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Sujet: EDWARD HOPPER Dim 14 Oct - 16:46
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EDWARD HOPPER 1882 - 1967, LA COULEUR DU SILENCE
Si ses toiles s’affichent en millions d’exemplaires, lui n’aspirait qu’« à peindre les rayons du soleil sur l’architecture ».
Edward Hopper (1882-1967), peintre de la solitude et de l’attente, mêle réalisme, surréalisme et cubisme pour éclairer l’envers du rêve américain.
Autoportrait Edward Hopper (1882-1967) - , 1925-1930 huile sur toile New York, Whitney Museum of American Art Legs de Josephine N. Hopper/SIPA
" La vie intérieure d'un être humain est un domaine vaste et varié, qui ne saurait se satisfaire de seulement ordonner couleur, forme et dessin."
Edward Hopper naît le 22 juillet 1882 à Nyack dans l’État de New York et meurt le 15 mai 1967 à New York. Peintre et graveur , il exerça essentiellement son art à New York, où il avait son atelier.
Il est considéré comme l’un des représentants du naturalisme ou de la scène américaine, parce qu’il peignait la vie quotidienne des classes moyennes. Au début de sa carrière, il représenta des scènes parisiennes avant de se consacrer aux paysages américains et de devenir un témoin attentif des mutations sociales aux États-Unis.
Il produisit beaucoup d’huiles sur toile, mais travailla également sur des affiches, des gravures en eau-forte et des aquarelles.
Une grande partie de l’œuvre de Hopper exprime la nostalgie d’une Amérique passée, ainsi que le conflit entre nature et monde moderne. Ses personnages sont le plus souvent esseulés et mélancoliques.
Gas 1940 MOMA, New York
En 1928, Edward Hopper (1882 – 1967) écrivait, à propos du travail de Charles Burchfiels :
« De ce qui n’est, pour un artiste médiocre, que l’ennui de la vie quotidienne dans une petite ville de province, il a su extraire une qualité que l’on pourrait appeler poétique, romantique, lyrique ».
Cette appréciation pourtant destinée à un autre, synthétise de façon troublante la démarche artistique qui caractérise l’œuvre d’Edward Hopper.
Romantique, réaliste, symboliste, et même formaliste, la critique aura collé toutes les étiquettes à l’œuvre d’Edward Hopper. Par le choix de ses sujets, souvent solitaires et de ses décors très épurés et résolument modernes, Hopper va rapidement s’imposer au pire moment de l’histoire des Etats-Unis comme l’artiste qui dépeint le mieux ce que ressentent les américains plongés dans la dépression.
Spectateur attentif de son époque il dépeint, aux travers de scènes où transparaissent un silence écrasant, un monde moderne où l’homme est isolé, souvent en proie au mal être.
Morning Sun (1952) Columbus Museum of Art, Ohio
Biographie détaillée
En 1899-1900, après la High-School, il fréquente la Correspondence School of Illustrating à New-York, une illustre académie de publicité. De 1900 à 1906, il fait des études à la New York School of Art, d'abord d'illustration, puis de peinture; il est l'élève de Robert Henri et de Kenneth Hayes Miller. En 1906, il se rend pour environ 9 mois en Europe, Hopper visite l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Belgique, mais séjourne la plupart du temps à Paris.
Le Pont des Arts 1907 New York, Whitney Museum of American Art.
En 1908, il s'installe définitivement à New York, il travaille d'abord comme dessinateur publicitaire et comme illustrateur; il ne peint qu'occasionnellement et seulement en été. Il réalise sa première exposition en collaboration avec d'autres élèves de Henri à l' Harmonie Club de New York. (1909:Le pavillon de Flore )
En 1912, il peint à Gloucester dans le Massachusetts et plus tard à Ogunpint dans le Maine, et en 1913, il peint une huile sur toile le Sailing qui est exposé à "l'Armory Show". De 1915 à 1926, premières gravures à l'eau-forte, il en réalisera une cinquantaine.
Sailing 1911 Carnegie Institute, Museum of Art, Pittsburgh
En 1920, le Whitney Studio Club lui permet de réaliser là-bas sa première exposition particulière d'huile sur toile de Paris, qui ne tarde pas à être suivie par une deuxième dès 1922, exposition de caricatures. En 1923, il commence à peindre à l'aquarelle, il reçoit le "Logen Prize" de la Chicago Society of Etchers. L'année suivante, il expose toutes ses nouvelles aquarelles à la Franck K. Rehn Galery. Cette même année il se marie avec Joséphine Verstille Nivison.
Jo painting 1936 Whitney Museum of American Art, New York, USA
De 1926 à 1933, exposition d'imprimés et d'aquarelles au saint Botolph Club de Boston, puis au Morgan Memorial à Harthord dans le Connecticut, et enfin lors de la "Painting by Nineteen Living America" au Museum of Modern Art de New York.
Lighthouse Hill, 1927 Dallas Museum of Art
Depuis 1930, il passe ses étés à Cape Cod, dans le South Truro, Massachusetts. En 1933, il s'y fait construire une maison d'été où il retournera régulièrement jusqu'à un âge très avancé.
De cette année jusqu'au milieu des années cinquante, il réalise de longs voyages en voiture lui font traverser le Maine, le Canada, le Nevada, la Californie, l'Oregon, le Wyoming, la côte ouest des Etats-Unis.Il voyagera également plusieurs fois, 1943, 1946, 1951, 1952, au Mexique jusqu'à Saltillo, et Santa Fe. Presque toutes ses aquarelles réalisées après 1940 voient le jour pendant ses voyages.
Hotel room 1931 Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza
En 1935, il reçoit la "Temple Gold Medal" de l'Academy de Fine Arts de Pennsylvanie, et le "Fisrt Purchase Prize in water Colour" du Woucester Art Museum, Massachusetts. En 1937, il reçoit le premier "W.A.Clark Prize"" et la "Corcoran Gold Madal" de la Corcoran Gallery or Art, Washington D.C. En 1942, il reçoit l'"Ada S. Gaerette Prize" de l'Art Instutitue de Chicago.
En 1945, il est élu membre du National Intutite of Arts and Letters. Les succès et les honneurs ne modifient ni la façon de travailler de Hopper, ni son mode de vie. En compagnie de sa femme Josephine, également peintre, il vit modestement dans un appartement situé au Washington Square à New York.
Room in New York 1932 Lincoln, University of Nebraska, Sheldon Memorial Art Gallery
Compartment C, car 293 1938 collection IBM, Armonk, New York
En 1950, le Whitney Museum of American Art de New York organise une autre rétrospective . D'importantes expositions aux Etats-Unis succèdent à cet évènement la même années, comme l'exposition au Museum fine Arts de Boston et celle à l'Institute of Art de Détroit.
Cape Cod morning, 1950 Washington D.C. National museum of American Art
En 1952, Hopper représente son pays à la biennale à Venise . En 1953, il reçoit le titre de "Doctor of Fine Arts" de l'Institute of Chicago et celui de "Doctor of Letters" de la Rutgers University. En 1955, il est membre de l'Academy of Arts and Letters, cet organisme lui décerne la "Gold Medal of Painting", plus haute distinction du monde de la peinture aux Etats-Unis.
