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Sujet: NICOLAS DE STAEL Dim 22 Aoû - 22:50
NICOLAS DE STAEL
Nicolas de Staël baron Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein, en russe Николай Владимирович Шталь фон Гольштейн, né le 5 janvier 1914 à Saint-Pétersbourg, mort le 16 mars 1955 à Antibes (il repose dans le cimetière de Montrouge), est un peintre français originaire de Russie. Sa technique picturale le rapproche de celle d'un sculpteur. Chez De Staël, même le noir était lumière et, par leur texture unique, ses toiles ont exploré des lignes de force inédites.
"Toute ma vie, j'ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m'aider à vivre, pour me libérer de mes impressions, de toutes les sensations, de toutes les inquiétudes auxquelles je n'ai trouvé d'autre issue que la peinture."
"Je vais aller sans espoir jusqu'au bout de mes déchirements, jusqu'à leur tendresse." N. DE STAEL
Le champ de tous et celui de chacun, trop pauvre, momentanément abandonné, Nicolas de Staël nous met en chemise et au vent la pierre fracassée. Dans l'aven des couleurs, il la trempe, il la baigne, il l'agite, il la fronce. Les toiliers de l'espace lui offrent un orchestre. Ô toile de rocher, qui frémis, montrée nue sur la corde d'amour ! En secret un grand peintre va te vêtir, pour tous les yeux, du désir le plus entier et le moins exigeant.
René Char - Nicolas de Staël, 1952 - Recherche de la base et du sommet, II. Alliés substantiels
Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Dim 22 Aoû - 23:13
Il est allé "plus près qu’il n’est permis de l’inconnu et de l’empire des étoiles" René Char.
"Le contact avec la toile je le perds à chaque instant et le retrouve et le perds".
Cet automne et cet hiver 1954-1955 où il est seul à Antibes, jusqu’à son suicide le 16 mars 1955 :
"Je sais que ma solitude est inhumaine. Je ne vois pas la manière d’en sortir, mais je vois les moyens de progresser sérieusement".
né à Saint-Petersbourg en 1914 et jusqu'à son suicide, n'a conservé de son ascendance slave que le romantisme et le désespoir. Proche du Tsar, son père est vice-gouverneur de la forteresse Pierre-et-Paul. La révolution russe de 1917 contraint sa famille à s'exiler en Pologne, où meurent ses parents. Orphelin, il est recueilli par un couple russe de Bruxelles.
A 16 ans, inscrit à l'Académie Royale des Beaux-Arts il est fasciné par la découverte des oeuvers de Rembrandt et de Vermeer. Arrivé en France en 1919, il découvre Matisse, Braque, Soutine, Cézanne, et voyage en Espagne, en Italie, en Algérie et au Maroc.
En 1939, il s'engage dans la Légion Etrangère et arrive au début des années 1940, à Nice avec sa compagne, Jeanine, rencontrée au Maroc. Il rencontre là Jean Arp, Sonia et Robert Delaunay, Alberto Magnelli, et sous leur influence, peint ses premières toiles abstraites qu'il baptise "Compositions"
En 1943, il arrive à Paris, où il fait la connaissance de César Domela, un autre peintre de l'abstraction. C'est une période difficile. Il souffre de la faim et du froid et doit brûler les boiseries de son appartement pour se chauffer. Jeanine sa compagne meurt de cette misère, mais il continue à peindre, quelques oeuvres figuratives, mais aussi des oeuvres abstraites au besoin sur les draps de son lit, qui montrent l'influence sur lui de Magnelli et de Domela. La Galerie Jeanne Bucher accepte en 1944 de l'exposer, en pleine occupation allemande, alors que les nazis qualifient l'abstraction d' "art dégénéré".
Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Lun 23 Aoû - 0:07
LA QUETE
Un des artistes les plus influents européens de la période de l’après-guerre
« L’individu que je suis est fait de toutes les impressions reçues du monde extérieur depuis et avant ma naissance. » Nicolas de Stael 1951
"Bateaux"
Il continue néanmoins de travailler avec acharnement assailli en permanence par le doute, tiraillé entre l'illumination et le désespoir.
Il se tourne de plus en plus vers l'abstraction, et ses oeuvres constituées d'un enchevêtrement de lignes et d'arabesques, révèlent une palette pétrie d'angoisse.
Il passe un tournant entre 1950 et 1952, et se lance dans la composition de paysages, de natures mortes selon une approche de la réalité résolument nouvelle, sans doute sous l'influence de Braque, de Lapicque ou de Lanskoy.
"PAYSAGE D'ANTIBES"
Il simplifie ses compositions, éclaircit sa palette, la peinture prend de la matière avec de larges à-plats, au couteau ou à la spatule. De ses tableaux émergent alors la couleur, la lumière, la vie, l'espace.
Il décide de retrouver alors la lumière du Midi, et s'installe à Antibes, à l'automne 1954, dans un atelier ouvert sur la mer. En six mois, il réalise, solitaire, plus de 300 toiles, aux thèmes variés, des natures mortes, des paysages, des scènes sur le port, un bateau, un vol de mouettes, une carafe sur une étagère.
"le fort carré d'Antibes"
Sa peinture, qu'il applique alors au coton, apparaît de plus en plus transparente et fluide.
"Je n'ai plus la force de parachever mes tableaux", écrit-il alors. C'est au pied du fort Vauban au Cap d'Antibes que s'achève le 16 mars 1955 son parcours. Une immense toile qu'il n'a pas achevée, " Le Grand concert" reste orpheline ce jour là.
Toute l'œuvre de Nicolas de Staël s'est développée en un temps très court d'une douzaine d'année à partir de 1940, et c'est plus de mille toiles qu'il a peint pendant cette période, dans une violence de création et une passion rares caractérisées par l'antinomie constante entre l'expression figurative et l'abstraction.
La forte personnalité du peintre alliée à l' intelligence aiguë de son art et la perception particulière qu'il a de la lumière et de l'espace l'ont amené à réaliser une œuvre clé de l'histoire de l'art contemporain.
Ses œuvres sont l'expression d'une passion permanente, et d'une simple relation du peintre avec ce qu'il voit : l'espace et la couleur sont les dominantes constantes de son art.
L'œuvre de Nicolas de Staël appartient à un registre élevé dans lequel s'exprime le passionnel et le lyrisme comme si le destin lui avait imposé tout au long de sa vie une trajectoire pour faire naître un nouveau rapport esthétique avec le réel. Nicolas de Staël, au travers sa peinture, recherchait l'absolu.
"Toute ma vie, j'ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m'aider à vivre, pour me libérer de mes impressions, de toutes les sensations, de toutes les inquiétudes auxquelles je n'ai trouvé d'autre issue que la peinture."
