Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Maria Schneider Jeu 3 Fév - 18:25
Disparition de Maria Schneider, l'héroïne du «Dernier Tango à Paris»
Révélée par le film de Bernardo Bertolucci, l'actrice française est morte à l'âge de 58 ans.
Elle restera célèbre pour l’un des rôles les plus sulfureux de l’histoire du cinéma français, et du cinéma tout court: selon des informations confirmées par son agente à Slate.fr, l’actrice Maria Schneider, héroïne du Dernier Tango à Paris aux côtés de Marlon Brando, vient de mourir à l’âge de 58 ans.
Elle avait également joué dans Profession:reporter de Michelangelo Antonioni, La Baby-sitter de René Clément, La Dérobade de Daniel Duval, Merry Go-Round de Jacques Rivette ou plus récemment dans Les Nuits fauves de Cyril Collard ou Les Acteurs de Bertrand Blier. Elle y jouait, comme le reste du casting, son propre rôle et lançait: «Je suis heureuse d’avoir eu cette scène».
Son nom restera donc pour toujours attaché à Jeanne, l’héroïne du film de Bernardo Bertolucci, et plus particulièrement à une scène scabreuse où Paul (Brando) sodomise son personnage en s’aidant d’une motte de beurre. Un passage que le cinéaste italien avait raconté au New York Magazine, expliquant comment lui et Brando avaient piégé l’actrice en ne lui décrivant pas ce qui allait se passer:
«Elle criait, en partie parce qu’elle se sentait révoltée par moi et Marlon, qui faisait office de figure paternelle et la protégeait souvent. Je crois qu’elle s’est sentie trahie par nous, mais je ne vois pas comment j’aurais pu tourner la scène différemment. Je crois que si je lui avais dit, il aurait été très difficile d’obtenir ce genre de violence dans cette scène. En fait, si je lui avais dit, je ne vois pas comment elle aurait accepté»
Dans une interview accordée au critique de cinéma américain Roger Ebert en 1975, l’actrice se montrait elle élogieuse sur son partenaire de film:
«C’était merveilleux, pour une actrice encore débutante comme moi, de travailler avec lui. Il venait de finir Le Parrain, et était en plein comeback, et on aurait pu penser qu’il aurait envie de dominer toutes les scènes. Mais il me donnait l’avantage, du contenu pour travailler. Et il était brillant quand il improvisait»
«Actrice du temps suspendu»
Le film cause alors une telle bourrasque que la critique américaine Pauline Kael comparera sa première mondiale au festival du film de New York au chahut de la première interprétation du Sacre du printemps de Stravinsky, en 1913. Dans sa chronique, elle comparaît Maria Schneider à «un bouquet d’héroïnes des films de Renoir et des peintures de son père, portant toute l’histoire des passions cinématographiques sur ses longues jambes et sa figure angélique».
En 2001, Libération consacrait un portrait à ce «mystère» donnant «continûment la sensation de fuir», une «actrice du temps suspendu, de l'attente, de l'invention en figure libre», dont la filmographie «traversait les frontières du cinéma tel qu'il pouvait se faire, sans s'arrêter à la nature inconciliable des modes de production». Elle y expliquait sa carrière post-Tango:
«Je refusais les rôles directement hérités du Dernier tango, commençant à monter contre moi toute une frange de producteurs qui ne voient dans les actrices que de la chair fraîche et consommable, et je continuais à fonctionner sur des rencontres.»
Des rencontres qui se firent plus rares au fil des années, de nombreux producteurs étant apparemment effrayés par la réputation de l’actrice. D’où la question que posait le magazine Technikart, en 2003:
«Y’a-t-il en France un réalisateur à la hauteur de Maria Schneider?»
Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: Maria Schneider Jeu 3 Fév - 18:33
Maria Schneider, l'insaisie Le Festival de Créteil rend hommage à l'actrice du «Dernier Tango à Paris».
