Royaume-Uni ou d'un pays du Commonwealth. Il a récompensé en 1993 Alain Delahaye pour "Ce qu'il faut faire pour ne pas être écrivain...", traduction de l'ouvrage de C. Connoly.
Enchères
Une lettre à sa maîtresse a été adjugé à 250.000 F en 1984, le portrait de Jeanne Duval à 620.000 F en 1988, la préface manuscrite de 11 pages des Fleurs du Mal à 1.369.600 F en 1992.
Edition originale
L'édition originale de 1857 des Fleurs du Mal se négocie à plus de 30.000 F. Celle dédicacée à Delacroix par Charles Baudelaire a atteint 1.300.000 F en 1985.
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Nine Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Sam 21 Juin - 17:23
Bohémiens en voyage
La tribu prophétique aux prunelles ardentes Hier s'est mise en route, emportant ses petits Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.
Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes Le long des chariots où les leurs sont blottis, Promenant sur le ciel des yeux appesantis Par le morne regret des chimères absentes.
Du fond de son réduit sablonneux le grillon, Les regardant passer, redouble sa chanson ; Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,
Fait couler le rocher et fleurir le désert Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert L'empire familier des ténèbres futures.
(recueil les Fleurs du Mal) C. BAUDELAIRE
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liliane Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Sam 21 Juin - 17:34
Pour Anny
Recueillement
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le Soir; il descend; le voici. Une atmosphère obscure enveloppe la ville, Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile, Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci, Va cueillir des remords dans la fête servile, Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Sur les balcons du ciel, en robes surannées; Surgir du fond des eaux le Regret souriant;
Le Soleil moribond s'endormir sous une arche, Et, comme un long linceul traînant à l'Orient, Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
Daniel Mesguich
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Nine Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Lun 20 Oct - 11:15
L'ALBATROS
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. À peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid ! L’un agace son bec avec un brûle-gueule, L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal (1857), II.
Nine Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Mer 10 Déc - 11:08
L'Irréparable
Pouvons-nous étouffer le vieux, le long Remords, Qui vit, s'agite et se tortille Et se nourrit de nous comme le ver des morts, Comme du chêne la chenille? Pouvons-nous étouffer l'implacable Remords?
Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane, Noierons-nous ce vieil ennemi, Destructeur et gourmand comme la courtisane, Patient comme la fourmi? Dans quel philtre? - dans quel vin? - dans quelle tisane?
Dis-le, belle sorcière, oh! dis, si tu le sais, A cet esprit comblé d'angoisse Et pareil au mourant qu'écrasent les blessés, Que le sabot du cheval froisse, Dis-le, belle sorcière, oh! dis, si tu le sais,
A cet agonisant que le loup déjà flaire Et que surveille le corbeau, A ce soldat brisé! s'il faut qu'il désespère D'avoir sa croix et son tombeau; Ce pauvre agonisant que déjà le loup flaire!
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir? Peut-on déchirer des ténèbres Plus denses que la poix, sans matin et sans soir, Sans astres, sans éclairs funèbres? Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir?
L'Espérance qui brille aux carreaux de l'Auberge Est soufflée, est morte à jamais! Sans lune et sans rayons, trouver où l'on héberge Les martyrs d'un chemin mauvais! Le Diable a tout éteint aux carreaux de l'Auberge!
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés? Dis, connais-tu l'irrémissible? Connais-tu le Remords, aux traits empoisonnés, A qui notre coeur sert de cible? Adorable sorcière, aimes-tu les damnés?
L'Irréparable ronge avec sa dent maudite Notre âme, piteux monument, Et souvent il attaque ainsi que le termite, Par la base le bâtiment. L'Irréparable ronge avec sa dent maudite!
- J'ai vu parfois, au fond d'un théâtre banal Qu'enflammait l'orchestre sonore, Une fée allumer dans un ciel infernal Une miraculeuse aurore; J'ai vu parfois au fond d'un théâtre banal
Un être, qui n'était que lumière, or et gaze, Terrasser l'énorme Satan; Mais mon coeur, que jamais ne visite l'extase, Est un théâtre où l'on attend Toujours. toujours en vain, l'Etre aux ailes de gaze!
(Les fleurs du mal)
En dehors de la qualité de l'écriture de ce poème .. il reste un classique dans l'étude de l'art dramatique lors de concours et auditions, au vu de la palette qu'il peut apporter sur l'interprétation et le ressenti.
liliane Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Jeu 3 Déc - 10:51
775 000 euros pour Les Fleurs du mal
Une édition originale des Fleurs du mal de Charles Baudelaire avec une dédicace du poète s'est arrachée à 775 000 euros lors de la vente du "fonds Baudelaire" organisée mardi à l'Hôtel Drouot à Paris. La fameuse Lettre du suicide s'est, elle, adjugée à 225 000 euros. Ces deux pièces phares de la vente ne devraient pas quitter le territoire, les acquéreurs étant de nationalité française, ont souligné les organisateurs de la vente.
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Mer 2 Juin - 1:09
"Enivrez-vous" Un poème de Charles Baudelaire récité en improvisation par Serge Reggiani dans Discorama (1968)
Il faut être toujours ivre. Tout est là: c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront: "Il est l'heure de s'enivrer! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise."