Le Monde des Arts
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Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Lun 23 Aoû - 0:20
Le Grand Concert 1955 sa dernière toile, inachevée. huile sur toile 350x600 cm, Musée Picasso, Antibes)
"Le Concert", piano noir et contrebasse ocre-brun sur fond rouge, une toile démesurée de 3,5 m de haut sur 6 mètres de long est l'une des œuvres majeures de ce peintre. Il a posé sur la toile des éléments lourds et structurants. Un fauteuil, un piano à queue, une forêt de pupitres et de partitions.
Or, peindre la musique n'est pas chose si évidente, surtout lorsque le peintre n'arrive pas à se libérer de toutes ses inquiétudes. C'est cette peur de ne pas pouvoir parachever ses tableaux qui conduit de Staël à mettre fin à ses jours en se jetant de sa terrasse, le 16 mars 1955. ********************** Devant cette dernière toile, inachevée, on pense à cette mélodie de la vie, de sa vie que nous a livrée ce fabuleux peintre. Ici elle se termine en couleurs éclatantes.
"En 1955, année fatale, Nicolas de Staël a quarante-et-un ans. Il prépare deux expositions, l'une pour Paris, l'autre sur place à Antibes.
Le 5 mars, Nicolas monte à Paris pour assister à deux concerts, mais son bref séjour dans la capitale ressemble à une cérémonie d'adieux. A Jean-François Jaeger, qui a repris la galerie de Jeanne Bucher, il avoue : "Je suis perdu".
Néanmoins, Nicolas de Staël veut glorifier la musique en de vastes tableaux aussi pesants qu'une malle chargée de fonte. De retour à Antibes, il installe son matériel dans le vieux fortin désaffecté qu'on lui prête. Sur une immense toile de six mètres sur trois mètres cinquante, il dessine ce qui s'appellera "le Concert"
La nuit tend un voile trouble sur la mer. En bas, un réverbère éclaire à peine la rue.
Le silence.
Nicolas de Staël s'approche du vide.
Il se penche, il bascule et il se tue.
" Le Concert", un tableau magique, inachevé, vibre toujours dans une lumière éblouissante et sa musique étrange ne cesse de bouleverser, malgré les accords suspendus.
On imagine une voix lointaine :
"Ma peinture, je sais ce qu'elle est sous ses apparences, sa violence, ses perpétuels jeux de force; c'est une force fragile dans le sens du bon, du sublime. C'est fragile comme l'amour"...
Ainsi disait Nicolas de Staël, le "prince foudroyé".
extrait d'une conférence de René Vigo.
*******************************
Dans Le Concert, Edouard Dor explore l'ultime tableau de Nicolas de Staël, une oeuvre qui mena le peintre au suicide.
A gauche, la masse compacte d'un piano à queue ; à droite, comme une immense poire, la silhouette renflée et jaune d'une contrebasse. Le tout, impressionnante toile de 6 mètres de largeur sur 3,50 de hauteur, baigne dans le rouge sang. Après avoir peint cette oeuvre imposante, baptisée Le Concert, Nicolas de Staël s'est jeté dans le vide, le 16 mars 1955. Il venait de l'achever ; elle venait de l'achever.
Edouard Dor, sur la pointe des pieds, pénètre dans l'atelier et dans la vie du grand peintre, et cherche quelle souffrance a bien pu le pousser au suicide. Très vite, en soulevant la toile, il en trouve une autre, le Nu couché bleu, et, derrière celle-là, une femme, Jeanne, possédée et possédante, qui brûle de Staël au fer rouge, rouge comme son ultime tableau. La contrebasse, arrondie et tyrannique, c'est elle...
Avec peu de mots, sans grande théorie, Dor retrace le parcours du peintre maudit et esquisse une théorie attachante sur son oeuvre. Mais l'essentiel est dans le choc ressenti face au Concert : essayez, il est au musée Picasso d'Antibes...
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Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Lun 23 Aoû - 0:31
LES MOUETTES
"Les mouettes", les couleurs se déclinent du blanc gris au bleu sombre, en strates qui se succèdent. On n'aperçoit nullement les oiseaux dans le détail, mais des formes qui fuient, l'orage venant au ciel. On sait pourtant combien Nicolas De STAËL aimait le vermillon, couleur dans laquelle il flamba sa vie et l'incendie revient encore aujourd'hui éblouir sublimement et interroger sans répit son visiteur.
En 1951, Nicolas de STAËL est à Paris, dans son atelier, René CHAR vit à l'Isle sur la Sorgue. Mais la présence de R. CHAR habite l'atelier du peintre. Ils collaborent. je vous livre ici quelques extraits de leur correspondance :
[...] Je ne le dirai jamais assez ce que cela m'a donné de travailler pour toi. Tu m'as fait retrouver d'emblée la passion que j'avais enfant pour les grands ciels, les feuilles en automne et toute la nostalgie d'un langage direct, sans précédent, que cela entraîne. J'ai ce soir mille livres uniques dans mes deux mains pour toi, je ne les ferai peut-être jamais, mais c'est rudement bon de les avoir. [...] A bientôt. De tout coeur.
N. DE STAËL à René CHAR (source "Lettres de N. DE STAËL, annotées par Germain VIATTE, dans "Nicolas de STAËL", 1968)...]
"Ne presse pas le mouvement, c'est le livre qui en souffrirait. Nous ne sommes pas à 8 jours. Reçu le paquet. Bien sûr, c'est informe et je ne peux pas me faire une opinion sur le livre. Attendons la fin et le premier exemplaire du tirage. Tel que ''ça n'existe pas''. Mais à l'examen voici quelques observations. 1) La page de titre de l'ouvrage est un peu basse, ''POEMES'' et l'ensemble devraient être composés légèrement plus haut. Ce n'est pas très grave. Tant pis. 2) J'aime le fourreau (l'emboîtage) noir. Je le trouve très beau. 3) Je ne trouve pas heureux le ''CHAR'' de l'étui, même je le trouve laid. Peux-tu le faire disparaître ? Est-il temps ? Je préfère rien que cela. [...] 5) Il ne faudra pas oublier de glisser des papiers fins devant les bois dans tous les exemplaires. Très important. [...] Cher Nicolas en définitive tout ira et sera bien. Sois sans inquiétude. Tu t'es très heureusement tiré de ce poison qu'est la fabrication d'un livre grand luxe. Grands et sincères compliments. [...]"
