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 PIERRE DUMAYET , LE PIONNIER

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Bridget




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MessageSujet: PIERRE DUMAYET , LE PIONNIER   PIERRE DUMAYET ,  LE PIONNIER EmptyVen 18 Nov - 1:06


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Pierre Dumayet, lettré de la télé




PIERRE DUMAYET ,  LE PIONNIER Mort-d10
Pierre Dumayet en 1986. Photo : Jean Leclercq by licence CC



“Cinq colonnes à la une”, “Lecture pour tous”, “Lire, c'est vivre”
… c'était lui.

Pierre Dumayet, figure historique de la télévision française, est mort jeudi 17 novembre 2011.


Il y a dix ans, pour “Télérama”, Jean Belot avait rencontré l'écrivain qui se cachait derrière le journaliste. Et révélait sa prédilection pour le crayon demi-gras, sa peur de la page de gauche et, surtout, son art de l'esquive.



En hommage à Pierre Dumayet, décédé jeudi 17 novembre 2011, à l'âge de 88 ans, nous republions un article de Jean Belot paru dans Télérama le 13 janvier 2001. Une « drôle de rencontre avec Pierre Dumayet, cinquante ans de télé »…




Content, Pierre Dumayet. Et surpris. Depuis le temps que, des légendaires Lectures pour tous jusqu'à Lire, c'est vivre puis Un siècle d'écrivains, l'homme de télévision fait l'article pour les livres des autres, il est connu, reconnu et respecté.
Mais l'auteur Pierre Dumayet l'était moins jusqu'à présent, habitué à des tirages confidentiels et à de discrets succès d'estime, avec Brossard et moi, en 1989, La Nonchalance, en 1991, ou La Maison vide, en 1996 (1).

C'est pourquoi il est tout étonné que son petit dernier, Autobiographie d'un lecteur, se vende quasiment comme des petits pains et que les médias lui aient témoigné une si affectueuse sympathie.



" Oui, ça me fait plaisir de constater qu'en évoquant dans mon livre des sujets dont on m'a dit souvent qu'ils n'intéressaient personne il y en a quelques-uns qui sont d'un avis différent.
Par une sorte de générosité culturelle, les patrons de la télévision m'ont toujours permis d'entreprendre des choses parce que je n'étais pas fondamentalement méchant et nocif ; mais je n'ai jamais pensé que mon travail les passionnait vraiment, donc je suis content d'avoir autant de lecteurs. "



Profitez bien de cette longue et confidentielle réplique, il n'y en aura pas beaucoup. D'autant que celle-ci a été faite d'une traite, sans " blanc ", ni hésitation, ni flash-back, ni points de suspension, ni un de ces " non mais " qui lui viennent souvent sur les lèvres après une affirmation ; comme pour en contredire le sens et signifier qu'on ferait mieux de s'adonner au plaisir de la conversation au lieu de se soumettre au contraignant rituel de l'interview.


Pierre Dumayet pense-t-il, comme ce personnage de Brossard et moi, que " le silence est un atout " ?



Ce sage de la télévision, qui ne veut pas passer pour un maître à dire ou à penser, émet des phrases au compte-gouttes, des sortes d'échantillons, qui commencent à peine et finissent tout de suite.
Avec ça qu'il cultive à merveille l'art de la litote, tamisant aussitôt un propos qui lui semble trop catégorique. Par exemple : " J'ai été pêcheur et chasseur, meilleur pêcheur que chasseur, enfin, moins mauvais... "



En outre, il s'interdit d'explorer à des fins éditoriales certains filons intimes comme la nostalgie ou l'amitié. Par exemple : alors qu'on l'attend au tournant à propos de Pierre Desgraupes, son complice de Cinq colonnes à la une, dans Autobiographie d'un lecteur, il écrit, à la page 162, " c'est vrai, je ne parle pas souvent de mon ami Desgraupes "... et il en reste à peu près là.

