Manif pour tous : «La preuve des images retouchées existe»
Le journaliste Pierre Barnérias affirme détenir la preuve de la manipulation des images de la Manif pour tous
Pierre Barnérias, journaliste et producteur (24 ans de carte de presse), se retrouve aujourd'hui au coeur d'une affaire qui le dépasse. Il affirme détenir la preuve de la manipulation des 24 images de la Manif pour tous diffusées officiellement sur le site de la préfecture de police au lendemain des cortèges du 24 mars dernier. Un témoignage explosif juste avant la conférence de presse de la préfecture prévue aujourd'hui à 15h15.
Pierre Barnérias, pourquoi avez-vous souhaité traiter ce sujet ?
Pour être très franc, si c'était à refaire je m'en serais dispensé quand je vois les proportions que prennent cette affaire. J'ai perdu trois semaines et je n'ai rien à gagner, tout à perdre. Tout est parti du mail d'un ami m'orientant vers un blog où l'on parlait de mensonge d'état. Ce blog était tenu par un manifestant de la manif pour tous. J'ai donc commencé à regarder et certains points m'ont intrigué. Le bloggeur avançait des arguments que l'on pouvait entendre telle que des questions sur un passage piéton de l'avenue de la Grande Armée qui ne correspondrait pas à la réalité actuelle mais plutôt à celle d'une image de Google plus ancienne. J'ai pris contact tout de suite avec la préfecture de police pour voir les originaux et j'ai envoyé les images diffusées sur le site à trois laboratoires étrangers choisis au hasard.
Pourquoi étrangers ?
Je me suis rendu compte que les labos français agréés dépendaient tous du ministère de l'intérieur. Il était donc impossible de faire une analyse objective dans ces conditions. J'ai contacté alors Quality Lab et Techno Photos en Belgique et Columbia Photos Studio à Washington. Ils ont tous réagi et j'ai demandé un rapport à l'un des trois pour garder une preuve tangible.
Quelle était votre intention ?
L'idée de départ était simplement de faire une vérification. Mon intention était juste de savoir si ces clichés étaient truqués ou pas. Je me foutais de savoir combien de personnes avaient manifesté et je n'ai strictement aucun lien avec les manifestants pro ou anti. Tous les laboratoires contactés ont relevé des retouches sur ces images extraites d'une vidéo aérienne.
Quels points précis ces labos mentionnent-ils ?
Après avoir fait quelques examens, ils ont montré qu'il y avait un peu de fumée quand l'image était pixellisée (numérisée). En réalisant des gros plans sur la mire (l'empreinte vidéo des images), ils remarquent qu'il y a des différences de définitions selon les zones, comme s'il y avait eu des sortes de coups de pinceaux. C'était assez saisissant.
Qui avez-vous contacté au-delà de ces labos étrangers ?
J'ai rencontré les pilotes de la sécurité civile qui m'ont donné l'impression très vite d'avoir regretté de m'avoir ouvert la porte. Quand je les ai interrogés sur la manif du 24 mars, ils m'ont bien fait comprendre que je n'étais pas le bienvenu. Or, je demandais simplement à voir les originaux et à comprendre. Mais j'ai vraiment ressenti qu'il y avait un profond malaise. Cela se voyait sur les visages. Pour moi qui ai l'habitude d'insister, c'était évident.
Qu'attendiez-vous du pilote de l'hélicoptère ?
Je voulais savoir ce qui s'était exactement passé avec ces images après le survol de la manifestation. Il y a une zone d'ombre entre le retour de l'hélico jusqu'au lendemain midi, heure à laquelle le service presse de la préfecture de police a récupéré un DVD compressé, (ndlr : images qui pourraient être montrées aujourd'hui à 15h15 à la Préfecture de Paris au 9, bvd du Palais dans la 4e arrondissement même si la rencontre avec la presse est initialement prévue sur la dernière manifestation du 21 avril et non celle du 24 mars). Mais en vérité, ce film du 24 mars n'a aucun intérêt.
Pourquoi ?
Ce n'est pas ce film qui est problématique mais les vingt-quatre images diffusées sur le site Internet de la préfecture. Images qui ont tout de même été exploitées par le journal Le Monde pour son propre comptage des participants à la manif validant le chiffre de 300 000. Encore une fois, je précise que personnellement, ce débat sur les chiffres n'a jamais été mon sujet. Moi, la seule chose qui m'intéressait était de savoir si oui ou non ces images avaient été trafiquées.
Avez-vous prévu de réaliser un film pour la télévision ?
Non. Quand j'ai vu que l'affaire était étouffée, je me suis dit « laisse tomber, c'est trop gros ». J'ai voulu me débarrasser de ce scoop en le refilant à France Info. Le seul film que j'ai réalisé sur cette histoire dure dix minutes, ce n'est pas un documentaire. Cette initiative était une simple parenthèse pour moi et je me suis retrouvé embringué dans un truc qui me dépasse alors qu'il n'y a pas plus rigoureux et honnête que moi. Si on me demande un film d'investigation sur le sujet, tout est prêt. Cela me permettra au moins d'amortir mes investissements.
Qu'avez-vous appris à l'AFP ?
J'avais obtenu un rendez-vous au labo photo de l'AFP où l'expert et le rédacteur en chef ont constaté que les clichés en question n'avaient pas l'air naturel. Quand, aujourd'hui, j'entends certains avancer l'idée qu'un logiciel tungstène défectueux serait à l'origine du problème, je suis ulcéré (ndlr : une question semble posée aujourd'hui sur le rôle exact de France Info dans la contre offensive médiatique de la préfecture). Finalement, le plus important est là : je détiens une preuve irréfutable et formelle de ces retouches. La preuve scientifique existe. Et je suis scandalisé par l'attitude de certains journalistes dans ce dossier. Nous ne faisons pas le même métier.
Qui vous a reçu à la préfecture de police ?
J'ai eu droit à tous les honneurs deux semaines après avoir demandé un rendez-vous. J'ai été reçu par le directeur de cabinet du préfet et six membres du service de la communication de la préfecture de police. Certains se sont énervés. Et j'ai senti une grosse pression. Ils ont bien vu que je n'avais pas été convaincu par leurs explications. Ils m'ont juste dit que les images tournées avaient été compressées pour entrer dans un DVD.
Propos recueillis par Emmanuel Galiero
A savoir
Pierre Barnérias a signé quelques documentaires salués par la critique notamment Sous peine d'innocence (France 3) sélectionné au festival du scoop, le Vigneron du Pacifique ou encore la Marche dans le ciel. Le journaliste n'a pas demandé sa carte de presse cette année parce qu'il travaille pour le cinéma, discipline où la pratique du journalisme n'est pas encore reconnue par la commission de la carte.
http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/article/information/75130/manif-pour-tous-la-preuve-des-images-retouchees-existe.html