FESTIVAL DE CANNES.
La Palme d'or des gamins de ParisPierre Vavasseur, envoyé spécial à Cannes
lundi 26 mai 2008 | Le Parisien
AFP/VALERY HACHE
En décernant la récompense suprême au film « Entre les murs » de Laurent Cantet, le jury présidé par Sean Penn a honoré à la fois une nouvelle forme de cinéma et une vision passionnante de l'école et de la société françaises.
ILS L'ONT FAIT ! Ce qui s'est passé hier soir sur la scène du Grand Palais Lumière, à Cannes, sur le coup des 20 h 15, est tout à fait extraordinaire. Car en remettant la Palme d'or au metteur en scène français Laurent Cantet, entouré de ses vingt-quatre jeunes acteurs, pour le film « Entre les murs », adapté d'un livre de François Bégaudeau* et tourné à l'été 2007 dans un collège parisien, Robert de Niro s'est fait le relais d'un double événement. D'un côté, le jury, présidé par l'acteur et réalisateur américain Sean Penn, met fin à vingt et un ans de purgatoire dans la mesure où, si l'on excepte la Palme accordée en 2002 au « Pianiste » de Roman Polanski, réalisé avec des capitaux français, la France n'avait pas eu accès à la récompense suprême depuis « Sous le soleil de Satan », de Maurice Pialat, en 1987 ; de l'autre, cette Palme accordée « à l'unanimité » rend hommage à ce cinéma qu'on dit « petit », parce qu'il n'a pas de gros moyens, pas d'effets spectaculaires et qu'il repose sur un pari aussi humble que singulier : raconter, en le jouant, le quotidien d'une classe de français de 4 e au collège Françoise-Dolto, dans le XX e arrondissement de Paris.
« Une année de grâce pour le cinéma français » « Tu verras, répétaient à Laurent Cantet les adolescents qui jouent leur propre rôle, ainsi que les professeurs et les parents d'élèves, on montera les marches en mai à Cannes. » La vérité sort décidément toujours de la bouche des enfants. Grâce à eux et à ce film - qui ressemble à un documentaire tout en ayant été préparé et construit comme une oeuvre de fiction -, le cinéma vit, diraient-ils, « un truc de ouf ». C'est d'autant plus vrai qu'« Entre les murs » revient de loin. Il est venu renforcer sur le fil une sélection française qui peinait à trouver trois représentants. Si l'on y ajoute un « Prix spécial » attribué à Catherine Deneuve, laquelle s'est empressée de renvoyer la balle à Arnaud Despleschin, l'auteur d'« Un conte de Noël », le 7 e art tricolore se retrouve en première ligne dans ce palmarès. « C'est vraiment une année de grâce pour le cinéma français », observait Christine Albanel en évoquant le triomphe de « la Môme » et d'un court-métrage hexagonal aux Oscars, suivi du succès des Ch'tis. « La Palme d'or récompense un film important », souligne Mme Albanel, qui met en évidence « les relations complexes qui existent dans une classe et sont le reflet de la diversité française ». Sean Penn, qui voulait distinguer un cinéma en prise sur le monde, a donc tenu promesse en choisissant celui des trois longs-métrages français qui avait la résonance la plus sociale. Mais, cette fois, avec une énergie, un naturel, un humour et un sens du jeu tout à fait réjouissants. Trop mortel, le conte de fées. C'est-à-dire si vivant !
* « Entre les murs », de François Bégaudeau, éd. Verticales, Gallimard
Cannes
Le rêve éveillé des acteurs du film "Entre les murs"Sylvain Merle
lundi 26 mai 2008, 1h23 | leparisien.fr
"C'est pas pareil que les marches de la maison", plaisante Rabah. "Ah bon, c'est quoi la différence ?", lui demande-t-on. "Y'a pas les sacs Leader Price", répond-il rieur. Avec ses camarades du film "Entre les murs" de Laurent Cantet - qui a reçu la Palme d'Or du 61ème Festival de Cannes - Rabah vit un rêve éveillé. Après avoir monté les marches devant des centaines de photographes, "des choses qu'on ne voit qu'à la télé", lâche Juliette, les voilà avec la plus haute récompense du Festival.