Rooms by the Sea 1951 Yale University Art Gallery, New Haven, Connecticut
En 1956, il reçoit une bourse de la "Huntington Hardford Foundation" et peint Route à quatre voies. L'année suivante, il reçoit le "New York Board of Trade Salute to the Arts Awards" et le "Fourth Internationnnal Hallmark art Award". En 1958 c'est Soleil dans une cafetaria. En 1960, il reçoit l'"Art in america Annual Awards". En 1964, il reçoit le "M.V. Kohnstamm Prize for Painting" de l'Art Institute de Chicago.
Four Lane road, 1956 Collection privée
De 1959 à 1965, il se déroule différentes expositions personnelles et rétrospectives de différents musés, telles que celle de l'œuvre graphique de Philadelphia Museum of Arts, et celle du Worcester Art Museum du massachusetts.
Il peint Une femme au soleil (1961), Bureau à New York (1962). En 1965, il reçoit son "Doctorat Honoris causa" du Philadelphia College of Art. Il peint alors sa dernière toile Deux comédiens.
New York office, 1962 Montgomery, Alabama, Musée des beaux-Arts
En 1967, il représente les Etats-Unis à la Biennale de Säo Paulo à côté des représentants de l' "American Scene" et du Pop Art. Après un séjour de plusieurs semaine à l'hôpital, il meurt le 15 mai dans son studio à new York. A peine un an plus tard, il est suivi par Joséphine Hopper.
Two comedians 1965 Collection Sinatra
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Bridget
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Sujet: Re: EDWARD HOPPER Lun 15 Oct - 16:13
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A l'occasion de la rétrospective à Paris au Grand Palais des toiles de l'artiste américain Edward Hopper,une création de Glider qui en dévoile quelques unes des plus fameuses.
Musique d'Artie Shaw:Cole Porter "Begin the beguine"et Gershwin "Oh!Lady be good".
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Bridget
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Sujet: Re: EDWARD HOPPER Lun 15 Oct - 19:56
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Edward Hopper
Réaliste
Summer Interior 1909 New York, Whithney Museum of American art
Edward Hopper déclarait en 1964, en préambule pour une interview sur NBC :
"Je sais bien que des peintres contemporains vont manifester le plus grand mépris pour cette citation. Mais je la lirai quand même. Goethe a dit : "La fin première et dernière de toute activité littéraire, c'est la reproduction du monde qui m'entoure via le monde qui est en moi ; toute chose devant être saisie, reprise et recrée, assimilée et reconstruite sous une forme personnelle et originale". Pour moi, c'est le principe fondateur de la peinture. Et, je sais qu'il existe mille opinions différentes sur la peinture et que beaucoup objecteront que c'est dépassé et désuet. Mais, pour moi, c'est une vérité première."
Ainsi, même si par facilité, et pour le distinguer des courants abstraits et expressionnistes, on rattache Hopper au réalisme comme Andrew Wyeth, puis les peintes du Pop'Art et de l'hyperréalisme, il convient de ne pas oublier la dimension abstraite et symbolique de son oeuvre.
Celle-ci propose un constant va et vient entre l'extérieur et l'intérieur, entre un espace sans limites qui a toujours fasciné les artistes américains et sa rétractation sur l'individu isolé dans un monde clos. La maison près de la voie ferrée (1925) propose une version diurne de ce dialogue, Fenêtres, la nuit (1928) ou Un bureau, la nuit (1940) en sont les versions nocturnes.
La lumière est un objet de fascination continu pour Hopper durant les quinze dernières années de cette vie.
De Matin à Cape Cod (1950), Soleil du matin (1952), Soleil dans la cafétéria (1958), Excursion en philosophie (1959), Soleil au balcon (1960), Gens au soleil (1960), Une femme au soleil (1961), et enfin Soleil dans une pièce vide (1963), Hopper montre des gens assis ou debout, attendant le soleil dans une pièce où des formes abstraites de lumière jouent sur les murs et sur les planchers. La lumière devient parfois une forme prosaïque de la spiritualité.
Excursion into philosophy 1959 Collection privée
Hopper s'intéresse davantage aux classes moyennes de l'Amérique profonde qui ont alors surmonté la crise des années 20, plus qu'aux prolétaires décrit avec compassion sociale par l'Ashcan school.
C'est l'appauvrissement spirituel de l'homme moderne, sa vacuité irrémédiable que ce pessimiste de formation évangéliste va désormais dénoncer en nimbant ses personnages d'une illumination qu'ils semblent attendre ou ne pas voir.
Edward Hopper fait trois voyages en Europe entre 1906 et 1910 mais ne subit pas l'influence du cubisme. Il est surtout marqué par les grands peintres européens, Diego Velazquez, Francisco de Goya, Honore Daumier, Edouard Manet dont les œuvres lui avaient été d'abord présenté par ses professeurs de New York.
Ses premières peintures, telles que Le pavillon de flore (1909) sont marquées par le réalisme et comportent ses caractéristiques de base sur les formes simples et les aplats de couleurs qu'il devait maintenir dans toute sa carrière.
Le pavillon de Flore 1909 New York, Whitney Museum of American Art.
Si l'on devait lui chercher des inflences, peut-être pourrait-on rapprocher La jeune fille à la machine à coudre (1921) de La dentelière
et Chambre d'Hotel (1931) de Piero della Francesca.
De ce dernier, Hopper aurait pu retenir la poésie étrange et envoutante qui se dégage du contraste entre un dessin et une composition savante et géométrique et une douce et subtile lumière qui nimbe les corps.
Sa conception subjective du point de vue et le cadre photographique rappellent Edgard Degas.
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Bridget
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Sujet: Re: EDWARD HOPPER Ven 19 Oct - 19:58
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Philippe Labro raconte Edward Hopper
"J'ai toujours admiré les peintures d'Edward Hopper. Il nous montre la face cachée de l'Amérique, l'envers du décor, l'envers du rêve américain."
J'ai découvert Edward Hopper au milieu des années 1950, quand j'étais étudiant en Virginie. J'étais tombé par hasard sur une reproduction d'un de ses tableaux. Ce devait être Nighthawks (Les Rôdeurs de la nuit), sa toile la plus connue.
Ca m'a frappé, puis je n'y ai plus pensé.
J'avais 18 ans, j'étais malléable, je me contentais d'accumuler les informations comme elles venaient, sans en faire le tri.
Avec la maturité, je me suis rendu compte de la lucidité de Hopper, de sa profondeur et de sa sensibilité. Il règne une grande mélancolie dans ses toiles. Il peint une Amérique révolue.
Celle des bus Greyhound, celle des objets de forme arrondie dessinés par le designer Raymond Loewy, celle des de meures patriciennes d'inspiration néogothiques avec des tours à créneaux et des fenêtres en ogive, celle des buildings en style Art déco.
The City 1927
L'architecture de Frank Lloyd Wright avant l'apparition des gratte-ciel en verre. Surtout, il révèle le vide américain, le dépouillement, l'inquiétude, la froideur, le côté impersonnel et déshumanisé des grandes entreprises.