René CHAR à Nicolas de STAËL, 11 novembre 1951
Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Lun 23 Aoû - 0:47
Percer le mystère Nicolas de Staël
Les musiciens en hommage à Sydney Bechet - 1952
LE MONDE
Martigny (Valais) Envoyé spécial
L'œuvre de Nicolas de Staël (1913-1955) repose sous des couches denses de commentaires. Les biographiques racontent comment le fils d'un dignitaire du régime impérial russe, exilé de son pays par la révolution de 1917, orphelin à 8 ans, est devenu l'un des peintres français les plus en vue de l'après-1945.
Les psychologiques épiloguent sur ses malheurs privés et son suicide. Les littéraires rappellent qu'il eut le poète René Char pour ami. Les historiens d'art font le récit d'un succès rapide et international, suivi d'une désaffection presque aussi rapide. Ils demeurent souvent dubitatifs devant la trajectoire d'un peintre qui surgit dans l'abstraction parisienne des années 1940 et disparaît en 1955 alors que ses toiles sont, depuis trois ans, paysages, natures mortes, nus, concert de jazz ou match de football au Parc des Princes. Son évolution est alors, de façon provocante, à contre-courant du mouvement général. Comment comprendre cette trajectoire et qu'elle se soit brisée si vite ?
La rétrospective proposée par la Fondation Pierre Gianadda, à Martigny, le permet par son exhaustivité et sa neutralité. Elle montre cent trente oeuvres, ce qui est beaucoup au regard de la brièveté de la vie de De Staël, sans accorder de préférence à une période, un genre, une technique. Les formats très réduits côtoient les monumentaux. Les dessins s'offrent en quantité et l'on découvre des collages de papiers déchirés peu connus. Tout cela ne convainc pas également et c'est tant mieux : l'exposition n'est pas une anthologie prudemment choisie, mais l'occasion de revoir tout de Staël, réussites et échecs ensemble.
Voici donc, en 1946, un jeune peintre qui s'insère dans le style dominant de l'époque à Paris, l'abstraction gestuelle, dynamique et matiériste. Jusqu'alors, Staël a beaucoup étudié, hésité, voyagé et imité. Désormais, il cultive les constructions dessinées par des entrecroisements de droites et d'obliques et un chromatisme réduit aux ocres, gris et noirs. Il n'est pas si loin de ses contemporains Pierre Soulages et Olivier Debré. Sa vaste Composition grise de 1950 pourrait être du second, plusieurs de ses encres sur papier rappellent le premier. Tout aurait donc pu être simple : s'il avait continué dans cette voie, il serait reconnu comme l'un des principaux abstraits européens de la seconde moitié du siècle.
Il ne l'a pas voulu. A partir de 1952, plusieurs phénomènes se produisent. La composition ne perd rien de sa géométrie coupante, mais ce ne sont plus des traits qui la structurent. Ils leur préfère les plans de couleur pure posés en aplats et lissés au couteau, triangles, trapèzes, rectangles ou carrés.
Ces couleurs se délivrent du devoir de sobriété. Les rouges et les bleus claquent et toute la gamme les suit, jaune citron, orange cadmium, vert amande, rose, pourpre. Ils ne se mélangent pas, mais voisinent, séparés par un léger écart ou plaqués les uns sur les autres. Leurs contrastes sont souvent paroxystiques, sans que l'ensemble se défasse : cela parce que de Staël compose en force et parce que les compositions, de plus en plus, s'appuient sur la nature. L'oeil identifie un paysage marin ou une rangée de bouteilles sur une table. Non qu'il cherche à imiter les choses dans les détails. Mais il affirme, par le chromatisme, les sensations que suscitent en lui Agrigente écrasée de soleil, des barques sur l'eau, un nu à l'atelier. Les couleurs sont transposées et subjectives.
Or cette définition est celle du fauvisme de Matisse, auquel on songe d'autant plus que de Staël s'essaie aux papiers de couleur déchirés et collés au moment même où le vieux maître révèle ses gouaches découpées. De surcroît, il a pour ami Georges Duthuit, gendre de Matisse et spécialiste de l'art byzantin. Devant les petits paysages délicieux de De Staël, impossible de ne pas penser aux toiles de Collioure et du Maroc, aux Braque de l'Estaque et de La Ciotat ?
On dirait que de Staël - qui fréquente Braque, a été l'élève de Léger et connaît fort bien l'histoire de la peinture, du Moyen Age aux avant-gardes - cherche à fondre en une synthèse personnelle ce qu'il a appris du postimpressionnisme, des nabis, des fauves et de Kandinsky d'une part et, de l'autre, certaines habitudes plus récentes, la simplification extrême de la forme, le geste ample, l'effet violent. Un paysage de 1954, l'une de ses toiles les plus intenses, a ce titre : Montagne Sainte-Victoire (Paysage de Sicile). Le relief sicilien, parce qu'il ressemble à celui que Cézanne a tant peint, devient l'occasion de se mesurer avec ce dernier, de prouver qu'il est possible d'épurer encore plus, de monter les tons plus haut.
Chaque toile se donne ainsi à résoudre des problèmes de lumière, d'harmonie et de cohérence spatiale - ces problèmes de pure peinture que de Staël tente d'exposer dans ses lettres. Dans l'une d'elles, en 1952, après avoir cité Cézanne, Van Gogh, Bonnard et les fresques de Pompéi, il dit son besoin de "recul", "celui de (son) atelier, celui des rideaux de Matisse, ouverts, fermés, à chaque instant".
De cette lutte difficile, avec de telles références en mémoire, sont nées quelques toiles parfaites, la Marine au Lavandou de 1952, l'aveuglant Soleil de 1953, la Nature morte au billot de 1954. Et d'autres plus volontaires et emphatiques qu'émouvantes.
Peut-être le but pictural que de Staël s'était fixé était-il inaccessible.
Fondation Pierre Gianadda, 59, rue du Forum, Martigny (Suisse). Tous les jours, de 9 heures à 19 heures. Jusqu'au 21 novembre. Entrée : 20 CHF (15 €).
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Lun 23 Aoû - 0:57
De St Petersbourg à Antibes : un destin...
Entre figuratif et abstrait, entre culture slave et amour de la France, entre espoir d'une lumière d'Italie et désespoir d'une porte qui se referme trop tôt, Nicolas De Staël était un homme partagé.
"Je vais aller sans espoir jusqu'au bout de mes déchirements, jusqu'à leur tendresse." N. DE STAEL
et ... il l'a fait !
Il peint des footballeurs, des musiciens de jazz, des marines. Sa démarche n’était pas de repenser l’art, de le révolutionner, juste de s’exprimer. Personnelle, intime, sa peinture s’adresse à notre coeur et à notre âme en priorité.