A quelques minutes de la conférence de presse d'après remise des prix, les jeunes acteurs sont sur un nuage. Commme s'il s'agissait d'une sortie scolaire, les accompagnateurs les comptent et recomptent... Sur leur "31", ils ne décolent pas de leurs portables qui sonnent sans arrêt. "On nous a vu à la télé, ça fait plaisir", lance Carl. Moments de joie partagés avec les jeunes acteurs de la première Palme d'Or française depuis 21 ans et "Sous le Soleil de Satan" de Maurice Pialat en 1987.
CANNES/PALME D'OR
Les élèves : «Un truc de dingue»dimanche 25 mai 2008, 22h50 | AFP
Pour les élèves de la classe du film «Entre les murs», la Palme d'or du 61e Festival de Cannes est un «truc de dingue», ont déclaré certains protagonistes du film de Laurent Cantet à l'AFPTV.
Pour Franck Keïta, qui joue le rôle de Souleymane dans ce film sur le quotidien d'une classe de collège parisien, la récompense obtenue est «un truc de dingue. On était tous émus, tous contents».
«Si on nous aurait dit qu'on irait à Cannes, je l'aurais pas cru. Si on nous aurait dit qu'on aurait la Palme d'or, non plus», s'exclame à sa façon l'adolescent.
Pour Nassim Amrabt («Nassim»), «on a vécu l'inimaginable. On a monté les marches !», avant d'ajouter plus sérieusement: «on pourra dire qu'on a vécu une expérience dans le cinéma». Nassim comme Carl Nanor («Carl») ont remercié l'équipe du film, Laurent Cantet le réalisateur en tête.
Pour Franck «Souleymane» Keïta, le film rapporte bien comment se passent les choses dans une classe: «oui il y a des clans et il y a toujours un petit caïd !». Avant de conclure à propos de son expérience: «quand on a commencé, on était tout petits. Cela nous a fait réfléchir, nous a fait grandir».
CANNES/PALME D'OR
Cantet, de la lutte des classes aux luttes dans la classedimanche 25 mai 2008, 22h40 | leparisien.fr
Révélé au grand public par «Ressources humaines», qui explorait le monde de l'entreprise, Laurent Cantet a obtenu dimanche la Palme d'Or du 61e Festival de Cannes pour un film sur l'école qui l'affirme comme le grand cinéaste des relations sociales.
«Entre les murs», son cinquième long métrage, plonge en effet dans le quotidien d'une classe de collège parisien, où un jeune professeur de français s'efforce d'enseigner à ses élèves une langue différente de la «tchatche». «Le film devait ressembler à la société tout entière, il devait être multiple, foisonnant, complexe...
il devait y avoir aussi des frictions que le film ne cherchait pas à gommer», a déclaré Cantet, sa récompense à la main et entouré des adolescents qui jouent dans le film.
«Je ne suis pas si surpris que ça que parler de l'école intéresse le monde entier, les questions sont un peu les mêmes quel que soit le pays où l'on se trouve», a-t-il confié un peu plus tard en conférence de presse. «J'espère que le film rend justice à tout le travail qui est fait» dans les écoles, a ajouté celui qui avait «envie d'aller voir ce petit monde» qui est «un des endroits où se fabrique la société dans laquelle on vit».
Agé de 46 ans, ce fils d'instituteurs originaire de Melle (Deux-Sèvres), formé à l'Idhec au milieu des années 1980, a mis du temps à trouver ce qu'il avait envie de raconter. En 1993, son premier court métrage, «Tous à la manif», qui se déroule dans un café où le fils du patron tente de se mêler à des lycéens préparant une manifestation, préfigure enfin son cinéma, ancré dans le réel. Mise en situation des personnages dans un cadre professionnel, dépendance aux origines sociales, tensions entre l'individu et le groupe, se retrouvent dès lors dans ses oeuvres.
En 1999, après «Les sanguinaires» réalisé pour la télévision, il se fait connaître avec un premier long métrage sur grand écran, «Ressources humaines», troublante radiographie du monde du travail où le comédien Jalil Lespert cotoie de vrais ouvriers. Le film est couronné du César de la meilleure première oeuvre de fiction.