Justification : " J'aimais beaucoup Pierre, mais je ne vais pas m'étaler. Il est assez pudique, dans l'ensemble, ce bouquin, non ? Je viens déjà de m'étaler deux fois dans un escalier ces derniers temps, ça suffit... "


Par-dessus tout, il a horreur des questions, car il estime ne pas savoir y répondre. Et il assure en avoir posé toute sa vie pour qu'on ne lui en pose pas. Il se rappelle à ce propos qu'il a imaginé jadis avec Philippe Alfonsi et Patrick Pesnot Questions sans visage.

L'émission consistait à interroger au jugé et sur n'importe quel sujet des personnalités invisibles qui répondaient avec une voix brouillée. Mais certaines ne supportaient pas qu'on ignore qui elles étaient.
Gaston Defferre, qui s'est empressé de préciser : " Moi, qui suis maire d'une grande cité phocéenne... " Ou le général Bigeard, qui, après avoir dit : " Bonjour, Monsieur Dumayet ", a ajouté : " Classe 43... " Agacé, Dumayet.






Pierre DUMAYET reçoit Albert CAMUS pour l'adaptation et la mise en scène de la pièce " Les Posséfés "


Albert Camus à propos de la pièce de théâtre "Les possédés"

Vezi mai multe video din cultura





Sans doute parle-t-il comme il écrit ses livres, à mots mesurés. Evoquer sa manière d'écrire n'est pas trahir un secret d'Etat, mais s'aviser que le taciturne bonhomme, qui a toujours refusé la posture de vedette à la télévision, demeure dans son privé l'artisan des belles lettres qu'il n'a jamais cessé d'être en public. Ecrire sur un cahier lui est impossible, parce qu'il ne supporte pas le voisinage de la page de gauche. Pas question non plus d'utiliser un stylo pour le premier jet ; il lui préfère de beaucoup le crayon, un 2B demi-gras, au trait plus sensuel. " C'est agréable d'écrire avec un crayon sur un certain papier mat. "

Quand une phrase est écrite et qu'elle le déçoit, il la laisse mariner un moment avant de l'éliminer, si, décidément, elle ne lui convient pas. Mais quand un paragraphe est achevé – et agréé –, il le recopie, à l'encre cette fois. Pour la lisibilité de la photocopie à venir. Laquelle sera expédiée à la dactylographie (" C'est mon infirmité, je ne sais pas taper à la machine "), l'envoi étant accompagné d'une bande-son du texte, dont il assure l'enregistrement pour en améliorer encore la lisibilité...
C'est ainsi que Pierre Dumayet a écrit pendant un an environ son Autobiographie d'un lecteur, achevée l'été dernier, à Bages (Aude). En pestant, parce qu'il était assis loin de sa bibliothèque parisienne et qu'il lui fallait sans cesse appeler des copains pour resituer une déclaration ou retrouver une date.

" Je n'avais pas envie d'écrire un livre sur la télé. Je n'ai pas de mémoire, le sujet m'ennuyait et, si j'avais dû le traiter, je n'aurais pas attendu aussi longtemps. Je crois qu'il est prématuré d'établir une philosophie de l'audiovisuel et, déjà, de le définir. "




Tout est parti de la proposition d'une journaliste amie qui l'incitait à relater son expérience de la télévision et qui, pour le convaincre peut-être de passer à l'acte, lui proposa un livre d'entretiens.
Dumayet soumis à la question pendant deux cents pages et plus, inimaginable !

Dumayet relisant les épreuves sans avoir connu le frisson sucré-salé du 2B demi-gras, mais c'eût été un détournement de souvenirs ! L'offre était refusée, mais l'envie d'écrire, enclenchée.