Une face sombre de l'Amérique que j'ai peu abordée dans mes deux romans inspirés de mon expérience américaine. J'ai plutôt décrit une Amérique insouciante et candide, celle de Norman Rockwell, les enfants blonds qui courent dans les jardins, les bouteilles de lait sur le paillasson, le barbecue du week-end avec les voisins, l'Amérique positive qui dit "Good morning" avec un grand sourire. . .
L'Amérique, c'est d'abord les grands espaces, a land of opportunity, la terre de liberté. C'est ce rêve américain qu'ont recherché des générations d'immigrés en débarquant sur Ellis Island. A New York comme dans d'autres grandes métropoles américaines, on est électrisé par l'énergie, le courant qui traverse les rues, les avenues. Mais l'espace urbain, carré, angulaire, rude, n'en reste pas moins oppressant, on a besoin de respirer.
Approaching a City 1946 Washington, Phillips Collection
Derrière le mythe américain, derrière les paysages de carte postale, derrière la course effrénée au bonheur, à la réussite sociale, il existe une face cachée, celle de l'ennui, l'angoisse du vide, le néant. Ces sensations, je les ai ressenties comme tout le monde. Quand vous arrivez gamin avec une valise, deux adresses et une lettre qui vous engage comme étudiant sur un campus, la vie n'est pas toujours un lit de roses, vous faites face à une réalité qui n'a rien à voir avec ce trompeur "rêve américain".
Je trouve les personnages de Hopper fascinants, justes. Ce peintre avait lu Freud et Jung, et disait que "tout art est une exploration du subconscient". Ses personnages, il les a pensés, analysés, décortiqués. On les sent passifs, dominés, on ne sait pas par quoi, mais on devine une sorte de fatalité, une chape de plomb qui pèse sur leurs épaules. Ils ne sourient jamais, semblent déminéralisés. Avec des expressions souvent mystérieuses, figées. Ils sont en attente de leur destin, ensemble mais lointains. C'est ce que le sociologue David Riesman appelait The Lonely Crowd.
People in the sun 1960 Washinghton, Smithsonian American Art Museum
La foule solitaire. Ce sentiment est prégnant dans un des derniers tableaux d'Hopper, People in the Sun.
Il y a un soleil aveuglant, mais on imagine que c'est l'hiver, car les personnages sont chaudement vêtus. On voit, allongés sur des transats, des hommes et femmes d'âge mûr tournés vers la même direction, qui n'échangent pas un regard, pas un mot. Hopper, c'est le peintre de l'incommunicabilité. "Je crois que l'humain m'est étranger", disait-il. Il est vrai qu'à la notable exception de son autoportrait il ne peint jamais de gros plans.
Ses personnages sont des silhouettes. Les visages sont comme des masques, des statues. Hopper, qui a vécu toute sa vie au côté de sa femme Josephine et des décennies dans le même atelier de New York, était un introverti, presque un puritain. Il s'intéressait à la psychologie, mais n'a jamais voulu mener un travail d'introspection sur sa peinture. " Tout ce que je veux, c'est peindre la lumière, sur l'angle d'un mur, sur un toit ", disait-il.
En même temps, ses oeuvres dégagent une forte charge érotique. Un désir latent, contenu, une interrogation.
Dans le tableau Morning Sun, une femme entre deux âges, assise sur son lit en déshabillé, fixe l'horizon à travers la fenêtre dans une lumière aveuglante. Elle n'est plus sexy, mais elle a encore du charme. Surtout, que regarde-t-elle ? A quoi pense-t-elle ? Pourquoi est-elle seule sur ce lit ?
Dans New York Office, ils sont deux, mais semblent étrangers l'un à l'autre. Un cadre, un salary man, assis à son bureau et derrière lui une assistante, une office lady, debout, qui recherche un dossier dans un tiroir.
Office at night 1940 Minneapolis, Collection Walker Art center
Ni l'une ni l'autre n'ont l'air épanoui. La femme, aux formes généreuses, est tournée vers l'homme. Elle est là comme une offrande, mais il ne semble pas la voir. Malgré cette difficulté relationnelle, on pressent l'amorce d'un désir, peut-être même le début d'une relation, qui, probablement, ne sera pas satisfaisante.
Un jeune couple discute dans la pénombre, accoudé à une balustrade. On sent la moiteur, la torpeur de l'été. La fille est fraîchement vêtue. Lui, porte un tee-shirt moulant qui fait jaillir ses muscles. Il ressemble à Marlon Brando dans Un tramway nommé Désir. Il y a du sexe dans l'air. Mais, pour une fois, il pourrait être heureux.
Le lien avec le cinéma transparaît dans l'oeuvre de Hopper. Le cinéma l'a influencé, et lui-même a influencé le cinéma. Le tableau House by the Railroad, une grande maison mansardée et inquiétante, attenante à une voie ferrée, a servi de modèle à Hitchcock pour Psychose.
House by the railroad 1925 New York, MOMA
Ce n'est pas tout : George Roy Hill, l'auteur de L'Arnaque, Wim Wenders dans presque tous ses films, Jim Jarmusch, David Lynch et même Antonioni se sont inspirés du monde de Hopper.
Les décors de la trilogie du Parrain de Coppola, les rouges, les obscurs, le vert foncé des lampes dans les bars, l'acajou, tout ça, c'est du Hopper. D'ailleurs le peintre ne s'en cachait pas.
C'était un grand cinéphile. "Quand je n'ai pas envie de peindre, je vais au cinéma pendant une semaine ou plus ", disait-il.
La gravure Night Shadows, où l'on voit, de haut, un homme minuscule marcher dans une jungle urbaine déserte, fait penser aux films de Howard Hawks ou de Raoul Walsh. C'est du roman noir, du polar, du film noir.
Hopper était un fan de littérature policière. Son livre préféré: La Moisson rouge, de Dashiell Hammett. Je suis fasciné par Night Windows qui montre, de l'extérieur, une vue d'appartement.
On retrouve, là encore, Hitchcock. Le peintre nous installe en position de voyeur, comme dans Fenêtre sur cour. On voit la moquette verte, un bout de radiateur, un bout de lit, la croupe d'une femme qui se penche sur quelque chose et le rideau blanc qu'emporte le souffle du vent. Ce tableau peut s'apparenter à une "photo", un instant d'intimité volé. Des moments brefs que Hopper a sans doute entrevus à New York, quand il prenait le métro aérien.
Et puis il y a Nighthawks .
Nighthawks 1942 Chicago, The Art Insitute of Chicago
L'oeuvre la plus reproduite de Hopper: posters, cartes postales, fonds d'écran. . . Je l'ai vue à de nombreuses reprises à l'Art Institute of Chicago, et suis heureux que le public français ait l'occasion de la contempler au Grand Palais, car l'original est remarquable.
On est face au tableau et on se croit dans un décor de cinéma, une rue reconstituée. En arrière-plan, il pourrait y avoir une grue, des projecteurs, une armada de techniciens. On ne serait pas plus surpris que ça si à un moment donné on entendait un metteur en scène crier "cut!". Comme dans La Rose pourpre du Caire de Woody Allen, on imagine les personnages "s'extraire" de la toile. C'est tout le génie de Hopper.
