Les chefs-d'oeuvre du Guggenheim exposés à Aix

En plus des oeuvres de la collection Thannhauser et du musée Guggenheim, des archives sur la vie des galeristes sont exposées.PHOTO SERGE MERCIER


On en avait parlé, mais les voir accrochés aux murs change la donne. Les cinquante chefs-d'oeuvre du Guggenheim portent bien leur nom et emportent les visiteurs dans un tourbillon d'histoire de l'art de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle tout en faisant écho à la vie des Thannhauser grâce à des documents d'archives. Père et fils, tous deux galÉristes, Heinrich et Justin ont accumulé des oeuvres maîtresses d'artistes français mais aussi allemands, russes et autres tout au long de leur vie pour les diffuser au plus grand nombre. Liés par l'amour de l'art mais surtout par un devoir de partage, ils n'ont eu de cesse de faire profiter de leurs trésors au fil du temps. C'est d'ailleurs cette raison qui a poussé Justin Thannhauser, avec son épouse Hilde, à faire un legs de 75 oeuvres au musée Guggenheim de New York en 1963, dont le fondateur partageait la philosophie et la passion de l'avant-garde.


Des toiles restaurées





"Les chefs-d'oeuvre du Guggenheim. De Manet à Picasso, la collection Thannhauser" est donc visible depuis hier à l'hôtel de Caumont. Pour la présentation de la collection, Megan Fontanella, commissaire d'exposition et conservatrice au musée Guggenheim, avait fait le déplacement depuis New York pour redonner toute leur noblesse aux tableaux qui ont voyagé avant elle. Et si la plupart sont "les vraies oeuvres d'art de la collection", certaines toiles qui n'en sont pas issues ont aussi été prêtées par le musée new-yorkais pour étayer l'histoire de cette exhibition, à savoir un récit de l'avant-garde, avant l'avènement de l'art abstrait.

Le contexte est directement posé dès la première salle à l'étage avec trois Seurat et un Cezanne ("L'homme aux bras croisés", le seul dont le Guggenheim disposait avant le legs), sorte de prélude qui permettra d'expliquer l'affinité des mécènes avec l'ancien industriel à la retraite qu'était Solomon R. Guggenheim. On prend ensuite une véritable gifle avec deux chefs-d'oeuvre de Manet, et notamment "Femme en robe à rayures" spécialement restauré dans le cadre de l'exposition. "Laissé dans l'atelier de Manet après sa mort, il était coupé sur trois parties et recouvert de deux couches de vernis, ce qui lui conférait une couleur jaunâtre voire grise, explique la commissaire. On a donc travaillé dessus pour arriver à ce résultat où le sujet principal est véritablement la robe à rayures, faisant passer la femme au second plan."






Parmi les autres pièces phares, on notera "Bibémus" de Cezanne qui fait son grand retour à Aix depuis qu'il y a été peint, aux alentours de 1894-1895 ; quelques toiles de Van Gogh durant son séjour dans le sud de la France - et notamment le vibrant "Montagnes à Saint-Rémy" ; un Kandinsky, un Delaunay aussi qui nous plongent en plein XXe sans oublier l'incontournablePicassoavec qui le fils Thannhauser a entretenu une relation d'amitié pendant des années. Ce qui explique la place prépondérante de l'auteur de l'incontournable "Moulin de la Galette" - peint alors qu'il n'avait que 19 ans - au sein de l'exposition, notamment avec un final en apothéose : trois portraits, trois femmes qui ont compté pour l'un des maîtres du cubisme, trois styles différents. Comme pour Van Gogh un étage en dessous, la scénographie met en lumière la capacité qu'avait le peintre à se réinventer à travers le temps.

Justin Thannhauser avait dit à propos de son legs, "j'espère qu'il sera apprécié car c'est toute ma vie". Le mot était faible.

Quelques dates clés

1905 : Heinrich Thannhauser ouvre une galerie à Munich avec son ami Franz Josef Brakl. Quatre ans après, il met fin à cette association pour ouvrir la Moderne Galerie dans la même ville. Justin, son fils (17 ans à l'époque), l'assiste dans ses affaires.

1921 : Justin retourne à Munich (après s'être installé en Suisse) pour se rapprocher de son père malade. C'est là qu'il prend entièrement en charge la gestion de l'entreprise.

1937 : les Thannhauser, d'origine juive, quittent l'Allemagne pour Paris. Fin 1940, après avoir été bloqués en Suisse, ils partent pour New York.

1963 : sans héritier, Justin Thannhauser (qui épouse Hilde en 1962) prend ses dispositions pour léguer à la fondation Guggenheim 75 oeuvres de sa collection privée.

1976 : mort de Justin Thannhauser à 84 ans.

1978 : entrée officielle de la collection au Guggenheim.

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