Il expose en 1944 avec Magnelli et Wassily Kandinsky. Il illustre des poèmes de René Char en gravant sur bois. Les galeristes Jeanne Bucher et Jacques Dubourg feront beaucoup pour la diffusion de son oeuvre en France
Il faut chercher ses influences chez Paul Cézanne -Henri Matisse - Pablo Picasso - Fernand Léger - Chaim Soutine mais aussi Rembrandt Van Rijn - Jan Vermeer - Hercules Seghers.
Dans les années 1950 il rencontre un grand succès aux Etats-Unis. Il expose dans la galerie de Thedore Schempp. Il vend des œuvres au collectionneur Duncan Phillips et Paul Rosenberg, le collectionneur et marchand de Picasso.
En 2003, une rétrospective lui a été consacrée au Centre Pompidou
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Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Lun 23 Aoû - 1:05
PORTRAIT D'ANNE 1952
« Je ne sais pas ce que je vais faire. Peut-être que j’ai assez peint. Je suis arrivé à ce que je voulais… les enfants sont à l’abri du besoin. » A sa soeur, religieuse, il avait écrit : « Dieu que c’est difficile la vie ! Il faut jouer toutes les notes, les jouer bien… »
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Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Lun 23 Aoû - 1:52
« Travailler beaucoup, avec une tonne de passion et cent grammes de patience » Nicolas de Staël
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Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Mar 24 Aoû - 0:20
Les footballeurs de Nicolas de Staël
PARC DES PRINCES 1952
" Entre ciel et terre sur l'herbe rouge ou bleue , une tonne de muscles voltige en plein oubli de soi... Alors j'ai mis en chantier toute l'équipe de France , de Suède et cela commence à se mouvoir un temps soit peu , si je trouvais un local grand comme la rue Gauguet je mettrais deux cents petits tableaux en route pour que la couleur sonne comme sur les affiches sur la nationale au départ de Paris "
- lettre à René Char , le 10 avril 52 -
Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Mar 24 Aoû - 0:27
Parc des Princes (Les Grands Footballeurs) 1952 Huile sur toile, 200 x 350 cm Collection particulière
Cet immense tableau de 7 mètres carrés, où la pâte est étalée avec fermeté à l’aide de larges spatules, a été commencé, dans l’exaltation, la nuit même du match.
Il y a là des masses de matière, tangibles, colorées qui laissent surgir des corps, sous la menace d’un grand fond noir qui peut à tout moment les engloutir. Ces masses (blanches, vertes, ocres, bleues), mises côte à côte, jouent comme une partition humaine pour qu’émerge une silhouette.
La bataille des formes sur la toile rejoint la bataille des joueurs sur le stade. Une bataille qui évoque celle de Paolo Uccello, admirée par le peintre.
Chez de Staël, le couteau ou la taloche ne sont pas les outils d’une expression “spontanée”, mais cherchent à saisir la forme-couleur dans une unité première, la pâte colorée. Cela fait de la couleur une matière vivante, corporelle, qui exige des manipulations complexes, et une maîtrise des pulsions. L’émotion, chez lui, ne coule jamais directement sur la toile par le tube, le pinceau ou la truelle, à l’inverse de Jackson Pollock et de l’expressionnisme abstrait américain.
extrait du parcours pedagogique de Nicolas de Stael à consulter sur ce lien merci à Bridget pour l'indication a lire ici très complet pour décrypter ce peintre à travers son oeuvre :
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Mar 24 Aoû - 0:43
L'AMITIE RENE CHAR & NICOLAS DE STAEL et la passion pour Jeanne ... l'amour passionnel
Edouard DOR, qui signe "LE CONCERT, sur l'ultime tableau de Nicolas de Staël" (Editions Sens&Tonka) raconte combien le poète René Char eut du mal à croire au suicide du peintre, allant même tout un temps à le nier... (vidéo B.RUELLE)
la suite ici : le superbe blog de B. RUELLE à découvrir. http://bruelle.wordpress.com/2010/06/30/nicolas-de-stael-le-concert/
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Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Mar 24 Aoû - 0:54
AGRIGENTE
voici quelques unes des celebres œuvres elle a ete crÉe un avant sa mort. Il s’agit ici d’une huile sur toile intitulée AGRIGENTE ou SICILE, peinte en 1954 et acquise en 1982 par le Musée de Grenoble.
Bridget
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Jeu 2 Sep - 1:01
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" On n'éclaire pas sans brûler "
Nicolas de Staël
Son unique obsession s’appelait la peinture : elle était son souffle, son sang.
Quand Nicolas de Staël (1914-1955) se donna la mort, à quarante-et-un ans, il laissait plus de mille tableaux, autant de dessins, et l’énigme d’une vie menée au galop.
Insolent et généreux, rusé et pur, Staël savait masquer sous des cascades de rire les failles d’une enfance brisée par la révolution russe de 1917 et les rigueurs d’un exil polonais.
Aristocrate apatride et orphelin, il fut recueilli en Belgique, voyagea au Maroc, tout entier habité par la fureur de peindre.
Derrière le grand artiste salué par son ami Georges Braque et par Marc Chagall ( «Il était innocent, il avait une force cosmique»), il faut découvrir les vertiges de ce météore mélancolique, son corps à corps avec la couleur, son combat singulier avec la matière, son refus hautain de toutes les écoles, qu’elles se réclament de l’abstraction ou de la figuration.
La reconnaissance arriva des Etats-Unis, quand il eut trente-neuf ans.
Trop tôt ou trop tard.
Il s’était déjà réfugié en Provence, aveuglé de lumière, écrasé de gloire, fraternisant avec René Char et brûlant sa vie, hanté par les hautes figures de Paolo Uccello et de Hercules Seghers.
Sa morale tenait en quelques mots :
«Il faut travailler beaucoup, une tonne de passion et cent grammes de patience.»
Voici la chevauchée de ce prince foudroyé.
Journaliste au Monde, Laurent Greilsamer a consacré sa première biographie à Hubert Beuve-Méry, parue en 1990 chez Fayard. Le Prince foudroyé, la vie de Nicolas de Staël a reçu le Grand Prix des lectrices de Elle et le Prix de l’essai de la Société des gens de Lettres en 1999.
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Dernière édition par Bridget le Dim 22 Juin - 15:33, édité 3 fois
Nine Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Mar 14 Sep - 2:22
Nicolas de Staël, duel avec la vie et la matière
Par Valérie Duponchelle 08/09/2010 L'exposition consacréeà Nicolas de Staël fait vibrer près de 80 huiles sur toile dont Agrigente, (1954).
La Fondation Gianadda rend hommage à ce peintre de l'abstraction sensuelle, né à la cour du tsar en 1914 et mort prématurément en 1955.