Il nous raconte une histoire et le spectateur se l'approprie. Face à Nighthawks, chacun se fait son film, se projette, bâtit son scénario, imagine les personnages, ce qu'ils faisaient avant de s'attabler au comptoir, ce qu'ils feront ensuite. Je verrais bien Humphrey Bogart avec un flingue dans la poche de son Burberry blanc, suivi d'une Lauren Bacall aux hanches ondoyantes.
Le "délire" le plus abouti dans ce genre, Philippe Besson l'a mené avec son livre, L'Arrière-saison. Dans un café du cap Cod, sur la côte Est, Besson donne vie aux quatre personnages de Nighthawks et imagine les destins croisés de Louise, Norman, son amant actuel, Stephen, son ex, et Ben le serveur, son confident.
C'est bien fait, habile. Hopper disait que "le tableau n'a pas à raconter plus que cela". Il ajoutait : "J'espère qu'il ne racontera pas quelque anecdote, car aucune n'est intentionnelle." Est-ce l'humilité, la modestie du grand artiste?
En tout cas, les livres, documentaires ou expositions qui lui sont consacrés apportent un démenti cinglant à sa déclaration. Aucune "intention narrative", Hopper ?
Allons! En vérité, il avait un solide sens de l'humour.
Pour preuve son dernier tableau, Two Comedians. Peint en 1966, un an avant sa mort, on y voit, après la représentation, un couple de comédiens de blanc vêtus se tenant par la main et saluant le public.
Un chef-d'oeuvre d'autodérision. Dans l'univers de Hopper, c'est la première fois que deux personnes se tiennent par la main et expriment un sentiment.
D'évidence, le couple, c'est lui, Edward, et sa femme, Josephine. Ils portent des masques, car la vie est une comédie. Les acteurs entrent et sortent, comme dans la phrase de Shakespeare.
Et là, c'est game over. Salut , on s'en va , on a bien rigolé. "Bien rigolé" ? Non, pas vraiment !
Philippe Labro
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Bridget
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Sujet: Re: EDWARD HOPPER Ven 19 Oct - 21:29
Huit tableaux, huit films, huit réalisateurs...
Un hommage libre au peintre américain Edward Hopper .
Hopper vu par Dominique Blanc
Edward Hopper : un tableau vu par la réalisatrice Valérie Mréjen
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Bridget
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Sujet: Re: EDWARD HOPPER Mar 30 Oct - 13:45
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Mathieu Amalric et Hopper : “J'ai vécu avec " Sun in an empty room" pendant trois mois ”
Entretien | Comme sept autres réalisateurs choisis par Arte, Mathieu Amalric s'est emparé d'une toile du maître américain, pour concevoir “Next to last (Automne 63)”, un court métrage à découvrir ici. Il retrace pour nous la genèse de son travail hanté.
A l'occasion de l'exposition rétrospective organisée par le Grand Palais à Paris, le réalisateur de “Tournée” signe, pour Arte, Next to Last (Automne 63), un court métrage dédié à un tableau d'Edward Hopper. Il nous raconte comment il a conçu cette plongée à la fois visuelle et sonore dans le monde d'un peintre qui le passionne. Un entretien en forme de post-scriptum à Next to Last (Automne 63), que nous vous présentons ici et qui sera le temps fort de la collection d'Arte « Hopper vu par... », diffusée dimanche 14 octobre sur Arte.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de vous pencher sur un tableau d'Hopper pour Arte ? Un amour personnel pour la peinture ?
J’aime la peinture d’une manière bordélique et farfelue. J’adore m’acheter des croûtes. Ce que j’aimais dans cette commande d'Arte, c’était la contrainte, un tout petit budget, cinq minutes maximum et le droit de tout faire.
J’aurais pu imaginer une fiction, car c’est ça qui fascine dans les tableaux de Hopper, le fait de pouvoir immédiatement se raconter une histoire à partir de ce qu'il montre. Mais comme les autres réalisateurs de la collection d'Arte ont justement fait ça, j'ai pris une autre direction. J'ai choisi un tableau sans aucun personnage, ou plutôt un tableau dont Hopper avait effacé le personnage : Sun in an empty room.
Comment s'est passé la confrontation avec ce tableau, le moment de le regarder, de le filmer ?
Je n’étais pas sûr de pouvoir filmer l’original, alors on m'a donné une reproduction en taille réelle que j'ai accrochée en face de mon lit. On a vécu avec Sun in an empty room pendant trois mois, j'ai pu exercer mon regard !
Finalement, Didier Ottinger, le commissaire de l'exposition Hopper, a réussi à me mettre en contact avec les collectionneurs qui possèdent cette toile et je suis allé la filmer chez eux, près de Washington. Le maître de maison m’a donné des gants blancs pour que je l’aide à descendre le tableau du haut de la cheminée ! Et là, j'ai réalisé que les reproductions ne montrent pas la matière de la peinture de Hopper.
Vu en vrai, ça raconte autre chose, on sent la main. Et ça donne vraiment envie de filmer dans le tableau, de ne plus en sortir. J'ai quand même voulu montrer aussi l'arrière de la toile : il y a une étiquette où sont notés tous ses voyages, partout où il a été exposé, et il y a l'antivol !
En fait, j'ai eu envie de tout savoir sur ce tableau et sur le moment où il avait été peint. On croit qu’on connaît Hopper parce qu’on voit ce qu'il a fait partout, par exemple sur les livres de Richard Brautigan en 10/18. Il a été tellement utilisé qu'on a l'impression d'être tout de suite dans une relation familière avec lui. Mais il reste un mystère, c'est ça qui est intéressant.
Un mystère que vous avez voulu éclairer ?
J’ai surtout fait un travail d’historien. Sur Hopper, sur sa femme Jo, sur l’automne 1963, les événements de l'époque. Je n’ai rien écrit, tout ce qu'on entend dans mon film a été dit par Hopper et par sa femme, mais pas forcément au même moment, c'est comme un collage de citations.
J'ai voulu que les voix semblent sorties d'un vieil enregistrement et la monteuse son a fait un travail extraordinaire : on dirait vraiment des archives, alors que c'est le cinéaste Frederick Wiseman qui fait la voix de Hopper. On entend aussi ce qui passait à la radio, là où il se trouvait. On sait que Hopper aimait beaucoup les lieder de Strauss alors j'en ai mis une version qu'il aurait pu écouter. La bande-son est devenue comme une compression de tout ce que j'ai pu lire sur Hopper.
C'est presque une scène de ménage qu'on entend !
Il y a quelque chose sur le couple dans les peintures de Hopper et ça m’intéressait aussi. On a essayé de créer un espace sonore, avec sa femme qui serait dans une autre pièce où elle écouterait la radio pour le perturber pendant qu'il peint.
Toutes les phrases déplaisantes que Jo balance à Hopper, en le traitant notamment de gros porc, sont censées venir du journal intime de Jo. Mais une seule personne a vu ce journal, c'est l'historienne d'art Gail Levin, qui est détestée par beaucoup de spécialistes d'Hopper. C'est une affaire compliquée ! Et l'histoire du couple que formait Hopper et Jo l'est aussi.
