INTERVIEW - À 29 ans, la soliste de l'Orchestre national de France surfe sur le succès du film de Radu Mihaileanu. C'est elle qui interprète le concerto de Tchaïkovski dans la scène finale. Elle publie son premier disque, Gypsic, en juin.
LE FIGARO. - Comment vous êtes-vous retrouvée à l'affiche du film de Radu Mihaileanu ?
Sarah NEMTANU. - Grâce au compositeur Armand Amar, à qui Radu Mihaileanu avait confié le soin de réaliser la bande originale du Concert. Il avait entendu parler de moi par un ami commun du conservatoire et avait déjà eu recours à mes services pour jouer sa propre musique. Dans la scène finale du Concert, scène qui a fait pleurer tant de spectateurs, Mélanie Laurent devait incarner une violoniste en train de jouer, au Châtelet, le Concerto opus 35 de Tchaïkovski.
Dans un premier temps, mon rôle s'est limité à enregistrer l'œuvre, mais par petits bouts : le concerto dure habituellement 35 minutes.
Là, Radu n'en voulait que 12 minutes et 18 secondes pour correspondre au découpage de sa scène. En mélomane averti, il savait où couper pour que la musique colle au mieux aux émotions qu'il voulait transmettre à l'écran… Nous avons surtout conservé les premier et troisième mouvements.
Vous avez aussi coaché Mélanie Laurent ?
Oui. Au départ, je devais juste lui jouer le concerto pour qu'elle s'imprègne du son du violon. Radu a vite vu que nous nous entendions très bien. Il m'a donc demandé de la coacher.
Sachant que le tournage démarrait en août 2008, j'avais six mois pour que Mélanie soit crédible en violoniste. Nous nous sommes vues deux à trois fois par semaine pendant deux heures. Je lui ai appris le violon de façon ludique, sans jamais lui dire que c'était l'instrument le plus difficile au monde !
Je me suis surtout concentrée sur les mouvements de l'archet avec la main droite. Pour la main gauche, l'équipe du film a utilisé une «doublure main» en la personne de Mathilde Borsarello (également violoniste à l'Orchestre national de France) car j'avais des mains trop grandes pour celles de Mélanie, et pas la même couleur de cheveux.
Depuis, je suis restée amie avec Mélanie et elle vient volontiers m'écouter en concert.
Quelles conséquences ce film aura-t-il sur votre carrière ?
Au cinéma comme avec le DVD, beaucoup de spectateurs ont été si émus par la musique de Tchaïkovski qu'ils sont restés jusqu'à la toute fin du générique afin de connaître le nom de l'œuvre et de l'interprète.
Du coup, je reçois encore aujourd'hui des centaines de messages via Facebook, de gens qui me félicitent et me demandent où ils peuvent aller m'écouter. J'espère que ce succès aidera aussi à faire connaître mon premier album qui est justement produit par Armand Amar.
Quel en sera le programme ?
Il n'y aura pas de Tchaïkovski mais des pièces classiques pour violon, évoquant l'esprit tzigane et dont l'accompagnement a été réarrangé pour des instruments et des rythmes des Balkans (avec percussions, cymbalum…).
C'est à la fois un hommage à mes origines roumaines et un moyen de donner un peu de fraîcheur au classique. Le Concert a aussi changé ma façon de voir la musique : je me suis aperçue que les grandes œuvres du répertoire, sorties du cadre classique, pouvaient avoir un impact populaire très fort.
Deux millions d'entrées au cinéma pour Tchaïkovski, c'est aussi bien que le million d'albums vendus par Roberto Alagna pour Sicilien et Luis Mariano, non ?
CD Gypsic (Naïve), sortie le 1er juin. En concert les 3 et 4 juin au Festival de Saint-Denis avec l'Orchestre national de France.
Bridget
Nombre de messages : 2631 Age : 73 Localisation : Paris Date d'inscription : 13/05/2008
A 28 ans, Sarah Nemtanu, interprète habituée à la fréquentation des orchestres les plus renommés, fait paraître son 1er album, malicieusement intitulé Gypsic. La jeune violoniste française d’origine roumaine, à qui son producteur Armand Amar et Naïve ont donné carte blanche pour ce disque, s’est amusée à déconcerter son auditeur sans rien renier de sa passion pour la musique savante.
C’est au contraire, dit-elle, pour lui apporter un « coup de fraîcheur » qu’elle a mis tout son talent dans l’exécution de pièces de répertoire classique dont les arrangements font ressortir la fibre balkanique.
Le premier violon solo de l’Orchestre National de France, qui est aussi la « vraie » violoniste du fameux film Le Concert avec Mélanie Laurent, est une musicienne bohème et cosmopolite : dans ce premier disque, elle brouille un peu plus les pistes en s’associant à Chilly Gonzales sur quatre titres, connu pour ses improvisations pianistiques et sa familiarité avec la musique électronique.
Attentif autant que brillant, le pianiste insuffle sa folie douce et son extravagance en filigrane de fidèles exécutions, le Blues, La Berceuse de Ravel, ou Tzigane simplement accompagnée d’un luthéal comme le souhaitait le compositeur, par Romain Descharmes.
Le résultat est un mélange surprenant, qui impressionne par sa précision respectueuse autant qu’il séduit par son insoumission aux formes et aux genres : le bien nommé Gypsic est un « hors-la-loi » qui repousse les frontières académiques.
GYPSIC
Vittorio Monti 1868-1922 Czárdás
Maurice Ravel 1875-1937 Tzigane Berceuse sur le nom de Gabriel Fauré Blues (de la sonate pour violon et piano)
Georges Enesco 1881-1955 Sonate n° 3 en la mineur « dans le caractère populaire roumain » op.25