Comme dans «Ressources humaines», le réalisateur a fait appel pour «Entre les murs» à de vrais protagonistes, cette fois-ci des élèves et des professeurs (dont François Bégaudeau, auteur du livre éponyme) d'un collège de Paris, afin de coller au plus près de la réalité. Paradoxalement, c'est pour la même raison que Cantet ne fait pas dans le documentaire mais demande à ces «vrais gens» de jouer un rôle plutôt que de témoigner devant l'objectif.
«Ils sont souvent plus sincères que les gens filmés par un documentariste, parce que quand on a une caméra braquée sur soi, on défend sa peau», justifie-t-il. Ainsi, le tournage avait été précédé, le temps d'une année scolaire, d'ateliers d'improvisation hebdomadaires «où le film a mûri».
«On fabrique plus quand on est face à une caméra de télé car il faut correspondre à l'image qu'on a envie d'être. Là, ils ne sont pas mis en cause directement et du coup ils sont plus justes, plus proches de ce qu'ils sont réellement que lorsqu'ils sont interviewés», ajoute le réalisateur. Toutefois, il ne veut pas être prisonnier d'un style. Ses autres longs métrages, «L'emploi du temps» (2001), primé à la Mostra de Venise, et «Vers le sud» (2005), ont une forme moins linéaire et mettent en scène des comédiens professionnels dans les rôles principaux. Mais la volonté d'explorer des univers quotidiens, pour en faire ressortir les tensions, reste la même.
CANNES/PALME D'OR
Bégaudeau : le film éclaire «les vieux» sur les jeunes dimanche 25 mai 2008, 22h06 | AFP
François Bégaudeau qui incarne le professeur dans «Entre les murs», récompensé par la Palme d'Or du 61e Festival de Cannes, a estimé dimanche que le film de Laurent Cantet visait à donner aux «vieux» des nouvelles d'une jeunesse «pas plus con qu'une autre».
«C'est plutôt un film à destination des vieux, si je peux me permettre», a déclaré le professeur de français au cours de la conférence de presse qui a suivi le palmarès. «Il y a un discours sur la jeunesse qui est vieux comme le monde et qui a tendance à s'intensifier depuis quelque temps, à savoir: les jeunes sont cons, les jeunes jouent au jeux vidéo, ils sont analphabètes, etc.», a expliqué François Bégaudeau, auteur du livre dont s'inspire le film réalisé par Laurent Cantet, dont c'était la première participation à la compétition.
«Tous ces gens qui prétendent juger la jeunesse, qui représente quand même des millions de personnes, en deux ou trois aphorismes, ça leur fera du bien de prendre des nouvelles de la jeunesse», a-t-il ajouté.
«Elle est pas plus con qu'une autre. Moi, je la trouve plutôt plus finaude que ce que moi je connaissais à leur âge. C'est vraiment essentiellement un film à l'usage des adultes, même si j'espère que plein de jeunes et d'enfants viendront s'amuser devant», a conclu François Bégaudeau.
Cannes/Palme d'or
Laurent Cantet : «Le film devait ressembler à la société tout entière»dimanche 25 mai 2008, 21h04 | AFP
Très ému, Laurent Cantet a reçu son prix, entouré des adolescents du film, alors que la salle lui adressait une vibrante ovation debout. Le dernier film français à avoir remporté la Palme d'or était «Sous le soleil de Satan» de Maurice Pialat en 1987.
«Le film devait ressembler à la société tout entière, il devait être multiple, foisonnant, complexe... il devait y avoir aussi des frictions que le film ne cherchait pas à gommer», a-t-il déclaré en tenant sa Palme. Sean Penn a expliqué que le jury avait été «unanime» sur la Palme d'or : «Le film a une écriture magique, sa générosité est magique, tout était magique.»
«Entre les murs», cinquième long métrage de Laurent Cantet, plonge dans le quotidien d'une classe de collège parisien où un jeune professeur de français s'efforce d'enseigner à ses élèves une langue différente de la «tchatche».
Mi-documentaire mi-fiction, il s'inspire du livre au même titre d'un professeur, François Bégaudeau, héros du film tourné au terme d'ateliers d'improvisation. Dévoilé à la veille du palmarès, le film a été très applaudi et a vivement ému les critiques, tant français qu'internationaux.
Agé de 46 ans, Cantet, fils d'instituteurs formé à l'Idhec avait été révélé au grand public en 1999 par un premier film marquant, «Ressources humaines», troublante radiographie du monde du travail couronnée de deux César.