Selon Gail Levin, toujours, Jo a écrit dans son journal qu'elle était vierge quand elle a rencontré Hopper, à 41 ans. Et elle était peintre, elle aussi. Et elle est devenue l'unique modèle de Hopper.
Toutes les femmes qu'il peint, c'est elle ! Il lui a donné toutes les apparences. Mais dans le tableau que j'ai filmé, il a fini par réussir à se débarrasser d'elle, il l'a sortie du cadre !
Pendant qu'il peint Sun in an empty room, son ami Brian O'Doherty lui demande « Que cherches-tu ? », et Hopper répond : « Je me cherche moi. » Ça lève un voile sur ce qui l'anime vraiment, pour tous ses tableaux : il passe par cette politesse qu’est le réalisme pour aller vers des sentiments qui sont profonds, complexes là aussi et sans doute assez noirs, assez violents, souvent très sexuels.
Votre vision de la peinture d'Hopper a-t-elle changé avec la réalisation de ce film ?
Je n'ai plus une vision uniquement sentimentale de son travail. Au départ, pour moi, c'est un peintre qui bouleverse les gens. C’est un ami qui vous aide. En voyant ce qu'il peint, on se dit : « Je ne suis pas le seul à me sentir si seul, je ne suis pas le seul à ne pas avoir le courage de toucher le corps de la femme que je désire... »
C'est assez miraculeux, cette manière qu'ont les toiles d'Hopper d'aller jusqu'à nous, d'entrer dans nos vies. Il attrape des moments qu'on a en soi. Mais il y a aussi une dimension purement plastique chez lui, quelque chose qui est uniquement tourné vers la forme.
On a le sentiment qu'il parle de nous, alors que c'est d'abord un amoureux de la composition, de la lumière et des ombres. Il représente des lieux qui sont des constructions mentales. Il va vers l'abstrait.
Surtout dans le tableau que vous avez choisi.
Il y a toujours eu chez lui un conflit avec l’abstraction. De son vivant, il était considéré comme un illustrateur, un Norman Rockwell amélioré. Alors qu'il ouvrait la voie à ce qui allait devenir le Pop Art.
Le critique Sam Hunter a dit que Hopper faisait des Rothko réalistes. On voit ça très bien, c'est vrai, dans Sun in an empty room. C'est à la fois simplement une pièce vide et beaucoup plus que ça. Les taches de lumières dessinent des formes géométriques assez audacieuses.
La monteuse de mon film, Annette Dutertre, voyait dans ces deux taches de soleil deux stèles, comme si Hopper avait préparé deux tombes, la sienne et celle de sa femme.
Pour moi, ce mur était comme une toile de cinéma. C’est pour ça que j’ai mis des sons tirés des films que Hopper a vus pendant la période où il peignait ce tableau. Son univers me rappelle la chanson de Nougaro, « Sur l’écran noir de mes nuits blanches, moi je me fais du cinéma ».
Mais il renforce le côté vase clos et aquarium du cinéma, il radicalise. Brian O'Doherty, qui était un ami du couple, leur parlait un jour des films de Bergman. Hopper répondit qu'il n'en était pas fou, mais qu'il avait très envie de voir un film français dont il avait entendu parler.
C'était A bout de souffle de Godard ! Il était toujours du côté de la modernité.
Dernière édition par Bridget le Mer 21 Nov - 18:06, édité 2 fois
Bridget
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Sujet: Re: EDWARD HOPPER Mer 21 Nov - 17:56
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Edward Hopper, peintre inspiré par sa surdité
Selon le marchand d'art américain Bernard Danenberg, le grand peintre américain a puisé dans son handicap pour peindre la solitude dans la ville, dans le couple autiste, dans la nature immobile et ensoleillée.
Et si le silence était à l'origine de l'œuvre d'Edward Hopper (1882-1967), de son monde solitaire tellement à part et de sa claustrophobie flagrante, de son goût jamais satisfait pour la lumière d'été et de son appel du grand large ?
Déjà dans Room in New York (1932), le couple aperçu depuis le métro aérien est juxtaposé et ne partage rien d'autre que l'espace. Vision crue des rapports humains et de leur intimité supposée.
Alors que sa superbe rétrospective est partie pour battre tous les records d'audience au Grand Palais, un témoin américain propose une interprétation inédite de sa mélancolie sourde. Le handicap transfiguré.
« J'ai rencontré Edward Hopper lors de sa rétrospective au Whitney Museum of Art de New York, en 1964. J'étais un jeune marchand d'art, âgé d'à peine 27 ans , spécialisé dans l'art américain, j'étais donc transporté de rencontrer un des plus extraordinaires de nos artistes», raconte au Figaro Bernard Danenberg.
Il tint une galerie tournée vers l'Amérique dans l'Upper Eastside de Manhattan, au 1020 Madison Avenue, jusqu'à son départ pour la France en 1975. « Hopper était assis sur un banc dans un coin gris, je me suis assis près de lui et nous avons discuté. Il n'aimait pas être dans les lieux publics. Il me l'a dit et j'ai compris aussitôt pourquoi.
J'ai découvert son sévère problème d'audition, une révélation qui m'a fait lire différemment sa peinture. Cette surdité partielle m'a depuis toujours paru sous-tendre le choix de ses sujets, les individus qui ne se regardent jamais, qui ne se parlent jamais. C'est une hypothèse plus sensée que la mésentente conjugale avec sa femme, Jo, toujours mise en avant», expose ce galeriste de 75 ans qui «entend aussi bien qu'en 1964» quand il rencontra «le grand peintre âgé de 80 ans ».
Heureux comme Hopper seul dans ses collines de Cape Cod. Malheureux comme Hopper en ménage avec sa femme, Jo, peintre nerveuse, épouse terre à terre, tempétueuse et jalouse, son unique modèle au corps toujours froid (Morning Sun, 1952), insiste La Toile blanche d'Edward Hopper , le beau documentaire de Didier Ottinger et Jean-Pierre Devillers .
Le couple qui se tait est un leitmotiv dans l'œuvre peint d'Edward Hopper. Un homme, une femme, le silence. Ce trio est cher à ce peintre de l'ordinaire singulier qui accentue encore la muraille invisible entre les êtres par une certaine raideur des postures et les lignes de fuite divergentes des regards.
Dans son icône Nighthawks (1942), l'homme au visage de rapace fume et se tait, accoudé au bar de bois verni. La femme en rouge à ses côtés attend sans le voir ni lui parler, flamme sensuelle et pourtant froide.
Déjà, dans Room in New York (1932), le couple aperçu depuis le métro aérien est juxtaposé et ne partage rien d'autre que l'espace. Vision crue des rapports humains et de leur intimité supposée.
Hotel by a rail road
Hotel by a Railroad (1952) montre un autre de ces «bored couples» chers à Martin Parr, le photographe britannique, acide et moqueur. En marge du dessin qui annonce le tableau, Hopper écrit, inquiétant: «La femme ferait mieux de regarder son mari et les rails sous la fenêtre.»