AZOURY PHILIPPE
Maria Schneider reste un mystère. En partie absente (injustement) depuis trop longtemps, fêtée tout au long du 23e Festival de film de femmes de Créteil, elle donne continûment la sensation de fuir. Echapper aux malentendus dans lesquels ont baigné ses débuts, à toutes références qui pourraient la cataloguer dans tel ou tel univers. L'ironie détachée de son regard, la douceur rauque de sa voix légendaire et l'attention qu'elle porte aux questions ne suffisent pas à dissiper cette impression que, dans le suspens de ses réponses, elle continue de se demander ce que l'on attend d'elle. A tort ou à raison, on devine une crainte: que dans les salons de l'Hôtel du Louvre, où elle donne rendez-vous ces temps-ci, on lui reparle de cette maudite motte de beurre salé dont Marlon Brando se sert dans le Dernier Tango à Paris (1972) pour la pénétrer, de ce beurre rance dont s'est délectée la presse de l'époque, propulsant la «jeune vierge de dix-neuf ans», fille «oubliée» de Daniel Gélin et que Brigitte Bardot hébergea entre 1969 et 1971, au rang de ce qu'elle appelle, non sans malice avec le mot du jour, une «bimbo». Mais une bimbo à crucifier, une sorcière. Du tourbillon des équivoques, elle espère aujourd'hui ne plus avoir à payer la note.
Faux-semblant. Le Tango, Maria Schneider dit l'avoir revu il y a deux ans. Trouvant le film daté, d'une provocation malhabile, elle n'en retient au final que deux ou trois choses: l'incroyable disponibilité de Brando, «qui a réalisé une large partie de la mise en scène, dictant à un Bertolucci soumis ce qu'il devait faire»; l'évolution chronologique du tournage, marqué par sa transformation physique («j'ai perdu dix kilos entre la première et la dernière prise»); ou cette inversion sexuelle qu'elle révèle aujourd'hui: dans le scénario originel, son rôle était celui d'un garçon: «Voilà qui rend toute relative la soi-disant provocante modernité du film, non?»
Il y avait pourtant, dans ces mystérieux rendez-vous en chambre que mettait en scène Bertolucci quelque chose de la nature d'actrice de Maria Schneider, une intuition de ce que sera son personnage à son meilleur: une actrice du temps suspendu, de l'attente, de l'invention en figure libre. L'idée, encore présente aujourd'hui, dans la virulence de sa beauté que quelque chose immanquablement va advenir, dont elle serait non pas l'instigatrice mais le détonateur: c'est la première demi-heure de Merry-go-round de Jacques Rivette, en 1977, où bouclée, dure, portant cuir noir, elle fait d'un rendez-vous manqué une traversée splendide dans le vide. Aussi, sa présence lointaine dans un Garrel invisible de 1976, Voyage au jardin des morts; et, bien sûr, son rôle de jeune mystérieuse, presque garçonne, au comportement de terroriste, avec qui Nicholson traverse la seconde partie de Profession: reporter de Michelangelo Antonioni (1973), qui reste le cinéaste ayant le mieux étendu les possibilités de suspension de son jeu. Car Maria Schneider est d'évidence l'actrice du devenir, complètement deleuzienne: «les devenirs, écrivait Deleuze dans ses Dialogues avec Claire Parnet, c'est de la géographie, ce sont des orientations, des directions, des entrées et des sorties. Ce sont des actes qui ne peuvent être contenus que dans une vie et exprimés dans un style. A mesure que quelqu'un devient, ce qu'il devient change autant que lui même.» (1)
Valeurs sûres. René Clément, Philippe Garrel, Comencini ou Rivette, Daniel Duval ou Antonioni, c'est là tout le mystère d'une filmo-géographie qui, dans les années soixante-dix, traversait les frontières du cinéma tel qu'il pouvait se faire, sans s'arrêter à la nature inconciliable des modes de productions. «D'un côté, je refusais les rôles directement hérités du Dernier tango, commençant à monter contre moi toute une frange de producteurs qui ne voient dans les actrices que de la chair fraîche et consommable, et je continuais à fonctionner sur des rencontres: Clément, je sentais que c'était quelqu'un qui pouvait beaucoup m'apprendre, il avait tourné avec des enfants, j'avais besoin de cela. Garrel, on avait la même bande, Nico, Clementi, Dominique Sanda qui devait faire le Tango à ma place. Quant à Rivette, il m'avait donné rendez-vous dans son café préféré des Champs-Elysées, complètement sous Tranxène, pour me proposer un film sans scénario préalable, où je jouerais avec les acteurs que j'aurais moi-même choisis. Carte blanche.»
