CharlÉlie CoutureIl voulait devenir cinéaste. Il est chanteur, compositeur et plasticien.
L’artiste, qui photographie New York, sa ville d’adoption,
ne s’est d’ailleurs jamais séparé de sa “boîte à mémoire” depuis qu’il a reçu,
pour ses 7 ans, un appareil Kodak.
Quels que soient le pays, l’heure, sa destination,
avant de refermer la porte de l’endroit qu’il habite,
il vérifie toujours que son appareil photo, sa « boîte à mémoire »,
est bien dans sa poche.
New York by CharlElie* réunit des images de la ville, parfois juxtaposées,
graffitées ou tirées sur bâches :
sa nuit, ses rues, ses lignes, ses ombres, sa fumée, ses arbres,
son port, ses super-héros.
Et même l’atelier de l’auteur à Manhattan, où il est installé depuis 2004.
NAISSANCE. Bertrand-élie est né à Nancy, le 26 février 1956.
Sa mère est prof de français, son père antiquaire.
Il a un frère Jean-Thomas (qui deviendra Tom Novembre),
et une sœur, Sophie, alias Suryadevi, qui vit en Australie.
PREMIER SOUVENIR. « Dans mon berceau, le bruit de l’aspirateur. Depuis, j’adore les souffleries,
ça me donne des frissons. À New York, c’est une symphonie ! »
HERITAGE. Il apprend très jeune le piano, l’harmonie,
le sens de la rigueur (avec sa grand-mère) et la guitare.
Enfant, il fabrique des sculptures dans les ateliers d’ébénisterie
qui jouxtent le magasin d’antiquités.
« Ma mère m’a fait découvrir Boris Vian,
et l’érudition de mon père était mon Google à moi.
Je pouvais lui demander qui était le sanglier des Ardennes ! »
Petit,il aime qu’il lui raconte ses drôles d’histoires,
comme celle du hanneton et du peigne cassé.
PHOTO. Pour ses 7 ans, il reçoit un boîtier Kodak.
à 12 ans, il tire ses premières photos en noir et blanc dans la cave :
des canards dans la mare de Domrémy-la-Pucelle (88),
saisis lors d’une promenade en famille.
Il aime le côté chimique de la révélation de l’image.
Avec son frère, ils montent des spectacles :
écriture le samedi, représentation le dimanche.
L’entrée du pavillon sert de théâtre à leurs histoires pseudo-policières,
avec des ombres chinoises pour les scènes d’action.
ECOLE. Il ne l’aime pas.
Alors qu’il est interne à Lunéville (54),
le surveillant le prive de son heure de piano hebdomadaire
quand il l’entend jouer du jazz.
« Dans la famille, on ne rigole pas avec l’art.
J’ai vu mon père s’adresser au pion avec fermeté avant de m’envoyer
un battement de paupières…
J’ai détesté la dureté, la sévérité, la méchanceté de ces deux années,
mais j’y ai grandi. À 16 ans, j’ai plaqué mes parents pour faire la route.
J’ai connu l’utopie des communautés.
J’ai obtenu mon bac avec mention en candidat libre.
J’ai aussi été embouteilleur dans une fabrique d’alcool,
trieur à la poste, garçon de café, débardeur au Sernam. »
P4. « Réformé pour lordose, bégaiement, tendance homosexuelle,
propension à l’alcoolisme et hallucinations,
j’ai mis trois mois à m’en remettre.
Je portais un costume trop grand, des chaussures trop petites,
je m’étais enfermé dans une telle bulle psychologique ! »
COLUCHE. « Aux Beaux-Arts de Nancy, dans le courant “multiste”, j’étais la grande gueule.
Pour ma thèse de fin d’étude sur “la polymorphie de l’esprit”,
j’ai présenté des travaux aboutis sans corrélation :
photos, textes, peintures, sculptures et un disque autoproduit,
“12 Chansons dans la sciure”.
à cette époque, j’ai rencontré Coluche qui jouait l’Inspecteur la Bavure
au café de la Gare, à Paris.
J’allais signer avec un impresario, il m’en a dissuadé,
et celui qui pensait que l’affaire était faite a tombé le masque
en me traitant de tous les noms.
J’étais mal, Véronique Colucci m’a invité à crécher rue Gazan et Coluche
m’a proposé de faire sa deuxième partie.
La salle se vidait, il n’y restait que quinze ou vingt personnes. »
BLACKWELL. Le metteur en scène Jean-Henri Meunier l’enregistre sur un Dictaphone,
envoie la cassette à Chris Blackwell aux Bahamas.
Deux mois plus tard, il le rappelle :
« T’aurais pas une autre cassette ?
Le magnéto a merdé, mon avion décolle demain matin… »
Charlélie enregistre dans la nuit et, trois semaines plus tard,
il signe avec Island Records.
Il sort son premier « vrai » album en 1981, « Pochette Surprise », puis, juste après,
« Comme un avion sans ailes ».
« On venait de faire un bœuf avec Ringo Starr, au studio Compass Point,
à Nassau, quand il a appris la mort de John Lennon. Il a disparu. »
RENAISSANCE. Son père, orphelin, résistant, avait entamé des études d’architecture,
interrompues par la Gestapo :
en juillet 1944, il partait dans le dernier train pour Buchenwald.
élevé en dehors de la religion, Charlélie se convertit au judaïsme à 40 ans.
« Une seconde naissance. »
NY.
« Après la mort de mon père, je suis parti me reconstruire
dans une ville en reconstruction, en 2004.
Lors d’un concours d’arts plastiques à la Drac d’Amiens, on m’a asséné :
“Mais, si vous étiez artiste, ça ce saurait.”
Ça m’a éventré. J’ai débarqué à New York avec un contrat d’observateur
de six mois, puis j’ai obtenu la carte Verte.
La France avait une telle haine des états-Unis que les candidatures
n’étaient pas nombreuses. »
(*) Aux éditions du Chêne (192 p., 150 illustrations, 39,90 €).
Laurence Durieu
VSD
GALLERIE CHARLELIE A VOIR :http://gallery.charlelie.com/