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  Jean Piat, la mort d'un honnête homme

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Bridget




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MessageSujet: Jean Piat, la mort d'un honnête homme    Jean Piat, la mort d'un honnête homme EmptyJeu 27 Sep - 1:04

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Jean Piat, la mort d'un honnête homme


 Jean Piat, la mort d'un honnête homme Jean_p10





VIDÉO. L'acteur, incarnation de l'honnête homme, a passé 27 ans à la Comédie-Française et incarna formidablement Robert d'Artois dans « Les Rois maudits ».





Il arrivait, richement vêtu d'un manteau rouge et l'écran de nos téléviseurs semblait trop petit pour contenir l'immense comte Robert d'Artois, personnage fabuleusement retors et conquérant de la saga Les Rois maudits de Maurice Druon.

Et la fascination commençait. Jean Piat, mort à 93 ans ce mardi à 21 heures à l'heure où les rideaux rouges se lèvent dans les théâtres, restera à jamais l'homme aux mille complots, le faiseur de mal, fabuleux diable séducteur, le neveu mauvais de Mahaut d'Artois, incarnée par la géniale Hélène Duc. Ce « feuilleton » fut l'un des plus grands succès de la télévision publique et le grand sociétaire de la Comédie-Française, génial en ce rôle, mettait tout le monde à genoux.


Car ce comédien qui put s'enorgueillir de 27 ans de « Français » était l'un de ces formidables hommes de théâtre qui savait séduire, convaincre, jouer de sa superbe, puissamment porté par une voix reconnaissable entre toutes, basse, chaude, divinement placée, sans faillir jamais. Il aimait dire que sa vie s'était déroulée en trois actes : Acte I la Comédie-Française, Acte II la Comédie-Française, Acte III la Comédie-Française.




Adoubé par Louis Jouvet





Il y arriva en 1947 après avoir appris son métier au gré de ce qui se présentait pendant la guerre – il a même failli être enrôlé dans une tournée en Allemagne pour le STO, le service obligatoire, mais l'engagement fut annulé à la dernière minute –, jouant tout ce qu'on lui proposait, passant même des auditions devant Pierre Fresnay et Louis Jouvet, ce dernier lui offrant un sketch savoureux qu'il raconte dans ces derniers mémoires Et… vous jouez encore ! (Flammarion).



Face au « Patron », le jeunot de 21 ans n'en mène pas large. « Allons-y mon p'tit bonhomme. Qu'est-ce que tu vas nous raconter ? » « Le Barbier, répond Piat. » « … de Séville ? Parfait ! Allons-y gaiement ! Ne perdons pas de temps ! » Après l'avoir écouté, Jouvet répond : « C'est pas mal, c'est pas mal, t'as pas aut' chose ? » Et ainsi de suite, Beaumarchais et Marivaux y passent et Jouvet semble apprécier ce qu'il entend, mais : « J'ai rien pour toi mon p'tit bonhomme, mais reviens me voir ! » Jouvet mourra avant de lui donner un rôle, mais Jean Piat en gardera toute sa vie un souvenir ébloui, comme s'il avait été adoubé par ce roi du théâtre.


Originaire de Lannoy (comme la famille du président Roosevelt) dans le Nord, Jean Piat vivra son enfance et son adolescence à Paris. Il a découvert l'ivresse de la scène… à quatre ans : lors du spectacle de la distribution des prix, il avait cette réplique à dire : « comme des rats… » qui lui valut moult applaudissements. Le « rat » resta toute sa vie un symbole de chance, il fut engagé au Français lors d'une année du Rat, selon l'astrologie chinoise…


« Bien jouer, c'est bien mentir ! Or bien jouer, c'est être sincère. Donc, être sincère, c'est bien mentir »




C'est en 4e au lycée Janson-de-Sailly que l'élève Piat, peu attiré par les musées ou la musique, choisit l'option théâtre. Il y découvre Hugo et Ruy Blas, les grands textes, l'amour des mots, la puissance de dire et de bien dire. Le théâtre l'a choisi et avant même d'avoir vraiment suivi une formation, il joue, joue, joue… Sur les conseils d'un metteur en scène, en 1944, il se présente au concours du Conservatoire, il y est admis dans la classe de la célèbre Madame Dussane, une classe réputée être celle des « Classiques excentriques », celle de Robert Dhéry, Sophie Desmarets et Jacques Charon. Dussane l'aime beaucoup, ce qui ne l'empêche pas de lui flanquer une bonne gifle en réponse au « merde » que Piat lâcha, « incapable qu['il] étai[t] de suivre ses indications ». Ce qui ne les empêcha pas de bâtir une solide amitié.



Le conservatoire ! Il aurait dû en sortir la tête haute, lauréat, au lieu de cela il fut mis à la porte pour le non-respect du règlement : il tournait un film sans autorisation. Mais la Comédie-Française l'attrapa tout de même : en 1947, il passe une audition avec son Barbier. Robert Manuel titulaire du rôle de Figaro se casse la cheville et Piat se voit sommer de le remplacer. « Vous êtes prêt ? » lui demande l'administrateur. Piat : « Je sais la première scène. » « Et ? » « D'accord, je le fais. » Le comédien a trois jours pour apprendre son texte. « C'était peu, mais j'avais 23 ans ! » Ainsi commencera la plus grande aventure de sa vie.



