Morley, la nouvelle voix folk de l’Amérique Portrait . La chanteuse new-yorkaise engagée revient en France avec Seen, album au registre « spirituel et sensuel ». En attendant son concert à La Maroquinerie fin janvier.
Il y a des voix auxquelles on s’attache immédiatement, sans réellement savoir pourquoi. Question d’atmosphère, de musicalité, de phrasé caressant. C’est le cas de Morley, une chanteuse américaine dont les chansons folk-pop vous accompagnent jusqu’au bout de la nuit. Morley est d’une douceur à toute épreuve. Blonde au teint diaphane, elle dit volontiers ne croire qu’à « la gentillesse », à ses yeux de loin préférable aux rapports hostiles qui font trop souvent notre quotidien.
Telle est la manière pleine de sagesse qu’a la chanteuse de vouloir faire avancer le genre humain. Humanité, bonté, paix et harmonie sont les voeux qu’elle forme en cette nouvelle année déjà trop marquée par les guerres : « Tout commence par l’attention aux autres », dit-elle. Une philosophie humaniste que l’on retrouve dans son nouvel album, Seen, aux sonorités variées empreintes de folk, de soul, voire de country : « C’est juste de la love music », confie-t-elle. Après Days like These, précédent album, elle livre avec Seen un opus plus « personnel », au registre à la fois « spirituel et sensuel ». Autant de sentiments avec lesquels elle se sent en osmose : « Pour moi, celui qui n’est pas spirituel n’est pas sexy. C’est quelqu’un de mort. »
Née dans le Queens à New York, quartier de métissages culturels, c’est ici qu’elle s’est familiarisée avec les sonorités issues du reggae, du hip-hop ou des musiques jamaïcaines. Avant d’imaginer être chanteuse, elle a d’abord rêvé à la danse, classique et moderne. Mais une blessure l’empêcha de persévérer dans cette discipline, sa première passion, qui l’avait amenée à fréquenter l’école de danse d’Alvin Ailey. Plus tard, elle participe à quelques expériences originales d’écriture musicale et de danse, où les chorégraphies se mêlaient aux mots. Il y eut aussi la scénographie du spectacle We Insist ! du batteur de jazz Max Roach, avec lequel elle a adoré travailler : « Quand il m’appelait le dimanche, il était toujours très encourageant : "Fais ce que tu sens", disait-il. Il parlait peu mais chacun de ses mots était profond. J’avais un bon feeling avec lui. Pour moi, il était révolutionnaire en ce sens qu’il pensait que tout le monde pouvait être libre dans sa tête. »
Née pour panser
les mauxDe son quartier d’enfance à New York, Morley se souvient de musiciens, un pianiste jazzy, un batteur, mais aussi Jeff Buckley, qui ont beaucoup compté dans son désir de faire de la musique, « des amis du quartier avec lesquels je traînais. Jeff Buckley était quelqu’un de super positif quoi que tu fasses. Quand je dansais, il disait "c’est génial !". Il encourageait tout le monde ». À l’origine d’un urban folk très apaisant, Morley semble être née pour panser les maux d’une société passablement déboussolée. Engagée dans différentes actions humanitaires, elle agit sur le terrain, en Afrique, en Tanzanie, dont elle revient, comme au Ghana, au Kenya, ou pour la cause des enfants du Darfour. Elle a ainsi participé à un concert humanitaire à Cape Town, en Afrique du Sud, en 2001, qui avait réuni de nombreuses personnalités, dont Nelson Mandela.
Un autre de ses combats est l’écologie et la protection de l’environnement. Elle a tenu à ce que la pochette de son album soit imprimée sur du papier recyclé : « C’est important de se bouger sur cette question primordiale, qu’est notre devenir. Avant, aux États-Unis, les gens se fichaient un peu de l’environnement. Maintenant, il y a une prise de conscience qui s’effectue. On progresse dans l’idée qu’il faut se préoccuper de la planète. Il faut agir ensemble et individuellement. » Inscrite dans la longue tradition des « protest singers » américains, on l’a vue se produire au Carnegie Hall à l’occasion d’un hommage à la chanteuse Joni Mitchell, dont elle a quelques accents. Parmi ses influences, elle cite la grande chanteuse noire Nina Simone, mais également Sweet Honey in the Rock, un groupe de gospel des années 1960 engagé dans la cause des droits civiques des Noirs américains.
Inquiète par
la guerre en IrakEn tant que citoyenne américaine, la guerre en Irak fait naturellement partie de ses inquiétudes. À la suite de la lecture d’un article du New York Times sur les femmes-soldats violées par des militaires américains, elle a écrit No Evidence : « Je me suis mis dans la tête de la fille violée, dans celle du soldat ou du commandant. C’est comme un cercle infernal. Un viol, c’est prendre une vie. » Et Morley d’ajouter : « Cela me gêne quand j’entends des gens dire : l’Irak, c’est loin, ça ne me regarde pas. Je n’aime pas ce côté de ceux qui ne se sentent pas impliqués par ce qui se passe dans la réalité. » Les guerres, le réchauffement climatique, les enfants victimes de divorces, la religion, les images vues à la télévision… sont autant de thèmes qui forment la pâte de Seen : « On voit tout cela, on mémorise et ça fait mal », ajoute Morley.
Alors, forcément, l’élection présidentielle à venir aux États-Unis, elle s’y intéresse comme nombre d’Américains : « Obama a vraiment un bon discours. Il parle, les gens pleurent. C’est un très bon orateur. » La chanteuse croise les doigts : « On verra bien ce qui va se passer : Inch’Allah ! »
Album Seen Polydor-Universal. Concert : 23 janvier
à la Maroquinerie,
23, rue Boyer, Paris 20e.
Victor Hache
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du 11 janvier 2008
myspace de Morley :
http://www.myspace.com/morleymusic