Le peintre, longiligne et altier, est beau comme un danseur du Bolchoï rompu de discipline et qui reprend instinctivement la 5 e position dite de repos. Nicolas de Staël est né Baron Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein à Saint-Pétersbourg, le 23 décembre 1913 (soit le 5 janvier 1914 du calendrier grégorien).
Alors vice-gouverneur de la forteresse Pierre-et-Paul où furent prisonniers Dostoïevski et Bakounine, son père, le général Vladimir de Staël, y habite avec sa famille, aristocratie toute de cols durs et de chantilly noire, de décorations militaires et de dormeuses en diamants. La révolution chasse ces fidèles de la cour impériale en Pologne en 1919. Exil mortel. Après le décès de son père en 1921, puis de sa mère en 1922 - d'un cancer, à seulement 47 ans -, les trois enfants Staël sont recueillis par une famille d'origine russe à Bruxelles. Orphelin, exilé, Nicolas parle russe, allemand et polonais, mais il doit apprendre le français en arrivant en Belgique. Il a 8 ans.
Une pareille enfance ne peut s'effacer d'un coup de baguette magique. Il reste quelque chose d'étrange et de proprement étranger chez cet artiste fêté et incompris dont la vie commence par un drame historique et finit par un suicide en 1955, à Antibes.
Avec une fougue de pélerin, la Fondation Gianadda rend, pour la seconde fois, hommage à cet aventurier de l'Ecole de Paris qui a étudié les auteurs français, allemands, grecs et latins, découvert la peinture en Hollande à 19 ans, fait les Beaux-Arts à 20 ans et la Légion étrangère à 25 ans quand éclate la guerre de 1939.
Un couloir de photographies d'époque raconte en noir et blanc son odyssée d'apatride. Images à la fois pudiques et éloquentes, des riches années à la cour du tsar jusqu'au studio de l'artiste solitaire, cellule de travail au dépouillement solaire. Après cette plongée dans le monde silencieux de Nicolas de Staël, le peintre éblouit par sa puissance, mais le mystère de l'homme demeure.
La peinture, maîtresse des illusions
«Toute ma vie, j'ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m'aider à vivre, me libérer de toutes les impressions, de toutes les sensations, de toutes les intuitions auxquelles je n'ai trouvé d'autre issue que la peinture», écrit Nicolas de Staël, à New York en 1953, à quelques saisons de son brutal crépuscule.
La peinture, maîtresse des illusions, joue de tous ses sortilèges dans cet accrochage que n'arrive pas à desservir l'architecture alambiquée d'un lieu très post-moderne. «Fidèle du tableau», de Staël fait vibrer près de 80 huiles sur toile, pour la grande majorité sorties de collections privées. Petits formats magnifiques, tout en nuances (Le Soleil, 1953).
Grands formats composés avec force, tension et économie (Parc des Princes, 1952). Abstrait et pourtant émouvant comme un paysage connu, de Staël appartient, selon André Chastel, au «dernier âge de la peinture qui reste traitement de la pâte et recherche d'épiderme». Il la traite en sculpteur.
«Utilisée en épaisseur, la peinture à l'huile est une matière modulable qui glisse et garde sa souplesse. Nicolas de Staël joue avec cette matière qui peut se triturer “dans le frais”. Pendant dix ans, de 1945 à 1955, il manipule cette pâte sur-nourrie d'huile, l'alourdissant ou l'allégeant, à l'aide de couteaux, de truelles ou même de taloches à mortier», expliquait déjà l'exposition Nicolas de Staël, 1914-1955 au Centre Pompidou, en 2003.
Il suffit de s'arrêter devant La Lune, grande huile sur bois de 1953, qui semble n'être qu'une seule même couche de peinture au suave gris perle. Une mince fente rouge évoque une blessure. Le reste est pure contemplation.
«Nicolas de Staël, 1945-1955», Fondation Pierre-Gianadda, Martigny (Suisse), jusqu'au 21 novembre. Catalogue sous la direction de Jean-Louis Prat, commissaire de l'exposition (45 CHF, soit 30 €).
Le figaro
liliane Admin
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Mer 7 Déc - 0:37
Une huile sur toile de Nicolas de Staël (1914-1955), "Nu couché", a été vendue aux enchères 7.033.400 euros (avec frais), mardi soir à Paris, établissant un nouveau record du monde pour ce peintre français d'origine russe, a annoncé la maison de ventes Artcurial. Le précédent record mondial pour une oeuvre de Nicolas de Staël, était de 2,4 millions d'euros pour "Agrigente" (1954), lors d'une vente à Paris en mai dernier.
Pulvérisant l'estimation la plus favorable de 3,5 millions d'euros, ce tableau, l'un des derniers de Nicolas de Staël, a été peint en 1954. Il a été adjugé à un collectionneur américain qui a requis l'anonymat, au terme d'enchères très disputées entre six enchérisseurs, dont deux Français et un Britannique.
Selon la maison de ventes, il s'agit de l'oeuvre d'art la plus chère vendue à Paris en 2011. "Ce +Nu couché+ est un tableau merveilleux, un des trophées de l'histoire de la peinture. Les nus sont très rares dans l'?uvre de Nicolas de Staël qui était à ce moment-là dans la force de son art", a souligné à l'AFP Maître Francis Briest, co-président d'Artcurial.
"Cette toile qui mériterait un catalogue à elle seule, est à la conjonction de l'abstraction et de la figuration. Les enchérisseurs se sont surpassés pour l'obtenir. Elle ne reviendra sans doute pas sur le marché avant une trentaine d'années", a ajouté le commissaire-priseur estimant, qu'avec ce record extraordinaire et inattendu, "Paris défend ses couleurs pour les grandes ventes internationales".
Cette peinture est celle de la femme aimée, à cette époque de sa vie, Jeanne Mathieu, dont l’artiste fut éperdument amoureux. Cette passion dévorante l’habita de 1953, année de sa rencontre avec Jeanne, jusqu’à sa mort en mars 1955.
En 1953, Nicolas de Staël, sa femme Françoise et leurs trois enfants s’installent dans le Midi de la France, à Lagnes, sur la route d’Apt, dans une magnanerie appelée « Lou Roucas ». René Char avait souvent parlé à Nicolas de cet endroit majestueux. La famille Mathieu, qui en est propriétaire, exploite un domaine agricole. Elle accueille chaleureusement l’artiste. Autour des parents, quatre enfants, dont Henri, le poète, et Jeanne, la femme-fleur.