« J'ai redécouvert et représenté Norman Rockwell [illustrateur et peintre naturaliste de la vie américaine du XXe siècle, né à New York en 1894 et mort à 84 ans, célèbre pour avoir illustré de 1916 à 1960 les couvertures du magazine Saturday Evening Post, ndlr].
Je crois savoir tout ce qu'il est possible sur l'art américain», souligne Bernard Danenberg, qui est en train de quitter la France pour les États-Unis et Miami la tropicale. « Le cas de Hopper n'a cessé de me passionner. Ma théorie, après avoir étudié sa gravure Tobacco Shop, est qu'il s'est inspiré de la photographie en noir et blanc pour dessiner et peindre. Cela expliquerait les annotations multiples en marge de ses dessins, indiquant les couleurs très précises à venir dans les futurs tableaux. Je serais vraiment étonné que Hopper ait dessiné seulement à main levée sa gravure figurant une dame dans le métro.
Night Shadows 1921 Gravure
Comme ses contemporains, les artistes Reginald Marsh et Norman Rockwell - dont j'ai rencontré le photographe, Louis, lors de ma visite à Stockbrige, Massachusetts -, Hopper a travaillé longtemps comme illustrateur, et cette pratique commerciale impliquait l'usage de la photographie. Son amitié pour le photographe et grand portraitiste d'artistes Arnold Newman irait dans ce sens.»
La parole revient désormais aux historiens d'art. Dans le petit livre Edward Hopper's New England, par Carl Little, on peut lire autrement les commentaires de Guy Pene Du Bois, Jo Hopper, Leon Kroll, et voir attesté son penchant pour la photographie de Mathew Brady, Eugène Atget et Paul Strand.
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Bridget
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Sujet: Re: EDWARD HOPPER Mer 21 Nov - 18:47
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Bridget
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Sujet: Re: EDWARD HOPPER Dim 20 Jan - 15:40
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La revanche de Hopper
par Marc Fumaroli
Reclining nude 1927 Crayon et aquarelle sur papier , New York, Whithney Museum of American art
L’essayiste se félicite de la reconnaissance tardive du peintre new-yorkais, actuellement exposé au Grand Palais, qui fut longtemps ostracisé.
Quand, en 1989, une exposition Hopper a été proposée au Centre Pompidou, elle fut refusée sous prétexte qu’il s’agissait d’un pompier provincial et négligeable.
Le grand public parisien découvre ces temps-ci au Grand Palais le peintre new-yorkais Edward Hopper (1882-1967) et accessoirement, dans la première salle de l’exposition, son ami George Bellows. L’écran qui cachait ce grand peintre « figuratif » est levé. Malgré tous les efforts déployés pour dévoyer le goût général en portant aux nues les provocations et les spéculations de l’« Art contemporain » et de ses Foires, la beauté et la poésie de l’oeuvre de Hopper trouvent le chemin de l’émotion et de l’intelligence du public non prévenu. L’exposition est un succès comparable à celui que connut récemment la rétrospective Claude Monet.
Hopper, Bellows, ces artistes de premier ordre sont restés parfaitement étrangers et indifférents à « la révolution cubiste » et à « la révélation Duchamp » et ils ont dû payer le prix de ce peu de respect pour le « sens de l’histoire ». Quand, en 1989, une exposition Hopper a été proposée au Centre Pompidou, elle fut refusée sous prétexte qu’il s’agissait d’un pompier provincial et négligeable, écrasé par la révolution expressionniste abstraite et le feu d’artifice pop qui avaient fait tour à tour de New York la capitale mondiale des arts .
Ce refus est un cas typique de déni français du droit à la beauté, et d’exercice bureaucratique du droit à la culture, au sens équivoque que ce mot-valise a pris ici. En 1989, l’exposition Hopper dut trouver refuge à Marseille, au Musée Cantini, et c’est là que parut son catalogue préfacé par Yves Bonnefoy. Le grand poète français a été le premier à reconnaître en Europe le génie de Hopper et le grand talent de quelques autres peintres américains ses prédécesseurs, Winslow Homer, Thomas Eakins, ou ses compagnons, tel ce George Bellows, qui fait l’objet en ce moment d’une impressionnante rétrospective au Metropolitan Museum de New York.
Ces peintres ont choisi de peindre, non pour flatter l’amour-propre national, mais pour découvrir, de l’intérieur, la vérité de la lumière américaine, la singularité des lieux de ce pays et des manières d’être de ses habitants.
New York movie 1939 Huile sur toile , New York, MOMA
Ce que les peintres vénitiens ont fait pour Venise, Vermeer et Pieter de Hooch pour les intérieurs hollandais, Constable pour la campagne du Suffolk, Corot et les impressionnistes pour les paysages d’Ile-de-France, Hammershoe pour les intérieurs de Copenhague, Hopper l’a fait pour la côte Est des États-Unis.
Peint-on encore dans cet esprit en France ?
Les jeunes peintres du génie du lieu oeuvrent parmi nous, mais aussi en Italie, en Espagne, en Angleterre, aux États-Unis, en clandestins de leur art, passés sous un silence officiel et médiatique plus intolérant que celui qu’a connu naguère Hopper. Yves Bonnefoy a beaucoup contribué, en Amérique même, à transformer en admiration la considération polie qui n’a jamais manqué d’y entourer l’oeuvre de Hopper, même au plus tonitruant de la vogue pop. Il y a toujours eu une niche du marché américain pour les peintres locaux non alignés. Le Whitney, musée new-yorkais d’art américain, peu avant la mort de Hopper en 1967, lui avait organisé une importante rétrospective. Le peintre n’était pas l’objet d’un déni, comme en France, mais restait cantonné sous l’étiquette « locale ». On lui refusait l’universalité.
Il est assez étonnant d’entendre aujourd’hui le concert unanime de voix parisiennes portant aux nues un peintre refusé, vingt-cinq ans plus tôt. Aux États-Unis, un autre poète, Mark Strand, dans un livre-essai illustré sur Edward Hopper publié en 2001, a dédouané définitivement le peintre de son classement local, le hissant à son vrai rang, du côté de Vermeer.
Le MoMA, dans l’entredeux-guerres, l’a exposé plusieurs fois, mais le Service d’information s’est bien gardé de recruter son oeuvre pour la propagande américaine. On lui a préféré les expressionnistes abstraits, dont le sublime intimidant convenait mieux à l’image des États-Unis d’alors, vainqueurs de l’hitlérisme et en voie de vaincre le stalinisme. Quand Hopper mourut, en 1967, étranger au pop art, il était bel et bien « hors du coup ».
High Noon 1949 Huile sur toile , Ohio, The Dayton art institute
Cela lui a épargné le sort des expressionnistes abstraits, et à plus forte raison des pop-artistes, devenus tour à tour des marques de fabrique « made in America » et des symboles contradictoires de la mythologie américaine. Peintre dans une noble lignée américaine locale, il l’a greffée, au cours de trois longs séjours parisiens, entre 1906 et 1910, sur l’art européen ancien (Vermeer) et moderne (Courbet, Vallotton, Degas, les impressionnistes).
