Le Figaro révèle le contenu du tableau de bord confidentiel du ministre de l'Intérieur élaboré pour mieux piloter ses services.
Un demi-million de faits de violence en un an en France. La barre historique est franchie. C'est que révèle le «tableau de bord» remis le mois dernier au ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.
Ce document confidentiel de plus de 300 pages, dont Le Figaro a eu connaissance, est remis à jour mois après mois. Il a été élaboré sur les recommandations de son prédécesseur, Manuel Valls, pour suivre l'évolution des crimes et délits enregistrés par ses services et piloter l'activité opérationnelle de la police et de la gendarmerie.
Pour la période du 1er juin 2013 au 31 mai 2014, sur douze mois glissants donc, les atteintes volontaires à l'intégrité physique se chiffrent très précisément à
504.081 infractions, contre 485.601 l'année précédente, soit une augmentation de
3,8%.Les informations accessibles à l'hôte de Beauvau comprennent également les violences contraventionnelles. Des faits qui relèvent du tribunal de police et non de la correctionnelle, puisqu'à la différence des violences délictuelles ils n'entraînent pas d'incapacité de travail de huit jours ou plus. Il peut s'agir de violences de rue, comme un vol un peu musclé de téléphone portable, de violences à l'école ou dans le cadre privé.
Très révélateurs d'un certain climat social, ces événements parfois traumatisants sont passés en un an de 118.214 à 137.159, soit une hausse de 16%.
La vérité des chiffres
Tout est inscrit noir sur blanc dans une rubrique «tous services» que l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) ne publie pas, préférant, pour sa part, une présentation séparée des chiffres de la police et de la gendarmerie au nom de la «rigueur statistique».
Même si son «tableau de bord» a surtout vocation à entrer dans le détail pour mieux comprendre et décider, le premier flic de France, lui, ne se refuse visiblement pas, dans ses propres analyses, une approche globale, basée sur ce fameux «chiffre unique» tant décrié, surtout lorsqu'il monte…
Difficile, en tout cas, de prétendre que comparer les chiffres des douze derniers mois avec ceux de la même période de l'année précédente n'aurait aucun sens. Car le nouvel outil d'enregistrement des plaintes (Pulsar) côté gendarmerie a officiellement été mis en place en juin 2012. Et celui que la police est censée développer (le LRPPN) est loin d'avoir pris son envol, son déploiement complet ayant même été repoussé à 2016.
C'est donc à périmètre constant que les statistiques sont mises en regard. Nul ne peut plus se défausser sur les pratiques statistiques des années Sarkozy pour échapper à la vérité des chiffres.
Pour nombre d'experts, d'ailleurs, il n'y a guère de surprise : la violence grimpe parce que la société devient plus éruptive. Ce qu'Alain Bauer appelle «l'agressivité ambiante». Le criminologue estime d'ailleurs que «les gens faisant de moins en confiance aux institutions, ils ont tendance à se faire plus souvent justice eux-mêmes». Une explication parmi d'autres, à ses yeux, mais que de nombreux faits divers viennent illustrer, de façon souvent poignante.
Ainsi, la mort de cet adolescent rom de 16 ans, lynché le 14 juin dernier à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), parce qu'il était soupçonné d'avoir cambriolé un appartement. Des habitants de la cité des Créneaux, à Marseille, avaient déjà, un an plus tôt, chassé manu militariun campement de Roms pour les mêmes raisons. «La violence quotidienne, c'est aussi le cadre en cravate qui en vient aux mains, devant ses propres enfants, avec un autre automobiliste pour une place de stationnement», rappelle ce commissaire de quartier parisien qui découvre, chaque matin, la liste des incidents de la veille dans sa main courante informatisée.
Coût psychologiqueDans le détail, les atteintes à l'intégrité physique ont augmenté dans 87 des 96 départements métropolitains . Les Bouches-du-Rhône figurent parmi les neuf départements qui s'en sortent, avec près de 3000 faits de violence en moins en un an, soit la plus forte baisse (-9,9%).
Il faut distinguer les violences crapuleuses, commises dans le but de voler, des violences non crapuleuses, parfois qualifiées de «violences gratuites». Les premières diminuent légèrement, passant de 124.199 faits à 122.763 infractions (-1,1%). Mais là où elles baissent de 2 % en zone police, elles augmentent de 9,8 % en zone gendarmerie.
Les règlements de comptes entre voyous (66 faits) augmentent de 20%, les homicides pour vol (28 faits) diminuent de 12,5%, mais les tentatives (88 faits) grimpent de 60%, comme les prises d'otages à l'occasion de vols (37 faits).
En revanche, tous les types de vols à main armée diminuent dans de larges proportions, qu'ils visent les commerces (-13%), les banques (-28%) ou les fourgons (-35%).
De leur côté, les violences non crapuleuses, hors vol donc, sur la voie publique, dans le cadre scolaire ou familial, pèsent deux fois plus lourd dans le bilan, avec 257.548 faits (+ 4,76%) contre 245.854 l'année précédente. Les seuls coups et blessures volontaires de nature délictuelle, qui occasionnent au moins une semaine d'arrêt aux victimes, avoisinent désormais les 200.000 faits par an. Avec le coût psychologique et économique que cela implique.
Les violences sexuelles aussi montent dangereusement, passant de 27.364 faits à 29.015 (+ 6%), avec près de 3% de hausse dans les villes et plus de 10% dans les campagnes. Plus d'actes révélés ou plus d'actes commis? Pour les victimes, cette nuance ne change pas la nature des faits.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/07/17/01016-20140717ARTFIG00260-violences-la-barre-du-demi-million-de-faits-par-an-est-franchie.php