L'incompréhension commence à partir de cette liberté inconditionnelle. Alors que Garrel s'étonnait de son professionnalisme, sur l'autre berge, celle du cinéma traditionnel, le nom de Maria Schneider commence à faire peur. Sans doute n'a-t-elle pas vu venir la scission des clans et des modes de production, telle que va l'orchestrer l'industrie du cinéma tout au long des années 80/90. Une période marquée d'un seul rôle important, dans Au pays des Juliet de Medhi Charef, et qu'elle traversera entre chaos et phases de stabilité: la machine cinéma n'oubliant qu'avec lenteur ses rapports (définitivement passés, «sept ans de ma vie, perdus») à la cocaïne ou à l'héroïne, sa relation d'autrefois avec l'héritière Joan Townsend sous les flashs des paparazzis romains, son féminisme rock n'roll. Aujourd'hui, elle lève les yeux, et on sait qu'elle n'a pas envie d'en parler, préférant d'une pirouette merveilleuse évoquer Greta Garbo, c'est-à-dire l'ambiguïté.
Nombre de messages : 19569 Age : 50 Localisation : dans la galaxie Date d'inscription : 02/05/2008
Sujet: Re: Maria Schneider Ven 4 Fév - 7:51
MARIA SCHNEIDER L'ENFANT PERDUE DU CINÉMA
Emportée par un cancer à l'âge de 58 ans, Maria Schneider a passé sa vie à courir après un bonheur qui lui filait toujours entre les doigts. En juin 1978, Paris Match avait retrouvé l'actrice meurtrie du "Dernier Tango à Paris". "Révoltée contre tout elle s'était enfuie et se cachait dans la forêt nordique".
Ce sont deux mystérieuses divinités de la forêt cachées tout là-haut, dans un royaume du silence bleu. Autour d'elles une lumière d'or. Et sûrement la foule invisible de trolls qui peuplent les légendes de Suède. Maria. Joan. Là, à cinq cents kilomètres de Stockholm, à dix kilomètres du village le plus proche, au milieu des provinces les plus désertes de toute l'Europe septentrionale, elles sont venues se réfugier. C'est peut-être là que Maria Schneider a les meilleures chances de retrouver les forces de l'espoir de la vie. Rappelons-nous. Maria Schneider, ce fut le scandale mais aussi le fabuleux succès du «Dernier Tango à Paris».
Le visage et le corps d'une gamine inconnue la veille et qui brutalement s'envolait au sommet de la gloire, avec son charme acide et son auréole de perversité ingénue. On aurait dit qu'elle n'avait pas de biographie — sinon ce genre de biographie irréelle des possédés du cinéma, fabriquée de toutes pièces avec des ragots, des songes et des forfanteries. Son père est Daniel Gélin. A-t-il souhaité que sa fille entre, après lui, dans ce métier de détresse et de fascinations? On ne sait pas. A quinze ans, Maria quitte l'école, prend pour pseudonyme le nom de sa mère et débute au «Théâtre 347» dans «Superposition», de René Ehni, où elle joue le rôle d'une danseuse.
Elle est alors une sorte de Brigitte Bardot pour temps de contestation générale, seins encore enfantins sous la courte tunique, un érotisme de fruit vert, longues jambes de pensionnaire moulées dans les hautes bottes que chérissent les grisonnants amateurs de Lolita. Une biche impudique. Elle a été cover-girl, bien entendu. Elle tourne une poignée de films qu'il ne sert à rien de citer aujourd'hui. Elle attend. En peignant des toiles naïves. En se mêlant aux hippies de Chelsea, ou de la Costa del Sol. En 72, Bernardo Bertolucci, qui veut tourner «Dernier tango à Paris», cherche la partenaire idéale pour Marlon Brando. Bertolucci se rappelle que cette petite actrice, fille de Daniel Gélin, qui a été un grand ami de Marlon Brando. Maria éclate de rire.
– Brando, pour moi, c'était l'idole de ma grand-mère! Il avait 48 ans!
Un grand bonhomme, ce vieux Brando, quand même. Et pour tout dire: un géant. A l'idée de lui être présentée, elle est folle de panique.