Et ce peintre affligé de l’étiquette « locale » s’est montré un tel métaphysicien de la lumière et un moraliste si pénétrant du génie des lieux que, sans l’avoir prétendu, il peut se retrouver maintenant au premier rang, dans la famille universelle des peintres-poètes de l’École du silence. Avec lui, et avec son humilité, on approche de cette mystérieuse et délectable beauté dont veulent nous priver et nous divertir à tout prix les opérateurs impérieux chargés de veiller sur notre « droit à consommer de la culture ». La beauté telle que cet artiste l’a servie aurait-elle gardé quelque chance ?
Eleven A. M. 1927 Huile sur toile , Washinghton, Hirshorn museum and sculpture garden.
Selon les peintres-poètes de la famille de Hopper , elle ne saurait se résumer à la flatterie esthétique, à la satisfaction d’amour-propre. La forme est là pour inviter à découvrir et savourer la substance de vérité qu’elle enveloppe. C’est à un banquet plénier que nous convie le grand art , qui ne trompe les sens que pour mieux mettre l’esprit sur la voie d’une vérité inconnue.
Un tel jeu est inconcevable ou insupportable à quiconque s’emploie à écouler , pour la galerie, à n’importe quel prix, et sur la foi d’une marque célèbre, n’importe quel « concept » culturel labellisé au bon endroit. Hopper a commencé par étudier la lumière parisienne sur le motif au bord de la Seine et chez les impressionnistes français, au cours de ses séjours parisiens. C’est par comparaison qu’il a découvert la lumière proprement américaine.
À partir de cette trouvaille, il a pu réfléchir, dans un éclairage ni flatteur ni cruel, mais révélateur de leur vérité, celle de la quotidienneté de la vie américaine et du climat propre à chacun de ses lieux, urbains et ruraux. Alors que le pop art répétitif n’a pu montrer que les étals de « goods » et les galeries de « people » dont se repaît la consommation américaine, Hopper avait su pénétrer et exposer l’humanité américaine aux prises avec sa dure lumière, son immense espace, et son individualisme égaré dans la foule solitaire.
Qui ne l’a ressenti, mais qui l’avait fait sentir, jusqu’alors ? L’immensité vide de l’Amérique fait peser sur ses villes de pierre, de brique et de vitres, comme sur leurs faubourgs en voie de coloniser le « wild » toujours plus avant, une écrasante chape métaphysique d’ennui. La lumière du jour américaine, dont Hopper est passé maître, a une qualité presque aussi électrique et aussi peu flatteuse que celle des éclairages de la nuit urbaine. Elle creuse les traits, refroidit les chairs, exagère les failles qui divisent les couples et isolent les individus.
Ce n’est qu’un cri, maintenant, de ce côté de l’Atlantique, vingt-cinq ans après le refus du Centre Pompidou. Hopper ! Hopper !
Quel soulagement après tout ce temps de refoulement de la vérité et de sacrifice aux rengaines de l’artistiquement correct ! Reste que le schème historiographique qui fit tout ce temps autorité et qui reste en vigueur, l’enchaînement Manet, Cézanne, Picasso-Braque, Duchamp, Pollock, Warhol, inséparable de la légende de la translation définitive du flambeau de Paris à New York, doit être révisé pour faire place au déroutant Edward Hopper, à son ami George Bellows, à leur prédécesseur Winslow Homer.
Une sociologie historiciste et déterministe de la culture les avait fait traiter en parents pauvres ou leur avait refusé l’existence. Un sentiment plus libre et plus juste des scellements oubliés entre beauté et vérité, entre art et poésie, localité et universalité, fait reconnaître en eux des classiques qu’on ne peut plus laisser au placard.
Cape cod evening 1939 Huile sur toile , Washington, national Gallery of art
Nous avons enfin droit à Hopper, à la qualité de son silence, à la vérité tacite de son Amérique, tous masques culturels écartés, grandioses ou charlatanesques. Et qui nous a donné le droit à cette neuve beauté et à ces anciennes vérités ? Non un ministère, mais deux poètes.
Le droit à la beauté ne se proclame point. Mais il se prend en dépit de tous les obstacles, par l’exercice d’une antenne intérieure fragile et sévère, affreusement calomniée et persécutée par les militants du « droit à la culture », mais dont la persévérante exigence a des chances de l’emporter.
Cette antenne s’appelle le goût.
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Bridget
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Sujet: Re: EDWARD HOPPER Lun 19 Aoû - 11:35
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Les Noctambules d'Edward Hopper reconstitué grandeur nature à New York
Edward Hopper (1882–1967), Nighthawks, 1942
A l'occasion d'une grande exposition consacrée au peintre Edward Hopper, la galerie du Whitney Museum of American Art a rendu hommage au peintre américain à sa sa manière, en reconstituant, en 3D, "Les Noctambules" ("Nighthawks"), célèbre peinture de l'artiste.
Pour faire la promotion de l'exposition 'Hopper Drawing', la galerie new-yorkaise a dévoilé cette reproduction grandeur nature au Flatiron Prow Artspace. On y reconnaît la mythique scène nocturne dans laquelle plusieurs individus de la haute-société américaine prennent place au comptoir angulaire du "Phillies". L'expression de solitude sur le visage des personnages, l'éclairage si singulier du tableau... tout y est: une reproduction quasi parfaite de la version originale, peinte en 1942.
La reproduction est présente le temps de l'exposition, jusqu'au 6 octobre prochain.
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Sujet: Re: EDWARD HOPPER Ven 20 Déc - 14:56
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Ventes d'art américain à New York : Hopper et Rockwell aux sommets
L’œuvre East Wind Over Weehawken de Edward Hopper a été vendue pour 40,5 millions de dollars aux enchères chez Christie’s, jeudi 5 décembre à New York.
Le précédent record pour le peintre était de 26,9 millions de dollars, réalisé à l’occasion de la vente de Hotel Window. Datant de 1934, East Wind Over Weehawken représente un paysage urbain de la ville de New Jersey, sur l’Hudson River. La toile faisait partie de la collection de la Pennsylvania Academy of the Fine Arts et a été acquise par un acheteur anonyme au téléphone.
L’estimation prévente se situait entre 22 et 28 millions de dollars pour la peinture que Hopper considérait comme l’une de ses meilleures œuvres.
Le 5 décembre, Christie's clôturait la cession d'Art Américain en beauté grâce à la mise en vente d'un autre chef d'œuvre de la peinture américaine : East Wind Over Weehawken d'Edward HOPPER.
Si la moindre présence d'une toile d'Hopper dans une vacation déchaine les passions c'est parce qu'elles sont plus souvent croisées dans les musées qu'en salles des ventes.
Et pour cause, depuis son entrée en salle en 1991, seule vingt huiles sur toile sont passées à l'encan.
Justement issue d'une collection muséale, celle de la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, ce paysage urbain de 1934 regroupe nombre d'ingrédients qui ont fait la gloire d'Hopper incluant cette atmosphère solitaire et mystérieuse si particulière à son univers.
