Réseaux 3G saturés : la France est-elle menacée ?
Par Guerric Poncet
Le Point
Les réseaux 3G sont-ils suffisamment dimensionnés pour l'Internet mobile ? Les réseaux de téléphonie mobile vont-ils s'écrouler en 2010 ? A priori, pas en France. Mais les opérateurs seront probablement obligés de brider encore plus les échanges de données, en raison de la saturation des réseaux. Alors que les communications purement vocales étaient bien maîtrisées, l'arrivée des échanges de données a tout changé. Les smartphones tels que les iPhone ou les BlackBerry sont beaucoup plus gourmands puisqu'ils permettent de surfer sur Internet, d'envoyer des emails, de regarder la TV, etc. Du coup, les réseaux vieillissants peinent.
Des signaux d'alarme viennent d'être tirés à l'étranger. En Grande-Bretagne, l'opérateur O2 a reconnu que l'iPhone avait été responsable de la saturation de son réseau londonien. L'opérateur britannique disposait jusqu'à récemment de l'exclusivité sur les ventes d'iPhone. Or, chez O2, depuis l'arrivée du smartphone d'Apple, le trafic de données a été multiplié par dix-huit. Un autre signal d'alarme a été tiré à New York par le géant des télécommunications AT&T, lui aussi heureux détenteur de l'exclusivité sur les ventes d'iPhone. Sans fournir aucune explication, l'opérateur a suspendu les ventes de l'appareil via Internet, pour les clients habitant au centre de New York et dans le nord-est de l'État du New Jersey , confortant les rumeurs selon lesquelles AT&T ne dispose pas d'un réseau suffisamment puissant dans cette zone. La presque-île de Manhattan est l'une des plus grandes concentrations mondiales de smartphones, si ce n'est la plus grande, et son réseau mobile est mis à rude épreuve.
Les clés 3G responsables de la saturation ?L'iPhone focalise à la fois des applications très gourmandes et des utilisateurs très technophiles. Alors, le téléphone star d'Apple est-il responsable de la saturation ? Amusé, un porte-parole de Bouygues ironise : "L'iPhone focalise surtout l'attention des journalistes : les clés 3G sont beaucoup plus gourmandes et génèrent un usage très conséquent." Une position partagée par Orange et SFR, qui confirment que ces clés USB, qui permettent de connecter un ordinateur à Internet via le réseau de téléphonie mobile, consomment énormément de ressources réseau. Et pour cause : l'utilisation d'Internet depuis un PC entraîne beaucoup plus d'échanges de données que lorsque c'est un smartphone qui est utilisé, car les applications ne sont ni bridées ni optimisées pour le réseau 3G.
Les cas de saturation à l'étranger peuvent-ils inquiéter les opérateurs français ? "Le réseau 3G américain est incomparable avec le réseau français", nous confie un porte-parole d'Orange. Les États-Unis n'ont pas beaucoup investi dans leur réseau de téléphonie mobile... qui se retrouve totalement dépassé par l'évolution des usages. En France, les opérateurs sont confiants. Ils investissent plusieurs milliards d'euros chaque année pour développer leurs infrastructures mobiles (3 milliards pour Orange, 1,4 milliard pour SFR). "Nous assistons actuellement à un boom du mobile comparable à ce que l'on a pu observer en 2000-2002 sur le réseau fixe", explique SFR, en référence au développement fulgurant du haut débit et du téléchargement à grande échelle, notamment via l'ADSL.
Orange dénonce la polémique sur les antennes-relais
Le développement de l'Internet mobile n'est pas un enjeu nouveau. Il semble toutefois avoir été mal anticipé par les opérateurs, particulièrement en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne. Ces pays sont déjà célèbres pour leurs réseaux électriques ou ferroviaires peu performants, il faudrait désormais ajouter à cette liste la faible capacité de leurs réseaux de téléphonie mobile. En France, les opérateurs disent ne pas souffrir de la saturation des réseaux. "Dès 2005, Didier Lombard avait parfaitement intégré la montée des usages mobiles", se vante un porte-parole d'Orange. "Ce n'est pas un enjeu nouveau", explique de son côté SFR, qui dit aussi avoir "anticipé depuis plusieurs années" l'explosion des échanges de données. Malin, Bouygues profite même de sa petite part de marché pour briller : "Nous avons le même réseau qu'Orange et SFR, mais avec deux fois moins de clients : notre bande passante est donc loin d'être entièrement mobilisée." Les opérateurs occultent pudiquement le principe de "fair use" (utilisation raisonnable) qu'ils imposent à leurs clients, bridant leurs échanges de données lorsqu'ils dépassent un seuil mensuel...
Grâce notamment aux 1,3 million d'iPhone qu'il a vendus en France, Orange a le plus grand parc de smartphones dans l'Hexagone. Mais l'opérateur s'inquiète de la saturation des réseaux sous un autre angle : "Le problème réel, notamment à Paris, ce serait plutôt celui des antennes-relais", explique un porte-parole. Pour Orange, il en faudrait plus. "Avant, il fallait six mois pour installer une antenne, et maintenant avec la polémique sur les risques sanitaires, il faut 24 mois." "À Paris ou à Lyon par exemple, nous pourrions fournir un meilleur service à nos clients si on nous laissait faire notre travail correctement", s'insurge le porte-parole. Bouygues, de son côté, confirme qu'il est "plus compliqué de déployer des antennes", mais contredit Orange sur un point : "Il est hors de question de mettre davantage d'antennes pour pallier une éventuelle saturation de réseau." Même son de cloche chez SFR, pour qui "le déploiement des antennes n'est pas vraiment le problème".
Tous sont en revanche d'accord pour dire que la convergence fixe-mobile est un atout majeur, car elle permet de faire passer une partie des communications mobiles par le réseau fixe, lorsque l'opérateur dispose des deux types d'infrastructures.
Un atout que le fournisseur d'accès à Internet Free compte bien exploiter dès qu'il sera entré sur le marché du mobile, fin 2011 ou début 2012.
L'inventeur de la Freebox a d'ailleurs promis de déployer un réseau ultra-moderne,
taillé pour l'Internet mobile.