Le 20 juillet 1953, Nicolas de Staël, bouleversé, écrit à René Char : « Jeanne est venue vers nous avec des qualités d’harmonie d’une telle vigueur que nous en sommes encore tout éblouis. Quelle fille, la terre en tremble d’émoi, quelle cadence unique dans l’ordre souverain. Là-haut, au cabanon, chaque mouvement de pierre, chaque brin d’herbe vacillaient (…) à son pas. Quel lieu, quelle fille ! » Il en oublie que Jeanne a un mari et deux enfants. N’importe, il organise une épopée familiale en Italie. Le but du voyage est la Sicile. Françoise, les enfants et Jeanne, qu’il a convaincue de les accompagner, s’entassent dans la camionnette Citroën.
La petite troupe débarque en Sicile où l’artiste se rassasie de culture antique et s’enivre de couleurs. Il ressent un choc esthétique qu’il traduira magistralement sur la toile et sur le papier jusqu’au terme de son œuvre.
Laurent Greilsamer, dans son ouvrage Le Prince foudroyé, La vie de Nicolas de Staël, écrit que la findu périple ressemble à une débâcle.
Nicolas partait se promener seul avec Jeanne, abandonnant Françoise, et les enfants. Un climat de tension et de tristesse s’abat sur la petite troupe. L’artiste sent frémir en lui de grands désordres qu’il appellera bientôt les « brusqueries de son inconscient » , ainsi qu’il l’écrit à Jacques Dubourg. De retour à Lagnes, il impose à sa famille une séparation momentanée et renvoie Françoise et les enfants à Paris. Il veut rester seul, peindre seul, vivre seul, retrouver son souffle qui lui échappe. Staël va alors traduire ses impressions siciliennes sur la toile : paysages et nus se succèdent et c’est à cette époque que naît une liaison entre lui et Jeanne Mathieu.
L’artiste est dévoré par la passion. Mais il aime plus qu’il n’est aimé. Le 14 mars 1955, Jeanne refuse de le voir. Il met de côté les lettres qu’elle lui a adressées, en fait un paquet et va l’offrir à son mari en lui disant : « Vous avez gagné ! » Le 16 mars, il se précipite dans le vide.
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Dim 8 Juin - 14:57
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Nicolas de Staël. Lumières du Nord Lumières du Sud
du 07 juin au 09 novembre 2014
Musée des Beaux Arts André Malraux Le Havre
A l'occasion du centenaire de la naissance de l'artiste (Saint-Pétersbourg, 1914 – Antibes, 1955), le MuMa organise la première exposition consacrée au paysage dans l'oeuvre de cette grande figure de l'art du milieu du XXe siècle.
Dédié à la lumière, ouvert sur la mer et haut lieu de la peinture moderne de paysage, le musée du Havre a été conçu dans les années mêmes où Staël « retourne sur le motif » pour travailler en Ile-de-France, dans le Sud de la France, mais également en Normandie. Les paysages de la Côte de la Manche ont été à l'origine d'une quarantaine de peintures réalisées en 1952.
Mer et nuages (1953)
Nicolas de Staël réalise au cours d'une carrière fulgurante, entre 1942 et 1955, l'une des productions artistiques les plus libres et reconnues de l'après-guerre. Après une période abstraite, il évolue, au moment du triomphe des abstractions, vers une peinture qui renoue avec le réel, la nature et le paysage, dépassant l'opposition apparente entre abstraction et figuration.
Le Lavandou (1952)
« Je n'oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d'un espace ». Nicolas de Staël, 1952.
Calais (1954)
Au terme de l'année 1951, où la réalisation de bois gravés pour Poèmes - le livre qu'il réalise avec René Char - accompagne une nouvelle conception de l'espace pictural, sa peinture s'ouvre pleinement aux lumières d'Ile-de-France, de Normandie, du Midi de la France ou de la Sicile. Entre le début de l'année 1952 et mars 1955, le paysage représente un peu plus de la moitié de l'ensemble des peintures réalisées par l'artiste, dont une majorité de marines.
Paysage (Remparts, Paysage Honfleur) (1952)
Le paysage, pour Staël, ce n'est pas le pittoresque ou la description fidèle d'un site, mais avant tout la lumière et l'espace, les éléments. Il réalise des études peintes sur le motif, dessine également, à l'encre ou au feutre, à l'occasion de ses voyages, puis reprend les thèmes à l'atelier, dans un renouvellement formel continu, évoluant de peintures à la matière épaisse à des fluidités presque transparentes.
Les Mâts (1955)
Gentilly, Mantes-la-Jolie, Honfleur, Villerville, Dieppe, Calais, Dunkerque, ou Gravelines au Nord ; Le Lavandou, Lagnes, Ménerbes, Marseille, Uzès, Antibes, ou la Sicile au Sud sont ces lieux de choix et de circonstances traversés par la vision de ce « nomade de la lumière » qui écrivait dès 1949 :
« L'espace pictural est un mur, mais tous les oiseaux du monde y volent librement. A toutes profondeurs ».
Cette exposition réunit plus de 130 oeuvres (80 peintures et 50 dessins) réalisées entre 1951 et 1955. Un quart d'entre elles est inédit ou n'a jamais été exposé en Europe.
De nombreux prêteurs privés ainsi que les plus grandes collections publiques françaises, allemandes et américaines s'associent par leurs prêts à ce grand projet : Paris, musée national d'art moderne, Bibliothèque Nationale de France ; Dijon, musée des beaux-arts ; Antibes, musée Picasso ; Aix-en-Provence, musée Granet ; musées de Düsseldorf, Karlsruhe, Los Angeles, Milwaukee, Buffalo, Cincinnati, Charlotte.
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Lun 9 Juin - 23:58
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Nicolas de Staël, sombre et lumières
Critique. Arts . Au Havre, le musée Malraux célèbre le centenaire de la naissance du peintre avec une exposition regroupant ses dernières œuvres, réalisées en Normandie et à Antibes.
Par Édouard Launet Envoyé spécial au Havre
Ce matin-là, veille de vernissage, les nuages étaient ronds et blancs, le ciel bleu givré, la mer émeraude, le vent de secteur ouest force 2 à 3, tandis qu’une lumière vive fracassait les baies vitrées du musée Malraux.
Derrière celles-ci, les rayons réchappés au filtre du verre venaient ressusciter les toiles de Nicolas de Staël qui se trouvaient là, au Havre, au bord de la Manche, extraordinairement à leur place.
Elles s’y trouvent toujours, et pour un certain temps encore : l’exposition célébrant le centenaire de la naissance du peintre (1914-1955) va durer cinq mois.
Il serait dommage de ne pas venir voir ces quelque 130 tableaux et dessins, tant la lumière normande fait de bien à Staël et au teint en général.
La majeure partie provient de collections privées, un quart des œuvres sont inédites ou n’ont jamais été exposées en France. Il y a beaucoup de petits formats, parfois joliment réencadrés par le musée havrais. L’ensemble est assuré pour une valeur de 170 millions d’euros, c’est dire l’aura de Staël aujourd’hui.