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Nine Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Mer 2 Juin - 1:18
Les Bijoux
La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur, Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores, Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur, Ce monde rayonnant de métal et de pierre Me ravit en extase, et j'aime à la fureur Les choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée et se laissait aimer, Et du haut du divan elle souriait d'aise À mon amour profond et doux comme la mer, Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi comme un tigre dompté, D'un air vague et rêveur elle essayait des poses, Et la candeur unie à la lubricité Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ;
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins, Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne, Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ; Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,
S'avançaient, plus câlins que les Anges du mal, Pour troubler le repos où mon âme était mise, Et pour la déranger du rocher de cristal Où, calme et solitaire, elle s'était assise.
Je croyais voir unis par un nouveau dessin Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe, Tant sa taille faisait ressortir son bassin. Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe !
– Et la lampe s'étant résignée à mourir, Comme le foyer seul illuminait la chambre, Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir, Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre !
Charles Baudelaire Les Fleurs du Mal
Nine Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Mer 2 Juin - 1:28
Les bienfaits de la lune - Baudelaire - Lu par Serge Reggiani
Les Bienfaits de la lune
La Lune, qui est le caprice même, regarda par la fenêtre pendant que tu dormais dans ton berceau, et se dit: "Cette enfant me plaît."
Et elle descendit moelleusement son escalier de nuages et passa sans bruit à travers les vitres. Puis elle s'étendit sur toi avec la tendresse souple d'une mère, et elle déposa ses couleurs sur ta face.
Tes prunelles en sont restées vertes, et tes joues extraordinairement pâles. C'est en contemplant cette visiteuse que tes yeux se sont si bizarrement agrandis; et elle t'a si tendrement serrée à la gorge que tu en as gardé pour toujours l'envie de pleurer.
Cependant, dans l'expansion de sa joie, la Lune remplissait toute la chambre comme une atmosphère phosphorique, comme un poison lumineux; et toute cette lumière vivante pensait et disait:
"Tu subiras éternellement l'influence de mon baiser. Tu seras belle à ma manière. Tu aimeras ce que j'aime et ce qui m'aime : l'eau, les nuages, le silence et la nuit; la mer immense et verte; l'eau uniforme et multiforme; le lieu où tu ne seras pas; l'amant que tu ne connaîtras pas; les fleurs monstrueuses; les parfums qui font délirer; les chats qui se pâment sur les pianos et qui gémissent comme les femmes, d'une voix rauque et douce !
"Et tu seras aimée de mes amants, courtisée par mes courtisans. Tu seras la reine des hommes aux yeux verts dont j'ai serré aussi la gorge dans mes caresses nocturnes; de ceux-là qui aiment la mer, la mer immense, tumultueuse et verte, l'eau informe et multiforme, le lieu où ils ne sont pas, la femme qu'ils ne connaissent pas, les fleurs sinistres qui ressemblent aux encensoirs d'une religion inconnue, les parfums qui troublent la volonté, et les animaux sauvages et voluptueux qui sont les emblèmes de leur folie."
Et c'est pour cela, maudite chère enfant gâtée, que je suis maintenant couché à tes pieds, cherchant dans toute ta personne le reflet de la redoutable Divinité, de la fatidique marraine, de la nourrice empoisonneuse de tous les lunatiques.
Charles Baudelaire
Nine Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Mer 2 Juin - 14:50
LE CHAT
Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ; Retiens les griffes de ta patte, Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux, Mêlés de métal et d’agate. Lorsque mes doigts caressent à loisir Ta tête et ton dos élastique, Et que ma main s’enivre du plaisir De palper ton corps électrique, Je vois ma femme en esprit. Son regard, Comme le tien, aimable bête, Profond et froid, coupe et fend comme un dard, Et des pieds jusqu'à la tête Un air subtil, un dangereux parfum Nagent autour de son corps brun.
BAUDELAIRE
Nounouka
Nombre de messages : 416 Age : 74 Localisation : IDF Date d'inscription : 09/04/2010
Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Mer 2 Juin - 15:39
L’appel du large
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme, Le coeur gros de rancune et de désirs amers, Et nous allons, suivant le rythme de la lame, Berçant notre infini sur le fini des mers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons, De leur fatalité jamais ils ne s’écartent, Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Amer savoir, celui qu’on tire du voyage ! Le monde, monotone et petit, aujourd’hui, Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image : Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal
Nine Admin
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Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Jeu 3 Mar - 2:30
FRANCOIS STAAL ALBUM EMOIS
Bridget
Nombre de messages : 2631 Age : 73 Localisation : Paris Date d'inscription : 13/05/2008
Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Lun 3 Juin - 0:24
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Par une fin de dimanche après midi ensoleillée mais fraiche , je découvris au fond du mystérieux cimetière du Montparnasse ...... ce cénotaphe magnifique !
Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse, Au fond d'un monument construit en marbre noir, Et lorsque tu n'auras pour alcôve et manoir Qu'un caveau pluvieux et qu'une fosse creuse ;
Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse Et tes flancs qu'assouplit un charmant nonchaloir, Empêchera ton cœur de battre et de vouloir, Et tes pieds de courir leur course aventureuse,
Le tombeau, confident de mon rêve infini (Car le tombeau toujours comprendra le poète), Durant ces grandes nuits d'où le somme est banni,
Te dira : " Que vous sert, courtisane imparfaite, De n'avoir pas connu ce que pleurent les morts ? " - Et le ver rongera ta peau comme un remords.
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Nine Admin
Nombre de messages : 12721 Date d'inscription : 03/05/2008
Sujet: Re: CHARLES BAUDELAIRE Jeu 3 Déc - 13:24
ENIVREZ-VOUS
Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question.
Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre,
il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise,
mais enivrez-vous!
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais,
sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez,
l'ivresse déjà diminuée ou disparue,
demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge;
à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule,
à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est.
Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront,
il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.
Nine Admin
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