La dernière œuvre de cette trempe avait trouvé preneur en 2006 à 24 m$ (Hotel Window, Sotheby's New York, le 29 novembre 2006), East Wind Over Weehawken a donc été sans surprise adjugée au delà à 36 m$ devenant haut la main le nouveau record de l'artiste.
Le produit de vente de cette huile sur toile a pour vocation de permettre de nouvelles acquisitions, la Pennsylvania Academy of the Fine Arts va pouvoir s'en donner à cœur joie !
De son côté, Christie's réalise grâce à cette oeuvre plus de 66 m$ de chiffre d'affaire, son meilleur pour la catégorie vente d'art Américain.
Nombre de messages : 19403 Age : 49 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: EDWARD HOPPER Mar 23 Avr - 22:45
Shakespeare au crépuscule - 1935
La Maison au crépuscule - 1935
liliane Admin
Nombre de messages : 19403 Age : 49 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: EDWARD HOPPER Lun 25 Jan - 15:50
Où sont passées les œuvres de Jo Hopper ?
Par Inès Boittiaux
• le 20 janvier 2021
Qui se souvient de Josephine Verstille Nivison ? Avant de devenir Mme Edward Hopper, modèle, complice et imprésario d’un des peintres les plus célèbres du XXe siècle, Jo Hopper fut elle-même une artiste prometteuse. Parmi l’ensemble considérable d’œuvres qu’elle légua au Whitney Museum de New York figurent celles d’Edward, mais aussi les siennes qui ont aujourd’hui pour la plupart disparu…
Edward Hopper, Jo peignant, 1936
New York, 1968. Les yeux de Jo Hopper se ferment sur le monde dans l’indifférence générale. Sans descendance, la vieille femme, devenue presque aveugle, avait décidé dans son testament, quelque temps avant sa mort, de léguer sa fortune au Whitney Museum of American Art. Et quelle fortune ! Un ensemble de plus de 3 000 œuvres signées de son mari, le peintre Edward Hopper, ainsi que ses propres tableaux, dont certains étaient encore montés dans leurs précieux cadres dorés…
Edward Hopper et Josephine « Jo » Nivison
Tout le monde connaît Edward Hopper, légende absolue de la peinture américaine du XXe siècle. Mais qui se souvient de son épouse, Jo ? Dans l’ombre de son mari, elle a pourtant, elle aussi, tenté de mener tant bien que mal une carrière de peintre ! Née en 1883 à Manhattan, Josephine Verstille Nivison a suivi les cours du peintre réaliste Robert Henri à la New York School of Art. Grâce à son talent prometteur, la jeune fille a exposé aux côtés des plus grands : Modigliani, Man Ray ou encore Picasso. Mais sa vie comme sa carrière basculent en 1924. Alors qu’elle participe à une résidence d’artistes dans le Maine, elle fait la rencontre d’un homme un brin réservé et à la silhouette élancée, au visage doux et aux yeux clairs : Edward Hopper ! Si la route des deux artistes s’était déjà croisée vingt ans plus tôt à New York, cette fois-ci ils ne se quittent plus et se marient. Jo emménage alors dans l’appartement d’Edward, un logement exigu qui sert également d’atelier. Mais bien vite, elle déchante et comprend qu’elle n’y a pas sa place. Hopper attend de sa femme qu’elle joue la parfaite épouse, au grand dam de cette dernière. Bientôt, le couple s’enferme dans un huis clos explosif…
Edward Hopper, Morning Sun, 1952
Dans ses journaux intimes, Jo confie sa frustration et sa solitude tandis que la carrière d’Hopper décolle. Entre les lignes noircies de sa petite écriture nerveuse se dessine en creux le portrait d’un mari sévère et taciturne, qui dénigre le talent de sa femme. Que ses rêves d’artiste semblent loin ! Jo, désormais, irradie sur les toiles d’Edward dont elle devient le seul et unique modèle. En coulisse, elle joue un rôle prépondérant dans la carrière de son mari : coach, agent, imprésario… Les œuvres de ce dernier sont pour elle comme les enfants que le couple n’a jamais eus. Mais Jo n’abandonne pas pour autant ses pinceaux. Dans l’ombre toujours, elle peint et dessine. Sa maison dans la baie de Cape Cod l’inspire, tout comme les lumineux paysages alentours. Souvent, elle plante son chevalet non loin de celui d’Edward, à tel point que parfois, la ressemblance entre la toile de l’un et l’autre est troublante… Que sont alors devenues toutes ses œuvres ?
Jo Nivison Hopper, Provincetown, 1930
Revenons en 1968. Peu de temps avant la mort d’Edward Hopper, Jo convient avec son mari de léguer toutes les œuvres tardives de ce dernier au Whitney Museum of American Art, qui lui a consacré ses deux dernières grandes rétrospectives, en 1950 et en 1964. Lorsque le couple décède (Edward en mai 1967 et Jo seulement dix mois plus tard), sans doute le musée ne s’attendait-il pas à recevoir une telle donation, comprenant également les œuvres de Jo Hopper ! Pendant près de trois ans, l’ensemble est stocké dans une réserve à l’abri des regards, avant que le musée ne se décide finalement à vendre certaines toiles – celles d’Edward. Et Jo ?
Edward Hopper, Jo dessinant à Good Harbor Beach, 1923-1924
Citation :
Selon l’historienne, cela ne fait aucun doute : l’institution n’a jamais cru à la valeur de l’œuvre de Jo.
Quelques années plus tard, en 1976, l’historienne de l’art Gail Levin, aujourd’hui professeure éminente à la City University de New York, rejoint l’équipe curatoriale du Whitney Museum afin de rédiger le catalogue raisonné d’Edward Hopper et découvre l’ampleur du désastre : les œuvres de Jo se sont évaporées. Elle apprend alors que le musée a donné, de façon expéditive, une partie de celles-ci à des hôpitaux de la ville (probablement emportées par des employés, elles ont aujourd’hui disparu) ainsi qu’à l’université de New York… Et qu’il se serait purement et simplement débarrassé du reste ! Selon l’historienne, cela ne fait aucun doute : l’institution n’a jamais cru à la valeur de l’œuvre de Jo. Et pourtant, si certaines œuvres (tardives et non signées) ont pu être sauvées, c’est parce qu’elles ont été pendant longtemps attribuées, à tort, à Edward !
Josephine Nivison Hopper, Obituray, 1948
D’autres encore ont pu être conservées car vendues ou données par Jo de son vivant. Certaines ont d’ailleurs rejoint les collections du Provincetown Art Museum, qui a acquis en 2018 69 dessins et aquarelles de Jo Hopper ainsi que 22 journaux de la période 1933–1956. Les seules preuves attestant de l’existence des autres toiles de l’artiste, probablement disparues à jamais, sont des photographies en noir et blanc réalisées par le photographe professionnel initialement engagé par Edward pour lui-même. Quant au Whitney Museum, qui n’a pas donné suite à notre demande d’entretien, il conserve aujourd’hui trois œuvres de Jo, dont une intitulée Obituary, retrouvée par hasard sur un marché aux puces de Brimfield, dans le Massachusetts… Jamais elles n’ont été montrées au public.