Marines. Rien ne semblait prédisposer Le Havre à accueillir cet événement : celui qui, le 16 mars 1955, à 41 ans, se jeta de la terrasse de son atelier d’Antibes (Alpes-Maritimes) par dépit amoureux n’est-il pas considéré comme un homme du Sud ?
Oui, mais non. Nicolas de Staël a été élevé dans les lumières du Nord, en premier lieu celles de la Belgique où il a passé une partie de son enfance.
Face au Havre (1952)
Comme beaucoup d’autres avant lui, le natif de Saint-Pétersbourg est allé le long des côtes de la Manche et de la mer du Nord peindre sur le motif. Les marines qu’il en a rapportées sont parmi ses tableaux les plus renversants. Ce sont en tout cas ceux que la lumière du Havre caresse avec le plus de tendresse et d’efficacité.
Marine à Dieppe (1952)
Magie des musées de bord de mer, où les peintres de la lumière sont comme chez eux ! Il n’était pas question de remonter ici la grande rétrospective faite - et bien faite - par le centre Pompidou, à Paris, en 2003.
Annette Haudiquet et Virginie Delcourt ont choisi de se concentrer sur les paysages, tout particulièrement ceux réalisés entre 1952 et 1955, période d’intense activité lors de laquelle le peintre a consacré plus de la moitié de sa production à ce type d’œuvres, avec une majorité de marines (affirme le joli catalogue).
Evidemment, les panoramas de Nicolas de Staël n’ont pas vocation documentaire et bien téméraires les marins qui s’en serviraient pour négocier les entrées des ports de Dieppe ou de Calais.
Si, à cette époque, l’ami de Georges Braque et de René Char avait renoncé à la pure abstraction, il n’en était pas pour autant revenu à une classique figuration. Ses paysages sont réduits à leur essence d’espace et de lumière, de formes et de vibrations.
Paysage du Vaucluse n°2 (1953)
Au Nord, gris et bleu pâle dominent, tandis qu’au Sud, les toiles s’allument de jaune et de rouge. Entre les deux (banlieue parisienne et autres lieux éloignés de la mer), diverses nuances de vert viennent dire bonjour.
Comme le parcours de l’exposition est chronologique et que le peintre a, durant ces quatre années, alterné voyages au Nord et voyages au Sud, le visiteur avance dans une oscillation de chaud et de froid.
Le hasard faisant bien les choses, les couleurs du Midi sont souvent dans la lumière artificielle du côté rue et celles du septentrion, dans le flux naturel du ciel de la Manche.
La vie distribuant (parfois) mal les cartes, la fin du parcours havrais et de l’existence du peintre sont dans les teintes grises du désespoir : jamais Antibes n’a tant ressemblé à une plage de la mer du Nord.
L’aimée s’appelait Jeanne Mathieu. Elle était mariée. La veille de son suicide, Staël a réuni les lettres de Jeanne et s’en est allé les rendre à son mari avec ces mots : «Vous avez gagné.»
Bord de mer (1952)
Dans son texte du catalogue, Virginie Delcourt cite opportunément ce propos de Vincent Van Gogh à son frère Theo : «Cela m’a fait du bien d’aller dans le Midi pour mieux voir le Nord.» La canicule fait apprécier la fraîcheur. Inversement, «ne faut-il pas avoir au fond des yeux la lumière nordique pour ressentir tout le choc de la Méditerranée ?» s’interroge la commissaire scientifique de l’exposition.
Ce sont là des questions essentielles pour un artiste comme Staël qui, quelques jours avant le fatal plongeon, écrivait à une amie : «Je suis inquiet pour la différence de lumière, lumière d’Antibes à Paris. Il se pourrait que les tableaux n’aient pas à Paris la résonance qu’ils ont dans mon atelier d’Antibes. C’est une angoisse.»
Iode. Les toiles qui résonnent le mieux dans la lumière havraise, ce sont des vues de la plage de Calais, du chenal et du phare de Gravelines, du cap Blanc-Nez et du cap Gris-Nez, tout cela peint durant l’été 1954.
Le ciel est sombre, mais rien n’est triste. La mer du Nord est pleine de vie, de clarté minérale : on s’y croirait, il ne manque que le vent et le parfum d’iode, et encore croit-on les sentir.
Le Havre lui-même est deux fois à l’honneur. D’abord avec un petit format extrait d’une série (de cinq) titrée «Face au Havre» : une huile sur carton réalisée sur le motif, à Honfleur, au printemps 1952. Ensuite avec une grande toile peinte à Antibes en 1955, lumineux paysage de montagne qui se trouve être propriété du musée Malraux grâce à la donation Senn-Foulds.
Au bout du compte, le Nord l’emporte largement sur le Sud, il faut bien le reconnaître. A Antibes, c’eût peut-être été l’inverse. «Le Nord est l’Orient intérieur taillé à même la lumière de l’esprit, écrit Anne de Staël, la fille aînée.
Et ne pas perdre le nord signifie rester au plus près de l’illumination des choses» pour «ce peintre toujours attaché à tailler une journée en pointe de diamant». L’expo se clôt sur un vol de mouettes - ou de goélands ? - s’enfuyant au-dessus d’une mer sombre vers un horizon obscur.
Nicolas de Staël Lumières du Nord. Lumières du Sud
Musée d’Art moderne André-Malraux, Le Havre (76). Jusqu’au 9 novembre. Rens. : www.muma-lehavre.fr
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Bridget
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Dim 15 Juin - 17:55
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Nicolas de Staël, sombre et lumières
Au Havre, le musée Malraux célèbre le centenaire de la naissance du peintre avec une exposition regroupant ses dernières œuvres, réalisées en Normandie et à Antibes.
Ce matin-là, veille de vernissage, les nuages étaient ronds et blancs, le ciel bleu givré, la mer émeraude, le vent de secteur ouest force 2 à 3, tandis qu’une lumière vive fracassait les baies vitrées du musée Malraux.
Derrière celles-ci, les rayons réchappés au filtre du verre venaient ressusciter les toiles de Nicolas de Staël qui se trouvaient là, au Havre, au bord de la Manche, extraordinairement à leur place.
Elles s’y trouvent toujours, et pour un certain temps encore : l’exposition célébrant le centenaire de la naissance du peintre (1914-1955) va durer cinq mois.
Il serait dommage de ne pas venir voir ces quelque 130 tableaux et dessins, tant la lumière normande fait de bien à Staël et au teint en général. La majeure partie provient de collections privées, un quart des œuvres sont inédites ou n’ont jamais été exposées en France. Il y a beaucoup de petits formats, parfois joliment réencadrés par le musée havrais. L’ensemble est assuré pour une valeur de 170 millions d’euros, c’est dire l’aura de Staël aujourd’hui.
