LES ETANGS DE CAMARGUE

Alors que Moïse changeait l'eau du Nil en sang dans le livre de l'Exode, les étangs de Camargue prennent une couleur rouge provoquée par le sel. Aucun lien avec l'apocalypse maya, mais des clichés pris par le photographe russe Sam Dobson de paysages presque martiens qui ont immédiatement fait le tour du monde.




Contacté par Le HuffPost, Patricia Estebe des Salins d'Aigues-Mortes n'est pas surprise: "c'est un phénomène cyclique tout à fait naturel."



"Ce phénomène observé est la conséquence de la présence dans les salins de la crevette Artemia salina et de l'algue Dunaliella salina. Quand la concentration de sel est très élevée - c'est le cas avant la récolte - la crevette meurt et l'algue prolifère donnant aux salins cette teinte si particulière."




Selon le Daily Mail, l'organisme connu sous le nom de Dunaliella produit un pigment rouge qui absorbe l'énergie du soleil et réfléchit cette couleur. Dobson qui chasse aussi les arcs-en-ciel blancs dans les zones polaires décrivait ses impressions (voir la galerie photo en fin d'article):

"Chaque branche de sel était couverte de cristaux, avec la mer rouge au second plan, on aurait dit quelque chose d'extraterrestre. J'ai été submergé par les émotions tout le temps que j'ai passé là-bas. Malgré mes nombreux voyages, je n'avais jamais vu un paysage comme celui-ci."

Les flamants roses de l'étang du Fangassier en danger ?


Une étude menée par le Conservatoire du littoral révèle la pollution des eaux du sanctuaire des flamants en Camargue


Photo N. Vallauri

Les résultats de l'étude sont tombés en octobre. Et, même si le Conservatoire du littoral espérait sans doute ne pas ébruiter l'affaire, cela a fini par se savoir : les eaux de l'étang du Fangassier, où se trouve le seul lieu de reproduction des flamants en France, et même en Europe, sont terriblement polluées. Des molécules d'herbicides interdits, des taux de pesticides excessifs, parfois dix fois supérieurs à ce qui est autorisé, du PCB... Ce mélange, détonnant, est servi aux flamants roses depuis deux ans, quand il fut décidé, pour alimenter en eau le Fangassier, d'utiliser le canal du Versadou. Sauf que ce canal de drainage semble finalement encore plus pollué que le Rhône !

"C'est un problème connu de longue date, auparavant l'eau était envoyée dans la réserve de Camargue, c'était tout aussi problématique, et maintenanton s'en préoccupe parce que cette eau de très mauvaise qualité est utilisée pour les flamants", accuse Arnaud Béchet, chercheur à La Tour-du-Valat, et responsable du programme de recherches sur les flamants roses. Un spécialiste qui pointe du doigt la responsabilité des riziculteurs.

"Le problème, ce sont ces gens qui utilisent des produits interdits ou des produits à des taux 10 fois supérieurs à ce qui est autorisé, déplore-t-il. Ce qui m'étonne, c'est que la profession rizicole ne fasse pas le ménage chez elle. Non, les riziculteurs préfèrent se serrer les coudes !Pourtant, ces molécules-là ont des effets sur les invertébrés, les amphibiens ou les plantes aquatiques. Et sur les flamants, il peut y avoir un impact cumulatif à long ou moyen terme."

François Fouchier, directeur du Conservatoire du littoral, ne nie pas le problème. Mais il se veut plus rassurant. "L'impact, avec le taux de dilution, est extrêmement faible et certaines molécules ont une durée de vie très courte, assure-t-il. Mais cette mauvaise qualité de l'eau, c'est un vrai problème. C'est sérieux, dans le sens où on ne peut pas laisser la situation en l'état, mais des sujets qui me posent problème en Paca, j'en ai une dizaine."

Le robinet du canal du Versadou sera fermé cette année

En tout cas, le directeur du Conservatoire du littoral se montre plutôt diplomate avec les riziculteurs. "La pollution provient d'un certain nombre de pratiques auxquelles il faut mettre fin, mais la profession agricole a pris ça très au sérieux. Nous avons mis en place des groupes de travail, et j'espère que dans un an, au vu des mesures qui seront engagées dès ce printemps, on arrivera à des résultats tangibles. Ce qui m'importe, c'est de restaurer la qualité de l'eau demain dans cet espace-là."

Mais une chose est sûre, le robinet du canal du Versadou sera fermé cette année. "C'est entendu entre le Conservatoire, le Parc de Camargue et La Tour-du-Valat, on est tous d'accord pour ne pas mettre cette eau de drainage des rizières, indique Arnaud Béchet. Mais le risque, c'est qu'on n'ait pas les moyens de faire la mise en eau, et que les flamants ne nichent pas cette année."

"Nous allons être tributaires de la météo", confirme François Fouchier. Il n'y a donc plus qu'à espérer un hiver pluvieux si on veut que 2013 ne soit pas une année blanche pour la reproduction des flamants roses. Mais, si tel était le cas, ce ne serait pas non plus la catastrophe. En 2007, les flamants n'avaient pas pu nicher à cause de la grève aux Salins du Midi, qui, à l'époque, amenaient l'eau grâce à leurs pompes. "Ils sont restés en Camargue, et sont revenus l'année d'après, rappelle Arnaud Béchet. Les flamants resteront là encore longtemps !" D'autant qu'un projet de nouvel îlot est déjà bien avancé...