- C'est lui qui est venu vers moi sur le plateau. J'aurais voulu disparaître sous la terre! Il m'a prise dans ses bras et m'a dit: “Allons, n'aie pas peur. Nous allons tourner deux mois ensemble, mais ça se passera très bien, tu verras…”»
Aujourd'hui, elle songe à ces instants-là. Elle a toute la durée des jours et des nuits pour revoir sa vie, essayer de mettre un peu d'ordre dans tout ce tourbillon qui l'avait saisie il y a six ans, qui l'a emportée, et où elle a failli se perdre.
AVEC JOAN ELLE CHERCHE À OUBLIER LE CAUCHEMAR DU TANGO
- Ici, poursuit-elle, on n'entend que les oiseaux. On ne pense à rien. Boire du thé. Manger des fruits. C'est ça, la vie. Mais je me demande pourquoi je vous raconte tout ça. Je n'ai pas à me justifier. On pense de moi ce qu'on veut, que je suis une paumée, une droguée, une camée mal peignée, que j'ai mauvais caractère. Je m'en fous…» Mais les spectateurs n'ont pas besoin de savoir que la petite Maria, après le tournage de la fameuse «scène du beurre», a été se cacher au fond de sa loge, et a pleuré toute la nuit comme une enfant.
C'est loin. C'est tout proche. «Le dernier tango», elle a beau dire, l'accompagne ici, en Suède, au milieu de cette magie de feuillages, sous la clarté de l'été septentrional.
Parce qu'après le film, ce fut la curée. On se bousculait pour aller voir la scène graveleuse, en oubliant souvent ce qu'il y avait de transparent et de sublime dans le «Tango». A Rome, où elle était allée tourner «Jeune fille libre le soir», de René Clément, on l'insultait dans la rue, au restaurant. Un journal osa titrer: «Maria fait son beurre à Rome». Un fabricant de produits laitiers mit son portrait sur des paquets de beurre.
Elle se tint le front haut sous la provocation. Trop, au goût du public. On lui prêtait des aventures? Elle en revendiqua des dizaines. Avec des hommes? Oui, et de toutes les manières, et avec des femmes aussi, voyez le kamasoutra, et la drogue en plus si ça vous plaît! Toutes les drogues! Le haschich et même l'héroïne!
En plein tournage, elle se fait enfermer à l'asile psychiatrique de Rome, pour rejoindre une amie, une Américaine de 28 ans. Puis, tout à coup, l'envie de partir bien loin, dans un monde végétal, un conte à la Selma Lagerlöf. Elle est venue en Suède. Avec une amie, Joan Anderson, photo-modèle international. L'ex-femme du trompettiste Quincy Jones, celui qui a composé la musique du film «Racines». Joan est belle, douce. C'est la grande sœur raisonnable. Il y a de bons génies dans la forêt suédoise. L'armée immobile des arbres sait la légende du rameau vert qui donne le bonheur à celui qui le trouve – Tolstoï a voulu que près de sa tombe à Iasnaïa Poliana une phrase écrite sur un panneau rappelle cette légende. La verte paix, par-delà le bien et le mal.
Il était une enfant trop vite montée vers la gloire. Elle ne savait comme il est lourd le prix à payer, quand on a fasciné avec son corps, ses gestes, des millions de regards. A qui l'expliquer? Pour vous écouter, il n'y a que les arbres. Pour vous guérir aussi.
Nombre de messages : 12721 Date d'inscription : 03/05/2008
Sujet: Re: Maria Schneider Dim 6 Fév - 0:31
Jacques Higelin Ci-Git Une Star
Dans le couloir Bleu électrique De la clinique Git une star Dehors la brume Envahit le trottoir De son grand blouson noir D'amertume et de spleen
Sur le boulevard Un grand gosse un peu pâle Déchire une photo ça lui fait mal Ce regard qu'elle avait Quand elle riait Couchée sur sa moto Rouge comme du sang chaud
Tous les macs de Pigalle L'a noyaient de cadeaux Tous des salauds Sauf le p'tit Jim Qui lui claquait son fric Dans les bars de Soho Qu'il était beau En descendant du ring Inondé de bravos
Dans le couloir Bleu électrique Git une star Lèvres ouvertes Au baiser Du néant Elle murmure en souriant Je t'aime à en mourir.