Quand on lui demandait de définir l'art de jouer la comédie, Piat répondait, gourmand : « C'est résoudre une équation. Bien jouer, c'est bien mentir ! Or bien jouer, c'est être sincère. Donc, être sincère, c'est bien mentir. » Il ne se privait pas de dire que pour bien faire, il faudrait apprendre tous les grands rôles lorsqu'on est jeune, car ce n'est pas l'âge qui fait le personnage, mais la maturation, l'expérience de la vie et de la scène. Il donnait comme exemple Cyrano, qu'il apprit très tôt au Français : « Lorsque je l'ai joué à nouveau à… 75 ans, j'ai eu le sentiment de dominer le rôle, enfin ! » Ajoutons qu'il joua son Cyrano près de 400 fois et qu'à la première en 1964, le public en délire fit plus de cinquante rappels.





Admirateur de Guitry






L'une de ses grandes admirations fut Sacha Guitry, qu'il aimait citer dès qu'il le pouvait et le jouer aussi, avec délectation. Le grand Sacha lui téléphona un jour à ses débuts au Français pour l'inviter à le rencontrer. Il le fit tourner, entre autres, dans son Napoléon où le pauvre Piat dût s'y reprendre à trois fois pour donner le bon « ouh-ouh » qu'il devait lancer pour prévenir de sa présence. Son amour pour ce maître (comme on nommait Guitry) ne s'est jamais démenti et Piat lui rendit hommage dans un fort joli spectacle De Sacha à Guitry. Il lui consacra aussi un ouvrage, Je vous aime bien monsieur Guitry. Mieux que bien…





La Comédie-Française lui permit de jouer un répertoire vaste, des valets Sganarelle, Figaro, à Don Cesar de Ruy Blas, Cyrano bien sûr, mais aussi Feydeau, Jules Romains qui prit le temps de lui apprendre seul à seul le rôle qu'il lui destinait. Il quitta le Français en 1972 pour tourner les fameux Rois maudits sous la direction du réalisateur Claude Barma. Il y retrouvait son grand partenaire du Français, Louis Seigner. Ce rôle du comte Robert d'Artois lui apporta la consécration et la popularité auprès d'un public peu habitué à la salle Richelieu.



Le cinéma fut un rendez-vous manqué. Jean-Pierre Melville le voulait pour son film Arsène Lupin, mais le réalisateur mourut avant la fin du tournage. Luis Buñuel lui offrit un petit rôle dans La Voie lactée, mais ses contributions au 7e art se limitèrent surtout aux doublages de Scar dans Le Roi lion ou de Gandalf dans Le Seigneur des anneaux, personnages auxquels il prêtait sa voix aux intonations formidables.




Les bons choix






Jean Piat confessait qu'il avait été attiré par la chanson, mais le théâtre fut le plus fort, heureusement. Lorsqu'il reprit le rôle de Jacques Brel dans L'Homme de la Mancha, il considérait cette aventure comme un défi et prit des cours de chant. Le spectacle qui reçut un bon accueil ne put tenir longtemps l'affiche. En 2016, il décida de raconter ses grands rôles sur les planches. Mais à 91 ans, si le corps lâchait, Piat était toujours semblable au grand acteur séducteur. Dans ces Pièces d'identité, il continuait « cette longue conversation avec le public » depuis son entrée à la Comédie-Française.





Il vécut grand croyant, persuadé que sa mère, morte à 46 ans, continuait à le protéger et à le diriger vers les bons choix. De l'union avec sa femme Françoise Engel, il eut deux filles, Martine et Dominique, et cette dernière avait adapté avec son père L'Affrontement et La Maison du lac, deux grands succès dans le théâtre privé. L'auteure de théâtre Françoise Dorin, morte en 2018, fut sa compagne pendant plus de quarante-cinq ans et lui écrivit plusieurs pièces dont la dernière, Vous avez quel âge ? Il avait alors 88 ans et continuait à penser que la scène était la meilleure mise en forme possible. À la question : « Que voulez-vous que Dieu vous dise quand vous serez face à Lui ? », il répondit : « Tu as été honnête. » Jean Piat, sociétaire honoraire de la Comédie-Française, à qui sa « Maison » avait rendu un hommage en 2008, ne voulut suivre toute sa vie qu'un seul chemin, celui de l'honnête homme, si cher à Molière.






Parmi les ouvrages écrits par Jean Piat : Les Plumes des paons, Plon 1980 ; Les Silences et les Mots, Flammarion 1998 ; Je vous aime bien, Monsieur Guitry, Plon 2002 ; Beaumarchais, un intermittent du spectacle, Plon 2004 ; Et… vous jouez encore ! (avec François d'Orcival), Flammarion, 2015 ; Vous n'aurez pas le dernier mot ! Petite anthologie désinvolte des plus belles réparties (avec Patrick Wajsmann), Albin Michel 2016.


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