Marines.
Rien ne semblait prédisposer Le Havre à accueillir cet événement : celui qui, le 16 mars 1955, à 41 ans, se jeta de la terrasse de son atelier d’Antibes (Alpes-Maritimes) par dépit amoureux n’est-il pas considéré comme un homme du Sud ?
Oui, mais non. Nicolas de Staël a été élevé dans les lumières du Nord, en premier lieu celles de la Belgique où il a passé une partie de son enfance. Comme beaucoup d’autres avant lui, le natif de Saint-Pétersbourg est allé le long des côtes de la Manche et de la mer du Nord peindre sur le motif. Les marines qu’il en a rapportées sont parmi ses tableaux les plus renversants. Ce sont en tout cas ceux que la lumière du Havre caresse avec le plus de tendresse et d’efficacité.
Magie des musées de bord de mer, où les peintres de la lumière sont comme chez eux ! Il n’était pas question de remonter ici la grande rétrospective faite - et bien faite - par le centre Pompidou, à Paris, en 2003.
Annette Haudiquet et Virginie Delcourt ont choisi de se concentrer sur les paysages, tout particulièrement ceux réalisés entre 1952 et 1955, période d’intense activité lors de laquelle le peintre a consacré plus de la moitié de sa production à ce type d’œuvres, avec une majorité de marines (affirme le joli catalogue).
Evidemment, les panoramas de Nicolas de Staël n’ont pas vocation documentaire et bien téméraires les marins qui s’en serviraient pour négocier les entrées des ports de Dieppe ou de Calais.
Si, à cette époque, l’ami de Georges Braque et de René Char avait renoncé à la pure abstraction, il n’en était pas pour autant revenu à une classique figuration.
Ses paysages sont réduits à leur essence d’espace et de lumière, de formes et de vibrations. Au Nord, gris et bleu pâle dominent, tandis qu’au Sud, les toiles s’allument de jaune et de rouge. Entre les deux (banlieue parisienne et autres lieux éloignés de la mer), diverses nuances de vert viennent dire bonjour.
Comme le parcours de l’exposition est chronologique et que le peintre a, durant ces quatre années, alterné voyages au Nord et voyages au Sud, le visiteur avance dans une oscillation de chaud et de froid.
Le hasard faisant bien les choses, les couleurs du Midi sont souvent dans la lumière artificielle du côté rue et celles du septentrion, dans le flux naturel du ciel de la Manche.
La vie distribuant (parfois) mal les cartes, la fin du parcours havrais et de l’existence du peintre sont dans les teintes grises du désespoir : jamais Antibes n’a tant ressemblé à une plage de la mer du Nord.
L’aimée s’appelait Jeanne Mathieu. Elle était mariée. La veille de son suicide, Staël a réuni les lettres de Jeanne et s’en est allé les rendre à son mari avec ces mots : «Vous avez gagné.»
Dans son texte du catalogue, Virginie Delcourt cite opportunément ce propos de Vincent Van Gogh à son frère Theo : «Cela m’a fait du bien d’aller dans le Midi pour mieux voir le Nord.» La canicule fait apprécier la fraîcheur. Inversement, «ne faut-il pas avoir au fond des yeux la lumière nordique pour ressentir tout le choc de la Méditerranée ?» s’interroge la commissaire scientifique de l’exposition.
Ce sont là des questions essentielles pour un artiste comme Staël qui, quelques jours avant le fatal plongeon, écrivait à une amie : «Je suis inquiet pour la différence de lumière, lumière d’Antibes à Paris. Il se pourrait que les tableaux n’aient pas à Paris la résonance qu’ils ont dans mon atelier d’Antibes. C’est une angoisse.»
Iode.
Les toiles qui résonnent le mieux dans la lumière havraise, ce sont des vues de la plage de Calais, du chenal et du phare de Gravelines, du cap Blanc-Nez et du cap Gris-Nez, tout cela peint durant l’été 1954.
Le ciel est sombre, mais rien n’est triste. La mer du Nord est pleine de vie, de clarté minérale : on s’y croirait, il ne manque que le vent et le parfum d’iode, et encore croit-on les sentir.
Le Havre lui-même est deux fois à l’honneur. D’abord avec un petit format extrait d’une série (de cinq) titrée «Face au Havre» : une huile sur carton réalisée sur le motif, à Honfleur, au printemps 1952.
Ensuite avec une grande toile peinte à Antibes en 1955, lumineux paysage de montagne qui se trouve être propriété du musée Malraux grâce à la donation Senn-Foulds.
Au bout du compte, le Nord l’emporte largement sur le Sud, il faut bien le reconnaître. A Antibes, c’eût peut-être été l’inverse. «Le Nord est l’Orient intérieur taillé à même la lumière de l’esprit, écrit Anne de Staël, la fille aînée.
Et ne pas perdre le nord signifie rester au plus près de l’illumination des choses» pour «ce peintre toujours attaché à tailler une journée en pointe de diamant».
L’expo se clôt sur un vol de mouettes - ou de goélands ? - s’enfuyant au-dessus d’une mer sombre vers un horizon obscur.
http://next.liberation.fr/arts/2014/06/09/nicolas-de-stael-sombre-et-lumieres_1036961 Edouard LAUNET Envoyé spécial au Havre
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Bridget
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Sujet: Re: NICOLAS DE STAEL Dim 22 Juin - 15:58
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"La figure à nu", hommage à Nicolas de Stael au musée Picasso Antibes
À partir de 1951 en effet, et jusqu'à sa disparition le 16 mars 1955 (année où il se donne la mort à Antibes), Staël renoue dans sa production avec les grands thèmes de la peinture, et en particulier avec celui du nu et de la figure féminine.
A l'occasion du centenaire de la naissance du peintre Nicolas de Staël, le musée Picasso d'Antibes accueille jusqu'au 7 septembre 2014 une exposition des oeuvres de l'artiste, entièrement dédiées à la figure et au nu.
Et pour lui rendre le plus vibrant des hommages, le directeur du musée qui détient plusieurs tableaux de Nicolas de Staël a choisi de présenter des oeuvres de la période 1951/1955.
Baptisée "La figure à nu", l'exposition montre le travail figuratif de celui que beaucoup considèrent comme une des icônes de l'abstraction. Résultat : un accrochage que sa fille Anne de Staël a découvert en avant première avec beaucoup d'émotion.
L'exposition d'Antibes rassemble, pour la première fois, un ensemble de peintures et de dessins souvent inédits du maître.