Henry Moore s’invite chez RodinLe musée Rodin à Paris recrée l'atelier d'Henry Moore. C'est la première rétrospective qui lui est consacrée dans la capitale, depuis plus de trente ans.Moore dans son atelier du « haut » à Perry Green, 1952 (Photo : Roger Wood) - Henry Moore FoundationA la manière du Centre Pompidou avec Brancusi ou à Dublin avec Bacon, le musée Rodin à Paris a reconstitué l’atelier d’Henry Moore (1898-1986).
Cette exposition, Henry Moore l’atelier, sculptures et dessins, est la première depuis plus de trente ans. Elle évoque l’atmosphère de son atelier à Perry Green, en Angleterre, et permet de mieux faire comprendre le travail du sculpteur.
Avec plus de 150 sculptures de petites tailles, mais aussi de monumentales dans la cour de l’Hôtel Biron, de grandes maquettes, et une cinquantaine de dessins, l’exposition invite le visiteur à pénétrer dans l’imaginaire de l’artiste.
Même si l’on ne peut pas parler de filiation entre le sculpteur français et l’anglais, «je crois vraiment que je n’ai pas été réellement influencé par Rodin, mais je sais le rôle capital qu’il a joué dans l’histoire de la sculpture», soulignait Moore à l’Oeil en 1967.
Malgré tout, cette rétrospective est l’occasion de renouer les liens établis dès 1956 entre Moore et le musée Rodin, notamment lors des expositions internationales organisées dans les jardins de l’hôtel Biron, puis à l’occasion des deux expositions qui lui ont été consacrées en 1961 et 1971.
L’atelier «Bourne maquette studio». Henry Moore FoundationRéfugiés du métroSculpteur avant tout, Moore n’en était pas moins un excellent dessinateur, c’est par ses dessins que s’ouvre l’exposition.
Après la sculpture en taille directe sur le bois ou la pierre, Henry Moore commence à modeler ses plâtres, en 1940, l’année où il commence à dessiner des réfugiés dans les abris du métro londonien durant le Blitz.
Cette série ainsi que celle sur les mineurs anglais, seront publiés dans la presse et le feront connaître du grand public.
C’est cette année-là que Moore installe son atelier à Perry Green, dans le Hertfordshire.
Study for «Tube Shelter Perspective: The Liverpool Street Extension» [Étude pour «Perspective de l’abri dans le métro: l’extension de Liverpool Street »]. Page du second carnet de croquis « Abri », 1940-1941.Reconstitué au cœur de l’exposition, celui-ci permet de mieux saisir l’univers de l’artiste.
En pleine seconde guerre mondiale, il arrête la taille directe - la pierre se faisant rare-, Moore se met modeler des études en trois dimensions, à partir de terre et surtout de plâtre.
Notamment, à partir d’objets qu’il ramasse dans la nature, ossement d’animaux, coquillages, morceaux de bois, dont son atelier regorge et qui témoignent de ses réalisations et de ses projets.
Il réalise alors des petites figurines qui tiennent dans le creux de la main. Mais qu’il agrandit ensuite et qu’il multiplie.
Exemple, cette petite Arche haute de 13 cm qui lui sert de point de départ à celle monumentale exposée dans la cour et qui mesure plus de six mètres.
Moore part de rien, d’un bout d’os qu’il recouvre de plâtre pour en faire une figurine, il prend ensuite un moule de celle-ci pour en faire une œuvre à part entière.
Comme nombreux de ses contemporains, il fréquente le British Museum, non pour l’art antique, car c’est surtout la découverte de l’art primitif -notamment mexicain et aztèque- qui le fascine.
De 1930 à 1980, les figures couchées et les Mères à l’enfant seront ses grands thèmes de prédilections, comme par exemple: Reclining Figure: Angles [Figure couchée: angles] 1979.
Reclining Figures [Figures couchées] - Page du carnet «Têtes, figures et idées», 1955-1956
Henry Moore FoundationAinsi que de nombreuses autres petites pièces sur le même thème. Mais aussi, ses femmes assises (Seated Women), thème sur lequel il a travaillé pendant trente ans, et apparait sous différents formats et différentes formes.
Maquette for Seated Woman [Maquette pour Femme assise], 1956.
Henry Moore Foundation
Bout de bois, cailloux, silexDurant toute sa carrière Moore reviendra sur l’idée de jeu entre formes intérieures et formes extérieures, évoqué notamment avec des Helmet Heads (têtes en forme de casque) ou une grande Upright Internal / External form de 1952-1953.
«Je veux que ma sculpture ait cette énergie interne, cette pulsion vers l’extérieur », déclarait-il en 1967, à la revue l’Oeil. La nature qui l’entoure et le fascine est également source d’inspiration. Il travaille en symbiose avec celle-ci, bout de bois, cailloux, silex…
Où encore ce crâne d’éléphant qu’il reçoit comme cadeau, et qu’il dessine à maintes reprises et lui inspire la Grande Arche et les têtes casquées.
Petites et grandes, que l’on découvre dans la dernière galerie, toutes ces pièces sont magnifiques, sensuelles, lisses, au point que l’on a envie de les toucher – mais seulement avec les yeux.
Quand on parle de plâtre on imagine un univers blanc, rugueux. Ceux-ci au contraire, sont patinés, dans une couleur verte qui se rapproche du bronze.
On est loin de ses illustres sculptures qui sont exposées dans le monde entier, mais quel véritable bonheur !
Working Model for Sheep Piece [Maquette de travail pour pièce de mouton], 1971.
Henry Moore FoundationPar DOMINIQUE POIRET / Libération
Henry Moore, l’atelier, Musée Rodin, 79 rue de Varenne, 75007 Paris Tous les jours sauf lundi, 10h-17h45 Tarifs: 7€ / 6€ / 5€, gratuit pour les moins de 18 ans