Avec, d'une page à l'autre, cette hantise : se faire comprendre par les plus jeunes. " J'avais peur de ne pas pouvoir, c'est idiot, hein ? " Et puis le vertige de l'écriture l'a emporté. En route, il s'avisait que la place prise par ses lectures dans le récit était de plus en plus grande. C'est comme ça qu'est née Autobiographie d'un lecteur, titre trouvé par l'éditeur...



" A quoi ça sert d'écrire un livre ? Je n'en sais rien... J'ai eu envie, comme ça... Un livre, c'est un paquet. Quand on l'ouvre et qu'on y trouve une tête de cheval, on est emmerdé, évidemment. Mais s'il s'agit de camemberts ou de chocolats, c'est acceptable...
Moi, j'ai fait un paquet, ficelé avec des lettres, comme ça venait. Un petit paquet, quoi... Avec des souvenirs que j'ai oublié de relater, sciemment, et d'autres que je n'ai pas oubliés, sciemment... "



Fichtre ! C'est un peu court et hermétique, mais c'est préférable au silence, n'est-ce pas ?
Pierre Dumayet s'aventurera encore à lâcher qu'il aime bien " écrire à haute voix ", parsemer son texte de " bon " et de " bien ", qui sont comme une ponctuation, un sémaphore dans le récit.
Occasion de célébrer les mérites du point-virgule, du deux-points et de souligner le plaisir d'aller à la ligne : " Le pêcheur que j'étais aime aller à la ligne, la relever, faire une pause. " Du sémaphore à la marine, il n'y avait qu'un signal, promptement fait pour rendre hommage à cette vivifiante pratique de la Royale, où, paraît-il, on salue tout ce qui bouge et on peint le reste...



Et puis, il a confié avoir une vieille tendresse pour l'adjectif " épatant ", qu'on a bien en bouche. Et une rogne persistante contre les producteurs de bordeaux, dont le prix prohibitif vous le retire de la bouche.

Et rendu justice à Bernard Pivot, qui l'a convié pour la première fois en octobre 2000 : " C'était sympathique de sa part de m'inviter ; on n'a jamais été très tendres l'un envers l'autre. C'est difficile de faire une émission littéraire ; je ne sais pas quelles questions j'aurais posées à quelqu'un comme Houellebecq... "



Parce qu'il faut vivre, et qu'il n'est pas pressé de raccrocher, Pierre Dumayet prépare avec son complice Robert Bober une suite de trois émissions sur les correspondances de Flaubert, de Van Gogh et de Kafka. " C'est intéressant. " Ah !


En plus d'un demi-siècle de télévision, il n'a jamais fait une seule émission politique et il n'a pas tellement de regrets : " La plupart des hommes politiques sont "ininterviewables", parce qu'ils ont toujours peur de se nuire. J'aime bien l'utopie, mais, comme il n'y a plus d'utopie depuis un certain temps, je ne vois pas de quoi on peut parler avec un politique. "




Depuis des années, rien ne l'agace plus que ces vains débats au cours desquels deux représentants de partis opposés s'affrontent à véhéments renforts de chiffres, qui sont toujours différents et irréconciliables. De sorte que chaque émission se termine sans que le spectateur ait pu savoir quels étaient les bons chiffres.



" J'avais proposé le truc suivant : au lieu de dire "merci, Messieurs" à la fin de l'émission, on leur dirait : "Puisque vous n'êtes pas d'accord sur les chiffres, vous allez rester là. Il y a des sandwichs, il y a même du savon à barbe pour demain matin et un téléphone pour joindre vos amis. Vous ne sortirez pas d'ici avant de vous être mis d'accord sur les vrais chiffres..."
Ces messieurs s'agiteraient devant nos yeux, on verrait le poil sortir de leur joue... Je n'ai jamais pu faire aboutir cette idée... " On se demande bien pourquoi.



Et si on testait l'idée de Pierre Dumayet à l'occasion des élections municipales, législatives ou présidentielles ?


Jean Belot Le 17 novembre 2011 / Télérama



Claude Lévi-Strauss (interview)






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